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→ la question de l’identification aux personnages, qui viennent épouser sans doute les pulsions et qui rendent la lecture si fondamentale dans tout processus de création de soi, dès l’enfance. En veillant peut-être à aller à la rencontre aussi bien des mythes et de leurs personnages massifs mais parfois écrasants que de héros beaucoup moins imposants, plus quotidiens, plus proches, familiers presque. D’Œdipe à Babar, en somme !
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Langue Français

Extrait

D'Œdipe à Babar
« Insistance de la poésie » (séminaire de la Maison des Écrivains) Hier séminaire dans le bel auditorium du Petit Palais, sur le thème « Insistance de la poésie ». Je n’ai assisté qu’à la deuxième partie de la journée. Isabelle Garron avait préparé de très belles questions pour la présentation dePoezibao, infiniment plus subtiles que celles que l’on me pose d’habitude ! Laquelle présentation était programmée en toute fin de journée, ce qui ne laissait rien augurer de bon. Qui s’est produit… un retard d’une heure de tout le programme et pour Isabelle et moi une interruption brutale après un temps très court…. Parmi les intervenants qui nous ont précédées, David Christoffel et Michaël Batalla pour présenter un travail de Vincent Tholomé (vidéo d’une performance), qui a suscité un débat sur les frontières de la poésie, avec les habituels débatteurs dont certaines prennent la parole surtout pour … l’avoir ! (pas tous heureusement) et une table ronde autour de la diffusion de la poésie avec Nuno Júdice (qui a parlé de la réception de la poésie au Portugal), Djamel Meskache (Tarabuste), Isabelle Sauvage (éditions Isabelle Sauvage) et Patrizia Atzei qui anime les éditions Nous. Belle évocation par D. Meskache et I. Sauvage de leur travail d’imprimeur, de la typographie. Réflexion sur ce point à prolonger sans doute avec Isabelle Garron qui a travaillé longuement la question de la typographie au travers de l'oeuvre de Reverdy. Lire ses contemporains (Canetti) « Tu dois lire aussi tes contemporains. On ne peut se nourrir uniquement de racines. » (Elias Canetti,Notes de Hampstead, 40) → la nécessité de s’ancrer en aval et de se projeter en amont, lire les classiques, lire ses contemporains. Mon débat avec mon très jeune ami allemand : dois-je m’informer de l’art contemporain qui me rebute, me demande-t-il de façon récurrente… ? alors qu'il aborde ses études d'histoire et de sciences politiques à Tübingen et ma réponse, pour le moins catégorique (!) : l’art contemporain est nécessaire à la compréhension du monde.
Et on peut peut-être analyser son propre rejet éventuel de cet art contemporain pour comprendre ce qui nous heurte dans le monde. Dont la puissance des forces manipulatrices à l’œuvre ne nous permet pas forcément de prendre conscience, car elles nous projettent dans l’immédiateté et dans une sorte de fuite en avant, qui tue la pensée profonde. L’art peut être un moyen de s’arrêter sur ce qui est à l’œuvre, en jeu, et cela d’autant plus qu’on le rejette. Que nous montre-t-il de ce qui est en train d’advenir, dans sa complexité ? Là aussi, point crucial, tout est fait pour évincer la complexité, bien trop difficile à prendre en compte et surtout susceptible d’engendrer une pensée plus mobile, plus ouverte, plus subtile… rien de tout cela franchement compatible avec la visée du marché ! Je pense donc je ne Se laisser déstabiliser (Canetti) Et cette autre remarque de Canetti va dans le même sens : « On n'apprend que de ceux qui sont complètement différents de soi. La parenté vous assoupit. » (41). → Si je suis toujours le fil de ce que j’aime et comprends déjà plus ou moins implicitement, comment avancer ? Si je joue toujours les mêmes compositeurs, comment comprendre d’autres aspects qui ne sont pas présents dans leur œuvre ? Il est bon de se frotter à la résistance, dans tous les domaines ! Si je ne visite qu’une époque de l’art, dans laquelle je me sens confortable, comment comprendre ce qui se joue aujourd’hui dans la pensée et la sensibilité de l’humanité ? C’est de l’immense pluralité du monde, des mondes, que peut naître une approche non sectaire, pas trop dogmatique, capable de diverger par rapport à la doxa et au matraquage du prêt-à-penser (qui ne se trouve pas toujours là où l’on croit, l’écoute de certaines émissions de France Culture est à ce titre édifiante. Comme pour les discours politiques : on pourrait écrire toutes les répliques à l’avance. J’ai d’ailleurs signalé dans le scoop.it franco-allemand cette semaine un amusant petitprogrammeinformatique qui génère à la demande les discours d’Angela Merkel !) → NB :Canetti formule cette remarque à propos de Pavese dont il découvre alors, dans les années soixante, l’extraordinaire proximité avec sa propre pensée. Des mots et des nombres (Canetti) «Les noms: de tous les mots, les plus énigmatiques. Une intuition, qui me poursuit depuis des années et provoque en moi un trouble grandissante, me dit que l’élucidation de leur nature réelle nous livrerait la clé de l’Histoire. De même que le décryptage d’anciennes écritures a ramené à la vie des civilisations disparues, une interprétation des noms révélerait la loi qui régit tout ce que l’humanité a fait et souffert. En comparaison l’exhaustion des nombres, fâcheusement inaugurée par Pythagore, serait indigente et d’une efficacité limitée ». (48) → tout tendrait aujourd’hui à devenir nombres, chiffres, valeurs, puissances (au sens mathématique), code ? Le nom, comme refuge du singulier, même pour celui qui s’appelle Paul Durand ? Les noms de rivière chez Ludovic Janvier. Et cette citation serait de toute évidence à faire analyser et commenter par Patrick Beurard-Valdoye et elle pourrait faire l’objet d’un nouvel entretien, tant toute son œuvre semble tourner autour de la question du nom et ce que l’on peut, précisément, remonter au jour via les noms.
Le démon de l’analogie Toujours à portée de main, pas encore ouvert, mais appelant, le livre de Paul Louis Rossi (qui reprend bien sûr le titre de Mallarmé). A associer à cette remarque de Canetti qui me semble décrire la méthode duflotoir: « Parfois les choses s’approchent tellement les unes des autres qu’elles s’enflamment mutuellement. C’est pour cette illumination de la proximité qu’on vit ». (60) → Cette note décrit si parfaitement et simplement le processus intérieur, celui qui contre toute attente apparente, associe en nous deux faits, deux remarques, deux entités, deux œuvres apparemment lointaines et séparées, avec dans les cas les plus favorables, création d’une nouvelle entité, d’une nouvelle idée, d’une œuvre artistique. Nous sommes pétris d’autre, peu créateurs en fait sauf précisément par les alliages particuliers que notre recherche et notre pratique assidues finissent par composer.
Et c’est sans doute pour cela que bien quetout a été dit, selon la formule effroyablement invalidante et castratrice si souvent entendue, on peut encore et encore labourer le champ. Terre surexploitée certes, mais pas encore morte. Et voici cette autre remarque de Canetti : « on tourne toute sa vie autour des mêmes pensées comme autour de plusieurs soleils. Comment ne pas espérer au moins des comètes ? » (79) → si je comprends bien cette remarque (je n’en suis pas sûre), là aussi pas de création pure, pas de soleil, mais quelque chose qui dérive de, qui est arraché à… Du roman (Canetti) ou d’Œdipe à Babar Citation un peu longue mais éclairante que je m’autorise à découper pour y réfléchir en cours de route : « Grâce aux romans, dont je m’accorde enfin la lecture, je ranime les milles situations et personnages qui dorment d’un sommeil agité en moi. » (119) → la question de l’identification aux personnages, qui viennent épouser sans doute les pulsions et qui rendent la lecture si fondamentale dans tout processus de création de soi, dès l’enfance. En veillant peut-être à aller à la rencontre aussi bien des mythes et de leurs personnages massifs mais parfois écrasants que de héros beaucoup moins imposants, plus quotidiens, plus proches, familiers presque. D’Œdipe à Babar, en somme ! « Chaque livre digne de son projet touche à un autre aspect de la vie » → note qui me permet de comprendre un des aspects soulignés hier dans ma brève intervention au séminaire de la Maison des Écrivains « Insistance de la poésie » : c’est la raison pour laquelle je puis trouver nourriture dans des œuvres que tout oppose, chez des poètes qui se rejettent parfois violemment mutuellement : un extrait de Pennequin peut engendrer une réflexion féconde tout comme un vers de Bonnefoy, une performance peut me faire réfléchir sur ce qu’est la poésie tout comme la lecture solitaire et insistante d’un livre de Michaux.
Canetti poursuit sa pensée et ce qui est passionnant, c’est la manière dont elle se ramifie à
partir de son point de départ. Les romans donc lui enjoignent de faire ceci, d’évoquer cela : « par quoi commencer, alors que tant de choses se réveillent ? Et toujours, quoique plus faiblement, le soupçon m’habite qu’il n’est pas juste de privilégier ce qui n’a pas été ma propre vie. Tout ne dépend-il pas finalement de qui se souvient ? Et les souvenirs méritent-ils déjà en eux-mêmes de subsister comme s’ils répondaient dans tous les cas de ceux des autres aussi ? Si bien qu’on se prend de nostalgie pour une époque où rien n’était encore de l’expérience, mais tout de l’intuition. Seuls les poètes morts très jeunes, Trakl, Büchner, ont préservé la pureté de leur intuition » → double présence insistante au-dessus de ces mots, Proust et Rimbaud, non cité par Canetti et qui il me semble peut venir compléter l’énumération de ces poètes. Proust qui sans doute n’a eu de cesse que de transformer les intuitions en expériences, de les confronter, afin de faire en sorte que ses souvenirs subsistentcomme s’ils répondaient dans tous les cas de ceux des autres aussi, écrivant ainsi dans les chemins très particuliers de Guermantes notre expérience à tous (relativiser peut-être cetous? Comment un Japonais ou un Chinois reçoit-il Proust…)
De Dante à Kafka Note dédiée à Jean-Charles Vegliante qui vient de faire paraître, enpoésie/Gallimard, sa traduction complète deLa Comédie: « L’entreprise de Dante me paraît de plus en plus prodigieuse. Qui serait de taille à l’égaler et à convoquer les noms de notre époque devant un tribunal comparable à celui que représente son œuvre ? Le plus difficile dont on soit aujourd’hui capable est de se juger soi-même, et encore quelle fierté si l’on y parvient vraiment ! Nul n’a plus la fermeté ni l’assurance du juge. Le juge est devenu suspect à lui-même. Il n’arrive pas à faire croire qu’il l’est. Il ne réussit pas à convaincre qu’il n’a pas honte de l’être. La personnification de cette honte, c’est Kafka » (122) → je suis bien entendu incapable de gloser correctement la fulgurance de ce trajet de Dante à Kafka, en raison de ma bien trop faible connaissance des deux œuvres… mais dire ici pour clore ces quelques notes sur le livre de Canetti à quel point il est parfois utile de pouvoir prendre de la hauteur pour voir l’histoire littéraire. Ne pas seulement fouillerad nauseamdans trois lignes de Proust mais aussi voir comment l’écrivain s’insère dans l’immense courant des idées et des œuvres… Dire aussi que ce problème du jugement et de la honte me semble être celui non seulement du juge professionnel, du magistrat, mais aussi, ô combien, du critique… qui ne peut, quel que soit son niveau, même très modeste, que se poser la question de la légitimité de son geste et donc être proie du doute mais aussi de la honte. De quel droit juger…. ? Et pourtant ne le faut-il pas ? Et savoir que les plus sectaires sont souvent ceux qui doutent le plus, mais ne peuvent l’admettre.
« Vos secrets les mieux gardés trahis par les ondes cérébrales »
Très inquiétant article dansLe Monde« Sciences et technologies », daté du 8 décembre. Des chercheurs ont réussi à découvrir le code bancaire d’un sujet en analysant ses ondes cérébrales. On a demandé à des volontaires dotés de casques électroencéphalographes de penser à ce code, puis on leur montre une série de chiffres « quand le premier chiffre de leur code apparaît à l’écran, ils le reconnaissent et leur cerveau émet un signal P300-B. Les scientifiques de Berkeley ont ainsi pu découvrir un à un les chiffres composant le code de plusieurs participants. » → Développements potentiels terrifiants hélas de cette découverte. Il suffit d’essayer de penser la Stasi ou la Gestapo à l’heure des portables, des ordinateurs, et du décryptage de ces ondes cérébrales…. L’article est on ne peut plus clair : « dans quelques années des appareils de ce genre seront utilisé dans les procédures judiciaires, c’est inévitable ». Même si l’on est heureux de savoir que l’on pourra traquer mieux les violeurs de petites filles, on ne peut s’empêcher de penser que c’est le plus intime de nous-mêmes, ce monde de refuge aussi qui est notre propre pensée, qui est menacé, tragiquement. Et cet article montre que cela n’a rien d’une projection de science-fiction, qu’on est déjà dans la réalité. « Chaque être humain émet une combinaison unique de signaux (fréquence, rythme, puissance, etc.) » → cela en revanche je crois que des civilisations très anciennes l’ont toujours su, notamment par la perception de l’aura….
