Mettre un terme à la guerre infinie du monde fini. La guerre au carré
35 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Mettre un terme à la guerre infinie du monde fini. La guerre au carré

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
35 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mettre un terme à la guerre infinie du monde fini. La guerre au carré

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 54
Langue Français

Extrait

Mettre un terme à la guerre infinie du monde fini. La guerre au carré r André Tosel
Intervention prononcée par le philosophe le 10 avril 2010 à la Maison de la poésie -cycle «Figures d’humanité»en partenariat avec les Amis de l’Humanité.Résumé.La guerre a changé de figure au cours de la mondialisation en devenant guerre globale menée par l’Empire américain contre les nouveaux ennemis supposés faire obstacle à son hégémonie (terrorisme, Etats voyous, menace de l’Islam). Cette guerre se caractérise par un globalisme géopolitique, systémique, normatif, idéologique. Mais il serait erroné de réduire la guerre à cette figure sous peine de participer à une théologie de l’Apocalypse à venir. Il faut introduire des différenciations dans le concept de guerre. On montrera que l’on peut articuler ces différenciations en construisant un carré de la guerre. Ce carré a pour autres côtés : a) les états de guerre constitués par une multiplicité de conflits nationalitaires à tonalité raciste et potentiellement génocidaire ; b) la vie quotidienne hantée par la concurrence et tentée par leune culture de recours à la violence contre divers « autres » ; c) la persistance d’un mode de production capitaliste cependant transformé en sa mondialisation, tel qu’il hésite entre le consentement donné à la soumission réelle du travail et la possibilité d’une guerre civile sociale.Ces quatre aspects sont en relation réciproque et passent les uns dans les autres sans confusion. Autant dire que le carré de la guerre n’est qu’un moyen de repérage empirico-historique, non une théorie de la guerre. La colère doit monter face à une situation qui menace le monde d’imploser dans le non monde. Notre futur est menacé par la permanence et l’aggravation des formes de la guerre. La colère a pour but l’émergence d’une paix fondée sur l’éradication des causes subjectives et objectives de la guerre-monde. Mais là aussi des différenciations s’imposent pour articuler des éléments d’une théorie tragiquement manquante elle aussi de la paix. On évoquera quelques pistes en remarquant que la recherche des conditions de la paix, d’une paix adéquate au carré de la guerre est plus difficile que l’exposition de ce dernier. Quelle paix donc ? Quel carré de la paix ?«niveau est qu’elle susceptible de se fixer surLa marque d’une intelligence de haut deux idées contradictoires sans pour autant perdre la possibilité de fonctionner. On devrait comprendre par exemple que les choses sont sans espoir et cependant être décidé à les changer »(Francis Scott Fitzgerald.La Fêlure, Paris, Gallimard, 1962,
p.485, cité par Jacques Sémelin,Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et des génocides, Paris, Seuil, 2005).
Nous n’avons aucune prétention à occuper la place de cette intelligence, mais force est de constater que l’état actuel du monde de la mondialité capitaliste rend actuel ce jugement amer qui retrouve la célèbre formule de Gramsci articulant à la foisle » pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté». Ce monde est bien celui d’une nouvelle forme de la guerre- la guerre globale - qui recouvre la poursuite d’autres guerres qui peuvent être des guerres classiques entre Etats ou surtout des conflits nationalitaires intérieurs à certains Etats et qui en tout cas définissent des états de guerre endémiques très nombreux.
Si on considère que le supercapitalisme qui s’est formé depuis les années 1980 et qui tend inégalement à faire monde implique une guerre civile permanente de plus ou moins grande intensité menée par le capital contre la force de travail, il devient possible de soutenir que la guerre est devenue le caractère essentiel de ce monde.
Un monde fini serait ravagé par une guerre non seulement indéfinie, sans fin assignable dans le temps, sans limitation d’espace, mais infinie en son pouvoir de destruction potentiel.
Cette thèse radicale est soutenue entre autres par Michael Hardt et Antonio Negri dansMultitude.Guerre et démocratie à l’âge de l’Empire(2004). La première partie de cet ouvrage thématise le concept d’état de guerre global considéré dans son lien au biopouvoir cher à Foucault défini quant à lui comme pouvoir de contrôle des populations.
