Le criticisme dans la pensée arabe
140 pages
Français

Le criticisme dans la pensée arabe , livre ebook

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140 pages
Français

Description

La méthode critique et historique adoptée par Sadiq Jalâl al-Azm touche aux divers domaines et révèle son souci de traiter n'importe quel fait en vertu des exigences de l'esprit scientifique. Ne visant pas uniquement et arbitrairement la déconstruction des idéologies religieuses et politiques, il conçoit une société arabe affranchie des contraintes aveugles exercées par l'autorité politique et religieuse, une société fondée sur des bases laïques et socialistes.

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Date de parution 01 mars 2015
Nombre de lectures 11
EAN13 9782336370729
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

fait en vertu des exigences de l’esprit scientiîque. Il s’en sert pour accéder à des vérités établies sur des bases réelles et scientiîques tout en récusant l’approche conceptuelle et îgée de la réalité.
JeanPierre Nakhlé
LE CRITICISME DANS LA PENSÉE ARABE
Essai sur le rationalisme dans l’œuvre de Sadiq Jalâl al‘Azm
Le criticisme dans la pensée arabe
© L'HARMATTAN, 2015 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-05680-7 EAN : 9782343056807
Jean-Pierre NAKHLÉLe criticisme dans la pensée arabe Essai sur le rationalisme dans l’œuvre de Sadiq Jalâl al-‘Azm
Du même auteur La reconquête de l’être –sur la marginalisation de la conscience dans Essai l’œuvre de Joseph Abou Rizk, Paris, L’Harmattan, coll. Pensée religieuse et philosophique arabe, 2012. Pour une autre philosophie de l’environnement – Le statut paradoxal de l’intelligence vis-à-vis de la nature, Paris, l’Harmattan, 2014.
Introduction L’émergence du rationalisme arabe et son développement, au e cours du XX siècle, constituent un phénomène inédit qui mérite d’être étudié. Phénomène qui révèle le goût pour la pensée autonome et le pouvoir qu’a la raison de cultiver une connaissance philosophique et scientifique fondée sur une méthode rationnelle et expérimentale. Phénomène qui ne pouvait que soulever des idées antimétaphysiques dans un milieu où prévaut la mentalité religieuse inflexible et où les autorités religieuses exercent un pouvoir quasi-répressif. Dès lors, l’autorité qui ignore lesexigences de l’analyse rationnelle et l’enseignement fourni par les faits naturels et l’expérience ne saurait être tenue pour fiable. Le dernier mot revient au sujet libre, doté d’un esprit critique, analytique et scientifique, seul apte à remettre en question des vérités prétendument éternelles et à s’interroger sur la validité et la légitimité des institutions qui se targuent de détenir de pareilles vérités. Pour plus de précision et à titre d’analogie, soulignons que le rationalisme occidental s’est propagé en Europe à la suite de nouvelles découvertes scientifiques qui ont bouleversé de fond en comble la vision qu’a l’homme du monde. Il s’est développé avec le siècle des Lumières qui a réagi contre la double tutelle de l’Église et du pouvoir politique ainsi que contre la prépondérance des superstitions. Pareillement, le rationalisme arabe voulait s’imposer comme courant qui substitue aux autorités religieuses le pouvoir de la raison et de la pensée critique. Bien plus, certains de ses représentants n’onthésité à mettre en doute les vérités pas religieuses et métaphysiques au profit de la valeur attribuée à l’esprit critique et à la recherche scientifique.Il ne s’agit pas ici du rationalisme classique, ou de ce qu’on appelle l’innéisme, qui désigne la doctrine selon laquelle toute connaissance certaine provient des propositionsa priori évidentes ou des idées innées à l’esprit. Un tel type de rationalisme voit dans la raison un système rigide de principes ou de règles réfractaire à toute évolution. Lerationalisme contemporain, tel qu’on l’envisage dans cette étude, ne peut plus omettre les leçons de l’expérience. Sous sa forme actuelle, dynamique et large, ce rationalisme met en valeur le caractère dialectique de la pensée scientifique. Loin d’être immuable et rigide, la raison ne saurait uniquement procéder par voie déductive sans consulter le réel dynamique. C’est pourquoi
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elle multiplie et dialectise ses concepts pour les adapter au progrès de l’expérience et aux divers domaines d’investigation où elle travaille. Ce qui veut dire que les principes de la raison sont aptes à se modifier en fonction des champs expérimentaux auxquels ils s’appliquent.Les penseurs qui défendent le courant rationaliste dans le monde arabe appartiennent à des nationalités diverses. Citons à titre d’exemple,Sadiq Jalâl al-‘Azm de nationalité syrienne, Zakî Najîb Mahmûd de nationalité égyptienne, ‘Abdallah Qussaimi un saoudien, etc. Dans notre présent travail, nous consacrons notre 1 étude à traiter la pensée de S. al-‘Azm dont le rationalisme vif et le
