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Mon cher amour, Tout, les aléas, les vicissitudes, les traverses, les afflictions, tout devait nous laisser étrangers l'un à l'autre. Non que tout nous séparât, mais que tout conspirait à empêcher notre rencontre.

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Publié le 22 février 2013
Nombre de lectures 570
Langue Français

Extrait

Mon cher amour,
Tout, les aléas, les vicissitudes, les traverses, les afflictions, tout devait nous laisser étrangers l'un à l'autre. Non
que tout nous séparât, mais que tout conspirait à empêcher notre rencontre. De mon côté, une tête chenue, un dos
qui se voûte, des malaises inexpliqués, un cœur qui défaille parfois, sans compter le souci quotidien
du possible manque ; du tien, la jeunesse, la beauté, l'allure, l'équilibre, et cette insatiable envie de vivre et de
voyager que je ne puis satisfaire. Rien que ça (un détail pour beaucoup) aurait dû m'inciter à la prudence et à la
plus extrême réserve.
L'amour, tu le sais, contrairement à ce qu'on en dit, est parfois égoïste. Toutes ces contrariétés, je les ai
métamorphosées en autant de certitudes que je ne pourrais vivre sans toi.
Mes amis, bons garçons toujours un peu goujats, ont tenté de freiner mes ardeurs. Ils te trouvaient trop petite,
comme si la taille comptait pour quelque chose dans le sentiment ; trop brillante, à supposer que cet éclat pût
porter atteinte à mon humeur quand, au contraire, tu es le soleil de ma grisaille ; trop vive, trop dynamique, et,
comble de mauvaise foi, pas assez gourmande... En fait, ils croyaient, les bougres, me détourner de toi en
exagérant les contrastes, soulignant des qualités que je n'ai plus, tentant de les travestir en défauts à toi.
Si je t'aime, cher cœur, c'est peut-être parce que tu es mon complément indispensable, la faillite de ma sagesse, la
poésie de ma raison. Je t'aime parce que tu es toi, et non pas moi. Et pas non plus toutes celles qui t'ont précédée.
Quand j'ai quitté Titine à Châlons-sur-Marne, dans un état de santé pitoyable, quasi inanimée, j'ai eu le cœur
gros. Mais je la savais en bonnes mains, dans une maison convenable, à rendre de multiples services dans
l'attente d'une retraite bien méritée. Près de quinze ans de vie commune, ça marque quand même. Il avait quand
même fallu lui fournir des explications, à Titine, toutes les bonnes raisons pour lesquelles je devais la quitter :
des yeux jaunes d'hépatique, irrémédiablement ; une tendance excessive à la boisson ; sans compter que certains
amis la trouvaient déjantée. Puis Totoche est venue, une capricieuse, fringante, pétillante de malice, drôle. Qui se
mit, elle aussi, à râler au moindre effort, à avoir des problèmes de locomotion, une certaine tendance à s'affaisser,
comme si elle se laissait aller, alors qu'en réalité, c'était déjà l'âge.Pardonne-moi, mon amour, mais je ne serai pas ingrat envers ces deux-là. Nous sommes allés en Italie ensemble,
en Espagne, à Bruges (tu te rappelles, Titine, comme c'était beau les canaux de Bruges-La-Morte ?) et presque
partout en France.
Puis te voilà, toi. Les débuts furent difficiles. Ils se sont mis à deux pour favoriser notre rencontre. Deux
entremetteurs sympas, experts chacun dans son domaine. Le premier, un vendeur du garage Renault de
Saint-Berthevin près de Laval (53) ; la seconde, ma conseillère financière, dont l'action fut déterminante dans
notre liaison.
Il faut quand même que je te l'avoue, mon amour, ma Précieuse. Ma décision était prise avant même que Samuel
ne me propose de te prendre à l'essai. Mais à peine t'ai-je eue en mains que ce fut le coup de foudre ! Restait, car
il faut bien en revenir à ces histoires de gros sous, l'aspect financier : on me prêta la somme nécessaire à ta dot, si
je puis dire, à un taux défiant toute concurrence, une somme sans laquelle nous nous serions regardé l'un l'autre
sans jamais nous aborder.
Et nous nous sommes juré fidélité jusqu'à ce que mort s'en suive.Voilà, chère âme, ce que je voulais te dire avant de consommer notre union.
Je t’aime et te le prouverai par une conduite irréprochable.
Nanard qui t’aime et te propose de faire la route ensemble.

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