Multitudepose avec Foucault et Arendt et contre Clausewitz que désormais ce n’est plus la guerre qui est la continuation de la politique par d’autres moyens mais que c’est la politique qui est la continuation de la guerre. La guerre est devenue» une fonction constituante ou régulatrice »qui est à a fois ordonnancement qui« produit et maintient des hiérarchies sociales »,»reproduit et régule l’ordre existant, crée du droit et de la jurisprudence »,devenant ainsi fondement de la politique« le intérieure et de lapolitique de l’Empire»(Hardt et Negri, p.38-39). Il revient alors aux résistances des multitudes de retourner la guerre en instauration d’un nouveau Commun, celui du pouvoir politique constituant qui a été ainsi remplacé ou étouffé.
Le monde, c’est l’Empire et l’Empire c’est la guerre. Le monde est guerre et la guerre est monde. Nous voudrions discuter ces équations séduisantes qui ont pour elle des apparences de vérité et prendre une distance avec ce que peut avoir de religieux une thèse qui réduit cette pluralité de formes diverses - que sont la guerre globale, les conflits nationalitaires avec leurs massacres et leurs génocides, les luttes de classes où le travail résiste au capital qui le soumet, les luttes spécifiques des femmes, les combats autour de l’écologie- à la forme unique de la guerre devenue un état universel. S’il en est ainsi, c’est bien d’une apocalyptique que relèverait l’analyse, d’une apocalypse en attente de sa résolution messianique.
La guerre ou la figure de la Bête ou de la grande Prostituée doit tomber sous les coups du Jugement.«Elle est tombée, Babylone la Grande. Elle s’est changée en repaire de démons, en refuge pour toute sorte d’esprits impurs. Car au vin de ses prostitutions
se sont abreuvées toutes les nations, et les rois de la terre ont forniqué avec elle et les trafiquants de la terre se sont enrichis de son luxe effréné »(Apocalypse, XVIII, 1-3).
La Grande Babylone doit laisser place à la Jérusalem céleste, se convertir en elle dans l’accomplissement duDies irae, du jour de la colère divine.« Je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle–le premier ciel et la première terre ont disparu, et la mer il n’y a en plus. Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle qui descendait du ciel, de chez Dieu./…/ J’entends unevoix clamer : Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux. Ils seront son peuple, et lui Dieu avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux; de mort il n’y en aura plus, de pleurs, de cris et de peine il n’y a en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé»(idem, XXI, 1-4).
Qu’en est-il de la guerre ? Comment distinguer guerre globale, états de guerre, guerre civile sociale sans préjuger d’un état global de guerre, sans se donner a priori l’idée terroriste d’un Apocalypse now?
Si Ernst Bloch proposait jadis de différencier l’idée de progrès, alors qu’aujourd’hui cette idée prise au sens dogmatique s’enfonce dans le non sens, il importe de raison garder. Si nous devons considérer que le monde de la mondialité se perd dans l’abîme de la guerre, il faut du moins introduire inversement des différenciations en cet abîme.
Nous pouvons nous souvenir de la leçon de Kant qui dans Le conflit des facultés écartait tout à la fois les idées dogmatiques de progrès, de régression et d’alternance sans fin du progrès et de la régression. Il nommait en particulier « terrorisme moral » l’idée de la course à l’abîme et de fin du monde. La critique de ce dogmatisme nihiliste reposait sur la considération simple que nous ne pouvons savoir si le dernier jour est arrivé, même si s’amoncèlent de grands forfaits et des maux inouïs. Nous devonsréserver la possibilité réelle d’un point d’inflexion contraire« à partir duquel grâce aux dispositions morales de l’espèce humaine celle-ci se tourne de nouveau vers le mieux ».
Le mieux n’est pas la fin ultime; il est la cessation de la course à l’abî il neme ; préjuge pas de la conversion de la guerre du monde fini en paix totale. Il pose le fait d’un rebroussement qui est voulu et qui entame le chemin à construire d’une remontée libératrice.
Si prophétisme il y a, il est d’ordre pratique et pragmatique. Il ne peut être qu’un processus réaliste non garanti mais risqué, non un procès de jugement dernier au sein de la catastrophe. L’Apocalypse s’inscrit dans la Terreur qu’elle dénonce et dont elle espère la conversion. Le point de flexion ou de retournement qui détourne de l’Apocalypse s’inscrit dans un réalisme plus tragique qu’apocalyptique, celui de la tragédie à conjurer alors qu’il en est encore temps. Car le temps presse.
C’est en cet esprit que nous proposons quatre différenciations dans le concept de guerre pour éviter le piège de la guerre monde et du monde guerre écrasant toute distinction. La guerre se dit, en effet, de plusieurs façons et il s’agit de savoir selon quelle analogie elle s’énonce pour préciser les conséquences pratiques autoriséespar cette différenciation. Nous distribuerons l’analyse selon un carré dont tous les sommets se relient les uns aux autres aussi bien directement que par les diagonales.
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents