Hommage à Henry Bauchau
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Description


Aurélie Filippetti rend hommage à Henry Bauchau
22/09/2012
Après l’annonce de la disparition d’Henry Bauchau, la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti a rendu hommage dans un communiqué publié le 21 septembre au romancier belge, "diariste captivant", "poète et penseur".
Décédé à 99 ans dans la nuit du 20 septembre, Henry Bauchau laisse derrière lui une œuvre dense et complète. Dans un communiqué publié le lendemain de sa disparition, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, a tenu à rendre hommage à l’auteur du prix du Livre Inter de 2008, Boulevard périphérique (Actes Sud).
Saluant l’œuvre de celui qui fut à la fois romancier, poète, essayiste et dramaturge, la ministre a avant tout honoré "l’écriture des profondeurs" de Bauchau qui a toujours su mêler avec finesse et poésie l’imaginaire et le réel.
Un écrivain des profondeurs
Evoquant son passé de psychanalyste, Aurélie Filippetti rappelle également qu’Henry Bauchau a toujours "cherché à éclai
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Langue Français

Extrait

Hommage à Henry
Bauchau
Ce n'est pas moi qui vais vers le poème, c'est lui qui vient vers moi.
Cela commence par un son, un rythme, une image et j'ai soudain le
désir, l'espérance d'écrire un poème. Je ne sais d'où surviennent
ces sensations inattendues, je vois seulement qu'elles sont en
mouvement et que, pour les retenir, je dois me faire mouvant
comme elles. Je m'avance dans la pesanteur et la liquidité des
mots, j'entre dans leur jeu. J'entrevois que si je parviens à quitter
mes chemins battus je pourrai, par attirances et dissociations,
assonances et dissonances découvrir entre eux des convenances
et des ruptures qui me sont encore étrangères.
Je me sens guidé par un rythme d'abord confus mais auquel je dois
me conformer, par un son de voix que je reconnais peu à peu pour
le mien lorsque j'ai la fermeté suffisante pour l'attendre et pour
l'écouter.
C'est un moment de bonheur où je communique avec une
profondeur, avec un immense passé, tout en me dirigeant, de façon
imprécise mais certaine, en avant.
Henry Bauchau " L'Ecriture à l'écoute" ( Actes Sud 2000)
1913-2012
L'écrivain belge Henry
Bauchau est mort
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IRIB-L'écrivain, poète et auteur dramatique belge d'expression française Henry Bauchau est
mort dans la nuit de jeudi à vendredi dans son sommeil à l'âge de 99 ans, a annoncé son
éditeur français Actes Sud.
Son roman Le Boulevard périphérique avait été couronné en France par le Prix du livre Inter
en 2008.
Né à Malines, en Belgique, le 22 janvier 1913, Henry Bauchau était venu tardivement à
l'écriture et s'était essayé à tous les genres. Après une enfance marquée par la guerre de
1914 et l'incendie de Louvain, puis une adolescence assez solitaire, Henry Bauchau
entreprend des études de droit et devient, en 1936, avocat au barreau de Bruxelles.
Maquisard dans les Ardennes pendant la Seconde Guerre mondiale, il est blessé le jour de
l'arrivée des Américains. Il s'établit à Paris en 1946.
Là, il entame une psychanalyse avec Blanche Reverchon-Jouve au cours de laquelle il
découvre sa vocation d'écrivain. En 1950, il parachève ses premiers poèmes qui,
rassemblés, formeront son premier livre, Géologie, édité en 1958 dans la
collection Métamorphose de Jean Paulhan.
Avec sa famille, il s'installe à Gstaad, en Suisse, où il dirige un établissement
d'enseignement privé. Il y écrit sa première pièce de théâtre, Gengis Khan, mise en scène
par Ariane Mnouchkine en 1961. A partir de 1975, Henry Bauchau travaille à Paris comme
psychothérapeute dans un hôpital pour adolescents en difficulté. Chargé de cours à
l'université de Paris VII, il rend compte des rapports de l'art et de la psychanalyse.
L'ORPHISME CHEZ HENRY BAUCHAU: VARIATIONS SUR LE
THÈME DE LA PERTE, ENTRE MYTHE, PSYCHANALYSE ET
POÉTIQUE
Myriam Watthee-Delmotte *
Hommes, pour être vous, l’enfant a traversé
l’étendue de la peur et par l’escalier bleu
jusqu’aux coeurs où battait l’amour du temps naïf
il n’a jamais voulu, Orphée, que redescendre.(1)

Ces quelques vers, qui figurent dans l’un des premiers textes d’Henry Bauchau, manifestent
l’intérêt du poète pour la figure mythique d’Orphée. D’entrée de jeu, les trois phases
orphiques sont présentes dans l’univers imaginaire d’Henry Bauchau: la katabasis (descente aux enfers) correspond à une récurrence du mouvement de descente vers ce qui est bas ou
souterrain(2)

