Le Plomb des Années/ Glaucorama(  en écriture) chap 2
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2/ L’ENFANCE D’UN CHEF Gosse, chanceux déjà, et depuis le berceau il faut croire… tant de litanies autour. Ah, tu en as de la chance, toi. Là, évidemment, on ne se rendpas compte de suite, on se demande. Parce que de mon point de vue d’enfant pas si formidable les vieux meubles rébarbatifs, les enfilades de vastespièces mal habitées auxplafonds hauts comme le ciel. J’yerrais en solitaire sans le moindre accès aux deux aînésguindés ne partageant jamais mes jeux. Alors, la vie de château… Chanceux, je ne trouvais pas, enfinpas avant l’école, d’être comparé aux autres, socialement classé, contraint à l’étiquetage. Nouveaux riches avec leplaisir de l’usurpationpar deniers accumulés récemment ?non, non, noblesse et richesse anciennes… de famille et de la nuit des temps. C’était attesté sanspeinepar la bizarrerie architecturalegardant la forme du donjon médiéval, plus tard aéré Renaissance, partiellement ré agencé dix-huitième, puis adapté de-ci de-là les deux derniers sièclespour intégrer la modernité. Oui, oui, bleu de sang… et de loin. Bon, le sangce n’est bleuplus ceque c’était, cela n’impressionne plus grand monde. Dans certains recoins de Brière, au milieu du sièclepassé, cela faisaitpourtant encore son effet catégorie àpart, être spécial. L’Abolition des Privilèges, en apparencepour le moins, on ne semblaitpas en être passépar là autour de chez nous.

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Publié le 21 octobre 2015
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Langue Français

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2/L’ENFANCE D’UN CHEF Gosse, chanceux déjà, et depuis le berceau il faut croire… tant de litanies autour. Ah, tu en as de la chance, toi. Là, évidemment, on ne se rendpas compte de suite, on se demande. Parce que de mon point de vue d’enfant pas si formidable les vieux meubles rébarbatifs, les enfilades de vastespièces mal habitées auxplafonds hauts comme le ciel. J’yerrais en solitaire sans le moindre accès aux deux aînésguindés ne partageant jamais mes jeux. Alors, la vie de château… Chanceux, je ne trouvais pas, enfinpas avant l’école, d’être comparé aux autres, socialement classé, contraint à l’étiquetage. Nouveaux riches avec leplaisir de l’usurpationpar deniers accumulés récemment ? non, non, noblesse et richesse anciennes… de famille et de la nuit des temps. C’était attesté sanspeinepar la bizarrerie architecturalegardant la forme du donjon médiéval, plus tard aéré Renaissance, partiellement ré agencé dix-huitième, puis adapté de-ci de-là les deux derniers sièclespour intégrer la modernité. Oui, oui, bleu de sang… et de loin. Bon, le sangce n’est bleu plus ceque c’était, cela n’impressionne plus grand monde. Dans certains recoins de Brière, au milieu du sièclepassé, cela faisaitpourtant encore son effet catégorie àpart, être spécial. L’Abolition des Privilèges, en apparencepour le moins, on ne semblaitpas en être passépar là autour de chez nous. L’école communale, là où on a commencé à me conforter chanceux, lesparentsytenaientpour faire républicain, démarche tout à leur honneur selon maître Froger, directeur en blouse grise investi idéal Jules Ferry. Loin d’être exempte deportéepolitique, la démarche tout à notre honneur n’excluaitpas desprécepteurs saisonniers venant corriger les distorsions du laïc effréné, de l’égalitarisme oublieux de la prééminence des élites traditionnelles. Ce réel danger s’était d’ailleurs concrétisé sous la forme d’unjeune instituteur très àgauche, très farfouilleur, féru d’histoire, répondant malencontreusement au nom de Zimmermann. Il est resté bienpeu de temps enposte à l’école communale,juste assezpour nous faire savoirque la Brière constituait un alleu. En savoirplus m’était apparu nécessaire devant l’ignorance véritable ou jouée de père disqualifiant le terme comme lubie de paysan. Pèrepassait une bonnepartie de la semaine à Nantespour ses affaires, accompagparfois de ma mère. L’accès à la bibliothèque était soumis à leur contrôle, les lectures induites avec interdiction d’y entrer pendant leur absence. C’est pourtant cequej’ai fait. Et de chercherparmi les nombreux volumes devant finalement me contenter du dictionnaire. Alleu : du francique alôd,propriété complète, terre libre ne relevant d'aucun seigneur exempte de tout devoir féodal.Et le fief des Kerlouarn, donc, d’où tenait-il son origine ? N’y avait-ilpas eu une usurpation. Cette question, difficile à poser en famille allait me suivre longtemps, confortant le renard, louarn, des armoieries familiales. Des malins, les Kerlouarn, depuis leurs débuts.
Je n’en étais pas moins fils de châtelain, benjamin, d’accord, mais du château. Bien que modeste château de simple seigneur, échelon le plus bas en noblesse, il s’impose à la vue. Il surplombe, il nargue, du haut de l’unique colline dans le paysage plat, le modeste village d’où y monte un vicinal sinueux bordé de peupliers. Alors en bas, quand on s’adressait à moi, je suivais l’œil de l’interlocuteur se levant systématiquement vers le sommet de la colline. Un château qui hante le village. La déférence se lisait dans l’attitude des petits campagnards, ce qui me semblait d’autant plus incongru après ma découverte de l’alleu consituant la plupart des terres
briéronnes. Les révolutions successives n’avaient pas effacé la soumission, les bérets glissant encore promptement sous les bras lors de notre passage pour assister à la grand-messe, rituel obligatoire, en famille, en défilé, l’automobile volontairement stationnée loin de l’église. Aristocrate. Riche, je saisissais sans mal, mais aristocrate… Les galeries de portraits ornant les couloirs du château comme pour un concours de laideur avec l’accent sur l’importance et la courbe des nez ne m’éclairant pas je ne comprenais pas quel avantage cela pouvait bien conférer, ne saisissais pas le pourquoi de la déférence. Notre lignée remonte très très loin… jusqu’à Alain Barbetorte. Père – père, jamais mon père et évidemment pas papa – nous faisait remonter au dixième siècle alors qu’aucun portrait n’allait en-deçà du seizième. Je me suis interrogé sur l’existence même, quelque part, d’une lignée capable de s’attribuer mille ans. Illusoire, de retracer l’ancestralité aussi loin. Enfin, il nous vernissait de solides notions d’histoire vue d’en-haut, familiale et bretonne confondues. À commencer bien sûr par Alain Barbetorte, le louarn, le renard, boutant les Viking hors de Bretagne. Je subodorais de plus en plus une imposture Kerlouarn, au fil de mes lectures lycéennes il m’apparaissait que l’histoire du Moyen-Âge méritait d’être réécrite car l’alleu n’était peut-être l’exception mais la règle et le système féodal ne représentait toute l’importance attribuée dans l’histoire officielle, de quoi s’interroger sur la morgue des Kerlouarn et justifier mon choix de différence. Comme le suggéraient déjà les portraits les plus récents de la galerie, les dernières générations avaient évolué vers le bonheur génétique des physiques légèrement moins ingrats. Y-aurait-il eu quelque mésalliance esthétique captant la beauté dans la roture. La chance, encore. Toujours est-il que le devoir, selon père, imposait d’affirmer bien haut que nous descendions de Barbetorte. Au moins avions-nous le mérite d’avoir évité une descente en chute libre comme tant d’aristocrates fauchés depuis au moins le dix-huitième siècle, devenus plus rapiats d’une génération à l’autre, grelottant dans deux ou trois pièces de leur château en ruine pour économiser le fioul, s’alimentant des topinambours fournis par leurs gens, derniers demeurés n’ayant pas réalisé qu’ils ne sont plus leurs gens. La famille de Kerlouarn – du renard là aussi, d’où l’insistance sur une hypothétique ou mythique filiation – a su, elle, depuis la fin du Moyen-Âge, non seulement gérer avec profit terres et métayers mais aussi investir dans diverses activités indiquant un flair – la démesure des nez ? – hors du commun. Elle a su, à l’image du château, se transformer au gré des époques afin de fructifier. L’accroissement le plus spectaculaire de la fortune provient toutefois du commerce triangulaire. Le bois d’ébène, malgré le déchet à fond de cale de cette matière hautement périssable lors des traversées de l’Atlantique s’est révélé une mine d’or. Il a propulsé la famille vers la fortune non terrienne. On feint d’oublier que le magnifique hôtel particulier de Nantes ainsi que d’autres riches locaux construits ou achetés proviennent de la traite. Et lorsque le sujet s’invite incidemment, l’expression autres temps autres mœurs permet de clore au plus vite la conversation. Les Kerlouarn ayant toujours capté l’air du temps – le nez – on tait la gêne historique, s’affiche selon le désir aussi bien des gouvernants que des populations. Il arrive que dans certains recoins de cette région privée de Bretagne depuis Pétain la noblesse conforte son rôle traditionnel d’autorité naturelle à l’épreuve des urnes. Sans aller jusqu’à la députation dynastique des De la Ferronay, les Kerlouarn ont fréquemment siégé au Parlement depuis la Troisième République. La petite commune homonyme a souvent bénéficié de la gestion éclairée, répète-t-on, de maires et députés familiaux. Les vocations politiques avaient déserté – signe de décadence ? – depuis une décennie avant ma naissance. Assez curieusement, lorsqu’il s’est avéré que je n’étais ni un acharné des études ni enclin à m’investir dans les entreprises familiales c’est à moi qu’on songé
pour reprendre le flambeau politique. Quoi de mieux, en effet, qu’un bon à rien, un inutile familial, pour légiférer dans le plus grand bien de la nation. Les expéditions avec les garnements du village entre marais et forêts compensaient pendant l’enfance l`oppression du château. En étaient nés mon appétit de liberté et mon peu de goût pour les contraintes. Et les contraintes de diverses natures finirent par se préciser lors des années lycée. Rang à tenir, modèle, comportement exemplaire… de la tenue, donc, pour édifier les autres, se montrer digne de sa place éminente dans la société, pour soi-même aussi, en interne. Le catholicisme affiché revêtait l’austérité d’un calvinisme secrètement perpétué rappelait la proximité du château de la Bretèche, un temps haut lieu de dissémination de la religion réformée. Si les Kerlouarn avaient habilement, comme toujours, abjuré leur foi à temps la famille n’en pratique pas moins depuis lors raideur et rigueur calvinistes jusqu’à nos jours. Une révélation soudaine et impérieuse venant de ma vision décalée de l’univers Kerlouarn, m’avait guidé dans le choix d’un avenir. Brebis galleuse, c’était décidé et cela convenait à mon tempérament facétieux, à mon besoin de dérision contre cette clownerie sérieuse à blason. Brebis galleuse, une première, la galerie familiale paraissant en être singulièrement privée. Inimaginable toutefois d’affronter père en lui présentant ce choix de carrière original qui pouvait paraître, à priori, incompatible avec la vocation politique, très très compatible par contre avec une vie sexuelle débridée. Au lycée déjà, cela me démangeait. Cela nous démangeait tous, alors comment savoir si mes démangeaisons étaient plus pressantes. Parce que les femmes, pendant mon enfance… N’allez pas imaginer : un château, pléthore de servantes accortes. Pas du tout, que des laides, des grosses, des vieilles. Au village, après le catéchisme, derrière les contreforts de l’église je ne connaissais guère que les séances furtives de touche-pipi avec la môme Berthe alerte à tripoter les garçons du village pour quelques mais se gardant bien d’aller au-delà. Je n’avais pas appris grand-chose. Seule la vieille Margot, titubant, puant la vinasse, avait réussi à me coincer contre un chêne pour me débraguetter avant une pipe goulue… ma première véritable expérience sexuelle. Le eh ben mon garçon ! qu’elle avait lancé entre deux hoquets, ce que cela signifiait, je n’avais pas bien saisi. Bourrée comme elle était… M’était venu à l’esprit lors de cette première pipe au Sénéclauze, comme ça, en fulgurance, le mot corruption appliqué à la chair, mot prisé des Calvinistes et transmis de génération en génération dans la formation des Kerlouarn. Pour la première fois je comprenais le mot et sa volupté en dépit de la bouche peu ragoûtante de la vieille Margot s’activant frénétiquement… ou plutôt à cause de cette bouche décatie. J’imaginais un instant Théodore de Bèze (orthographe correcte, si, si), sorte de précepteur indirect dont on nous rebattait les oreilles :Le corps est semé en corruption, il ressuscitera incorruptible. Cette phrase répétée lorsque père décidait d’instruire ses enfants, je ne m’y étais alors jamais arrêté vu mon peu d’intérêt pour la religion. Le corps est semé de corruption… prémisses de ma future exploration de cette corruption. Au lycée, lycée privé religion et discipline de fer, à Nantes, la masturbation allait bon train dans les dortoirs, enfin pour les esprits éclairés, après l’extinction des lumières et du pion. En cinquième boutonneuse nous fantasmions à peu près tous sur Miss Violet (say Miss Vaiolett). Des averses de foutre bien frais, premières cuvées, se perdaient dans les draps rugueux de l’internat. Miss Violet, nous le supposions, l’imaginait, s’en excitait. L’anglais figurait comme matière la plus concourue, ce qui ne m’empêchait pas de rester premier grâce aux fréquents séjours en Angleterre depuis la plus tendre enfance. Miss Violet devait son surnom à une mèche violette
arborée en tout début d’année scolaire. Le proviseur lui aura probablement signalé l’inconvenance de ce ton de chevelure non conventionnel. Heureusement son retour à un auburn plus courant ne nous avait jamais privé de son décolleté avant sa disparition subite en cours d’année. Combien d’érections intempestives en regardant cette superbe poitrine à moitié dévoilée. Un jour pourtant, elle m’avait retenu après la classe… un doute à propos d’un mot sur un devoir remis. Son buste penché, tête baissée vers ma copie, m’offrait une vue plongeante. Qu’elle n’ait alors pas remarquée la tension du velours de mon pantalon, impossible. Je crois bien d’ailleurs avoir volontairement tardé à plaquer mon cartable devant. Depuis ce jour miss Violet m’obsédait sans néanmoins m’empêcher d’éprouver un terrible besoin de passer à l’acte avec la première venue. Un jour de détresse, n’y tenant plus je m’étais permis d’agiter ma queue devant la lavandière, l’un des laiderons du château. De bonne grâce elle avait consenti à une masturbation de plus en plus frénétique. Si ces éjaculations autoguidées ou gérées par autrui me faisaient entrevoir les joies explosives de l’enfer paradisiaque du foutre, j’avais hâte d’aller plus loin. Quatrième, troisième, le lycée continuait sans Miss Violet, virée à cause d’un penchant pour les lycéens selon les mauvaises langues. Je l’ignorais mais toujours est-il que je ne parvins pas à trouver l’âme charitable devant me délivrer des tourments de la non-chair. J’attendais la résurrection si présente dans les préceptes de Théodore de Bèze à travers père. L’anglais nous venait de Monsieur Couillard (eh oui) qui faisait de son mieux malgré une chevelure aux normes, sans la moindre teinture… et sans sex-appeal. Lecolloquial englishqu’il enseignait avec compétence n’estompait pas le teasing englishde Miss Violet.
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