Ô Casamance ! Roman gay
99 pages
Français

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Ô Casamance ! Roman gay , livre ebook

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Description

Ô Casamance !

Nicolas Henri

Au Sénégal, Gildas Méricourt ne rêve pas seulement d’exotisme, il compte pimenter ses vacances avec des garçons croisés au fil du séjour.

À Banjul, escale inévitable sur la route de la Casamance, la ville est en effervescence à la suite d’une tentative de coup d’État. Un des suspects recherchés n’est autre que Djibril, un garçon dont Gildas a apprécié la fougue amoureuse quelques soirs plus tôt...

Une autre surprise l’attend : un ami, Hervé Vernon, en voyage de noces avec son vieux bellâtre de mari, lui propose de partager sa dernière découverte, un mec génial côté cul...

Une rencontre qui va bouleverser complètement le timing de son séjour en Casamance.

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Informations

Publié par
Date de parution 16 mai 2014
Nombre de lectures 83
EAN13 9782363079671
Langue Français

Extrait

Ô Casamance ! Nicolas Henri Roman On est plus le fils de son époque que le fils de son père Proverbe africain
Prologue : Les deux morts de Djibril Diola Djibril Diola mourut deux fois. Ce n'est déjà pas très banal. Chacune de ses morts fut dûment constatée par un officier de police et consignée dans un procès-verbal avant d'être classée dans un dossier, et ce à quelques jours d'intervalles et à deux endroits éloignés de plusieurs centaines de kilomètres l'un de l'autre. Mais, alors que le premier décès avait fait l'objet d'un communiqué officiel, la nouvelle du second resta recluse dans les archives discrètes de la police de Banjul. La première mort de Djibril Diola eut probablement lieu en haute mer. C'est ce que déduisit rapidement Augustin Yacouba, commissaire de police à Saint-Louis, au nord du Sénégal lorsqu'il fut appelé sur une plage de la Langue de Barbarie où gisait un corps passablement amoché par un séjour prolongé dans l'Atlantique. Augustin Yacouba était perplexe. Perplexe et écœuré… L'odeur de la mort, cette fois, était particulièrement nauséabonde. Ce n'était pas le premier cadavre que Yacouba découvrait. Tant s'en faut. Mais celui qu'il avait sous les yeux était particulièrement repoussant. Le corps, affreusement ballonné, dégageait une odeur pestilentielle à tel point que Yacouba avait dû réprimer quelques haut-le-cœur quand il s'était approché de la dépouille abandonnée par les flots. Le visage, mutilé, était d'autant plus méconnaissable que des oiseaux l'avaient énucléé. Les orbites vides, la bouche ouverte avec un moignon de langue enflée et verdâtre entre les dents, une joue éclatée, rongée par le sel marin, rien n'avait été épargné à ce cadavre en décomposition qu'il faudrait enterrer au plus vite. Il avait les poignets liés dans le dos avec une cordelette plastifiée. Le crime ne faisait donc aucun doute. Quelqu'un l'avait plus que probablement jeté à la mer depuis un cargo au large de la Mauritanie. Un règlement de compte entre matelots à moins qu'il ne s'agisse d'un passager clandestin trop encombrant ou qui s'était montré réticent à payer le montant exorbitant qu'on leur réclamait parfois pour continuer le voyage. Mais ce pouvait tout aussi bien être la fin tragique d'une querelle entre trafiquants de chair humaine. La proximité de la Mauritanie, et, au-delà, des îles Canaries avait attiré de nombreux margoulins qui s'engraissaient sur la misère des centaines de candidats à l'exil et qui n'hésitaient pas à user de la violence pour s'imposer. Il ne se passait guère de journées sans que des bagarres n'éclatent autour des barcasses qui, au départ de la grève de Ndar Toute, s'enhardiraient vers le grand large, surchargées d'hommes souvent jeunes et prêts à risquer la mort par noyade plutôt que de continuer à subir la misère qui suintait partout dans les bidonvilles des grandes villes d'Afrique. De toute façon, pensa Yacouba, la vérité sur cette mort serait difficile, voire impossible à établir. D'autant plus que ce qui se passait en haute mer ne relevait pas de ses compétences. La terre ferme lui donnait suffisamment de fil à retordre sans qu'il faille, en plus, aller sonder les flots. L'océan livrait rarement ses secrets quand il ne les diluait pas dans ses profondeurs. Une chose pourtant intriguait Augustin Yacouba : on avait retrouvé au poignet du mort une gourmette avec une plaquette en métal argenté grossièrement gravée au nom de Djibril Dialo… Un travail exécuté visiblement à la hâte et certainement pas par un graveur professionnel. L'hypothèse la plus simple, c'est que Djibril Dialo avait exécuté lui-même la gravure avec des outils de fortune, auquel cas, c'était bien son cadavre qui gisait sur la plage. Mais rien n'interdisait d'imaginer que quelqu'un d'autre avait gravé le nom de Djibril Dialo et lui avait attaché la gourmette au poignet avant de le précipiter dans l'océan. Comme si on avait voulu s'assurer qu'on sache qui il était. Ou le faire croire ? Djibril Dialo, Djibril Dialo… Le nom ne semblait pas inconnu à Yacouba. Mais il avait beau le remuer dans sa mémoire, rien n'y faisait. Il reprit la gourmette, la scruta à nouveau. Leale et o étaient mal formés au
point de se confondre… Diala, Diala… Diolo, Diolo… Merde alors ! Mais bien sûr ! Yacouba donna quelques ordres pour qu'on prenne soin de la dépouille et regagna son 4x4 l'oreille vissée à son portable. Il venait d'appeler le Ministère de l'Intérieur à Dakar pour leur annoncer sa découverte. Djibril Diola, Monsieur le Ministre. Il est question de Djibril Diola… Djibril Diola, Yacouba s'en souvenait, avait longtemps figuré en tête des personnes recherchées pendant les événements de Casamance. Diola n'était pas son vrai nom, mais un pseudonyme qui faisait référence aux Diolas, l'ethnie principale au sud de la Gambie. Il avait disparu lorsqu'il s'était désolidarisé de l'abbé Diamacoune Senghor lors de l'armistice de 2004 et on était sans nouvelle de lui depuis lors. Que son nom réapparaisse dans de telles circonstances n'était pas anodin… Restait à découvrir si le cadavre était bien celui de Djibril Diola ou si quelqu'un voulait de manière très opportune faire croire qu'il était mort. La police de Saint-Louis ne disposait d'aucun élément permettant d'identifier sûrement le cadavre, mais si on lui fournissait des éléments probants, Yacouba pourrait peut-être résoudre l'énigme… Aussi, lorsqu’en début de soirée, le journal de la principale chaîne de télévision de Dakar s'ouvrit sur l'annonce de la mort du dissident, la colère faillit le suffoquer. On aurait voulu lui couper l'herbe sous le pied qu'on ne s'y serait pas pris autrement. Puis, il se rappela que le ministre de l'Intérieur, son véritable patron, était diola lui aussi. Comme le rebelle. Le commissaire se contenta donc de classer le dossier avec un simple procès-verbal relatant les circonstances de la découverte du corps de Djibril Diola, puisque telle était la vérité officielle… À Dakar, la mort de Djibril Diola arrangeait beaucoup de monde et il était important que cela se sache… La seconde mort de Djibril Diola eut lieu à Banjul, en Gambie quelques semaines après la découverte de son cadavre à Saint-Louis. Il fut abattu de deux balles dans le cœur juste après avoir subi le contrôle de la police des frontières et alors qu'il se préparait à embarquer sur le Vladivostok, un cargo russe en partance pour Anvers, en Belgique. La mort fut instantanée et le corps transporté presque immédiatement à la morgue duQueen's Hospitalla demande à expresse de Walid Dinka, l'adjoint du chef de la police de Banjul qui était très opportunément présent au poste de contrôle au moment de l'assassinat et qui, d'autorité, prit l'enquête en main. Il fut convenu que l'autopsie n'aurait lieu que le lendemain. William Moresby secondait le médecin légiste de la morgue duQueen's Hospitalde Banjul, le docteur Monga. Encore étudiant, il terminait un stage avant de poursuivre ses études dans une faculté en Angleterre. Malgré l'heure tardive, personne ne s'inquiéta de le voir descendre dans les sous-sols du bâtiment. Moresby avait la réputation d'être assidu à la tâche et lorsqu'il prétexta qu'il avait un rapport à terminer pour le médecin légiste, la personne préposée à la réception lui tendit les clés du sous-sol en quittant à peine des yeux l'écran de la télévision qui diffusait un navet sentimental particulièrement larmoyant. Moresby rejoignit aussitôt l'ascenseur du hall d'entrée. Il n'eut pas à attendre. Les portes s'ouvrirent sitôt qu'il eût poussé sur le bouton d'appel. Quelques instants plus tard, il était au sous-sol. Au bout d'un long couloir désert, il obliqua vers la droite et sortit la clé de sa poche. Comme à chaque fois qu'il y pénétrait, la fraîcheur relative de la morgue lui arracha un frisson. Moresby alluma. Les néons clignotèrent quelques secondes avant de répandre une lumière blafarde sur les quelques mètres carrés de la salle. Le jeune homme enfila un tablier vert olive et des gants en latex de la même couleur. Il noua un léger masque de gaze sur sa figure. C'était davantage pour atténuer l'odeur fadasse de la mort que pour des raisons hygiéniques. La tâche qui l'attendait le révulsait, mais il n'avait guère le choix. Il ne faisait qu'obéir à l'adjoint du chef de la police de la capitale gambienne.
Un type à peine plus âgé que William Moresby, mais dont l'allégeance au régime lui avait permis d'accéder rapidement à un grade élevé dans les forces de l'ordre et qui n'hésitait pas à user et abuser de sa position. Dans un pays de non-droit comme la Gambie, il était préférable d'obtempérer aux ordres de ceux qui détiennent le pouvoir. A fortiori si on était en délicatesse avec la loi. C'était le cas de Moresby. Le marché était simple : il accomplirait ce qu'on lui demandait et qui était parfaitement dans ses cordes et en échange, outre une liasse de dalasis qu'il recevrait immédiatement, le dossier pour trafic de morphine qui impliquait l'étudiant passerait aux oubliettes dès le lendemain. Pour bien souligner son emprise, le flic n'avait pas hésité à agiter la farde marquée au nom de Moresby sous les yeux de ce dernier : Demain, je l'envoie à la broyeuse ou au Procureur. À toi de choisir ! Moresby avait empoché les dalasis en signe d'assentiment. Il y avait là de quoi payer l'avion pour Londres. Après, se promit-il, il ne remettrait plus jamais les pieds à Banjul. Ne disait-on pas que les campagnes anglaises manquaient de toubibs ? C'est à cela qu'il pensait encore lorsqu'il ouvrit un des casiers réfrigérés de la morgue et en dégagea le corps de l'homme qui avait été assassiné le matin sur le quai du port de Banjul aux abords d'un cargo en partance pour Anvers et dont l'autopsie officielle aurait lieu le lendemain dans la matinée. Il fit glisser le corps nu sur la table d'opération mobile. C'était un homme autour de la quarantaine, à la silhouette bien charpentée, avec de longues cuisses dont la fourche était garnie d'une toison touffue et d'un sexe circoncis. Un bel animal ne manquerait sans doute pas de souligner le Docteur Monga, le médecin légiste, qui avait l'habitude de commenter assez crûment l'intimité des cadavres qu'il charcutait. Celui-ci, la mort l'avait figé avec un rictus d'effroi sur le visage. Les balles avaient creusé deux orifices au niveau du cœur. L'homme n'avait pas eu le temps de souffrir. Le décès avait dû être instantané. Le reste du corps ne présenterait aucun intérêt pour le légiste. C'était tant mieux. Ce qu'il avait à faire passerait d'autant plus aisément inaperçu. Moresby saisit la dépouille par les épaules et la fit basculer sur le ventre. La rigidité, le poids du corps ne lui facilitèrent pas la tâche, d'autant plus qu'il devait veiller à ne pas provoquer des ecchymosespost mortem. Même s'il y avait peu de chances que le docteur Monga se préoccupe des autres blessures que celles provoquées par les balles, mieux valait éviter que des détails ne viennent intriguer le médecin chargé de l'autopsie. De dos, l'homme semblait encore plus grand. L'échine était bien dessinée et s'achevait au creux des lombes entre une paire de fesses rebondies. Moresby les tâta l'une après l'autre. Il fit glisser son index droit dans le sillon fessier à la rencontre du sphincter. Un peu de matière fécale le bouchait et avait maculé l'intérieur des cuisses. C'était commun aux personnes victimes de mort violente. Avec de l'essuie-tout, Moresby nettoya l'anus pour que l'œillet sombre apparaisse. L'anneau musculaire était déjà trop rigide pour permettre à l'index de le pénétrer. Il faudrait donc user d'un scalpel. Moresby choisit le plus fin, celui des opérations les plus délicates et le glissa entre les fesses du cadavre qu'il maintint légèrement écartées avec deux doigts jusqu'à ce qu'il atteigne l'anus et entaille le muscle. Sous la pression des doigts, un peu de merde se répandit à nouveau entre les cuisses de l'homme et le stagiaire eut un mouvement de recul. Il hésita avant de continuer. La partie la plus répugnante de l'opération débutait. Il repensa à son casier judiciaire, à l'Angleterre, et, après avoir déposé le scalpel sur les reins du cadavre, il fourra résolument son index dans le sphincter. Cette fois, le muscle déchiré ne résista plus. Le doigt s'enfonça dans le rectum et Moresby le fit pivoter. C'était une sensation étrange et qui ne fit qu'augmenter son malaise. Pourvu que je trouve vite, pensa-t-il, pourvu que je trouve… Son index accrocha un petit objet qu'il ramena avec un peu de matière fécale à l'extérieur du corps. C'était une petite capsule, une sorte de suppositoire en titane. Moresby la déposa à côté du scalpel et recommença l'opération. Si les renseignements fournis par le policier étaient exacts, il devait y en avoir trois. Il repéra assez rapidement la seconde et la libéra à son tour des entrailles du mort. Mais, il eut beau fouailler le rectum de l'inconnu avec son
index. Il n’y eut rien à faire. La troisième capsule avait bel et bien disparu. Après avoir jeté un coup d'œil aux doigts du mort et comparé leur longueur aux siens, Moresby s'énerva :  C'est pas possible, murmura-t-il… Il n'a pas pu se les enfoncer plus avant dans les boyaux… Malgré la fraîcheur de l'endroit, Moresby sentit que son front s'emperlait de sueur. La peur commençait à le gagner. Il ne savait pas ce que contenaient ces capsules, mais ce devait être assez précieux pour qu'on veuille les récupérer dans des conditions aussi sordides. Et s'il en manquait une, c'est lui qu'on soupçonnerait en premier lieu de l'avoir escamotée. Alors que, sans doute, l'homme l'avait cachée ailleurs. Alors que, et ce serait pire, Walid Dinka lui avait peut-être menti. Il n’y avait que deux capsules et la troisième n'était qu'un leurre destiné à le piéger. Un instant, la tentation d'ouvrir davantage le cul du mort pour pouvoir explorer mieux le rectum l'effleura. Il y renonça. L'opération devait rester discrète, passer inaperçue. Méthodiquement, il ramena les fèces qui restaient dans l'intestin. Ce n'était que de la merde. Rien qui ressemblât à une quelconque troisième capsule. De guerre lasse, le jeune homme mit fin à l'opération. Avec un essuie-tout, il nettoya à nouveau l'intérieur des cuisses maculées d'excréments, vérifia que la coupure à l'anus n'était pas visible, et, après avoir déposé le scalpel et les deux gélules de titane dans l'évier, il entreprit de remettre le cadavre à sa place. Il enleva alors son masque et le jeta dans la poubelle au pied de l'évier. Il rinça le scalpel et le déposa sur la tablette à sa gauche. Les petites capsules étaient encore enrobées de merde. Il ouvrit le robinet un peu plus fort pour les asperger copieusement avant de les emporter. Ou de les ouvrir… Il hésitait. Au moins, il saurait pourquoi il avait pris tant de risques… Il n'eut le temps ni de les empocher, ni de les ouvrir, ni même de pousser un cri… Le lendemain, le médecin légiste, passablement énervé après avoir attendu en vain William Moresby dans le hall duQueen's Hospital, découvrit le jeune homme, la gorge tranchée avec son propre scalpel à l'intérieur de la morgue dont la porte avait été soigneusement refermée à clé. Walid Dinka, appelé sur les lieux, conclut qu'il ne pouvait s'agir que d'un règlement de compte interne à l'hôpital. Moresby trafiquait de la morphine. Dinka communiquerait en temps utile tous les éléments au Procureur. En attendant, il fallait en finir avec le meurtre de la veille. L'autopsie hâtive du cadavre de l'homme assassiné sur les quais ne révéla que l'évidence. Les deux balles qui avaient perforé le cœur avaient provoqué la mort instantanée de l'individu. Ce n'était pas un inconnu. Dans le milieu de Banjul, il se faisait appeler Diola. Djibril Diola. C'était le nom qui figurait sur son faux passeport. C''était un pseudonyme. Son vrai nom, personne ne le connaissait. Sauf sa mère. Mais comme personne ne connaissait sa mère… Tout au plus savait-on qu'il était originaire de la Casamance toute proche et qu'il l'avait fuie à la fin de la tentative d'insurrection quelques années auparavant. C'était une tête brûlée et dans le milieu de Banjul, il avait la réputation d'être un franc-tireur. Les caïds du coin n'aimaient pas cela et avaient décidé de le liquider alors qu'il se préparait à quitter le pays avec une petite fortune dans le cul. Prévenu, l'adjoint du chef de la police prétexta un contrôle de routine pour être sur place au moment des faits. Le tueur put quitter les lieux sans être inquiété. Le passeport qu'on avait retrouvé sur Diola disparut comme par enchantement. À Banjul, la mort de Djibril Diola arrangeait beaucoup de monde, mais en Gambie, il valait mieux que cela ne se sache pas… Pour prix de sa complaisance, les truands avaient abandonné le cadavre au policier. Et les diamants. À lui de se démerder pour les récupérer. Moresby s'avéra efficace, mais aurait pu devenir encombrant. En s'empressant de mener aussi l'enquête sur l'assassinat de l'étudiant en médecine, Walid Dinka se mettait à l'abri. Le dossier concernant le trafic de morphine viendrait à point pour égarer les collègues sur des chemins de traverse. Restait la troisième capsule. Le policier fit saisir les vêtements de Diola et ceux de Moresby. Ces derniers ne
cachaient rien de suspect. Par contre la chance lui sourit quand il entama l'exploration minutieuse des défroques du truand. La troisième capsule était restée collée dans le caleçon de Diola. Ce dernier l'avait chiée malgré lui au moment de l'impact des balles et le tout avait eu le temps de sécher pendant les heures passées à la morgue. Cette découverte, Dinka ne jugea pas nécessaire de la faire figurer au procès-verbal. Après avoir soigneusement nettoyé la capsule, il l'ouvrit. Elle contenait bien trois diamants bruts, elle aussi. Il la rangea dans son coffre à côté des deux autres et de l'adresse qu'il avait subtilisée dans le faux passeport avant de le détruire. C'était celle d'un joaillier de laPelikaanstraatà Anvers, au cœur du quartier des diamantaires. Un de ces quatre, il prendrait le vol hebdomadaire de la Brussel's Airlines qui reliait la Gambie à la Belgique et irait négocier discrètement le contenu du rectum de Diola. De la merde qui valait son pesant d'or. Dinka referma le coffre puis se versa unGlenlivet. Il laissa le goût âcre du whisky imprégner son gosier avant de l'avaler. Il était temps de décompresser. La fortune lui souriait. Ce soir, il fêterait ça chez Yumba. Yumba était nigériane. Son bar était achalandé de girls propres à satisfaire tous les goûts : des très jeunes, des minces, des épanouies, des mûres, des garces, des salaces. Un véritable catalogue du vice qu'il feuilletterait à son aise. Avec un peu d'ecstasy, il assumerait, et, surtout, il oublierait le sang de Moresby lorsqu'il avait giclé de sa gorge ouverte…
Chapitre 1 : Un mariage gay
Mon petit Gildas ! Où êtes-vous ?
Cette façon qu’avait Madame Duvernier d’interpeller Gildas Méricourt avait le don de l’agacer. Certes, le jeune homme ne brillait pas par sa grande taille. Certes, Madame Duvernier aurait pu être sa mère. Certes, certes… Mais Gildas avait vingt-huit ans et Madame Duvernier n'était pas sa mère. Mariée, veuve, remariée, divorcée, elle avait cumulé toutes les situations matrimoniales et les mauvaises langues, surtout celles de l'opposition, soulignaient volontiers que c'était sans doute pour cela qu'elle était devenue échevine de l'État Civil de la ville de Spa. À ce titre, elle était la supérieure hiérarchique de Gildas Méricourt puisque ce dernier était employé au même État Civil. Un boulot pas très folichon dont il s'évadait deux fois par an pour des vacances que ses collègues mariés qualifiaient volontiers d'exotiques avec une pointe de jalousie dans le regard. Gildas était toujours célibataire et pas pressé de changer de statut. Les gonzesses, c'était pas son truc. Il préférait les mecs. Mais, par-dessus tout, il préférait sa liberté…
Ce matin-là, Solange Duvernier portait un tailleur en shantung grège rehaussé d'une fleur d'orchidée dont les tons rose pâle étaient assortis à l'orient des perles de son collier. Une tenue sobre sans être austère. À la mesure de l'événement qui se préparait. Un mariage gay que le député-bourgmestre n'avait pas voulu célébrer. Par principe.
Que deux hommes fricotent ensemble, avait-il coutume de dire, passe encore : tous les goûts sont dans la nature. Mais qu'ils le fassent avec la bénédiction de la Loi : alors ça, non ! Je n'ai pas été élu pour organiser le dévergondage de la société.
D'ailleurs, lorsque le Parlement belge avait procédé au vote autorisant le mariage gay, il s'était abstenu. Dans une interview à la presse locale, il avait justifié sa position en arguant que dans une région conservatrice comme l'Ardenne, ce type d'union allait à l'encontre des convictions intimes de la majorité de ses concitoyens et que, en tant que bourgmestre, il s'abstiendrait de célébrer des mariages gays si jamais l'occasion se présentait. Sans doute avait-il espéré que la vague rose n'atteindrait pas sa commune et le conforterait dans son opposition. Ce ne fut pas le cas. Aussi, logique avec lui-même, il avait donc prié son échevine de le remplacer pour les formalités officielles. Ce n'était évidemment pas la première fois qu'elle exerçait de la sorte, mais aujourd'hui, c'était quand même un peu particulier. Pensez donc :Téléfagne, la chaîne régionale avait annoncé sa présence et demandé l'autorisation de filmer pendant la cérémonie.
 Si je m'écoutais, avait grincé le député-bourgmestre de Spa je les aurais envoyés se faire voir ailleurs. Mais, comme je les connais, ils en auraient fait tout un plat, ils auraient hurlé à la violation de la liberté de la presse et cela ne les aurait pas empêché de venir s'installer sur le perron de l'hôtel de ville et d'insister lourdement sur le fait que l'accès des locaux leur était fermé. Avec, comme conséquence, de donner à l'événement une importance qu'il ne méritait pas… Mais je vous fais confiance, ma chère Solange, pour tirer votre épingle du jeu s'ils vous interviewent…
Solange Duvernier qui venait, enfin, de trouver son employé.
Ah ! Vous voilà Gildas ! Oh ! Comme vous êtes hâlé ! Vous revenez des sports d'hiver ?
 Non, Madame Duvernier, non ! Au contraire, je me prépare à partir après-demain pour l'Afrique.
l'Afrique ! Ah ! Vous en avez de la chance, vous, de pouvoir prendre vos congés Pour hors saison. Mais, ajouta-t-elle aussitôt, dites-moi : tout est prêt pour la cérémonie ? Vous avez trouvé les documents adéquats. Pas que je m'emmêle les pinceaux et que je dise des bêtises. Surtout pas de féminin dans les formules.Monsieur Machin voulez-vous prendre pour époux Monsieur Chose ici présent ?… Vous ne trouvez-pas que ça fait drôle ? Non ? Marier deux hommes : vous auriez imaginé que ce soit possible un jour, vous ?
Comme souvent, Solange Duvernier n'attendait pas vraiment de réponses. Elle ne remarqua même pas que les joues de Gildas se teintaient de rose et qu’il faisait semblant de classer correctement des papiers qu’il savait pourtant parfaitement rangés pour ne pas devoir répondre immédiatement. Pour se donner bonne contenance, il finit quand même par entrouvrir la bouche pour dire :
Oui. Tout est en ordre Madame Duvernier. La cérémonie pourra commencer dès que les futurs époux seront là…
De l'extérieur parvinrent des rires, le bruit de portières que l'on claque, un coup de Klaxon. Le temps de jeter un coup d'œil par une des fenêtres de la salle et il ajouta :
D'ailleurs, les voilà déjà…
L'échevine leva les yeux vers la pendule au-dessus de la porte d'entrée.
ils sont même à l'heure, remarqua-t-elle ! C'est plutôt rare pour ce genre de Et cérémonie…
Preuve que c'est souvent la mariée qui pose problème. Un voile à rajuster, une mèche rebelle, un faux pli dans la robe, un fond de teint qui s'altère…
mauvaise foi vous perdra, mon petit Gildas. Préparez-vous plutôt à mettre Votre Mendelssohnen marche.
Mettre Mendelssohn en marche… Quand Solange Duvernier prononçait cette phrase, il était de bon ton de sourire et de compléter par …nuptiale avant de pousser sur la touche adéquate du lecteur de CD pour que les premières mesures de l'œuvre la plus jouée du compositeur allemand se répandent dans la pièce à l'ouverture de la porte d'entrée de la salle des mariages. Aussi fut-elle assez surprise quand son employé lui annonça que Mendelssohn ne serait pas au rendez-vous et qu'il serait remplacé par Jimmy Somerville.
Jimmy quoi, s'exclama Solange Duvernier ? C'est un compositeur anglais ? Il a fait des marches nuptiales ? Vous le connaissiez ?
Comme toujours, les questions de l'échevine tombaient en rafales. Gildas lui précisa :
Anglais, oui. Des marches nuptiales ? Pas vraiment son genre…
Il n’eut pas le temps d'épiloguer davantage au sujet de Jimmy Somerville, car la porte du fond s'ouvrait déjà. Il enclencha le lecteur de CD et les premières notes deSmalltown Boyse répandirent dans la salle des mariages de la ville de Spa.
Précédé par le caméraman deTéléfagne, le couple s'avança et prit place sur les fauteuils face à la table que présidait madame Duvernier. Le plus âgé devait friser la soixantaine, ce que confirma la lecture des pièces d'État Civil. Zoran Livitch était antiquaire à Liège. Ce que, vu les origines slaves de l'intéressé, Gildas ne put s'empêcher de traduire intérieurement par trafiquant. Il avait la chevelure poivre et sel abondante et légèrement frisée. Le début d'embonpoint qui marquait sa taille et la couperose de ses joues témoignaient d'un certain laisser-aller dans ses habitudes alimentaires. Tout le contraire de son jeune conjoint. Ce qui n’étonna pas Gildas, car il l'avait croisé quelques fois auCity Gym, la salle de fitness en vogue à Spa. Vingt-cinq ans à peine, le cheveu blond, coupé ras, le visage anguleux aux pommettes saillantes. Un regard acéré d'un gris bleuté presque magnétique. Gildas ne put s’empêcher de se demander quelle alchimie avait pu pousser Hervé (c'est le prénom que madame Duvernier venait d'utiliser en lui posant les questions rituelles…) à lier sa destinée à celle du vieux bellâtre qui le couvrait d'un regard enamouré pendant que la bouche du jeune homme prononça un oui que Gildas trouva particulièrement atone et sans conviction. Mais la question était désormais obsolète. Hervé Vernon, moniteur au Centre Sportif régional de Spa était devenu le légitime époux de Zoran Livitch. Pour le meilleur comme pour le pire.
Le caméraman deTéléfagne zooma sur la main d'Hervé qui contresignait les documents que l’employé lui avait présentés. Quelques applaudissements accompagnèrent le rituel et le bisou qu'échangèrent les tourtereaux avant que les témoins ne viennent apposer leurs signatures sur les documents. Un photographe immortalisa la scène et Gildas fut convié à poser aux côtés de Solange Duvernier et des nouveaux mariés. Il ne put s'empêcher de relever le côté ambigu de la disposition des participants sur le cliché. Si on avait demandé à une personne non avertie de coupler les figurants de la photo, elle aurait plus que probablement uni Solange Duvernier à Zoran Livitch et aurait associé Gildas à Hervé. Mais ce n'étaient là que des spéculations oiseuses même si, lorsque le photographe lui demanda de se rapprocher un peu d'Hervé pour mieux cadrer l'image, ce dernier n'hésita pas à l'accrocher par la taille en lui soufflant à l'oreille :
J'ai l'impression de t'avoir déjà rencontré quelque part ? Je me trompe ?
Entre deux coups de flash, Gildas répliqua :
Oui. Sans doute auCity Gym.
Vraiment ? Tu fais dans quelle discipline ?
Aucune. Le sport et moi, vous savez… J'y suis juste allé quelques fois pour les UV. Je prends mes vacances après-demain et je ne tenais pas à avoir l'air trop pâlot quand je débarquerai à Dakar…
Dakar !
Hervé Vernon n'eut pas eu le temps d'expliciter sa surprise. Le caméraman deTéléfagne venait de cadrer son visage et la journaliste lui tendit le micro après lui avoir posé la question :
 Monsieur Vernon ? Que ressent-on quand on est le premier gay à se marier officiellement dans une petite ville dont le bourgmestre a refusé de voter la loi autorisant l'union homosexuelle ?
Gildas s’était écarté et ce n'est qu'en début de soirée lors du journal régional deTéléfagne qu’il prit connaissance des propos qu'Hervé Vernon avait tenus à la journaliste. Il interrompit momentanément le remplissage de son sac de voyage pour l'écouter.
une étape essentielle dans la lutte que nous avons pu mener pour obtenir les C'est mêmes prérogatives que les hétéros, affirma d'emblée le jeune marié avant de continuer :
Ce n'est pas tant le droit à la différence que nous revendiquons que celui à l'indifférence. Ce n'est que lorsqu'un mariage comme le nôtre sera devenu de la routine que nous aurons vraiment gagné la partie…
Des propos qui surprirent Gildas qui s’attendait à ce que le jeune sportif ne débite que des banalités sucrées. Des propos qui contrastaient avec ceux de Solange Duvernier coincée entre l'enclume morale de son député-bourgmestre et les coups de marteau assénés par le sourire enjôleur d'Hervé Vernon. Certes, elle comprenait que les convictions religieuses ou philosophiques de certains ne supportent pas cette nouvelle manière de concevoir l'union conjugale. Certes, elle ne partageait pas les goûts de ces messieurs. Mais une loi avait été votée dans le respect des règles démocratiques. Et du moment que l'on respectait la Loi…
Chacun mène sa barque à sa manière, n'est-ce pas ? L'important c'est d'être heureux. Et si pour cela certains veulent épouser le gondolier plutôt que sa fille, c'est leur problème, pas le mien…
Gildas essaya d'imaginer un instant Hervé Vernon en gondolier. Mais ses cheveux, bien que blonds, n'avaient rien de vénitien. Ni son regard trop acéré. Dans son imaginaire, tout comme les Slaves sont forcément des trafiquants, les gondoliers de Venise ont évidemment des cheveux de jais et des yeux de velours sombre. Ceux d'Hervé, d'un bleu argenté, ne répondaient pas à ses critères pour exercer le métier de gondolier. Mais ils n'en étaient pas moins séduisants. Les images deTéléfagneétaient particulièrement bien léchées dès qu'elles avaient le jeune marié en ligne de mire. Le caméraman, la journaliste, ou les deux, avaient dû succomber au magnétisme dégagé par le regard du moniteur sportif. Comme Gildas qui regrettait encore de ne pas avoir osé lui demander pourquoi le simple énoncé du motDakar lui avait arraché un point d'exclamation.
Et quels sont vos projets pour l'immédiat ?
La question de la journaliste piqua l’attention de Gildas. Après une brève hésitation, le visage d'Hervé Vernon s'éclaira d'un sourire un peu narquois avant de répondre :
Rien de très original. Un voyage de noces.
Et, on peut savoir sous quels cieux ?
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