De l esclavage à la Maison Blanche - Préface de la seconde édition
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De l'esclavage à la Maison Blanche - Préface de la seconde édition

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De l’esclavage à la Maison Blanche Souvenirs d’Elizabeth Keckley 1234 Préface de la seconde édition PRÉFACE Publiés en 1868, les souvenirs d’Elizabeth Keckley peuvent d’abord être considérés comme appartenant à un genre littéraire très populaire au e xixsiècle, principalement aux États-Unis mais également en Europe, le récit ou l’histoire d’esclave. Ce genre connaît son apogée durant la période abolitionniste des années 1840-1850, dominé par deux ouvrages célèbres, La Case de l’oncle Tomparu en 1852, premier best-seller de l’histoire de e l’édition moderne et roman le plus vendu auxixsiècle, et l’autobiographie de Frederick Douglass, publiée en 1845. Écrit en collaboration avec James Redpath, journaliste abolitionniste, Behind the Scenes, Or, Thirty Years a Slave, and Four Years in the White House (En Coulisses, ou, Trente ans esclave et quatre ans à la Maison Blanche) contientbien une première partie autobiographique, retraçant les trente premières années d’Elizabeth Keckley vécues en tant qu’esclave dans différents foyers d’une même famille. Ce récit dessine une personnalité exceptionnelle tout en soulignant, par contrecoup, la GLIÀFXOWp GH VH FRQVWUXLUH SRXU XQH IHPPH GRXpH PDLV FRQGDPQpH DX « non-être »de l’esclavage. Cette première partie reste cependant élusive, s’attachant surtout à quelques événements et périodes clés.

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Publié le 26 octobre 2016
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De l’esclavage à la Maison Blanche Souvenirs d’Elizabeth Keckley
1234
Préface de la seconde édition
PRÉFACE
Publiés en 1868, les souvenirs d’Elizabeth Keckley peuvent d’abord être considérés comme appartenant à un genre littéraire très populaire au e xixsiècle, principalement aux États-Unis mais également en Europe, le récit ou l’histoire d’esclave. Ce genre connaît son apogée durant la période abolitionniste des années 1840-1850, dominé par deux ouvrages célèbres, La Case de l’oncle Tomparu en 1852, premier best-seller de l’histoire de e l’édition moderne et roman le plus vendu auxixsiècle, et l’autobiographie de Frederick Douglass, publiée en 1845. Écrit en collaboration avec James Redpath, journaliste abolitionniste, Behind the Scenes, Or, Thirty Years a Slave, and Four Years in the White House (En Coulisses, ou, Trente ans esclave et quatre ans à la Maison Blanche) contient bien une première partie autobiographique, retraçant les trente premières années d’Elizabeth Keckley vécues en tant qu’esclave dans différents foyers d’une même famille. Ce récit dessine une personnalité exceptionnelle tout en soulignant, par contrecoup, la difIculté de se construire pour une femme douée mais condamnée au « non-être » de l’esclavage. Cette première partie reste cependant élusive, s’attachant surtout à quelques événements et périodes clés. À la différence d’autres récits d’esclaves, elle préfère retenir, de son passé, ce qui lui a permis d’évoluer et d’accéder a son statut de femme libre et respectable ; unebusiness womanintégrée à la société blanche. Car Elizabeth Keckley connaît une seconde vie grâce à sa volonté, à son talent de couturière et beaucoup, aussi, grâce à sa faculté de se faire des amis de tous milieux. Elle parvient à acheter sa liberté puis accomplit son rêve, rencontrer Mary Lincoln et travailler pour « les dames de la Maison Blanche ». Elle a ainsi, du moins en apparence, franchi les barrières sociales et raciales et devient, à la faveur de son amitié avec Mary Lincoln,
De l’esclavage à la Maison Blanche • Préface
une intime de la famille. Cette amitié semble prédestinée, tant les circonstances de leur rencontre et la personnalité des deux femmes se font écho. Mary Lincoln est une femme brillante et cultivée, passionnée de politique, mais elle est également particulièrement instable — peut-être bipolaire selon le diagnostic moderne. Fragilisée par des deuils successifs et l’abus de laudanum pour soigner de fortes migraines, elle vit aussi dans la crainte permanente de l’assassinat de son mari. Farouchement attachée à son rôle de première dame, elle reste pourtant une Sudiste mal considérée et isolée dans le Nord. La bonne société critique ainsi sa rusticité, ses sautes d’humeur et ses dépenses compulsives. Elle est accusée d’ingérence dans la vie politique, soupçonnée d’espionnage au proIt du Sud, avec sept hommes de sa famille dans l’armée confédérée. On se scandalise aussi de son penchant pour le spiritisme. Forcément aguerrie par sa vie passée, d’une patience et d’une discrétion à toute épreuve, Elizabeth Keckley accepte avec indulgence les travers de Mary Lincoln. Elle est « la seule personne à Washington qui pouvait faire façon de Madame Lincoln, lorsqu’elle se fâchait contre tout le monde parce que l’on parlait d’elle, ou que l’on critiquait son mari », afIrme Rosetta Wells, une autre couturière. Sans doute fut-elle, pour toujours, pénétrée de reconnaissance d’avoir été choisie. Elle vit alors pratiquement à la Maison Blanche, côtoie Lincoln qu’elle considère comme un « demi-dieu », dessine et coud des robes somptueuses pour Mary Lincoln, ainsi que pour les femmes de son entourage et une riche clientèle. Elle pousse Mary Lincoln à renoncer à son style ostentatoire, parfois très chargé, pour des robes aux lignes simples et aux drapés parfaits. Elle-même marque les esprits par son allure et son élégance discrète. Son talent de couturière est également essentiel à celle qui s’appelait elle-même « Madame la Présidente », et qui considérait comme primordial l’art de paraître. Ainsi liées, le destin des deux femmes bascule après l’assassinat du
De l’esclavage à la Maison Blanche • Préface
président Lincoln. Ou plus exactement, car Elizabeth Keckley dirige un atelier à Washington avec « ses Illes », et aurait certainement pu continuer à exercer son métier comme elle l’avait fait auparavant, Mary Lincoln l’entraîne dans sa chute. Et c’est ainsi que l’on retrouve, en Iligrane, la relation inconditionnelle de maîtresse à esclave qui, sans doute, existait déjà entre les deux femmes. Car Mary Lincoln a grandi dans une famille aisée du Sud, possédant des esclaves, et se raccroche à cette forme d’intimité particulière, dont les codes et la morale outrepassent ceux de l’amitié. Fortement endettée à l’insu de son mari, elle ne peut ou ne veut compter sur aucun autre appui, tant elle s’est mis à dos le monde politique. Détail signiIcatif, après la mort de Lincoln, le vice-président ne prend même pas la peine de lui présenter ses condoléances, mais attend simplement son départ de la Maison Blanche pour pouvoir s’installer… Dans la détresse d’un deuil brutal, seule avec deux enfants, sans revenus et terriIée par la perspective de la pauvreté, Mary Lincoln tente maladroitement de survivre. D’abord en revendiquant impérieusement auprès du Congrès une pension qui lui est refusée dans un premier temps, puis en imaginant d’autres expédients, jugés peu conformes à son statut de veuve du Président. Unies dans une même précarité, les deux femmes se retrouvent ainsi au cœur d’un scandale qui motivera en partie, pour Elizabeth Keckley, la rédaction de ce livre. Accusée de manipuler Mary Lincoln, fait doublement choquant parce qu’elle est noire et socialement inférieure, elle tente de sauver une position durement gagnée dans la bonne société du Nord. De ces mémoires, et des lettres de Mary Lincoln qui suivent en annexe, il faut parfois démêler les contradictions. La difIculté fut, pour Elizabeth Keckley, de s’absoudre d’un scandale devenu une malédiction dans son existence, sans pour autant paraître irresponsable. Et de se démarquer de Mary Lincoln en traçant un portrait sans concession, tout en tentant de justiIer la conduite de son amie. Mais ce livre, lancé par l’éditeur à grand renfort de publicités le présentant
De l’esclavage à la Maison Blanche • Préface
comme « un coup de tonnerre », contenant des « révélations sensationnelles » n’eut pas l’effet escompté. Il se vendit très peu, probablement parce que Robert Lincoln en It bloquer la distribution et la vente pour protéger sa mère et sa propre carrière politique. Paradoxalement, cet ouvrage contribua à réhabiliter Mary Lincoln, considérée comme une victime, tandis que l’opinion publique et la presse se déchaînèrent contre Elizabeth Keckley. On lui reprocha, par-dessus tout, d’avoir publié des lettres de Mary Lincoln et d’avoir ainsi violé son intimité, ce dont elle se défendit en afIrmant qu’elle les avait seulement prêtées à l’éditeur, avec la promesse qu’elles ne paraîtraient pas. À la suite de cette publication, Elizabeth Keckley perdit la majorité de sa clientèle blanche, dut fermer son atelier et renoua avec sa pauvreté initiale, déInitivement cette fois. Et si l’on ignore le moment exact de la brouille entre les deux femmes, il est certain que ce livre marqua un point de non-retour et qu’elles ne furent plus jamais en contact. Elizabeth Keckley afIrma cependant toujours le contraire, qu’elles étaient réconciliées, et conserva pieusement jusqu’à sa mort, dans sa chambre, un portrait de Mary Lincoln. Elle disait aussi ne pas avoir de regrets quant à son passé. « L’illustration la plus poignante de la différence de destinée de ces deux femmes est peut-être le dernier lieu de repos de chacune », à écrit Jennifer Fleischer dans un livre consacré à cette amitié[1]. « Tandis que Mary Lincoln se trouve à SpringIeld dans un caveau avec son mari et ses Ils, les restes d’Elizabeth Keckley ont disparu. Dans les années 1960, un entrepreneur a déplacé vers un nouveau cimetière les tombes de l’Harmony Cemetery de Washington, où Lizzie était enterrée. Personne n’ayant réclamé ses restes, ils ont été placés dans une tombe anonyme, comme ceux de sa mère, de son père esclave et de son Ils. » Mais si l’on a peut-être retrouvé la tombe d’Elizabeth Keckley en 2010 à la suite de recherches, ou du moins marqué symboliquement une tombe à sa mémoire, justice lui a été rendue dans l’histoire des États-Unis. Sortie de
De l’esclavage à la Maison Blanche • Préface
l’oubli, elle apparaît désormais dans des pièces, des Ilms, des biographies et des romans historiques. Face au personnage controversé de Mary Lincoln, elle reste considérée comme une femme hors du commun. On se souvient aussi d’elle comme de la première styliste afro-américaine, et comme la fondatrice de l’une des premières associations d’entraide envers les anciens esclaves.
1234
C. de Boissoudy, août 2016
1.Mrs Lincoln and Mrs Keckley, the remarkable story of the friendship between a First Lay and a former slave, Broadway books, 2003.
De l’esclavage à la Maison BlanchePréface •
Titre original :Behind The Scenes, or, Thirty years a slave and four years in the White House W. Carlton & Co. 1868
© 2014 VOIX-OFF/ Cosima de Boissoudy pour l’édition française
Traduction de l’anglais : Cosima de Boissoudy, avec la collaboration de Melchior Laville Suivi éditorial : Virginie Haffner Conception de la couverture : Aurore de La Morinerie
Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite, stockée ou transmise par quelque moyen électronique, mécanique, de reprographie, d’enregistrement ou autres que ce soit sans l’accord préalable des ayants droit.
ISBN 979-10-93673-00-4
Format Kindle ISBN979-10-93673-01-1
Format EPUB ISBN979-10-93673-01-1
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