“A force de vouloir vivre la vie des autres, cette attitude lui (Simenon) est devenue une seconde nature.” Graham Greene, dans son roman “Le troisième homme” écrit: “Tout à coup, dans l’étrange cellule de notre esprit où naissent de telles images, sans préparation, sans raison, Martins vit se dessiner au milieu d’un endroit désert, un corps étendu à terre, entouré d’un groupe d’oiseaux. Peut-être était-ce une scène non encore écrite d’un de ses propres romans qui s’ébauchait aux frontières de son subconscient.” Signalons que Martins est lui-même écrivain, qu’il est donc une projection de Greene à l’intérieur de son roman. Celui-ci ne raconte en fait qu’une seule histoire, celle d’un homme qui, à la suite d’événements exceptionnels, comprend que sa vie est torve. Il se remet en question en donnant libre cours à ses pulsions, ses instincts les plus profondément enfouis, se libérant d’un complexe de culpabilité qui le mine. Relançant l’énigme romanesque, il part à la reconquête de son statut, de son honneur, de l’image noble, se défaisant donc de celle du petit écrivaillon de western pour celle du justicier, lui permettant ainsi d’atteindre la sérénité.
Enfin, remarquons également que Simenon et Greene sont des auteurs qui se dédoublent; Martin-Greene, Maigret-Simenon sont des couples où les auteurs s’identifient à leurs héros, focalisant ainsi quelque chose de caché, de secret, inscrit en eux à la courbure de l’inconscient. Si nos deux écrivains peuvent mettre en scène un héros, avec un langage propre; cette mise en scène, souvent dramatique, les pousse dans une quête à travers laquelle leur “père spirituel” se reconnaît comme s’il la faisait vivre par procuration. Peut-être parce que dans leur vie quotidienne, ils n’ont pas eu l’occasion de se prouver aux yeux de leurs proches, peut-être parce qu’ils ont également compris que des milliers de lecteurs étaient dans le même cas, peut-être parce que leur intention les dépasse, ils reconstruisent dans un univers fictif, un symbole qui permettra au lecteur comme à l’auteur, de quitter leur enveloppe de tous les jours pour revêtir les habits du héros. La force d’un héros, en transparence avec une exploration intérieure de l’homme qui repousse toujours plus loin ses limites, est qu’il ne se résignera pas à rester neutre, quelles que soient les difficultés. Il doit dépasser des frontières, risquant son avenir, son destin plutôt qu’étouffer ses pulsions; il rompt alors les amarres et s’engouffre dans un univers dont il ignore les limites, pour tendre à l’archétype d’un homme en mutation qui, dans la douleur, se libère d’une condition souvent morne et abrutissante.(frans tassigny)
Toute oeuvre détient des clefs secrètes en filigrane. L’analyse peut en révéler, par exemple, que: Dans un récit rétrospectif, ce peut être le rappel d’un événement essentiel, la confession est scandée par une référence permanente à un drame vécu; Dans un monologue intérieur ce peut être une formule incantatoire qui revient comme un refrain (H. Boll, Portrait de groupe avec dame: “Je ne suis pas un monstre”); Dans un journal intime ce peut être le rappel d’un secret enfoui ou un retour obsessionnel aux épisodes d’une aventure qui conditionnera, déterminera l’avenir; Enfin, ce peut être une simple phrase qui résume à elle seule la personnalité profonde d’un personnage ou d’une scène paysagiste; un thème lumineux et bien sûr à l’image du monde “proustien” le rappel d’une sensation et d’une mélodie: la madeleine et la petite symphonie de Vinteuil.(frans tassigny)
Source : http://users.swing.be/sw271551/
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