1  Né en 1934 à Damas,spécialisé en philosophie, détenteur d’un doctorat (1961) à l’Université de Yale aux États-Unis sur la philosophie morale de Bergson, Sadiq Jalâl al-‘Azm est considéré comme l’un des grands penseurs du monde arabe et l’un des grands représentants du courant laïque. Éduqué au sein d’une famille aristocrate et peu traditionnelle, il a été formé chez les Frères Maristes Catholiques de Damas, puis au Lycée évangéliste protestant de Saïda, en passant par l’école du roi Fayçal. Il a étudié la philosophie à l’Université Américaine de Beyrouth où il obtint sa licence en 1957. Puis il continuait ses études supérieures à l’Université de Yale. Son appartenance à une grande famille de notables musulmans de Damas ne l’a pas empêché d’adhérer au marxisme. Il a enseigné dans plusieurs universités arabes ainsi qu’aux États-Unis, au Japon, en Allemagne et aux Pays-Bas. Mais il est fier d’être un professeur à l’Université de Damas et un intellectuel arabe de Syrie. En 1968, il fut licencié de son poste de professeur à l’Université Américaine de Beyrouth, quelques années après son enseignement, pour avoir signé une pétition demandant le retrait des troupes américaines du Vietnam et aussi à cause d’une controverse qui l’avait opposé au penseur et diplomate libanais Charles Malek. En fait, les problèmes avec cette université ont commencé à la suite de deux études et de deux conférences qu’il publiera ultérieurement dans son ouvrageCritique de la pensée religieuse. Après son retour en Syrie à la suite de l’invasion israélienne du Liban en 1982, il regagne l’Université de Damas et fut nommé doyen du département de philosophie. Mais il ne tardera pas d’être relégué à l’enseignement de l’anglais en raison de sa réserve à l’égard du parti Baath et de ses positions de gauche. En 2001, il signa un manifeste réclamant la démocratisation de la Syrie et la proclamation d’un État de droit. En 2006, il signa la pétition Beyrouth-Damas qui rassemblait des intellectuels libanais et syriens réclamant la reconnaissance par le régime syrien de la souveraineté libanaise et l’échange d’ambassades entre les deux pays. De nombreux textes de S.al-‘Azm ont été traduits en plusieurs langues (anglais, allemand, néerlandais, italien et français). Il était membre de l’Académie européenne des sciences et des artsa participé à la naissance de la et Fondation pour le renouveau de la pensée arabe. En 2004, il reçut le prix Erasmus décerné par le Praemium Erasmianum aux Pays-Bas et le prix Leopold-Lucas décerné par l’Université de Tübingen en Allemagne. (Cf.S. al-’Azm,Ces
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criticisme pénétrant rompent avec toute attitude figée et avec toute vérité révélée ou immuable. L’étude des autres représentants du rationalisme pourrait constituer l’objet des recherches ultérieures.En fait, l’intérêt que peut susciter l’analyse de la pensée deS. al-‘Azm réside, en premier lieu, dans son attitude courageuse et critique vis-à-vis des questions épineuses. C’est qu’il est allé jusqu’au bout dans la manière de traiter le problème de la pensée religieuse et celui de la situation sociopolitique des pays arabes, avec tant de clarté et de précision, et sans aucune forme de 2 complaisance. Son criticismeferme n’a épargné aucune autorité, qu’elle soit religieuse, sociale ou politique. Tout ce qui est objet de tabou, dans le monde arabe, n’a pu résister aux coups foudroyants de sa pensée critique et analytique. Attitude qui lui a coûté d’être poursuivi en justice et d’être emprisonné dix jours à Beyrouth en 1969, après avoir publié son ouvrageCritique de la pensée religieuseil met à nu le contenu de l’idéologie religieuse ainsi que les moyens détournés adoptés par les autorités politiques arabes pour justifier leur attitude défaitiste. L’événement qui a laissé le plus grand impact sur sa pensée et qui a déclenché ses écrits fut la défaite des Arabes devant Israël en 1967. Durant cette même année, il publiaL’autocritique après la défaitequi fut interdit dans plusieurs pays arabes après sa parution. En toute objectivité, il analyse d’une façon critique et minutieuseles causes de cette défaite, en fait assumer aux Arabes la responsabilité et propose des solutions concrètes pour remédier à cette crise. Avec un style acéré et ironique et avec un raisonnement solidetel qu’on le remarque dans ses différents ouvrages –, il réfute catégoriquement les propositions suggérées par la mentalité religieuse dont se servent les pouvoirs politiques pour neutraliser les effets de l’agression.La société arabe qu’il se représente doit être établie sur des assises solides dont les constituants sont le socialisme et la laïcité, et non sur des bases confessionnelles ou sur une mentalité
interdits qui nous hantent, textes traduits par J. Gharbi et J-P. Dahdah, révisés par F. Mermier et C. Raymond, France, éd. Parenthèses, 2008, p. 7-14). 2 Soulignons que les titres d’un bon nombre de ses ouvrages comportent déjà, à bon escient, le terme de « critique », à savoir :Critique de la pensée religieuse, L’autocritique après la défaite, Étude critique de la pensée de la résistance palestinienne.Il va sans dire qu’aucun de ses ouvrages ne manque d’une analyse critique et d’une remise enquestion des différents problèmes qui touchent à la religion, à la politique, à la philosophie, etc.
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traditionnelle. Une société qui doit parvenir à se débarrasser de son attachement excessif à des traditions périmées et à une législation pétrifiée qui ne répondent en rien aux véritables exigences humaines.  Révoquant avec acharnement les questions métaphysiques et l’idéologie religieuse, il y substitue, selon une nouvelle vision épistémologique, une méthode historique et matérialiste, de nature dialectique. Une telle méthode lui paraît seule en mesure de révéler réellement les conditions et les facteurs historiques, sociaux et matériels qui déterminent l’apparition et l’évolution d’un événement. Lequel ne saurait être ramené à une essence figée ni expliqué par des caractères immuables et définitifs, mais doit être interprété dans sa complexité et son devenir dynamique. Il appert, de la sorte, que l’idéologie métaphysique et la pensée religieuse sont incapables de résister à l’épreuve des données rationnelles et scientifiques qui les dépouillent de leur crédibilité. Devant l’expansion rapide et dangereuse d’une idéologie religieuse rigide et intolérante dans le monde arabe, l’on a intérêt à s’arrêter à la pensée critique et laïque, voire athéiste deS. al-‘Azm. Les attaques qu’il adresse à la pensée religieuse, et non à la religion elle-même, visent à déjouer ses vices et ses manœuvres malveillantes, et par la suite à libérer les croyants de leur adhésion aveugle et fanatique à des croyances désuètes et étroites. N’a-t-on pas le droit, comme il le répète lui-même, d’interroger de manière critique tout l’héritage religieux en ce qu’il comporte comme traditions et récits qui relatent des événements extraordinaires et des miracles ? Face au terrorisme exercé au nom des idéologies religieuses et des régimes politiques qui prétendent détenir la vérité absolue, l’on ne peut qu’être tenté par ce qu’il y a de tolérant dans le criticisme, et à la rigueur dans le scepticisme. Et ce, pour éviter les abus si souvent commis dans l’histoire humaine en considération d’une prétendue vérité dont se servent certains pour terrasser ceux qui n’y croient pas. Le dégoût que provoque une telle attitude d’atrocité et d’hostilité adoptée par des fanatiques intolérants nous rappelle le mot de Voltaire qui remarque que ces derniers sont beaucoup plus féroces que les tigres, lesquels ne déchirent que pour manger, tandis que ceux-là s’entretuent pour des 3 paragraphes .
3  Cf. Voltaire,Traité sur la tolérance, Paris, Gallimard, 1975, p. 41.
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S. al-‘Azm n’hésite pas à procéder au désenchantement de la mentalité du tabou et à la déconstruction de la logique d’anathématisation et de répression qu’il s’obstine à soumettre à un examen analytique et critique. Si, en se servant d’arguments solides, 4 il défend rigoureusement la cause de Salman Rushdie, c’est que, pour lui, cet auteur a fait preuve de courage et de révolte contre des croyances figées et des textes sclérosés qui ne se rapportent en rien aux dimensions authentiquement humaines. Réaction qui se manifeste également contre des autorités qui asservissent l’homme au profit de ce qu’elles considèrent comme sacré. Des autorités qui monopolisent Dieu et la religion dans les limites de leurs intérêts égoïstes et de tout ce qui assure leur pérennité. La littérature cynique de Rushdie n’est pas élaborée pour le plaisird’ironiser ou de braver les conventions sociales et religieuses, mais dans un but reconstructif. La religion qui se transforme en un outil d’agression violente et en un moyen dont bénéficient les autorités politiques, ne perd-elle pas sa raison d’être? Que vaut-elle si elle fait défaut à sa mission originelle, si elle ne fait que détruire l’être humain? Quelle est son utilité si elle fait sombrer les sociétés humaines dans les conflits les plus sanglants ? Est-il encore permis de concevoir des sociétés fondées sur des appartenances confessionnelles étriquées ? Entre un athéisme humain et une religiosité déformée, l’on ne peut opter que pour ce qui sert la cause humaine. Tant que les êtres humains ne sont pas encore parvenus à éprouver que leur appartenance au véritable monde humain dépasse toutes les autres appartenances confessionnelles, ethniques et même nationales, l’on ne peut que s’attendre à l’effondrement de notre condition humaine.
4  Remarquons que S. al-‘Azm consacre deux ouvrages pour prendre la défense de l’œuvre de Salman Rushdie, à savoir,La mentalité du tabou etAu-delà de la mentalité du tabou.
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