Princesse Coco, celle que personne ne cita
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Description

Cette histoire vous ne la trouverez dans aucun journal. Des victimes collatérales, il est bien rare que les journaux citent leurs histoires, leurs vies sont bien trop insignifiantes. Alors pensez donc ! au Nigéria, un pays où les actes de violence et les meurtres sont si fréquents, un pays ou la vie humaine ne vaut rien. Quel journaliste se serait penché sur la vie d’une fille à marins, même si elle avait un visage d’ange ? Et pourtant, cette fille était exceptionnelle, pour celles et ceux qui la connurent, bien sûr !

Informations

Publié par
Publié le 12 novembre 2012
Nombre de lectures 161
Langue Français

Extrait





Princesse Coco,
celle que personne ne cita



Une nouvelle de Bruno Gal


En couverture « Féminité »
une œuvre de Sandra HERAL
www.galerie-création.com


Princesse Coco,
celle que personne ne cita
________

En Afrique, comme chacun sait, le blanc a de l’argent et souvent
du pouvoir. Il vient d’un pays de cocagne où le noir aimerait vivre
pour pouvoir échapper à des conditions de vie précaires et
misérables.
C’est pourquoi, très solidairement, chaque africain se doit de
partager avec ses frères les mannes laissées par l’homme blanc.
Pour beaucoup d’africaines, le blanc est en quelque sorte le
passeport pour une vie meilleure. Celles-ci, obsédées par l’illusion
de la belle vie des séries télé, sont souvent prêtes à tous les
sacrifices dans l’espoir d’atteindre ce bonheur factice, étouffant
toute aspiration naturelle à un amour véritable et leur nostalgie
d’une Afrique chaleureuse.
Poussée par les malheurs et les chagrins d’une jeunesse de
misère, Princesse Coco avait échoué aux confins de la zone
portuaire de Port-Harcourt, Nigéria. Un pays assis sur d’énormes
richesses, mais où le plus extrême dénuement de tout un peuple
côtoyait l’aisance la plus tapageuse de quelques privilégiés. Un
pays où fleurissaient par centaines les églises et les temples
comme autant de remparts face au désespoir.
Côtoyant d’autres compagnes de misère, Princesse Coco vivait là,
seule, sans famille, faisant des petits boulots pour s’en sortir,
confrontée à tous les vices d’un environnement impitoyable. Elle
était orpheline et venait de perdre sa grande sœur malade. Elle
était maintenant seule au monde. Elle s’était peu à peu spécialisée
dans la coiffure et le maquillage et vivotait de sa clientèle : les filles
du port.
Avec les filles, elle fréquentait les bars et les night-clubs le soir,
pour oublier, s’enivrer de musique et de bière, fumer des blondes
et parfois même un peu de ganja lorsqu’elle avait de l’argent.
Princesse Coco était mince et élancée, c’était une femme
maintenant, mais elle gardait un corps d’éternelle adolescente,
comme ces mannequins anorexiques que l’on voyait parfois défiler
dans de magnifiques robes de grands couturiers sur les chaînes de
télé anglaises ou américaines.
Princesse Coco, avait un beau visage de madone, des yeux en
amande renforcés par le trait du crayon et une bouche finement
ciselée ourlant des dents parfaites. Etrangement, elle avait le
visage effilé d’une asiatique avec une peau fine couleur café au
2
lait. Ses cheveux auburn défrisés et mis en forme ourlaient son
visage d’ange, accentuant la beauté de ses traits.
Habituellement au Zanzi-bar, les filles en concurrence sur une
bonne affaire, un marin ou un foreur de passage, ne se souciaient
pas de Princesse Coco. Elles étaient sûres de l’effet de leurs formes
callipyges sur ces hommes sevrés de sexe. Elles lui laissaient
cependant un peu d’espace à l’écart pour discuter à l’une des
tables, l’espace que l’on accorde à une gamine sans importance,
une gamine qui ne tient pas la concurrence.
Un si beau visage sur un corps aussi fin aurait enflammé les
foules raffinées d’un podium de défilé de mode. Mais ici, dans cet
environnement précaire et brutal, peu de monde savait en
apprécier la beauté.
Princesse Coco était pieuse et n’aurait jamais manqué l’office du
dimanche. Elle tentait avec difficulté de mettre en pratique ses
principes religieux de charité chrétienne auxquels elle croyait
profondément. D’ailleurs, celui qui attaquait Jésus ou l’église
devant elle se voyait vertement rabroué. Au fond, tout le monde
l’aimait bien car elle avait toujours une petite attention, un mot
gentil. Elle était généreuse, elle distribuait notamment ses
cigarettes sans compter.
Un soir, vint s’attabler au Zanzi-bar un vieux blanc, un inconnu.
C’était un évènement pourtant anodin. Mais ce soir-là, celui-ci
causa émulation et disputes entre les filles présentes à sa table. Il
était en effet pas trop regardant sur l’argent qu’il dépensait ; elles
purent toutes en profiter un peu. Mais il refusait de choisir.
Pourtant, il devait choisir l’une d’entre elles, c’était la règle ! Sans
se mêler à la dispute, n’ayant pas de siège, Princesse Coco s’était
immiscée sur l’un de ses genoux. Son corps juvénile était léger et
ne prenait pas de place. Lui soutirer quelques billets à la sauvette
ou faire n’importe quoi pour capter son attention ne l’intéressaient
pas, elle avait sa fierté. Elle voulait simplement qu’il la remarquât
pour ce qu’elle était. Au fond, il lui plaisait bien, il était gentil. Elle
voulait qu’il comprît qu’elle était différente.
Le vieux blanc, lassé par toutes ces harpies qui le tiraillaient par
la chemise, repartit et dit qu’il reviendrait une autre fois, lorsque
l’ambiance deviendrait plus calme.
Il revint un soir ; par miracle Princesse Coco était seule. Ils firent
connaissance et discutèrent longuement ensemble ; elle pouvait
l’avoir pour elle seule. Elle démontrait enfin à toutes ces
pimbêches, qu’un blanc pouvait aussi s’intéresser à elle. L’âge le
rendait, moins impulsif, moins violent, plus patient. Princesse
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Coco appréhendait toujours de se retrouver seule avec un homme.
Offrir son corps fragile aux mains puissantes d’un inconnu
l’angoissait. Elle devait parfois boire beaucoup pour vaincre sa
peur. Pourtant, ce blanc-là la rassurait. Il s’était montré doux et
attentionné avec elle. Il lui avait expliqué qu’il ne recherchait
nullement à faire l’amour à une fille. Il voulait simplement se
détendre, écouter de la musique, danser un peu et passer la soirée
en sa compagnie, si elle voulait bien.
Il revint la voir et peu à peu ils se connurent mieux. Elle aimait se
promener à son bras. Elle était si légère qu’elle semblait voler
comme un ballon tenu par un fil à son poignet. Elle était fière de
l’arborer au nez des autres filles. Elle était honnête et n’aurait
jamais cherché à détourner quelques billets quand elle réglait les
additions pour lui. Mais elle était aussi solidaire envers ses frères
et n’oubliait jamais de demander un peu d’argent pour les plus
nécessiteux. Elle fit participer son ami aux dépenses du groupe
sans même se soucier de ses propres besoins. Elle appréciait ces
rares visites toujours trop courtes et limitées par le couvre-feu.
Elle goûtait ces moments de tendresse pendant lesquels il lui
apportait tous les égards dus à une dame. Ses moindres volontés
étaient assouvies. Cet homme ne faisait aucun cas de sa basse
condition. En contrepartie, elle lui prodiguait maintes attentions.
Veillant sur lui, elle l’accompagnait partout comme le ferait une
mère pour son enfant.
Elle s’était mise à rêver. Le vieux blanc, ému, lui avait pourtant dit
qu’il était bien trop vieux pour elle, qu’un jour il s’en irait, qu’il
pouvait l’aider maintenant, mais après... Il lui avait conseillé en
douceur de ménager sa santé, de réduire la bière et le tabac et
d’oublier la ganja, de rechercher une autre vie pour éviter de se
perdre… Il lui avait expliqué que là-bas en Europe, ce n’était pas
comme dans les films, que la vie y était difficile pour les étrangers.
Mais au fond, que pouvait-il vraiment faire ou dire d’autre ?
Le vieux blanc dut malheureusement repartir un jour dans son
pays lointain, pour ne plus revenir. Bien que ce soir-là, il n’osa
pas lui annoncer son départ imminent, Princesse Coco le devina.
C’était la dernière fois qu’elle le voyait. Au moment de s’en aller au
petit matin, malgré les bisous et les mots tendres, elle n’arrivait
pas à s’alléger du poids de cette profonde tristesse qui envahissait
son âme et lui refroidissait le corps. Cet homme, pour la première
fois de sa vie, l’avait respect

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