Car le fond seul est véritable à notre attente.(3)

L’anabasis (remontée, retournement et perte) se retrouve dans l’affirmation incessante de la
perte affective, qu’il s’agisse de la mère, de la servante Mérence qui sert à celle-ci de
substitut,(4) du temps béni de l’enfance ou même de l’adhésion innocente à soi et au monde.
Quant au sparàgmos (démembrement), il est explicite entre autres dans le titre La Déchirure,
(5) qui ouvre l’œuvre romanesque, ou dans ce quatrain du poème Chant du ciel:

Aux lieux sévères du silence
Que les vents fassent mon tombeau
Brûlez mon corps, brisez mes os
Que je demeure en violence(6)

Ces vers montrent combien le parcours orphique est présenté ici sur un mode valorisant,
celui du désir. Il peut sembler étrange que la terrible destinée du héros mythique fasse chez
Henry Bauchau l’objet d’envie. Or, cette fascination, qui entraîne l’assimilation du JE
narrateur ou poétique à Orphée, ne se limite pas aux seuls débuts littéraires de l’écrivain.
Les mythèmes attachés à cette figure marquent l’ensemble de l’oeuvre romanesque et
dramatique. En particulier, ce mythe de héros touche les protagonistes et, s’articulant plus
particulièrement autour d’un héros-poète, il imprègne également les narrateurs. Quant aux
situations, elles présentent dans tous les récits une frappante similarité. Les personnages,
en effet, s’avèrent tous frappés au départ par une lourde perte affective, et s’engagent
invariablement dans une traversée symbolique de la mort qui n’aboutit pas à la reconquête
de l’objet du désir mais à une seconde perte, assumée cette fois. Nous envisagerons
l’œuvre dans sa suite chronologique afin de mieux percevoir la dynamique que l’auteur
imprime aux mouvements orphiques lisibles dans ses récits.

Personnages et narrateurs orphiques

Dans la première pièce de théâtre, Gengis Khan,(7) le héros se présente, au départ, comme
un esclave qui a perdu famille, terres et liberté, mais qui trouve dans ce dénuement suprême
le motif d’une révolte qui le mène à se redresser et à affronter la mort sans peur, jusqu’à
reconquérir ses richesses et atteindre le statut de Grand Khan. Mais il perd Timour, son seul
ami, pour n’avoir pas su mettre un frein au déferlement de violence qu’il a enclenché. Et si,
au cœur d’une seconde période de terreur, il rencontre Choulane grâce à qui l’affection
reprend un visage, cette fois il la sacrifie volontairement au nom de la Loi des Mongols, qui
bannit l’amour. Apparemment soutenu par un désir d’unité puisqu’il édifie un empire en voulant «effacer les frontières» (p. 70), Gengis Khan s’avère en fait un héros de la perte et
du démembrement, et ce n’est guère un hasard s’il commence par décapiter la statue d’un
dieu, et finit par n’être plus lui-même qu’une tête qui parle placée sur un «corps mort» (p.
88).
Mais à y regarder de plus près, ce surhomme qui ne recouvre jamais ce que la mort lui a ravi
apparaît comme un Orphée imparfait. Ses rapports au chant en témoignent: il s’irrite
d’entendre Akim chanter «des regrets, encore des regrets» (p. 74) et lui reproche d’avoir
«remué les cendres du passé» (p. 69) de Choulane, c’est-à-dire qu’il refuse d’associer le
chant et la mémoire. Dans ce contexte inversé, où le héros veut se tourner exclusivement
vers l’avenir, c’est alors la jeune femme qui exécute le retournement orphique: au nom de
l’amour, elle transgresse l’interdit, se retourne vers son passé, et c’est en reprenant les
paroles du chantre Akim qu’elle signifie au Khan leur séparation irrémédiable. Et c’est lui qui,
telle Eurydice, reste en définitive prisonnier de la mort. On le voit, les éléments orphiques
sont ici redistribués, et la transgression elle-même n’est plus perçue comme une faute mais
comme la seule voie possible de la réalisation de soi.
Dans le roman La Déchirure, le narrateur nous apprend dès les premières lignes qu’il se livre
à une évocation rétrospective de la mort de sa mère, et nous fait comprendre qu’il a pu
retrouver, in extremis, celle qu’il croyait perdue:

La mort n’y a rien changé. Le silence ne s’est pas rétabli entre nous, ni l’absence et le froid
qui nous ont séparés pendant tant d’années. (p. 13)

À nouveau, les mythèmes orphiques sont donc présents mais altérés: Orphée aurait-il
récupéré son Eurydice? L’exergue, «Nous ne sommes pas dans la réconciliation. Nous
sommes dans la déchirure», semble pourtant contredire cette hypothèse. Mais ici aussi, les
apparences sont trompeuses, comme le font bien comprendre les derniers mots du roman:
«D’ici quelques jours personne, sauf Mérence, ne saura que l’herbe a ét&#

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