Les intégrismes juif, musulman et chrétien
21 pages
Français

Les intégrismes juif, musulman et chrétien

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
21 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description


Étude psychanalytique
Comme je l'ai signalé dans la chronique précédente, lorsqu'un État se désagrège d'avoir perdu sa légitimité, la société se brise en ses multiples communautés. Celles-ci perdent alors totalement leur caractère religieux dont elles avaient déjà perdu une bonne partie en cédant la gestion de leurs affaires publiques à l'État, et deviennent des communautés politiques plus préoccupées par le contrôle de leur espace vital. Certaines vont même jusqu'à reconstituer un mini état communautaire qui peut éventuellement polariser autour de lui les autres communautés.
  [Moins]

Informations

Publié par
Nombre de lectures 19
Langue Français

Extrait

Les intégrismes juif, musulman et chrétien
Chronique de paix
Les intégrismes juif, musulman et chrétien
Étude psychanalytique
Comme je l'ai signalé dans la chronique précédente, lorsqu'un État se désagrège d'avoir perdu sa légitimité, la société se brise en ses multiples communautés. Celles-ci perdent alors totalement leur caractère religieux dont elles avaient déjà perdu une bonne partie en cédant la gestion de leurs aFaires publiques à l'État, et deviennent des communautés politiques plus préoccupées par le contrôle de leur espace vital. Certaines vont même jusqu'à reconstituer un mini état communautaire qui peut éventuellement polariser autour de lui les autres communautés.
L'Europe déborde et se déverse vers la Palestine et l'Égypte Une situation comparable se présente, mais à plus grande échelle lorsque l'équilibre d'un continent est secoué par des conits majeurs qui ne semblent pas avoir de solutions prochaines. Une communauté peut alors émerger, issue de plusieurs états à la fois et développer des ambitions politiques à l'échelle poly-étatique.
Le premier exemple qui vient à l'esprit, est le temps des croisades. Les multiples crises de l'Europe féodale ont provoqué l'émergence d'une communauté chrétienne dont les ambitions politiques se sont exprimées à travers le désir de reconquérir le Saint Sépulcre. L'Europe en crise s'est investi dans une universalité politique chrétienne pour laquelle ses frontières sont devenues étroites et étouFantes. La quête de soi passait désormais par la conquête de l'autre. L'autre étant curieusement avec une régularité étonnante cette jointure fascinante entre l'Afrique et l'Asie que sont l'Égypte et la Palestine.
Jamais aucun territoire à part peut-être l'Inde n'a exercé autant de fascination sur l'Europe que ce point de suture d'ou a émergé le monothéisme. Toutes les aventures européennes les plus folles ont commencé ou îni en ce point ou l'ont considéré comme un point d'appui majeur dans leur entreprise. Ce point permet de distinguer nettement entre l'Europe continentale centrée sur l'Égypte et la Palestine et L’Europe périphérique, qui est surtout orientée du côté de l'Océan et, au-delà de l'Océan, des Indes.
Mais pour en revenir à la notion de crise continentale , l'épopée napoléonienne aussi bien que l'aventure nazie relèvent de ce même processus qui commence par une crise majeure impliquant le continent dans son entier. Par la suite, une communauté particulière invente une nouvelle universalité de nature essentiellement politique. Ce projet universel doit retrouver des alliés ailleurs
partout en Europe. L'ampleur du mouvement est tellement puissante qu'il franchit les limites de l'Europe vers la suture afro-asiatique.
Le Sionisme religieux et nationaliste laïc Dans ces deux cas cependant, le caractère religieux de la quête est moins apparent. Il se camoue derrière une religion très Européenne: le nationalisme. Ce mélange très original de religion de géographie et de linguistique reste malgré son extraordinaire extension, très marqué par ses origines européennes.
Dans la série de projets universalistes européens, le projet sioniste occupe une bonne place. Dans sa première forme, il a répondu aux crises qui ont précédé et suivi la première guerre mondiale. Les grands empires européens qui ne connaissent pas le nationalisme se sont écroulés laissant une grande inquiétude en Europe et la plupart des communautés juives dénudées et sans protection face à l'extension soudaine du nationalisme: La protection dont bénéîciaient ces communautés de la part de l'Empire Ottoman ou de L'Empire Austro-Hongrois était désormais chose du passé. La menace nationaliste avait déjà un caractère inquiétant dès la în de la guerre. Le sort des Arméniens aux mains des nationalistes laïcs turcs était éloquent.
Un certain nombre de Juifs ont alors décidé d'embarquer eux-mêmes dans un projet nationaliste laïc, celui que leur oFrait le sionisme. En mettant en exergue son aspect religieux, le sionisme semble s'apparenter aux croisades. Dans ce retour à la terre biblique à partir de tous les coins de l'Europe, dans cette haine profonde assidue contre ceux qui profanent de leur présence inopinée, inattendue, cette terre sacrée qui aurait dû normalement être vierge de toute trace humaine (terre sans peuple), il y a certainement la dimension mystique qu'avaient pris les croisades.
Cet aspect n'est cependant que partiel. Le sionisme a un côté nationaliste laïc qui est au moins aussi important que son aspect religieux. On le repère aisément dans le caractère très nationaliste de la démarche, dans les structures laïques de l'État. On le voit également transparatre dans l'absence criante de la dimension divine.
Dans les communautés ou l'aspect religieux prédomine, on laisse habituellement une certaine place à l'impondérable, conîants que l'on est que Dieu y pourvoira. Et si d'aventure, Dieu semble orienter les choses autrement, on s'interrogera sur ses desseins quitte à les trouver en în de compte impénétrables". Lorsque l'inquiétude est si grande que rien n'est laissé au hasard, lorsque la seul présence de l'étranger est une menace quasi mortelle, c'est que le rapport au divin est brisé qu'on ne peut plus compter sur sa protection pour arranger les choses. On est rentré de plein pied dans le nationalisme.
Le sionisme traumatique La double dimension religieuse et nationaliste ne sut pourtant pas à rendre compte de la complexité de la situation. Israël n'est pas un pays "normal". Il est
né dans des conditions très particulières pour compenser un traumatisme subi par les Juifs lors de la "dernière" guerre. C'est ainsi qu'on l'a appelée, parce qu'elle fut si atroce qu'on a souhaité très fort qu'elle soit vraiment la dernière. De la même façon qu'on a souhaité (surtout les USA) ardemment mettre les Juifs à l'abri pour toujours contre toute agression derrière des frontières sûres.
Quelles que soient les chances de succès de telles ambitions, toujours est-il qu'elles ont fondé l'état d'Israël sur le sentiment de culpabilité des Européens qui se sont sentis "en dette" envers les Juifs et ont voulu compenser pour les tords qu’ils leur ont été causés. L'État d'Israël est par déînition un état de Traumatisés auxquels tout le monde a reconnu qu'ils avaient été traumatisés. La réalité du traumatisme est là reconnue par tous et elle est "démontrée rétroactivement" par l'existence même de l'état. Mais l'état, même s'il veut compenser le traumatisme de par son existence, n'a pas pour autant la capacité de le faire disparatre. Le traumatisme devra durer même compensé, il lui faudra se maintenir aussi longtemps que durera l'état d'Israël. Si Israël est la preuve du trauma il s’en suit que si on oublie le Trauma ou eFace l’existence d’Israël. Car Israël ne peut pas être la preuve de rien.
En d'autres termes au lieu d'être compensé, le trauma a été démontré. Chaque Israélien doit donc prendre en considération cette démonstration permanente de l'existence du trauma et l'assumer en revendiquant une nouvelle compensation qui, comme elle ne peut plus s'adresser aux Européens (puisqu'il y a eu matériellement compensation) va devoir se manifester autrement.
Ce sont les Arabes et plus particulièrement les Palestiniens qui vont en faire les frais. La demande de compensation issue de la compensation (indéîniment insatisfaisante) qui s'interprète comme une demande de reconnaissance du trauma va s'adresser aux Arabes et aux Palestiniens. Chaque Israélien se sentant responsable d'Israël comme preuve du trauma, va réclamer dès lors cette compensation à cors et à cris. Chaque refus des Arabes et des Palestiniens de leur céder une parcelle de terre sera interprétée comme un refus de reconnaissance du trauma et les amènera à redoubler d'eForts pour la conquérir. Tous les malentendus de la relation des Israéliens avec les Européens vont se trouver déplacés vers les Arabes et les Palestiniens avec cette diculté supplémentaire que ceux-ci ont du mal à saisir qu'on les prend pour d'autres, et le comprendraient-ils, ne sont aucunement prêts à se mettre à la place de celui qui bat sa coulpe face à des Israéliens qui viennent de leur piquer leurs terres. Les Occidentaux peuvent ainsi se payer le luxe de contempler sereinement le conit en prônant bien sûr la paix et la fraternité sur la terre et au ciel tout en remerciant la providence de ce que la rage Israélienne se déverse sur les Arabes plutôt que sur eux.
Libération nationale
Petit à petit cependant les Israéliens ont pris conscience de leur aliénation par rapport à l'Europe. Ils se sont aperçus qu'ils pouvaient rester indéîniment dans cette position demandante qui par ricochet sur les Arabes demande aux Européens qu'ils reconnaissent un traumatisme qu'ils ont déjà reconnu. Ils ne pouvaient rester indéîniment dans ce corps à corps conictuel avec l'Europe par le biais des Arabes ou, en langage lacanien, prisonniers de la jouissance culpabilisée des Européens. Ils ont pris petit à petit une certaine distance par rapport au trauma. Ce qui leur a permis de découvrir qu'il y a un peuple, sur cette «terre sans peuple».
Ils ont décidé alors, au moins pour certains d’entre eux, que moyennant une suspension du processus religieux-nationaliste-traumatique qui les animait jusqu'à présent, ils pourraient faire la paix avec ce peuple dont ils venaient de découvrir l'existence sous leurs bottes.
Le virage d’Oslo Cette période nationaliste de libération nationale de la tutelle européenne a duré jusqu'aux accords d'Oslo. Ceux-ci semblent être un renversement de la période nationaliste qui l'a précédé en ce sens que la reconnaissance mutuelle remplace la négation de l'autre et la paix remplace la guerre. Les Israéliens reconnaissent que les Palestiniens existent et qu’ils leur ont causé des dommages. En compensation de ces dommages ils s’engagent à … ne plus les attaquer. En réalité ils ont renoncé à leur hargne contre l’Europe. Quant à compenser les Palestiniens, il n’en a jamais été vraiment question. C’est déjà un cadeau de reconnatre qu’ils existent. Ils n’iront pas plus loin.
Les accords d'Oslo se sont concrétisés sous les auspices d'une idéologie libérale et pragmatique. Les négociateurs ont non seulement été convaincus qu'aucun des protagonistes n'obtiendrait jamais la victoire, mais qu'il était possible de coexister paciîquement, fructueusement, exclusivement sur la base des échanges économiques. Oublié le Nationalisme laïc, oublié le trauma de L’Holocauste, les Israéliens ont décidé de se soustraire à la tutelle européenne en suspendant la rage qui les accrochait à ce continent.
Toutes les légitimations idéologiques de nature nationaliste dans les deux camps se sont trouvées aux orties, au proît d'un pragmatisme économiste heavy duty qui était supposé tenir lieu de compréhension mutuelle. Ce qui semblait être l'apothéose enîn paciîée de la période nationaliste s'est révélé être une rupture radicale sur cette période avec des conséquences incalculables.
Israël, qui jusqu'alors était le fer de lance de l’énième version d'un fantasme européen continental centré sur la suture afro-asiatique s'est trouvé désarrimée de ses bases arrières européennes, pour être aussitôt pris en charge par un ensemble tout à fait diFérent qu'on a pris l'habitude d'identiîer aux USA et à son
indéfectible alliée la Grande Bretagne.
La ceinture océanique Ces deux pays qui ont récemment entrané dans leur sillage en Irak un certain nombre de pays de l'Europe périphérique comme les Pays Bas, le Danemark, et l'Espagne, ont des caractéristiques particulières qu'on pourrait résumer en disant que
1) philosophiquement, ils sont orientés du côté du pragmatisme et de l'économisme tandis que
2) géographiquement, le lieu sur lequel ils exercent leur talent est l'Océan et plus spécialement l'Océan atlantique; et enîn
3) le Terre à laquelle ils aspirent au-delà de l'accessible n'est pas la Palestine ou l'Égypte, mais les Indes et ce non pour des raisons idéologiques mais pour des raisons économiques. Depuis l'Antiquité, la route des Indes a joué un rôle important dans l'imaginaire Occidental. Tous les pays de l'Europe périphérique ont construit leur identité contre l'Islam qui a eu le monopole de la route des Indes jusqu'à ce que leurs vaillants navigateurs contournent le Cap de Bonne Espérance. C'est en cherchant une autre route des Indes que Colomb découvre l'Amérique. D'ailleurs, la reconquête de l'Espagne sur l'Islam s'est achevé l'année même de la découverte de Colomb.
De sujet à objet En signant les accords d'Oslo, Israël s'est remise sous la tutelle des peuples de l'Océan. Rabin a renoncé à l'idéologie nationaliste messianique pour adopter une idéologie pragmatique disant que si les deux peuples doivent forcément vivre ensemble autant qu'ils le fassent en paix. Il faisait le même pari que tous les peuples de l'Océan à savoir que l'économie et le commerce susent à unir et réconcilier les peuples. Après avoir été le centre d’une problématique méditerranéenne, Israël quitte la tutelle européenne pour devenir le centre d’une problématique océanique. Un peu comme les mouvements de libération nationale de l’après guerre qui, prenant leur indépendance du colonialisme européen se sont réinscrits aussi sec dans la mouvance du néocolonialisme américain.
En renonçant au nationalisme avec tout ce qu'il comporte de romantisme, les Israéliens se sont retrouvés en somme indépendants mais prisonniers de la survie de leur état. Ce n'est plus l'esprit de conquête et de légitimation de cette conquête qui les a animés, mais la pure nécessité de conserver un certain nombre d'acquis. Au lieu d'être les acteurs passionnés d'un destin héroïque, ils sont devenus les modestes fonctionnaires d'un état contesté. Tout doit converger dans le destin de chacun vers la sauvegarde de l'état. La mobilité qui avait caractérisé la période précédente se transforme en captivité. L'élan subjectif qui les a jusqu'à présent animés s'est évanoui. Ils ne sont plus que les objets de la
sauvegarde de leur état.
Le deuxième traumatisme Tout le dynamisme bonapartiste de la période précédente a dû être jugulé. Après avoir renoncé à leur rage contre l’Europe, face à laquelle ils brandissaient leur esprit conquérant, ils se sont retrouvés seuls face à la sauvegarde de leur état, tenus à une immobilité inhabituelle qui les a fragilisés à l’extrême. Tant et si bien qu’avec la deuxième Intifada, une pierre lancée par un enfant sur un char d’assaut susait à provoquer une réponse à balles réelles.
C’est de là que débute le deuxième traumatisme. La sauvegarde de l’état va l’emporter sur toute autre considération. Autrefois leur soumission à l’Europe leur était intolérable. Ils y répondaient par ce nationalisme rageur contre les Arabes. Cette fois ils sont soumis à leur propre état et ne peuvent en aucune façon y réagir. En langage lacanien on dirait qu’ils sont soumis à la jouissance de l’état. Le risque ici est d’être tellement soumis aux impératifs de l’état qu’ils en viennent à disparatre. Tout mouvement inconsidéré pourrait soit nuire, soit paratre nuire, à l’existence de l’état.
Durant la période précédente l’état était la preuve du trauma qu’il fallait assumer, cette fois l’état est la cause du trauma puisqu’il aliène toute la société à ses exigences. Le danger de ne pas satisfaire aux exigences de l’état, ou d’être si indépendant par rapport à lui que l’on provoque son mécontentement, ce danger va crotre progressivement. Chaque Israélien va certes être tenté de se soumettre totalement à l’état mais à un niveau subjectif plus profond il va chercher à transgresser cet impératif de soumission en faisant appel à quelque chose qui au contraire menace l’état. Il s’agit, bien-sûr du Palestinien terroriste qui va incarner la subjectivité israélienne. C’est ainsi que prend forme le deuxième traumatisme avec la deuxième intifada. Les Palestiniens vont tout à coup acquérir un énorme pouvoir de nuire qui va se concrétiser par la pierre jetée par un gamin et par les attentats suicide.
Se faire assimiler La subjectivité israélienne va aussi s’exprimer dans des fantasmes de dévoration qui portent la surestimation du pouvoir de nuire des Palestiniens à son apogée. «Quelques années et les Arabes seront majoritaires dans notre pays. Ce qui veut dire que notre pays juif ne sera plus juif. Ce qui implique qu'on sera dans un corps qui n'est pas le nôtre. En d'autres termes, on aura été dévoré.» C’est qu’après avoir joué le rôle d’une alternative au caractère impératif de l’état, les Palestiniens deviennent aussi proches et aussi impératifs que lui pour l’Israélien. D’où la nécessité de poursuivre la guerre et d’aller chercher le manque dans l’Autre qu’est devenu le Palestinien, d’aller chercher sa faiblesse.
La seule façon de maintenir une distinction d'avec l'ennemi devenu trop proche est de provoquer un état de guerre quasi permanent. La guerre va ainsi maintenir une distance salutaire et jouer le rôle de l'idéologie nationaliste à laquelle il a fallu renoncer en faisant la paix. Ce genre de guerre est forcément endémique
puisque le but de la guerre n'est pas de vaincre mais de maintenir une frontière et protéger de l'assimilation.
Ici je crois que le mot assimilation prend toute son ampleur. Être assimilé c'est être pris pour quelqu'un d'autre, c'est être aliéné, c'est perdre ses caractéristiques identitaires, mais être assimilé pour les Juifs qui ont connu l'Holocauste c'est aussi être dévoré et détruit par l'autre.
La protection du nationalisme laïc Dans les premiers temps qui ont suivi l'Holocauste, les Juifs sionistes n'ont pas pu imaginer aller vivre simplement en Palestine en partageant le même état que les Autochtones pour deux raisons. D'une part parce que leur crainte d'être assimilés était encore très importante, dans les deux sens du terme, d'autre part parce qu'il eut fallu pour cela qu'ils soient demeurés Juifs dans le plein sens du terme. Or les événements en avaient fait des Juifs politiques nationalistes et laïcs.
Se fondre en tant que Juifs dans la population était impensable, pour eux. Le nationalisme leur a servi d'écran de protection contre un danger qu'ils avaient connu en Europe. Mais cet écran est devenu une aliénation déînitive dans un judaïsme politique alors qu'ils ne risquaient plus du tout les mêmes dangers en Palestine.
On peut dire qu'en Palestine, ils ne risquaient nullement d'être assimilés ni dans le sens d'être dévorés, ni dans le sens de perdre leur identité. Au contraire s'ils avaient conservé leur identité communautaire, ils auraient très bien cadré dans le décor. Tout le monde en Palestine et ailleurs au Moyen Orient a une identité communautaire.
Israël accouche des Arabes Mais ils ont tenu à rester Européens, à conserver déployé le bouclier du nationalisme. Tant et si bien que le Monde arabe lui-même s'est converti au nationalisme. Avant Israël, pas un seul État arabe n'était nationaliste. C'est en 52 que cela a commencé en Égypte avec le Coup d'état des Ociers Libres, puis ça s'est propagé comme une tranée de poudre. 20 ans plus tard, l'Algérie, la Tunisie, la Libye, l'Égypte, le Yémen, l'Irak, la Syrie et la Palestine, ce qui représente en termes démographiques l'écrasante majorité de la population arabe, étaient rendus des États nation.
Le Nationalisme arabe ne date certes pas de 48; il a été propulsé dès le XIX siècle par la lente chute de l'Empire ottoman. On peut même estimer que le sionisme a été provoqué par cette même cause. N'oublions pas que les Juifs étaient les protégés privilégiés de l'Empire ottoman. Toujours est-il que même si la création d'Israël n'a pas créé le Nationalisme arabe, elle a tout de même été l'étincelle qui a mis le feu à toute la plaine.
Israël par l'eFet du Nationalisme a provoqué l'existence du Monde arabe qui avant lui était inconnu de tous, y compris de lui-même. Avant Israël, le concept
d'Arabité se limitait à la péninsule arabique, à la langue arabe et au nomadisme. L'ampleur que ce concept a pris avec Nasser était un pur eFet du Nationalisme. On a du mal à imaginer aujourd’hui combien ce concept était inexistant avant 48. Comme on a aussi du mal à imaginer que des Juifs puissent être seulement Juifs, c'est-à-dire sans référence au sionisme.
Le post nationalisme traumatique Aujourd'hui que tant le Nationalisme arabe que le sionisme sont moribonds on a beaucoup de mal à imaginer ce qui va suivre. On conserve les derniers symboles du Nationalisme par crainte de ce qui pourrait advenir s'ils disparaissaient.
C’est que même Bush et Sharon et probablement Blair qui sont les principaux animateurs de cette nouvelle ère post-nationaliste ont du mal à savoir ou ils mettent les pieds. La situation est idéologiquement tout à fait nouvelle. Même si elle date déjà de quelques années, les concepts pour l'appréhender ne sont pas encore élaborés.
La principale diculté vient de ce qu'un des protagonistes majeurs, Ben Laden, et le mouvement intégriste islamique de façon générale, ont été diabolisés pour des raisons évidentes et qu'il devient dicile de les comprendre hors de cette appréhension démoniaque. Pourtant comme dans la période précédente les eFets de miroir sont importants et les ressemblances entre les camps, au moins au niveau politique, sont assez apparents pour celui qui veut bien se donner la peine de leur accorder un peu d'attention.
Au nom de la religion Si le fait communautaire se caractérise par la formule «Au nom de Dieu», le nationalisme (c'est-à-dire le communautaire politique) se caractériserait plutôt par la formule: "Au nom de Moi". C'est au nom de mon Moi, de mon existence charnelle que je me prononce et que j'agis. S'il m'est demandé quelles sont les qualités dont on pourrait prédiquer ce moi, je réponds haut et fort en parlant d'une certaine langue particulière ainsi que d'un territoire particulier, puis j'ajoute, sotto voce, en ayant presque honte d'en parler que je suis de telle religion mais que ça n'a aucune importance dans le fait que je sois nationaliste. La nationalisme a toujours eu un rapport extrêmement ambigu avec la religion. Partout ou il a pu l’utiliser à son proît comme dans l'Espagne de la Reconquista, la rance de la Saint-Barthélémy ou la Révocation de l’Édit de Nantes, il l'a fait sans vergogne. Mais dès que la religion prenait trop d'importance, il n'a pas hésité à la remettre au pas avec une très grande cruauté. On peut penser à des exemples très récents comme la condamnation des rères-Musulmans en Égypte, des massacres de Hama en Syrie et la guerre que Saddam Hussein a menée contre l'Iran.
L'intégrisme se caractérise le mieux par la formule: "Au nom de la religion". Dieu n'est déjà plus très présent parce que le Nationalisme est déjà passé par là pour substituer le pouvoir de l'état à celui de Dieu. L'intégrisme eFace la langue et la géographie du blason nationaliste et le remplace par une mise en valeur du
religieux.
C’est une erreur de croire que partout où il y a du religieux il y a du divin. Le seul moment où on peut être sûr que le divin accompagne le religieux, c’est dans les premiers temps de la naissance d’une religion. Par la suite, après le décès du fondateur, la présence du divin peut varier en importance et éventuellement être remplacée par l’état ou alors, tout simplement, comme c’est le cas dans les phénomènes actuels, disparatre complètement.
Il y a dans l'intégrisme un profond désespoir. Pour lui, ni Dieu, ni la loi de l'état ne sont en mesure d'assurer la moindre protection. Il ne reste plus que le recours à la religion sans dieu en tant que code de règles et de procédures désormais formelles pour ne pas dire formalistes, c'est-à-dire à peine justiîables. L'intégrisme est donc une sorte de nationalisme religieux sans Dieu ni matre. Il rejoint en quelque sorte l’anarchisme sans vraiment s’en rendre compte puisqu’il continue à croire qu’il croit.
La loi religieuse s'ache de façon impérative et totalisante sans qu'il y ait un Dieu ou un État qui puisse moduler cet impératif en y mettant des nuances. La loi religieuse apparat à l'observateur comme inique, absurde ubuesque. Pourtant son seul défaut est de ne pas avoir de tiers divin, ou éventuellement politique comme ce fut le cas lors des premiers temps de cette religion. Le poids de la religion est écrasant tout simplement parce qu'elle n'a pas de tiers pour la soutenir et jouer l'alternative à son caractère exclusif.
De la répétition Il advient alors un phénomène très étonnant à chaque fois qu'il advient, phénomène que l'on retrouve très fréquemment tant au niveau individuel que collectif, dans les traumatismes. Au niveau individuel le traumatisé a tendance à répéter ou a revivre le traumatisme qu'il a subi en le reproduisant dans ses rêves nocturnes ou dans ses rapports avec son environnement dans sa vie diurne. Cette tendance à répéter le traumatisme est totalement aberrante puisqu'elle cause un tort considérable au traumatisé, tort qui vient s'ajouter à celui qu'il a déjà subi par le traumatisme lui-même. En termes psychanalytiques, on dit que pour échapper à la jouissance de l'Autre, le sujet va chercher du tiers dans la répétition du trauma. La répétition du trauma sert d'alternative au caractère exclusif du trauma originel. A un niveau collectif, l'intégrisme va chercher l'attentat pour se sortir ne serait-ce que momentanément du poids écrasant de la loi religieuse. Après l'attentat il y a un certain soulagement qui ne dure pas très longtemps. Le sentiment d'étouFement reprend un peu plus tard. Il faut alors recommencer et répéter un autre attentat pour sortir du carcan. En somme, l'Intégrisme souFre de l'absence de Dieu et de l'absence d'État qui puisse trianguler son rapport à une religion devenue bureaucratique du fait de ces absences.
C'est dire que les problèmes de l'intégrisme sont des problèmes de proximité. La religion est trop proche parce qu'elle n'est pas médiatisée par Dieu ou l'État, mais l'ennemi devient trop proche aussi et il est impossible de l'éloigner par des moyens verbaux ou résultant d'une entente. Pour l'éloigner il faut user de moyens matériels comme des voiles, des murs très élevés ou des systèmes électroniques. L'intégrisme cherche à se défaire du système religieux qui lui colle dessus en s’attaquant à un ennemi qui înit par lui coller dessus de la même façon que sa propre religion.
Le sacriîce La question du sacriîce se pose également concernant l'intégrisme. Comment se fait-il que tant de jeunes et de moins jeunes sont prêt à mourir pour la cause? Pourquoi cet engouement pour une mort quasi certaine sans l'éventualité de défendre chèrement sa peau? Le kamikaze s'avance vers la mort comme vers un but qu'il a depuis longtemps espéré. Pour lui mourir est un but en soi, un aboutissement.
Ce phénomène qui peut paratre tellement étonnant, devient un peu plus compréhensible si on se réfère à ce qui a été dit plus haut d'une religion totalitaire qui aurait perdu successivement son Dieu et son État. L'intégriste seul devant cette religion sans alternative et sans extériorité ne peut échapper au pouvoir tentaculaire de la religion. S'il s'y soumet, il disparat sans laisser de traces, il devient un simple objet domestiqué par un système. En se sacriîant à la cause il se livre enîn au système mais du même coup il lui échappe en mourant. Et si enîn il tue des ennemis, il aura vraiment mérité de laisser une trace mémorable et ne mourra pas dans l'anonymat de la soumission.
