De Sébastopol à Saigon
195 pages
Français

De Sébastopol à Saigon , livre ebook

-

195 pages
Français

Description

Ce livre est le récit de deux vies. Celles de deux destins hors du commun. Celles de deux hommes engagés. Manuel, rescapé de la guerre civile en Espagne en 1936, alors qu'il n'était encore qu'un enfant, s'engage dans la Légion étrangère au moment de la guerre d'Indochine. Parvenu à Saigon, il connaîtra les pires horreurs mais rencontrera aussi l'amour. Marius, communiste, accomplit des actes de résistance durant la seconde guerre mondiale après avoir été gabier sur un cuirassé à Sébastopol, en mer Noire, en 1919.

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2012
Nombre de lectures 186
EAN13 9782296506930
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pierre Amiot
De Sébastopol à Saigon
Récit
Graveurs de Mémoire
De Sébastopol à Saigon
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-336-00426-6 EAN : 9782336004266
Pierre AMIOT
De Sébastopol à Saigon
Récit
L’Harmattan
Graveurs de Mémoire Cette collection, consacrée essentiellement aux récits de vie et textes autobiographiques, s’ouvre également aux études historiques *
La liste des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le sitewww.harmattan.fr
À Manuel, À Marius
Avant-propos
ETouvrage relate l'itinéraire de deux hommes qui luttèrent toute C leur vie afin que la justice puisse triompher un jour dans le monde. Par ce témoignage, j'espère leur redonner un peu d'existence. J'étais capitaine de remorqueur sur le Rhône en 1954 et ils faisaient tous les deux partie de mon équipage. Ils m'ont raconté leurs parcours, leurs luttes contre les injustices dont j'ai d'ailleurs été victime moi-même lorsque j'étais enfant. Je vais relater leurs deux témoignages mais pour commencer, je parlerai d'abord de ce fils de républicain espagnol qui s'appelait Manuel. Il n'avait que huit ans lorsque les officiers félons, aux ordres du général Franco, s'attaquèrent au pouvoir légal mis en place par les Républicains. Je poursuivrai ensuite par les aventures de Marius, un ancien marin qui avait fait la guerre de 1914. Accusé de désertion et de mutinerie, il avait été condamné pour ces actes à une lourde peine de prison. Il prit part ensuite à la guerre d'Espagne en 1937 et mena des actions contre l'occupant nazi pendant la dernière guerre mondiale. Si je ne commence pas ce livre par son parcours, ce qui aurait été bien plus logique chronologiquement, c'est pour une raison bien simple : Marius me parla très peu de lui avant que Manuel ne fasse partie de l'équipage. Un an plus tard, il se décida à nous faire part de ses aventures, mais seulement lorsque Manuel nous raconta les siennes. Marius détestait se mettre en avant, il fallut du temps pour qu'il nous parle de son parcours. Ce n'est que lorsqu'il fut sûr que nous étions du même bord que lui, qu'il nous parla de sa vie et de son idéal. Son histoire ressemblait d'ailleurs étrangement à celle de Manuel malgré la différence d'âge. Curieusement, ces deux hommes s'étaient trouvés dans les mêmes lieux, avaient combattu pour la même cause à un certain moment de leur existence, bien qu'ils n'aient jamais eu l'occasion de se rencontrer pendant ces événements. Ces deux parcours de vie avaient pour décor la guerre, avec pour toile de fond le combat contre les injustices et la barbarie que ces deux hommes menèrent pendant toute leur vie. Portés déserteurs tous les deux, ils
Pierre Amiot
subirent les foudres des pouvoirs en place. Malgré les années qui séparaient ces deux hommes, leurs histoires étaient pourtant presque les mêmes et leurs combats identiques, tous deux luttaient contre les injustices de tous bords. Manuel, né en 1927, fut mêlé à la guerre civile en Espagne en 1936 alors qu'il n'était encore qu'un enfant. Après la victoire de Franco en 1939, il fut enfermé dans un camp du Sud de la France. Il s'évada après trois ans de captivité avec toute sa famille et entra alors dans la Résistance contre l'occupant nazi. Il s'engagea dans la Légion étrangère une fois la guerre terminée et partit en Indochine où il combattit de 1946 à 1951. Il fut confronté à des événements qu'il subit, sans jamais pouvoir sortir de ce processus barbare dans lequel il était enfermé. Ces combats horribles et absurdes le conduisirent à commettre des actes qui devaient le laisser complètement désemparé. Ballotté de droite et de gauche dans une guerre inutile et perdue d’avance, il fut un de ces soldats qui combattirent pour une cause qui n'était pas la leur. Cette guerre avait été provoquée par le comportement d'une poignée de colons milliardaires qui affamaient le peuple vietnamien depuis trois générations. Le mauvais choix qu'il fit en s'engageant dans la Légion étrangère, devait lui valoir bien des tourments. Lorsqu'il comprit ce qu'on attendait de lui, il était beaucoup trop tard. Il se révolta alors et déserta deux fois, mais hélas en pure perte. La première fois il fut repris par les soldats de la Légion. Lors de sa deuxième désertion, récupéré dans le port de Singapour par une vedette de la marine anglaise qui le ramena à bord du bateau qui l'emmenait en Indochine, il fut confronté à la machine à broyer les hommes, pour son malheur et celui de tous ces soldats perdus. Communistes tous les trois, nous parlions de notre passé et de notre idéal au cours des discussions que nous avions. Manuel avait une mémoire fabuleuse, surtout pour les petits détails. J'ai travaillé pendant vingt-cinq ans avec lui et cinq années avec Marius. Nous avons essuyé bien des coups durs tous les trois. Manuel ne connaissait pas la peur. Ayant connu tellement d'horreurs, plus grand-chose ne pouvait l'atteindre. Son opinion sur les hommes n'était pas bonne. Il avait vu trop de massacres, trop de barbarie, il ne se faisait plus beaucoup d'illusions sur le genre humain. Seuls les enfants trouvaient grâce à ses yeux, il les aimait beaucoup. Je n'ai jamais oublié ces deux hommes. Dans ma mémoire, ils resteront toujours des hommes justes et courageux. Puisse ce livre
8
De Sébastopol à Saigon
rendre un hommage à tous ces soldats qui se firent massacrer, qui tuèrent eux aussi des hommes de cette colonie française qui ne demandaient que deux choses, leur indépendance et leur liberté. Les puissants de ce monde provoquent les guerres, envoyant des hommes se faire tuer pour leurs intérêts personnels, mais ne paient jamais de leur personne. Les marchands de canons ont encore de beaux jours devant eux. Les cimetières sont remplis d'hommes qui sont morts non pas pour leur patrie, mais pour des gens qui avaient des intérêts particuliers dans ces colonies lointaines. Il avait fallu longtemps pour que ce passé terrible, sur fond de carte postale idyllique, s'estompe un peu de la mémoire de Manuel. Pendant des années, il dut faire des efforts pour quitter cette Indochine fabuleuse et tragique. Il avait tellement aimé ce pays qu'il n'arrivait pas à en faire le deuil. Les couleurs surtout lui manquaient, ce bleu profond du ciel, cette jungle avec ses verts qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Quant aux femmes, elles hantèrent ses nuits jusqu'à sa mort. Deux d’entre elles notamment, et surtout une qu'il ne revit jamais et avec qui il avait eu un enfant. Il ne pouvait oublier ce mélange de sexualité débridée et d'amour fou, que seuls les hommes qui ont été là-bas peuvent comprendre. Son parcours de vie était presque le même que celui de Marius. Nous poursuivions tous les trois le même combat pour la justice, c'est aussi pour cela qu'il était mon ami. C'était un dessinateur et un photographe hors du commun. David, un journaliste qu'il avait connu là-bas en Indochine, lui avait dit un jour, qu'une fois revenu en France, il organiserait une exposition de ses œuvres. Malheureusement David fut tué sur les plateaux du Laos, et les peintures et les photographies de Manuel ont été perdues à jamais. Marius avait trente-cinq ans de plus que nous, mais nous avions tous les trois les mêmes idées. La liberté, l'égalité et la fraternité n'étaient pas seulement des mots pour nous, ils avaient un sens profond, synonymes de valeurs telles que l’altruisme et le respect pour les autres. Ces deux hommes m'ont apporté énormément de choses, j'ai surtout appris à penser par moi-même grâce aux conseils de Marius. Quant à moi, ma mère étant une Tsigane et mon père un Européen, je suis un métis. Ce qui m’a valu de subir dans mon enfance des sévices corporels et des injures racistes. Nous avons dû nous cacher pendant la dernière guerre mondiale avec mes parents, ils durent
9
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents