DU TRAVAIL EN FRANCE
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Découvrez l'histoire du droit du travail en France d'un point de vue militant.

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DUDROITDU TRAVAILENFRANCE Internet L 'histoire du droit du travail débute avec la Révolution française. Elle est liée à l'évolution du mouvement syndical ouvrier.I. PRESENTATION MILITANTE Révolution française : fondements juridiques du capitalismeLa révolution française marque le passage du féodalisme au capitalisme. La bourgeoisie a besoin de " révolutionner " les rapports sociaux pour assurer son développement et sa suprématie. La Révolution crée alors les bases juridiques du capitalisme en France : elle libère l'activité économique et le recours au travail d'autrui, autorisant ainsi la constitution d'un marché du travail. Le Code civil napoléonien de 1804 recueille son héritage. La loi de mars 1791 consacre la liberté du travail. Tout travailleur est libre de s'engager et tout entrepreneur est libre de recruter qui il lui plaît. Les groupements professionnels et coalitions (grèves) sont interdits. La loi Le Chapelier isole face à face le travailleur et l'employeur. Le Code pénal de 1810 réprime toute coalition et toute association de plus de vingt personnes. Un individualisme résolu s'ajoute au libéralisme. Les rapports de travail sont abandonnés à la liberté contractuelle. Le Code Civil connaît le louage de services par lequel domestiques et ouvriers cèdent leur force de travail contre un salaire. Mais il ne le réglementepas.Le droit napoléonien n'assure pas totalement l'égalité civile. Selon l'article 1781 du Code civil, en cas de contestation sur le montant et le paiement du salaire, le patron doit être cru sur sa seule affirmation. La loi 22 germinal an XI crée le livret ouvrier qui va permettre le contrôle de la police sur les déplacements de la main d'œuvre : l'ouvrier qui n'en possède pas est un vagabond. Cette obligation a disparue en 1890 Le XIX° siècle découvre la " question sociale " Ce libéralisme de l'époque sert la révolution industrielle, mais entraîne de véritables ravages sociaux..Privés de réglementation protectrice, l'action collective leur étant interdite, les travailleurs perçoivent des salaires de misère et sont contraints de faire des journées de travail des salaires de misère et sont contraints de faire des journées de travail démesurées sans hygiène ni démesurées sans hygiène ni sécurité. Vivant dans des taudis, faisant travailler femmes et enfants, ils constituent un sujet d'effroi et une menace pour l'ordre établi. Aussi, le XIX° siècle est-il hanté par la question sociale. En même temps que l'industrie se développe, apparaissent les doctrines socialistes et le mouvement ouvrier dont l'action va influencer les " lois sociales qui modifieront progressivement l'organisation juridique du marché. Première de ces lois en France, la loi du 22 mars 1841 fixe à huit ans l'âge d'admission au travail et interdit aux enfants les travaux de nuit ou dangereux. Mais elle permet de faire travailler 72 heures par semaine les enfants de douze à seize ans.
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La Révolution de 1848 tente de réaliser un programme social et proclame le droit au travail. Mais les réformes sont abrogées dès 1849. L'Empire libéral, après 1860, cherche à se concilier les milieux ouvriers. Il faut mettre à son actif l'importante loi du 25 mai 1864 qui supprime le délit de coalition, rendant ainsi licite le droit de grève. Mais la liberté d'association n'existant pas, la mesure fut de peu d'efficacité. Gouvernement ouvrier, la Commune de Paris n'a pas le temps de s'attaquer aux problèmes sociaux. La répression sanglante contre les communards crée un fossé entre la classe dirigeante et les travailleurs. La III° République peine à combler cette fracture sociale. Il faudra attendre encore 14 ans pour passer de l'interventionnisme humanitaire à l'éclosion du droit du travail fondé sur la pression salariale. La loi de 1874 sur le travail des enfants et des filles mineures institue un corps d'inspection du travail. La grande loi du 21 mars 1884 accorde la liberté aux syndicats professionnels. Le régime s'engage sur la voie de la création d'un Droit du travail moderne. 1895 : L'ETAPE DECISIVE DE LA CONSTRUCTION SYNDICALE Après la loi de 1884, le syndicalisme s'est généralisé. La structuration du mouvement syndical se constitue peu à peu. Les syndicats éprouvent le besoin d'un lieu de rencontre où la solidarité puisse s'exprimer : les syndicats d'une localité se groupent alors en bourses du travail. Le groupement géographique subsiste encore aujourd'hui avec les unions locales et départementales. Les liens entre syndicats se nouent aussi progressivement par affinités professionnelles. Les fédérations se constituent dans le cadre d'une branche d'industrie ou d'activité économique. La solidarité est alors plus large. Le congrès de Limoges en 1895 regroupe les fédérations et les bourses du travail dans une Confédération Générale du Travail. L'organisation confédérale représente désormais les intérêts de l'ensemble des travailleurs et la solidarité accomplie au plan national. 1895-1974 : LE DROIT DU TRAVAIL APRES L'AFFIRMATION DU SYNDICALISME Edification progressive du droit du travail Sous l'action des salariés organisés, la III° République édifie lentement le droit du travail. L'importante loi de 1898 oblige l'employeur à indemniser l'ouvrier ou l'employé victime d'un accident du travail. Touchant à la sécurité au travail, ce texte constitue aussi la première composante d'une protection sociale légale, bientôt complétée par la loi de 1910 créant les retraites ouvrières et paysannes, et celle de 1928 établissant les assurances sociales. Le congédiement du salarié cesse d'être un acte discrétionnaire : les lois de 1890 et 1920 introduisent le délai de préavis et les dommages et intérêts accordés au salarié. Une loi de 1892 institue une procédure de conciliation et d'arbitrage des conflits collectifs. Cette œuvre est bientôt consolidée par la réunion des textes dans un code du travail (1910 à 1927) et par la création en 1906 d'un ministère du travail.
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Des lois successives édifient une réglementation de la durée du travail : repos hebdomadaire en 1906 ; journée de 8 heures et semaine de 48 heures en 1919. Scission et réunification syndicale A l'issue de la seconde guerre mondiale se constitue en 1919 la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (C.F.T.C.). La période est surtout marquée par la rupture du syndicalisme confédéré. Après la scission au sein de la C.G.T., se crée la C.G.T.U. fondée en 1922 à Saint-Etienne. Après quinze ans de division, la constitution du Front Populaire favorise la réunification. La C.G.T.U. réintègre la C.G.T. en 1936 au Congrès de Toulouse. Le Front populaire : un bond en avant du droit social Les grèves avec occupations des lieux de travail se multiplient pour appuyer les revendications et la réalisation du programme du Front populaire. L'année 1936 marque historiquement la voie du progrès social et d'une organisation juridique des rapports collectifs du travail. L'accord Matignon conclu le 8 Juin 1936 fait figure de première négociation entre syndicats et patronat. Désormais la grève ne rompt plus le contrat de travail Le Législateur favorise la conclusion et l'extension des conventions collectives créées en 1919. " Traité de paix " entre forces sociales et " loi de la profession ", la convention collective devient alors un facteur essentiel de progrès social. Les délégués du personnel sont institués dans les entreprises. La semaine de 40 heures et les congés payés sont instaurés. Le souffle de la Libération Après l'éclipse de la guerre, la Libération s'accompagne d'un nouvel essor du droit social et en particulier du droit du travail. La constitution de 1946 traite des droits sociaux (droit syndical, droit de grève, droit à la sécurité sociale) dans son préambule, pour la première fois à côté des libertés politiques. On envisage pour la première fois de réformer les structures de l'entreprise. En fait le législateur se borne à instituer des comités d'entreprise. Les représentants du personnel acquièrent une place dans la gestion des entreprises nationalisées. Avec la création, en 1945 d'un service public de la sécurité sociale, la garantie contre les risques sociaux sort de l'orbite du droit du travail. Un droit de la sécurité sociale voisine ainsi désormais avec le droit du travail au sein du droit social. Les premières années de la IV° république sont marquées par l'importante loi du 11 février 1950 sur les conventions collectives qui renoue avec l'esprit de la loi de 1936. Ce texte crée un salaire minimum interprofessionnel garanti (S.M.I.G) et libère la négociation collective des salaires bloqués depuis 1939. Par ailleurs, il introduit la règle selon laquelle la grève n'interrompt pas le contrat de travail. Il institue enfin des procédures de règlement des conflits collectifs du travail (arbitrage) qui seront peu pratiquées. Deuxième scission syndicale, puis diversité syndicale La C.G.T. qui s'est reconstituée dans la clandestinité et a participé à la Résistance, se retrouve renforcée à la Libération. Pourtant une scission intervient en 1947. Cette année marque le début de la guerre froide dans un monde coupé en deux. Cette coupure traverse la C.G.T. Sous l'influence américaine, une tendance oppositionnelle se constitue, puis quitte la C.G.T. pour créer une nouvelle confédération d'orientation réformiste : Force Ouvrière (C.G.T. -FO).
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Un syndicalisme catégoriel interprofessionnel est apparu après la seconde guerre mondiale avec la constitution de la Confédération Générale des Cadres. Dans les années 60 une scission affecte la C.F.T.C. Le courant dominant affiche une orientation anticapitaliste et tiers-mondiste, prône l'élimination de toute référence confessionnelle et la radicalisation des luttes. Le Congrès de 1964 transforme la Centrale en Confédération Française et Démocratique du travail (C.F.D.T). Le courant minoritaire maintient la C.F.T.C. Mai 1968 : la secousse sociale Un mécontentement latent des salariés et fonctionnaires, libéré par l'insurrection étudiante et la contestation du conservatisme idéologique, culturel et politique symbolisé par le régime gaulliste, est à l'origine de l'impressionnante secousse sociale de mai 1968. Grèves et occupations d'usines revêtent plus d'ampleur qu'en 1936. Les accords de Grenelle entraînent, notamment pour la masse des salariés, une substantielle augmentation de salaires (10% minimum). Le droit du travail va s'enrichir par la loi du 27 décembre 1968 de la reconnaissance du droit syndical à l'entreprise. Suivra la création du S.M.I.C (se substituant au SMIG). Accords de mensualisation, accord national interprofessionnel de 1969 sur la sécurité d'emploi, puis sur la formation professionnelle, accords et lois sur l'amélioration des conditions de travail complètent ces avancées sociales. 1974 A NOS JOURS : RECUL DU SYNDICALISME ET EBRANLEMENT DU DROIT DU TRAVAIL La crise du syndicalisme (années 70 à nos jours) Depuis les années 70, désyndicalisation et recul du militantisme sont manifestes : moins de 10 % des travailleurs sont syndiqués. S'il est possible de rechercher les causes de cette crise du syndicalisme français dans la persistance de ses traditions (syndicalisme de militants sensible aux idéologies), d'autres causes profondes sont à trouver dans la situation économique et le fort taux de chômage qui influencent le comportement des salariés. L'action syndicale est freinée par la crainte de perdre un emploi, mais aussi par l'éclatement de la collectivité du travail entre salariés stables et précaires, qui compromet la formulation de revendications communes. Après la grande peur de 1968, le patronat organisé met , en outre, en place des modes nouveaux d'organisation du travail et d'intégration des salariés rendant difficiles la communauté d'intérêts, d'action et la solidarité. L'évolution idéologique générale (montée de l'individualisme au détriment de la solidarité, culte de la réussite financière) joue aussi contre les valeurs et l'engagement collectifs. La crise du capitalisme, d'abord exclusivement économique, s'approfondit et atteint des dimensions morale et culturelle. La culture syndicale se transmet avec difficulté aux générations nouvelles. La C.F.D.T., privilégiant, selon ses dires,la défense des revendications rejette au second plan son aspiration à la transformation de la société. Au début des années 90, une sorte d'alliance des organisations réformistes (CFDT, FO, CGC, CFTC) isole la CGT .Cette dernière demeure cependant la première organisation dans les élections professionnelles. Puis la ligne de " syndicalisme d'accompagnement " de la CFDT et son soutien au plan Juppé font de la CFDT l'interlocuteur privilégié du patronat. Les évolutions internes à la CGT, au cours de ces dernières années, permettent un nouveau rapprochement entre CGT et CFDT tandis que l'échiquier syndical se complexifie avec l'apparition d'une Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA) et des syndicats Solidaires, Unitaires, Démocratiques (SUD) créés par d'anciens militants CFDT en opposition à celle-ci et se réclamant de la CFDT des années 70. Le droit du travail mis en question
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La crise économique dont on parle à partir des " chocs pétroliers " des années 70, se manifeste par un ralentissement de l'activité, des restructurations, des pertes d'emplois industriels, des licenciements massifs, une croissance du chômage bientôt angoissante. C'est bientôt la mondialisation des marchés et la globalisation des firmes. Face à la concurrence, des pays " émergents " produisent avec de faibles coûts de main d'œuvre. Les thèses libérales poussent à la " déréglementation ". Il s'agirait de faire disparaître tout monopole public, mais surtout de rendre toute liberté aux directions d'entreprises dans la gestion de la main d'œuvre . Dès lors, certains jugent obsolète l'idée d'un droit du travail protecteur du salarié. On fait procès à ce droit qui, par ses contraintes, dissuaderait les entreprises d'embaucher, portant en fin de compte préjudice aux travailleurs. L'emploi stable et à plein temps, naguère devenu la forme normale d'emploi, recule. La " carrière " se raréfie. Le syndicalisme et les instances représentatives des salariés dans l'entreprise sont dénoncés comme des entraves à la compétitivité . Le patronat français et européen revendique de la " flexibilité " dans la gestion de la main d'œuvre Le droit du travail n'évolue plus selon une ligne d'enrichissement systématique des droits et garanties des salariés. Une profusion de textes législatifs caractérise ce dernier quart de siècle, qui illustre une certaine réversibilité du droit du travail. Ainsi, la négociation collective occupe une place en particulière extension. Ceci pourrait paraître positif. Mais en réalité, la loi permet de plus en plus de dérogations à certaines de ses dispositions, dans un sens qui n'est pas nécessairement favorable aux salariés. Les employeurs trouvent donc un intérêt à la négociation. Ainsi encore, la multiplication de procédés contractuels offrant aux employeurs une palette très large de possibilités diverses d'usage de la main d'œuvre (flexibilisation). Ainsi encore, les dispositifs légaux de réduction du temps passé au travail (encouragement au travail à temps partiel, à la préretraite, facilités données pour les licenciements économiques,...). Seuls points positifs : l'affermissements des droits de la personne du salarié dans les relations de travail, face positive d'une individualisation des relations du travail en soi très néfaste ; la résistance de la Cour de Cassation aux exigences ou conséquences du libéralisme. 1982 : une parenthèse en réponse à la crise ? L'installation du premier gouvernement de L'« Unionde la gauche» (1981),porteur d'une ambition de " changement de société ", a entraîné un important train de réformes (lois Auroux) destinées à réduire l'emploi précaire, favoriser l'embauche par la réduction du temps de travail et enrichir la démocratie sociale. 1982 sera donc marqué par trois ordonnances et quatre lois : -RTT à 39 heures et 5ème semaine de congés payés -Réglementation et limitation de l'usage des contrats à durée déterminée et de l'intérim -Protection des libertés dans l'entreprise et instauration du droit d'expression -Développement du droit syndical -Amélioration du régime des conventions collectives -Création du Comité d'hygiène, sécurité et conditions de travail -Droit de retrait pour le salarié en cas de danger Ces dispositions baptisées "droits nouveaux des travailleurs" seront surtout des limitations aux effets néfastes de la crise sur l'emploi. Non accompagnées de mouvements sociaux, elles n'empêcheront pas le droit du travail de poursuivre son changement de cours et de ne plus évoluer selon une ligne d'enrichissement systématique des droits et garanties des salariés. Dans une période récente, l'avènement de la flexibilité du temps de travail, sous couvert de 35 heures, confirme bien cette tendance à la destructuration du travail et à la déréglementation voulue par le patronat.
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Quel avenir pour le droit du travail ? La réversibilité du droit du travail apparue au cours de ce dernier quart de siècle se confirmera t-elle dans l'avenir ? Seule certitude : la question du devenir du droit du travail est posée. Les experts qui se penchent sur l'avenir du travail suggèrent ici une " refondation " du droit, là une " reconfiguration " de ce droit à l'échelle européenne. Le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), organisation patronale française née en 1998 d'une transformation du CNPF, prône quant à lui une " refondation sociale négociée ". Point commun entre ces experts et le MEDEF : la loi édicterait les normes minimales et droits fondamentaux, tout le reste serait abandonné à la négociation collective. Ces orientations rejoignent en tous points les orientations européennes, émanant du grand patronat et relayées par les politiques dans leur application des critères de Maastricht. Le carcan des traités européens pèse lourdement sur les acquis sociaux et sur la prééminence de la loi comme rempart protecteur. Sous prétexte d'encourager la négociation collective, s'il devient possible d'aménager la loi ou de conclure des accords dérogatoires, c'est l'état de droit lui-même qui sera remis en cause. Cette démission de l'ordre public social qui abandonnerait les rapports de travail à la liberté contractuelle nous ramenant à cet égard deux cents ans en arrière, sera t-il le trait marquant du droit du travail en devenir ?...L'histoire du droit du travail étant étroitement liée à celle des rapports sociaux, la réponse appartient à l'évolution du mouvement social, à sacapacité de prise de conscience et d'action transformatrice.ces deux articles sur le droit du travail sont largement inspirés d'un texte publié par l'union des syndicats de Monaco. II. PRESENTATION PLUS CONVENTIONNELLE Le droit du travail est la branche du droit qui régit l’ensemble des relations entre employeurs et salariés. Malgré son nom, il ne s’applique donc pas à toutes les formes de travail: il ne concerne que le travail dépendant – c’est-à-dire effectué au service d’autrui – et celui qui est accompli pour le compte d’une personne privée (ou assimilée). Même si la règle comporte des exceptions de plus en plus nombreuses (notamment dans le cas des entreprises industrielles ou commerciales de caractère public), il reste que le travail exécuté sous l’autorité de l’État ou des autres personnes publiques échappe, en principe, au droit du travail pour relever du droit 1 administratif, notamment du statut de la fonction publique. On ne saurait trop insister sur l’importance de ce droit dans le monde contemporain. Il a d’abord une signification philosophique, dans la mesure où il procède nécessairement d’une certaine conception du travail humain –considéré comme une simple marchandise ou, au contraire, comme un engagement de toute la personne – et c’est pourquoi, d’ailleurs, il entretient un rapport si étroit avec les idéologies. Au plan individuel, il a une incidence directe sur la vie des salariés, et il influe sur les conditions d’existence de plus de 60 p. 100 de la population. Au plan collectif, il joue un rôle capital pour le maintien de la paix sociale, et sa portée politique apparaît de plus en plus nettement de nos jours. Point n’est besoin, enfin, de mettre l’accent sur ses répercussions économiques. Celles-ci n’ont, certes, été perçues d’abord que de manière empirique –les «conquêtes sociales» ayant pour effet d’accroître les coûts de production –, mais on s’est efforcé bien vite de les faire jouer de façon systématique: dans bien des cas, le droit du travail est ainsi devenu un instrument de la politique économique, au niveau de l’État comme à celui de la profession ou de l’entreprise. À l’inverse, d’ailleurs, il faut noter que les décisions d’ordre économique conditionnent dans une très large mesure le développement du droit de travail. 1  ©2001 Encyclopædia Universalis France S.A. Tous droits de propriété intellectuelle et industrielle réservés.
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On peut, dès lors, se demander pourquoi ce droit n’est apparu qu’à une date aussi tardive – au moins sous la forme d’une discipline autonome. On a dit bien souvent qu’il était le produit de la révolution industrielle e et du système capitaliste: et il est vrai que, dans la plupart des pays, c’est au cours du XIXsiècle qu’il a vu le jour. Jusque-là, les rapports entre employeurs et salariés étaient simplement soumis au droit commun: c’est-à-dire qu’en vertu du double principe de l’absolutisme de la propriété et de la liberté des contrats, l’employeur était pratiquement en mesure d’imposer des conditions très dures aux salariés, et ceux-ci n’avaient même pas la possibilité de se grouper pour faire entendre leur voix. Il en est résulté une exploitation scandaleuse du monde ouvrier, qui a finalement obligé le législateur à intervenir. Depuis lors et sous des formes diverses, le droit du travail n’a cessé de se développer: il a étendu son empire à de nouvelles matières, à de nouvelles personnes et à de nouvelles branches d’activité. Bien plus, il a inspiré très largement le droit de la fonction publique, et certaines des techniques auxquelles il a donné naissance (celle de la grève ou de la convention collective) ont même débordé le monde du travail. Enfin, il s’est également transformé d’une manière assez profonde, au rythme des bouleversements intervenus dans l’ordre économique et social; en dépit de tâtonnements et de retours en arrière, on peut dire qu’il a évolué dans un sens favorable aux travailleurs, celui du progrès social. Le phénomène se vérifie à peu près dans tous les pays, et il n’est plus question aujourd’hui de prétendre que l’existence d’un droit du travail est une caractéristique propre des régimes capitalistes. Mais ce n’est certes pas à dire que ce droit présente partout la même physionomie: de même qu’il a évolué dans le temps, il varie dans l’espace. Il n’a ni la même signification ni la même portée suivant qu’il s’insère dans un cadre capitaliste ou socialiste; ses traits diffèrent selon l’environnement politique et culturel, les structures économiques et sociales, les traditions nationales, les antagonismes de classe, la puissance des solidarités professionnelles, etc. Si l’on combine les données de l’histoire avec celles du droit comparé, on est bien obligé d’admettre qu’il y a tout de même certaines lignes d’évolution qui ont une valeur à peu près universelle. Partout, notamment, on s’aperçoit qu’une place accrue est faite à ces groupes puissants et organisés que sont les syndicats professionnels. Partout, aussi, on voit que l’État s’intéresse de plus en plus à l’aménagement des rapports sociaux –et qu’ainsi on passe, plus ou moins complètement, d’un système libéral à un système interventionniste. Cela renforce naturellement l’originalité du droit du travail, du triple point de vue de son objet, de ses techniques et de ses caractères fondamentaux. A- L’objet du droit du travail Dans beaucoup de pays, le droit du travail est né pour régir essentiellement les relations individuelles entre employeurs et salariés; mais son domaine s’est ensuite étendu aux rapports collectifs qui se nouent au sein des collectivités ou entre les groupements appelés à jouer un rôle dans la vie de travail. La relation individuelle de travail La relation individuelle puise – le plus souvent – son origine dans le contrat de travail, c’est-à-dire dans un acte juridique passé entre deux parties théoriquement libres et égales: mais il est bien vite apparu que cette liberté et cette égalité étaient rendues illusoires par la situation d’infériorité économique et psychologique où se trouve normalement le salarié face à son employeur. C’est donc justement pour compenser cette situation et rétablir une sorte d’équilibre que le besoin s’est fait sentir d’un droit propre du travail. Ce droit s’est développé d’abord dans le domaine desconditions de travail –et surtout en faveur des catégories sociales les plus menacées. Ainsi le législateur est-il intervenu en France, dès le 22 mars 1841, pour interdire le travail des enfants de moins de huit ans dans les entreprises industrielles. Puis de nombreuses mesures ont été prises en faveur des femmes, pour leur assurer une égalité de principe avec les hommes tout en leur réservant, à certains égards, un régime plus favorable et surtout en sauvegardant leur rôle maternel. Enfin, la protection s’est étendue à tous les travailleurs. Le souci de préserver leur intégrité morale et physique n’a pas seulement inspiré une réglementation très complexe en ce qui concerne l’hygiène et la sécurité du travail, il a aussi conduit à limiter progressivement la durée du travail (semaine de 39heures, congés payés, repos hebdomadaire et jours fériés) et, plus généralement, à prévoir un aménagement du temps de travail (horaires individualisés, travail à temps partiel, etc.). C’est également dans le domaine de larémunérationque, depuis longtemps, le législateur s’est soucié d’imposer aux chefs d’entreprise le respect de certaines normes protectrices des intérêts des travailleurs. Le montant du salaire est de moins en moins laissé à la discrétion de l’employeur: il est souvent fixé par des accords collectifs et il doit, en toute hypothèse, être supérieur à un minimum fixé par la loi (salaire minimum interprofessionnel de croissance). Des dispositions spéciales sont aussi prévues pour que ce salaire soit réellement payé et qu’il serve effectivement à faire vivre le travailleur et sa famille. L’idée est, au fond, que le salaire n’est pas seulement la contrepartie d’une certaine prestation de travail –un peu comme le prix d’une marchandise –,mais qu’il a aussi un caractère alimentaire: et cela influe tout naturellement sur son régime
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juridique. Plus récemment, et en raison du développement du risque de chômage, c’est surtout dans le domaine de l’emploique l’on a cherché à défendre les intérêts des salariés. Il s’agit d’abord de faciliter l’accès à l’emploi, en essayant de discipliner le marché du travail et de mettre en œuvre une politique de formation professionnelle. Puis il faut, dans toute la mesure du possible, assurer la stabilité de l’emploi: le but visé est alors de limiter le pouvoir qu’a l’employeur de mettre fin unilatéralement à la relation de travail – et c’est ainsi qu’on en est arrivé à élaborer tout un droit du licenciement. Celui-ci est devenu, depuis deux lois de 1973 et 1975, une partie essentielle du droit du travail, et celle qui donne lieu au contentieux le plus important. À côté d’un «droit commun» du licenciement, il y a des dispositions propres au licenciement pour cause économique; la loi a même comporté, jusqu’en 1986, un contrôle préventif par l’administration en sus du contrôle a posteriori par le juge; elle impose des règles nombreuses en ce qui concerne les motifs du licenciement – il faut une «cause réelle et sérieuse» –,sa procédure et ses conséquences; elle s’efforce d’atténuer les effets qui peuvent découler d’une brusque rupture – par l’institution d’un délai-congé – et de réparer le préjudice que peut subir le salarié obligé de quitter son poste – par l’octroi de diverses indemnités. Enfin, un effort a été entrepris pour lutter contre diverses formes de précarisation de l’emploi, découlant d’un recours de plus en plus fréquent au contrat de travail à durée déterminée, au travail temporaire ou à la sous-traitance. Le droit commun contractuel subit bien des entorses en ce domaine, sans que pourtant on soit arrivé encore à reconnaître au travailleur une véritable «propriété de l’emploi»: car nul ne peut contester les impératifs d’ordre économique qui rendent nécessaire une certaine mobilité de la main-d’œuvre. La conciliation se révèle donc particulièrement difficile ici entre l’intérêt des travailleurs et celui des entreprises. Dans l’hypothèse où la stabilité de l’emploi ne peut être garantie, c’est au moins la continuité de cet emploi que l’on s’efforce d’obtenir: cela implique que l’on procure, dans les délais les plus brefs, un nouveau travail à celui qui a été licencié. Dans le cas où cela même n’est pas possible, il ne reste plus qu’à mettre sur pied un système d’indemnisation permettant au salarié privé d’emploi de ne pas perdre l’intégralité de ses ressources. Le chômage n’est d’ailleurs pas le seul desrisques sociauxmenacent le salarié: il en est d’autres qui qui tiennent à sa situation personnelle et familiale, et contre lesquels une protection s’impose de manière aussi pressante. Mais dans la mesure où ces risques ne sont pas directement liés à l’exercice d’une activité professionnelle et où, par conséquent, ils n’affectent pas que les seuls salariés –maladie, vieillesse, charges familiales, etc. –, on peut considérer que la protection à laquelle ils donnent lieu ne fait plus vraiment partie du droit du travail et qu’elle se rattache à un droit distinct: celui de la sécurité sociale. Bien que les deux droits conservent des liens étroits et que l’on puisse voir en eux les deux branches d’une discipline plus large, le droit social, ils n’en diffèrent pas moins nettement par leur objet, leur domaine, leur technique et même leur philosophie. Mais, si le droit du travail s’est ainsi trouvé amputé de certaines matières dans le domaine de la prévoyance sociale, il s’est en revanche considérablement étendu dans une autre direction: celle des rapports collectifs de travail. Les rapports collectifs de travail Sans doute les rapports collectifs de travail ne constituent-ils pas un phénomène nouveau, mais, pendant longtemps, le droit les a ignorés – ou, plus précisément, il ne s’en est occupé que pour les contenir dans d’étroites limites ou pour leur faire obstacle. Point n’était même besoin, pour cela, d’élaborer des règles propres au droit du travail: il suffisait de faire appel au droit commun. Marqué par la philosophie individualiste et libérale héritée de la Révolution française, celui-ci frappait d’interdit tous les corps intermédiaires qui s’interposaient entre l’individu et l’État. Les groupements, permanents ou temporaires, qui étaient fondés sur la défense de «prétendus intérêts professionnels» n’échappaient pas à la règle: et les juges, de tendance généralement conservatrice, se montraient ici d’une grande rigueur. Mais l’évolution des faits et des idées a tout de même été la plus forte et elle a conduit au développement de ces rapports collectifs: des syndicats se sont constitués, des coalitions se sont organisées. Le législateur a bien été obligé d’en tenir compte et il est finalement intervenu pour les réglementer. Dans un premier temps, il a agi de façon purement négative, en se bornant à supprimer les prohibitions e anciennes. Cela s’est fait surtout au cours de la seconde moitié du XIXsiècle: en fait, il ne s’agissait de rien d’autre que de consacrer et de faire respecter certaines libertés essentielles – comme la liberté de coalition ou la liberté syndicale – que l’on n’avait pas voulu reconnaître jusque-là. Dans quelques pays, certes, l’évolution s’est pratiquement arrêtée à ce stade: ce régime libéral a paru suffisant pour que le dialogue s’établisse entre les «partenaires sociaux» et, notamment, pour que la convention collective devienne un mode normal de détermination des conditions de travail. Cela a été le cas (au moins jusqu’à une date récente) en Suède et en Grande-Bretagne –partout où les syndicats ont été assez forts pour
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s’imposer sur le plan professionnel avant de jouer un rôle sur la scène politique. Ce sont seulement les usages, voire les conventions elles-mêmes, qui ont donné naissance à un certain nombre de règles destinées à préciser les droits et les devoirs des parties en présence, à organiser la négociation collective ou à résoudre les conflits sociaux; mais ces règles sont souvent considérées comme n’étant pas techniquement obligatoires et ne pouvant donner naissance à une action devant les tribunaux.
Dans d’autres pays, au contraire, il a été nécessaire que le législateur fasse un pas de plus et que – pour briser l’opposition des employeurs comme celle des juges –il vienne lui-même organiser d’une façon positive les rapports collectifs de travail. C’est ce qui s’est passé en France, notamment, dans un deuxième temps.
Le législateur français s’est d’abord soucié d’organiser les groupements professionnels qui sont parties aux relations de travail. Du côté des employeurs, il peut s’agir de simples associations, mais, du côté des salariés, ce sont normalement dessyndicats. Après avoir reconnu l’existence de ceux-ci (en 1884), il a fallu définir leur statut juridique, c’est-à-dire préciser les conditions dans lesquelles ils se constituent et les règles suivant lesquelles ils fonctionnent: un aspect important –et quelquefois négligé –est, à cet égard, celui des rapports existant entre les syndicats et leurs membres. Il a fallu aussi mettre en place un régime qui permette le plein exercice de la liberté syndicale, celle-ci étant entendue aussi bien comme une liberté individuelle (celle des travailleurs d’adhérer ou de ne pas adhérer à un syndicat) que comme une liberté collective (celle du syndicat lui-même de se constituer et d’agir en toute indépendance) et devant être défendue aussi bien contre les employeurs (considérés comme ses adversaires naturels) que contre l’État (appelé à y porter atteinte par les privilèges réservés aux seules organisations dites «représentatives») et contre les syndicats eux-mêmes (tentés d’exercer des pressions et des contraintes sur les individus pour les amener à se joindre à eux). Il a fallu enfin donner à ces syndicats des moyens d’action efficaces, aussi bien dans le cadre de la profession que dans celui de l’entreprise –et la création de la section syndicale d’entreprise, en 1968, a marqué sur ce point une date importante.
Plus largement, d’ailleurs, c’est cetteentreprise, conçue comme une communauté où se retrouvent côte à côte la direction et le personnel, qui constitue aujourd’hui un objet important du droit du travail. Il s’agit, au fond, de montrer que les intérêts des employeurs et des salariés ne sont pas tant opposés que complémentaires, car ils sont liés au bon fonctionnement de l’entreprise. Cette sorte de solidarité explique que l’on a pu chercher, d’une part, à limiter les pouvoirs de l’employeur (pouvoir de direction, pouvoir d’édicter un règlement intérieur, pouvoir disciplinaire), d’autre part, à assurer une certaine participation du personnel à la vie de l’entreprise – participation qui peut elle-même s’exercer soit au niveau de la gestion (par l’intermédiaire d’organismes comme les comités d’entreprise), soit au niveau des bénéfices. On peut aussi envisager une représentation du personnel dans les organes dirigeants de la personne morale ayant la qualité d’employeur (c’est le système de la cogestion ou de la cosurveillance, qui fonctionne déjà dans certains pays comme l’Allemagne fédérale, mais se trouve pratiquement limité en France aux seules entreprises du secteur public).
Entre les groupements professionnels comme au sein de l’entreprise peuvent enfin se nouer des relations collectives qui appartiennent à deux types bien différents. Les unes sont des relations de paix, qui se déroulent normalement dans un cadre contractuel: celui de lanégociation collective. Depuis longtemps, le droit français réglemente la convention collective et détermine ses conditions de validité aussi bien que ses effets: mais c’est seulement à l’époque récente qu’il s’est intéressé au processus même de la négociation en instituant (et c’est une nouveauté de la loi de 1982) une obligation de négocier, inspirée du modèle américain. D’autres relations sont, en revanche, de typeconflictuelet donnent naissance à diverses formes d’action comme la grève ou le lock-out. C’est au droit du travail qu’il appartient, bien sûr, de préciser dans quelle mesure ces actions sont licites, de fixer les règles auxquelles elles sont soumises et les conséquences qui en découlent, de mettre sur pied enfin des procédures destinées à régler les conflits de manière pacifique.
Il est évident que les rapports collectifs de travail présentent une physionomie toute différente dans les pays qui ne reconnaissent ni la liberté syndicale ni la liberté de la grève. Certes, il y a tout de même des groupements de salariés qui peuvent porter le nom de syndicats, il est même quelquefois question de conventions collectives – mais ces termes ont une signification tout à fait particulière. C’est le cas, d’abord, dans les régimes autoritaires, où l’on ne connaît que des syndicats officiels, généralement obligatoires, souvent mixtes, c’est-à-dire comprenant à la fois des employeurs et des salariés: la vérité est qu’on se trouve alors en présence d’une structure corporatiste. Ce fut le cas aussi dans les régimes socialistes, où la mission des syndicats était exclusivement conçue comme une mission d’encadrement et d’éducation des masses sous l’impulsion du parti et le contrôle de l’État. Il n’en existait pas moins, dans ces pays, des rapports collectifs qui naissaient à l’occasion du travail et qui se trouvaient soumis au droit.
Si le développement de tels rapports apparaît, en fait, comme un phénomène universel, il faut bien comprendre toutefois qu’il n’a pas eu pour effet d’éliminer la relation directe et immédiate entre l’employeur et le salarié. La fin ultime du droit du travail reste, en toute hypothèse, la définition d’une sorte de statut du
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travailleur, que celui-ci ait été inspiré par un souci de protection contre les abus du capital, comme dans les régimes d’économie libérale, ou par le désir d’améliorer la production dans l’intérêt général, comme dans les régimes socialistes. Or cela implique au premier chef une réglementation de la relation individuelle de travail. Mais ce qui est vrai, c’est que cette réglementation apparaît de moins en moins comme pouvant être l’œuvre exclusive de l’État; elle doit être aussi celle des intéressés eux-mêmes, employeurs et syndicats, qui doivent être en mesure d’élaborer leur propre droit, notamment par le moyen de la négociation ou par celui d’une participation réalisée au niveau de l’entreprise –et c’est là qu’on retrouve la nécessité de rapports collectifs. D’une manière directe ou indirecte, c’est donc toujours le même résultat qu’on vise et c’est toujours le même objet que poursuit le droit du travail. B- Les techniques du droit du travail Le droit du travail fait appel à des techniques propres en ce qui concerne ses sources aussi bien que sa mise en œuvre. Les sources Les sources du droit du travail sont à la fois plus nombreuses et plus diverses que celles des autres branches du droit; elles obéissent aussi à une hiérarchie particulière. Alors que le droit est, en général, un phénomène étatique et se trouve normalement élaboré par les organes – législatifs ou judiciaires – de l’État, le droit du travail manifeste son originalité en ce qu’il prend aussi naissance à un niveau infra-étatique et supra-étatique. Le droit d’origine étatique reste, certes, prépondérant. Dans tous les pays, c’est laloiconstitue la qui source première du droit du travail. Mais le terme de loi doit ici être entendu au sens large. Il comprend d’abord la Constitution, qui vient souvent consacrer certaines libertés fondamentales comme la liberté du travail ou le droit de grève. Il comprend aussi la loi votée par le Parlement et qui se trouve souvent incluse dans un Code du travail. Il comprend enfin des règlements élaborés par le gouvernement ou par l’autorité administrative et qui sont l’instrument d’une nécessaire diversification. Ces règlements sont d’autant plus importants en France que la Constitution de 1958 a limité la compétence du pouvoir législatif aux «principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical» et qu’elle s’en est remise, pour tout le reste, au pouvoir réglementaire. Il ne faut pas non plus méconnaître le rôle de lajurisprudence, bien que ce rôle soit probablement moins créateur ici que dans d’autres disciplines. On dit souvent que la jurisprudence a plutôt servi à freiner qu’à accélérer le développement du droit du travail, et il est vrai que les juges, formés à l’école du droit civil, sont souvent tentés d’écarter ici les règles dérogatoires pour en revenir à une stricte application du droit commun. Le phénomène est pourtant moins net aujourd’hui qu’autrefois, et il ne se vérifie pas de la même façon pour toutes les juridictions – en fait très diverses – qui sont appelées à se prononcer sur les problèmes de travail: juridictions ordinaires ou spécialisées, tribunaux judiciaires (civils ou répressifs) ou administratifs, organismes d’arbitrage, etc. Mais avec l’arbitrage, on entre déjà dans le domaine de ce droit qui s’élabore à un niveau inférieur à celui de l’État. Sans doute ne peut-on parler d’un véritable droit professionnel que dans les pays dotés d’une structure corporatiste, où la profession est organisée et reçoit le pouvoir d’édicter des règles. Mais il existe partout, même dans les autres pays, un droit d’origine privée qui prend naissance dans l’une de ces communautés de type professionnel auxquelles appartient le travailleur –que ce soit la branche d’activité, le métier ou l’entreprise. Ce droit lui-même peut avoir plusieurs sources. Il peut se former de manière spontanée par lesusageset il faut reconnaître à ceux-ci un rôle capital en droit du travail: le législateur y renvoie assez fréquemment, parce qu’il voit en eux l’instrument d’une nécessaire diversification de la règlementation applicable. Il peut émaner aussi de la volonté unilatérale d’une partie, et c’est le cas durèglement intérieur, par lequel le chef d’entreprise fixe les règles de discipline, d’hygiène et de sécurité qui vont s’imposer à son personnel: on peut, d’ailleurs, et à bon droit, s’étonner de ce pouvoir normatif qui est ainsi reconnu à l’employeur et qui n’a guère d’équivalent dans les relations de droit privé. Surtout, il y a tout un droit du travail qui est le produit de la négociation entre les parties intéressées. Laconvention collective, qui est un objet du droit du travail, en est aussi une source, et une source considérable. Dans certains pays (États-Unis, Grande-Bretagne, Suède), elle est apparue assez tôt et elle a pu se développer suffisamment (soit en toute liberté, soit dans un cadre imposé) pour rendre largement inutile l’intervention du législateur. Dans d’autres pays, au contraire (France, Italie, Allemagne fédérale), elle n’a réellement pris d’importance qu’à une date plus récente, parce qu’il lui a fallu surmonter à la fois des obstacles juridiques et des résistances de fait: mais elle n’en connaît pas moins, là aussi, de nos jours, une grande faveur.
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Plus encore en droit du travail que partout ailleurs, on voit enfin se développer aujourd’hui dessources internationales: conventions élaborées sous l’égide de l’Organisation internationale du travail (il y en a plus de 150 qui ont été signées depuis 1919 et qui constituent une sorte de droit uniforme), traités bilatéraux ou multilatéraux, etc. Il faut aussi faire une place spéciale aux sources européennes, et notamment aux traités de Rome et de Maastricht ainsi qu’aux règlements de l’Union européenne, qui affectent profondément le droit interne des pays membres. La multiplicité même des sources du droit du travail pose le problème de leurhiérarchisation. La traditionnelle gradation des normes juridiques se complique ici du fait que le but du droit du travail est toujours d’assurer la meilleure protection possible au salarié. C’est dire que chaque règle fixe seulement un minimum au-dessous duquel il n’est en aucun cas permis de descendre, mais au-delà duquel une autre règle peut toujours aller, même si elle se situe à un échelon inférieur de la hiérarchie, afin d’accorder des avantages supplémentaires au travailleur. Ainsi la convention collective, pourtant considérée comme inférieure à la loi, peut-elle déroger à celle-ci en prévoyant un congé plus long ou une durée du travail moindre. De même en est-il dans les rapports entre les différents types de convention collective, ou dans les rapports de la convention avec le contrat individuel de travail. Cette idée que le droit du travail constitue un «plancher» beaucoup plus qu’un «plafond» se relie à la conception très particulière que l’on se fait de l’ordre public dans cette discipline. La mise en œuvre La mise en œuvre du droit du travail est confiée à la fois à une administration propre et à des juridictions spécialisées. Rares sont, en fait, les pays où il n’existe pas au moins un embryon d’administration du travail. Là même où il est admis que les relations de travail sont essentiellement l’affaire des parties et que celles-ci doivent librement déterminer, par voie de convention collective, le régime juridique qui leur est applicable, on reconnaît que les pouvoirs publics ont quelquefois un rôle à jouer, ne serait-ce que pour organiser la négociation ou pour tenter de régler, par voie de conciliation ou autrement, les différends qui ne peuvent manquer de s’élever entre employeurs et salariés. Là où, en plus, l’État édicte lui-même, par voie législative ou réglementaire, certaines normes directement applicables aux rapports de travail et concernant, par exemple, les conditions de travail, les salaires ou l’emploi, il est normal qu’il intervienne aussi pour en assurer le respect: et c’est alors une tâche essentielle qui incombe à ses agents. De plus en plus souvent, il arrive même aujourd’hui qu’une décision de l’employeur soit soumise à un contrôle a priori ou à une autorisation de l’administration: et c’est notamment le cas pour l’élaboration du règlement intérieur comme pour certaines sortes de licenciements. Il faut enfin tenir compte de toute une série d’autres missions (essentiellement d’information ou de consultation) qui s’exercent dans les domaines les plus divers et qui traduisent l’extension actuelle du rôle de l’État en matière de travail. Bien sûr, tous les rouages de l’administration sont chargés, dans les limites de leur compétence, d’intervenir dans ce domaine. Mais il existe aussi, le plus souvent, une administration spécialisée qui est placée sous l’autorité d’un ministère distinct: le ministère du Travail. Cette administration contient à la fois des organes centraux et des services extérieurs. La France, par exemple, possède un corps d’inspecteurs du travail qui jouent un rôle important dans le contrôle de l’application des lois sociales et dans les procédures de règlement des conflits – au point d’exercer, dans certains domaines, une sorte de tutelle sur les chefs d’entreprise. Sans doute est-ce à cette administration que le droit du travail doit, pour une large part, de ne pas rester purement théorique et inefficace. Mais il le doit aussi, dans une mesure qui n’est pas moindre, à l’activité desjuridictionsspécialisées en matière de travail. Parmi tous les litiges qui s’élèvent dans ce domaine, il en est, certes, un bon nombre qui ne peuvent pas être portés devant les tribunaux. On oppose souvent, à cet égard, les conflits de droits (ou conflits juridiques), qui portent sur l’application ou l’interprétation du droit existant, et les conflits d’intérêts (ou conflits économiques), qui portent sur la modification de ce droit ou l’élaboration d’un droit nouveau. Les uns et les autres ne relèvent pas des mêmes procédures, et l’on a généralement prévu, pour les seconds, des modes de règlement d’un type spécial, qui font appel à la bonne volonté des parties. Seuls les conflits de droits peuvent donc être portés devant les juges. Et, même si l’on cherche à favoriser au maximum la procédure d’arbitrage, il n’en reste pas moins que l’intervention d’un tribunal peut, dans bien des cas, se révéler nécessaire. L’expérience montre d’ailleurs que le contentieux du travail est aujourd’hui partout en nette progression. Il existe, en ce qui concerne les organes chargés de ce contentieux, une grande diversité suivant les pays. Certains (comme l’Italie) s’en remettent purement et simplement aux juridictions ordinaires du soin de résoudre les litiges qui peuvent s’élever entre employeurs et salariés. Mais d’autres, plus nombreux, ont mis sur pied des tribunaux spécialisés dans le règlement des conflits du travail, ou du moins de certains d’entre eux (que ce soit ceux qui naissent de l’application d’une convention collective comme en Suède, ou au contraire ceux qui s’élèvent à l’occasion du contrat de travail comme en France). Ces tribunaux obéissent à des règles très différentes: ils peuvent exister à un seul degré et être soumis, par le jeu des voies de recours, aux juridictions
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