A un niveau encore plus profond, qui relève des traditions collectives très archaïques, Dieu peut être conçu comme un monstre dévorateur auquel il faut donner des proies en pâture. Les Sémites avaient des dieux dévorateurs auxquels ils oFraient les premiers nés des familles.
Ces sacriîces étaient surtout pratiqués en période de danger. laubert dans Salammbô nous oFre une spectaculaire description d'une scène de sacriîce collectif alors que Carthage est assiégée. Les enfants étaient sacriîés à Baal-Moloch, dieu volcanique et dévorateur. On les précipitait dans sa gueule enammée.
Il est dicile de comprendre ce genre de choses sans comprendre le concept de sacriîce. Lorsqu'un dieu est particulièrement vorace il risque fort d'assouvir son appétit en dévorant ses îdèles, leurs enfants, leurs récoltes ou leur cheptel. Il est plus prudent de lui oFrir une part du butin pour atténuer quelque peu sa voracité et surtout pour détourner la jalousie qu'il pourrait éprouver devant les récoltes et la prolifération de la communauté ou du cheptel. Et lorsqu'on a l'impression qu'il nous persécute en nous envoyant des malheurs en rafale, on peut essayer de l'amadouer en lui oFrant ce qu'on a de plus cher.
Tous les peuples de la terre et toutes les religions oFrent des sacriîces à leurs divinités. OFrande des prémisses ou libations, brûler des parfums ou de l'encens, égorger des moutons, se priver de certaines choses etc. sont des formes de sacriîces qui peuvent subsister jusqu'à nos jours même si les dieux ont perdu leur voracité d'autrefois. Même les plus athées font, sans en avoir conscience, des sacriîces ne serait-ce qu'en buvant à la santé de quelqu'un. il y a là une oFrande qui ôte à l'acte de boire son caractère égoïste qui pourrait susciter la jalousie divine. C'est l'équivalent d'une libation.
Mais pour en revenir à l'intégrisme, on peut dire que la religion ne pouvant plus bénéîcier ni de la médiation de dieu, ni de celle de l'état devient tellement impérative et intransigeante sur le îdèle qu'elle en vient à être l'équivalent d'un dieu vorace et jaloux. Le kamikaze s'oFre en pâture à cet Islam sans dieu comme Carthage oFrait ses premiers nés à Baal-Moloch.
Il est bien-sûr très dicile à un musulman d'imaginer qu'il est en train de sacriîer à un dieu aussi féroce et vorace. Le fait de faire subir un dommage à l'ennemi devient le prétexte à l'accomplissement du sacriîce, sa rationalisation en quelque sorte. L'hommage à ce dieu qui appartient certainement à la préhistoire des Sémites serait en somme totalement inconscient. Seuls transparatraient certains de ses traits dans la rigueur de l'Islam intégriste et son caractère exclusif.
Problématique comparable Nous venons de voir successivement une problématique traumatique comparable chez les Israéliens et chez les Musulmans intégristes. Chez les premiers, après avoir quitté une problématique où Dieu était omniprésent pour une aventure ou c'est l'idéologie nationaliste qui les protège, doivent renoncer au nationalisme et se retrouvent sans protection face à un État dont dépend leur survie. Les intégristes de la même façon n'ont plus ni la protection de Dieu ni celle de l'État et se retrouvent sans protection face à une religion très exigeante dont dépend leur survie.
Incapables de se protéger les uns contre l'État, les autres contre la religion, incapables de résister à leur disparition subjective, ils projettent leur inimitié devant ces institutions totalitaires sur un ennemi vraisemblable qui contribue à les stimuler inîniment à travers une querelle endémique. Être continuellement sur le qui-vive, se battre contre l'ennemi et éventuellement mourir leur permet de ne pas disparatre subjectivement de ne pas être l'objet de la jouissance de l'état ou de la religion.
Le traumatisme consiste à se mettre sans cesse dans un état d'hyper vigilance
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents