Premières blessures partie 3
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Description

Premières blessures partie 3 Je devais avoir trois ou quatre ans. C'était en vacances. En Suisse, je crois. A l'entrée d'un supermarché. Oui, c'était en Suisse puisque l'enseigne était celle d'un magasin Migro. J'ai couru, je suis tombé sur un sol très dur, béton ou gravier. Je me suis écorché le genou et mes parents sont aussitôt allés me conduire dans une pharmacie où on m'a nettoyé, désinfecté. Je me rappelle mes larmes, une odeur d'éther, un cataplasme d'arnica. Ma première blessure est banale et j'aime beaucoup cette idée. Tous les petits garçons de la Terre se sont un jour écorché un genou. J'aime être dans le rang, j'aime le fait d'avoir été un enfant comme un autre. Je me souviens d'une blessure d'enfance à cause d'un orage, J'avais quatre ans, pas davantage. Je me baladais sur mon petit tracteur en plastique près de la maison lorsqu'un coup de tonnerre soudain m'a tellement fait peur, que j’ai tapé mon nez sur le guidon de mon petit tracteur et je me suis aussi mordu la lèvre. J'ai saigné du nez et, paniquée, je suis partie en courant vers ma maison. Bref une blessure, liée à la peur du tonnerre ! Je devais avoir six ou sept ans. Un cousin m'a volontairement fait tomber de la poutre d'une grange sur laquelle nous avions grimpé. Tarzan et Jane. J'ai perdu une chaussure dans la meule de foin qui a amorti ma chute. Elles étaient toutes neuves et je les aimais particulièrement. Je n'étais pas Cendrillon.

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Publié le 01 mai 2014
Nombre de lectures 20
Langue Français

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Premières blessurespartie 3
Je devais avoir trois ou quatre ans. C'était en vacances. En Suisse, je crois. A l'entrée d'un supermarché. Oui, c'était en Suisse puisque l'enseigne était celle d'un magasin Migro. J'ai couru, je suis tombé sur un sol très dur, béton ou gravier. Je me suis écorché le genou et mes parents sont aussitôt allés me conduire dans une pharmacie où on m'a nettoyé, désinfecté. Je me rappelle mes larmes, une odeur d'éther, un cataplasme d'arnica. Ma première blessure est banale et j'aime beaucoup cette idée. Tous les petits garçons de la Terre se sont un jour écorché un genou. J'aime être dans le rang, j'aime le fait d'avoir été un enfant comme un autre.
Je me souviens d'une blessure d'enfance à cause d'un orage, J'avais quatre ans, pas davantage. Je me baladais sur mon petit tracteur en plastique près de la maison lorsqu'un coup de tonnerre soudain m'a tellement fait peur, que j’ai tapé mon nez sur le guidon de mon petit tracteur et je me suis aussi mordu la lèvre. J'ai saigné du nez et, paniquée, je suis partie en courant vers ma maison. Bref une blessure, liée à la peur du tonnerre !
Je devais avoir six ou sept ans. Un cousin m'a volontairement fait tomber de la poutre d'une grange sur laquelle nous avions grimpé. Tarzan et Jane. J'ai perdu une chaussure dans la meule de foin qui a amorti ma chute. Elles étaient toutes neuves et je les aimais particulièrement. Je n'étais pas Cendrillon. Ma grand-mère m'a obligée à laisser à la ferme le soulier orphelin. Les vaches ne mangent pas les chaussures. On allait retrouver l'autre après notre départ... Je pense souvent à la cousine qui en a hérité. Laquelle ?Je ne sais pas. La famille comptait vingt-deux enfants.La revanche des berceaux, vous connaissez ?
Sur la plage de Biarritz, l'été. Je jouais nonchalamment dans le sable lorsqu'un attroupement de vacanciers s'est formé au bord de l'eau. Je me suis précipité à mon tour comme attiré par un mystérieux aimant. Un homme gisait sur le sol et les vagues venaient frapper son corps immobile. C'étaitun noyé rejeté par la mer.Je l'avais à peine aperçu qu'une main ferme me dégageait du cercle des curieux. C'était ma mère. Elle m'a pris dans ses bras en cachant mon visage contre son sein.
Sans hésitation, je sais, une brûlure ! Ce jour-là, il faisait chaud, très chaud comme toujours au bord du lac Saint-Jean, en été.Je rentre du jardin et me précipite, assoiffée, dans la cuisine. Un bol traîne sur la table, je le prends sans réfléchir et avale goulûment son contenu. Je pensais eau, eau fraîche ou peut-être aromatisée au sirop d'érable mais c'était du thé, du thé brûlant que maman venait de se servir. Elle n'a pas eu le temps de crier " stop ! Non ! " que je ravageais méchamment ma jeune et tendre langue. Bref, une semaine de cloques et des mots à ce point empâtés que j'ai préféré me murer dans le silence. Moi, qui était, selon les dires de ma tribu, un véritable moulin à paroles !
C'est une blessure qui n'a pas eu lieu. Si elle avait eu lieu, elle aurait changé profondément mon existence ou, qui sait, en m'ôtant la vie, aurait changé radicalement la vie de mes parents et de ma famille. Mon père avait un revolver qu'il tenait lui-même de son père. Un vieux colt à barillet qui me faisait penser aux pistolets des cow-boys et pour tout dire me fascinait. Je savais que papa le dissimulait dans un tiroir de son bureau. Un jour, je n'avais que cinq ans, j'ai volé l'arme. A peine en main, le coup est parti. Par surprise ou à cause de la déflagration,
je suis tombé sur le parquet. J'ai cru que j'étais touché, que j'allais mourir et je n'oublierai jamais cette odeur de poudre que je ne connaissais pas.L'impact de la balle est toujours visible sur la porte du bureau de mon père. Il s'est débarrassé de son colt mais n'a jamais voulu ni réparer ni remplacer cette porte.
La première chose qui m'a frappé, chez mon père, ce sont ses mains. Il nous battait comme plâtre, mes frères et moi, lorsque nous faisions trop de bruit dans notre commune chambre à coucher. Nous croyions que c'était normal (aujourd'hui, je suis sûr qu'il aurait été emprisonné). La première vraie blessure est plus subtile, plus fine, plus perverse. J'avais quinze ans (en 1965). Mon oncle m'avait donné son vieux vélomoteur. Préférant le vélo tout court, je l'avais échangé contre une guitare car je voulais apprendre le maniement de cet instrument. A cette époque, Soeur Sourire (oui, celle de Dominique nique nique s'en allait tout simplement…) chantait: "Mets ton joli jupon, mon âme, j'ai rendez-vous (bis) Seigneur avec vous". Les accords étaient d'une simplicité extrême et je chantais cette chanson, toutes fenêtres ouvertes. Mon "sens de l'humour" m'avait permis de rajouter… "au coin de la rue des fripiers" rue qui, dans la petite villette belge où j'habitais (Verviers) était une rue emplie de prostituées. Mon père est entré dans la chambre, en furie. Il m'a donné deux baffes sonnantes et trébuchantes, m'a enlevé la guitare des bras et l'a balancée par la fenêtre (du second étage). Ma carrière de grand musicien s'est arrêtée là.
J'avais deux frères et une soeur longue et mince. J'étais la cadette, mes frères m'appelaient "gros dindon"!
C'était un jeu d'enfant. J'avais dix ans et c'était sans doute un jeu stupide. Nous étions cinq ou six et il fallait choisir dans notre tête celui ou celle que nous aimions le plus. Ensuite, nous devions interroger chaque enfant pour savoir si nous étions l'élu. Dans l'affirmative, il ou elle nous embrassait sinon il nous donnait une gifle.Un jeu cruel... Et évidemment, j'ai reçu une gifle de celui que j'avais choisi! Ce fut une blessure d'amour propre.
Chaque samedi et chaque dimanche - quand c'était la saison de la récolte - nous partions, mes parents, mes frères et moi "peigner les myrtilliers" afin de récolter cette variété d'airelles bleues dont maman faisait de divines confitures. Nous emmenions avec nous nos tartines et installions notre pique-nique dans une clairière à partir de laquelle nous nous dispersions dans les bois. Ce jour-là - je devais avoir sept ou huit ans - mes petits frères et mes parents restèrent plus longtemps qu'à l'accoutumée autour du "repas de midi". Je m'éloignai vers un endroit connu de moi seul qui, à mon avis, devait receler un nombre invraisemblable de plants. Je me faisais une joie de ramener un seau plein de fruits et d'ainsi ébahir la famille. Las, je mis le pied sur un nid de guêpes (ou d'abeilles…vous pensez si je me souviens!). Je fus criblé de piqûres vraiment très douloureuses (cela, je me le rappelle). Des milliers de bestioles s'attaquaient à ma figure. A mes cris, mon père se précipita, me chargea sur ses épaules et courut jusqu'à la première ferme (heureusement assez proche) où les gens trempèrent ma tête déjà bouffie dans un seau d'eau de Javel (sans doute pour vaincre l'acidité des piqûres d'insectes). Depuis, allez savoir pourquoi, je ne supporte plus l'odeur de cette eau (par ailleurs, je ne supporte guère l'eau, à moins qu'elle ne soit rouge).
Maman avait une basse-cour. Elle y élevait des poussins. Il s’appelait Brunet, poussin brun. J’étais son ami. Il est mort de maladie.
C’est mon premier souvenir de chagrin. Avant celui-là, je ne pleurais que par faim ou soif. J’avais moins de cinq ans.
J’avais douze ans. C’était l’été. Nous revenions de notre retraite annuelle en Croatie. Arrivés à Arlon, lors d’une halte pour les affamés, je devais, pour je ne sais plus quelle raison, accéder au coffre de la voiture... La Renault 16 bleue foncé était coiffée par notre petit bateau à voile. Le “Lazer” couché, coque en l’air, était amarré aux quatre coins de l’auto... J'ai voulu détacher l’un des câbles pour ouvrir le coffre... SCHTACK ! Tout est allé très vite et c’est à mes bonnes joues bien rondes que je dois de ne pas être borgne aujourd’hui... ! La cicatrice en virgule s’estompe et se déplace...A moins que ce ne soit mes joues qui descendent!
Lors d'une randonnée en montagne durant les vacances. Pour mes huit ans, mon grand-père m'avait offert un canif et j'étais très fier de pouvoir l'utiliser lors de cette expédition. A la première halte, je sors mon outil pour trancher le saucisson dont j'avais déjà humé le fumet durant la marche matinale. C'est mon doigt que j'entaille : une belle et large entaille qui se met à "pisser le sang". Ce qui m'a frappé alors c'est que la blessure ne faisait pas mal. Je regardais cette plaie ouverte, ce sang couler abondamment le long de ma main mais, étrangement, sans douleur comme si j'assistais à quelque chose qui m'était étranger.
Cette première blessure, c'est celle dont on tait le nom, dont personne dans la famille n'a voulu entendre le nom comme terrifié par le monstre qui est venu commettre l'innommable au coeur de la maison. C'est celle que l'on met tant d'années à regarder dans les yeux, dans le blanc des yeux jusqu'à ce qu'elle les baise, ses yeux, ces yeux misérables qui m'avaient avilie.
Je ne pense pas ici à des petits bobos, des accidents mineurs, des griffes et autres coupures qui émaillent l'enfance.Je pense à une blessure majeure : de celle qui laisse une cicatrice morale profonde, une incommensurable douleur dont on ne se débarrasse jamais. Cette première blessure date de mes trente deux ans ! Lorsque j'ai appris que ma mère était morte d'un avortement clandestin. Dans la famille, on m'a toujours dit qu'elle était décédée d'une appendicite fulgurante.Ce mensonge, ce cadavre dans le placard, me hante encore aujourd'hui.
Du temps du Congo belge et de mon enfance. En famille, nous avions été nous baigner dans le lac Kivu qui bordait la demeure familiale, une belle villa coloniale avec ses terrasses couvertes et son toit de tôle ondulée. J’avais mis mon maillot à sécher sur une pierreet réenfiler ma robe rose à fleurs mais je n’avais pas remis ma petite culotte. Le sentiment de liberté était intense, je sentais délicieusement l’air chaud glisser entre mes cuisses pendant que je remontais vers la maison. J’étais à ce point euphorique et bienheureuse que j’en fis la confidence à ma mère espérant, sans doute, une connivence féminine. Bien mal m’en pris, la réprimande fut inversement à la hauteur de ma jouissance. Ce fut un choc de découvrir que ma propre mère me blâmait pour un plaisir qui me semblait aussi sain, aussi simple qu’agréable. Pire, depuis, à chaque fois que nous allions nous baigner, elle s’empressait de m’apostropher en me demandant crûment si «j’avais bien remis ce que je savais ».
Premier jour de vacances de l’été 1976. J'ai quatre ans. Il fait beau et je suis pied nu, torse nu, juste un petit maillot de bain. Mon père prépare son vélo pour aller acheter du pain au village.
Je lui demande si je peux l'accompagner. Il me dépose sur son porte-bagage. A peine avons-nous fait cent mètres, que je me prends le pied dans les rayons de la roue. Mon talon est déchiqueté et, blême comme un linceul, papa me ramène dans ses bras vers la maison pour me jeter dans l'auto. On file à la clinique.Je passe mes vacances, le pied dans le plâtre.Ce fut un été caniculaire, huit semaines sans la moindre goutte de pluie me rappelle maman lorsque nous évoquons ce malheureux accident. Chaque fois, mon père ne dit rien, l'esprit perdu dans sa culpabilité.
Je devais être très jeune. Comme quoi certains événements peuvent nous marquer précocement et bien malin qui dira pourquoi... Ma mère repassait dans la véranda. Assez sauvagement sans doute, je me suis précipité vers elle pour lui faire un câlin ou me jeter dans ses jupes comme le font tous les bambins du monde. J'ai dû la surprendre car elle s'est brusquement retournée... le fer à repasser dans la main sur lequel ma joue s'est écrasée. Douleur intense, affolement de ma mère, réveil précipité de ma grand-mère qui faisait sa sieste pour constater la brûlure.Cris, agitations, pommade, embarras et enfin soulagement en constatant une blessure superficielle.
Une amie de Schepdael me montre son nouveau lapin.Je le prends dans mes bras mais, farouche, il m'échappe des mains. En me laissant une grande griffe sur la joue. Plus de peur que de mal. Je pense que la cicatrice que j'ai encore sur ma joue vient de cet incident mais sur les photos de famille de l'époque, je ne vois nulle trace de cette blessure. Ainsi, je me demande parfois si je n'ai pas rêvé cette histoire de lapin, d'un lapin que j'aurais tellement aimé posséder.Ceci n’explique toutefois pas l'énigme de la cicatrice, bien réelle mais d'origine inconnue.
Premier septembre de mes quatre ans. Ma mère me dépose dans la cour de récréation, aux Soeurs de Notre-Dame. J'attends que la cloche sonne, je me sens abandonnée dans une cour d’école maternelle francophone, seule avec ma petite sacoche rouge remplie de biscuits, entouré de personnes que je ne comprends pas car je ne connais que le bruxellois*.
Premier jour de vacances de l’été 1976. J'ai quatre ans. Il fait beau et je suis pied nu, torse nu, juste un petit maillot de bain. Mon père prépare son vélo pour aller acheter du pain au village. Je lui demande si je peux l'accompagner. Il me dépose sur son porte-bagage. A peine avons-nous fait cent mètres, que je me prends le pied dans les rayons de la roue. Mon talon est déchiqueté et, blême comme un linceul, papa me ramène dans ses bras vers la maison pour me jeter dans l'auto. On file à la clinique.Je passe mes vacances, le pied dans le plâtre.Ce fut un été caniculaire, huit semaines sans la moindre goutte de pluie me rappelle maman lorsque nous évoquons ce malheureux accident. Chaque fois, mon père ne dit rien, l'esprit perdu dans sa culpabilité.
Une blessure de garçon. Je coince ma quéquette dans la tirette de mon pantalon. La petite chair tendre de mon prépuce pincée par les tenailles de la braguette. Cela pique, je me sens pris au piège, je pense aux jeunes gardons pêchés cet été dans le lac de Gevray, prisonniers de l'hameçon fatal. Je ne parviens pas à me dégager, je n'ose tirer sur mon zizi de peur de le blesser davantage. Je commence à me dire que je vais devoir appeler de l'aide, passer outre ma pudeur naissante, montrer mon petit robinet dans une situation scabreuse. Maman !?
Pour l'heure, je suis seulement en train de retomber tout doucement en enfance. Je m'occupe encore de ma dernière blessure mais d'ici quelques temps il est probable que je puisse vous raconter la première, la première dont je me souvienne à coup sûr lorsque toutes celles qui les ont suivies se seront progressivement effacées de ma mémoire.Ma mémoire retournée aux sources de moi-même comme une lente et inéluctable marche à reculons.
Impossible de l'oublier! Huit ans, avec des copains, arc à flèches, faites maison, avec mon canif, Robin des Bois ou du genre.Accident imbécile.J'ai crevé l'oeil d'Yves, mon voisin. Au moment même, je me rappelle que j'ai crâné, l'ai pas fait exprès, il avait pas à être devant moi, enfin, des conneries.Parfois, je réagis encore comme ça.Ma copine dit que " j'assume pas".
Une gifle.Qu'importe où, quand, comment et qui ! Quelques décennies plus tard, je retiens l'humiliation infligée. Quelque chose qui entretient, encore aujourd'hui, un sentiment confus de consternation et de vengeance.
Un jour de soleil magnifique, je me suis levée aux aurores pour jouer dans le jardin ...J’étais en pleine confection de« michpap » (boue) avec l’eau de la casserole à abreuver les pigeons, béate sous ce beau soleil matinal, quand ma mère probablement apeurée, ne me trouvant pas dans mon lit, m’a soulevée du sol et giflée à la volée avant de me ramener brutalement dans la maison et me retaper dans mon lit en hurlant…
Mon premier souvenir, c’est comme une chute au ralenti. Se voir tomber. Une chute qui fera redouter les prochaines. Perdre une dent. Un genou qui saigne. Une main éraflée. Un bras cassé. Un front abîmé. Un nez tordu.
En première primaire, j'avais une institutrice, Mademoiselle Ghislaine, la caricature même de la "vieille fille" coincée et bigote comme les écoles catholiques en regorgeaient à l'époque. J'avais machinalement mis, en toute innocence, mes deux mains entre mes cuisses. Elle m'a interpellée, insultée, traitée de noms que je ne connaissais pas devant toute la classe, la prenant à témoin de ma perversion, j'imagine. J'étais anéantie par la colère injustifiée d'une personne d'autorité morale que j'honorais sans aucun doute mais davantage encore par le sentiment d'incompréhension totale pour un geste dont je ne pouvais imaginer la "faute".
Casse-cou, je m'étais entaillé l'arcade sourcilière en heurtant un poteau d'éclairage. Ma grande soeur me conduisit dare-dare chez notre médecin de famille, le docteur Verbiest qui habitait la rue d'à côté et que je devais bien connaître car il venait souvent chez nous soigner la bronchite chronique de mon grand-père. En arrivant devant le porche de la maison, la bonne du docteur nous annonce avec excitation que son patron vient de mourir, ce matin même. Pour moi, ce fut la panique car je n'imaginais pas qu'il existât un autre médecin sur terre qui puisse me soigner. J'étais effondré et je me mis à gémir. Attendrie, la servante du docteur a dû penser que j'avais du chagrin pour le décès de l'homme et pourtant je me souviens bien que je pleurais de désespoir, de la crainte de garder éternellement mon arcade gauche ouverte, béante et saignante comme les stigmates de Padre Pio, martyr dont la gravure ornait le salon de Tante Violeta.
C'est une question bien indiscrète. Et honnêtement, je ne sais pas si je ne peux ou si je ne veux y répondre. Non de crainte d'être démasquée. Plutôt, de me démasquer moi-même car les premières blessures sont comme un premier amour, souvent inoubliable mais parfois inavouable. Je ne me rappelle plus précisément des circonstances ni de l'âge que je devais avoir. Mais bien de la panique qui m'envahit lorsque j'urinai du sang. Etait-ce dû à une chute ou à une maladie quelconque ? Je n'en sais plus rien. Je me souviens de quelques brides : de ma mère qui ne semblait pas s'inquiéter mais peut-être cachait-elle bien son jeu, du fond de la cuvette du W.C. qui était devenu rouge écarlate, et, pour la première fois, l'idée de la mort qui traversait mon jeune esprit et qu'elle pouvait surgir ainsi, bêtement, si brusquement, sans prévenir !
La mort de mon camarade de classe écrasé sous les bombes, en 1944. Nous étions, en deuxième primaire, les meilleurs copains du monde.La veille, nous chapardions encore ensemble quelques belles pommes dans le verger du voisin.Pourquoi lui, et pas moi ?Ce jour-là, j'ai appris que la vie ne tient qu’à un fil...
Avec mes parents, nous faisions la file devant le Caméo, notre cinéma de quartier.Un monsieur qui me faisait penser à un géant tant il était haut de taille et imposant, nous a bousculé. Ilm'a écrasé le pied gauche. Je vois encore ses grosses bottines brunes s'aplatir sur mes petits escarpins beiges.Durant la séance, j'avais tellement mal que nous avons quitté la salle avant la fin du film. Sous mon ongle traumatisé, est apparu un caillot de sang qui me faisait atrocement souffrir. C'est le pharmacien de garde qui m'a soulagé en piquant mon ongle avec une seringue pour soulager la pression. Depuis lors, je me suis toujours méfié des files d'attente et des bousculades qu'elles génèrent. Davantage même, je pense que cet accident pénible est à l'origine du fait que j'ai horreur de me " faire marcher sur les pieds".
En descendant trop vite la côte très raide du chemin vers Arpajon sur Cère. Avec un vieux vélo trop grand pour moi et ma mauvaise maîtrise de l’équilibre, j’ai fait un vol plané et me suis retrouvée dans le fossé, le genou en sang-caillouteux. Ma sœur ainée s’est beaucoup fait admonester pour sa responsabilité . J’avais cinq ans et suis restée deux jours, grande blessée (le genou seul a été meurtri), allongée dans une chaise longue.Ce souvenir est resté cuisant dans ma mémoire.
Ce n'est ni une blessure ni une chute. C'est un hoquet, un bête hoquet, un interminable hoquet dont j'eus l'impression de ne jamais pouvoir me débarrasser. Je crois que, ce soir-là, chaque membre de la famille présent dans la cuisine s'est fendu de sa recette miracle pour me sauver mais rien n'y faisait, mon hoquet semblait s'installer à jamais dans ma petite gorge. J'ai paniqué, j'ai pensé que j'allais mourir car je ne sais quelle rumeur circulait à l'époque dans les chaumières que le Pape, je ne sais lequel, était décédé d'une crise de hoquet. Si un Pape, himself, pouvait mourir d'une affection aussi ridicule, je ne voyais pas comment un petit bonhomme sans importance comme moi aurait pu être sauvé par je ne sais quel saint Sauveur !
Une ponction lombaire, à six ans, avec une seringue de vétérinaire…
Chez nous, quand j'étais toute jeune, il y avait du gravier autour de la maison. Ma soeur jumelle et moi, nous y jouions souvent : lancer les cailloux, creuser des trous, faire de petites buttes de pierre que nous franchissions avec souplesse et plaisir. Un jour, j'ai raté l'obstacle,
mes deux genoux enfoncés brutalement dans la pierraille. Mes genoux étaient en bien mauvais état, sanglants et surtout parsemés de petits cailloux pointus. Je me souviens parfaitement que ma mère a patiemment ôté ces intrus avec une pince à épiler. A la fois, je pleurais, je souffrais, je tremblais et à la fois, j'admirais sa dextérité et son audace.Quelques mois plus tard, de rutilants pavés entouraient la maison familiale. J'ai cru à l'époque que cela avait quelque chose à voir avec mon accident mais j'appris, plus tard, que mes parents épargnaient depuis la fin de la construction, pour s'offrir un pavement plus digne.
Ce qui surgit, ici, spontanément, est un événement auquel je ne pensais plus depuis longtemps et auquel je ne pensais pas accorder beaucoup d'importance. Une sorte de blessure émotive qui, à l'époque, c'est vrai, m'avait fort ébranlé. J'ai surpris mes trois beaux-frères, dans un recoin de la terrasse, se moquer de mes parents, citer l'une ou l'autre anecdote avec un humour que je trouvais, du haut de mes huit ans, douteux et méchant. Ce qui me chagrina, c'est qu'ils étaient en toute occasion si affables avec eux et que j'apprenais qu'ils ne les appréciaient pas autant que je le pensais. Sans doute, je découvrais avec une stupeur naïve, ce jour-là, le double discours du monde des adultes.
Cela devait être à l'anniversaire de ma copine. Il faisait beau et nous jouions dans le jardinet. Toutes les invitées avaient reçu une petite bouteille de coca. Je la tenais précieusement dans ma main, il faut dire que je n'avais pas souvent l'occasion de boire cette boisson que mes parents banissaient de mon alimentation.Dans la cohue de la fête et de notre excitation, je suis tombée me blessant le poignet. Je pleurais à chaudes larmes et la mère de ma copine Aline pensait que je souffrais le martyr. Je pleurais certes mais de la perte de la bouteille de coca que je voyais irrémédiablement se vider de son contenu sur la pelouse.
Le décès de mon grand-père.
Toute petite, je veux rejoindre Maman qui se trouve au salon. Le domestique me tire la tresse par surprise et par derrière.J'exprime ma désapprobation d'avoir été abordée de la sorte et me retrouve à nouveau dans le couloir, punie par Maman de ne pas vouloir demander pardon au domestique. J'aidû accepter de m'humilier à demander pardon d'avoir été agressée pour avoir l'autorisation de rentrer dans la pièce !
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