Inconcevables destins
442 pages
Français

Inconcevables destins , livre ebook

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442 pages
Français

Description

François de Fabiol, auteur de Rêves de poèmes et de L'Ombre du beursault, nous offre ici son second roman. Une histoire dans laquelle tout lendemain est incertain, même l'impensable est possible. L'enchaînement des évènements est un incontournable couperet, ou bien une bonne fortune imposée aux hommes. Jean, médecin confronté à ses relations, cherche dans son passé amoureux les explications à la brutalité du présent...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 novembre 2014
Nombre de lectures 11
EAN13 9782336360034
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

François de Fabiol
Inconcevables destins Roman
Les impliqués É d i t e u r
Les impliqués Éditeur
Structure éditoriale récente et dynamique fondée par les éditions L’Harmattan, cette maison a pour ambition de proposer au public des ouvrages de tous horizons, essentiellement dans les domaines des sciences humaines et de la création littéraire.
Inconcevables destins
© Les impliqués Éditeur, 2014 21 bis, rue des écoles, 75005 Paris
www.lesimpliques.fr contact@lesimpliques.fr
ISBN : 978-2-343-04250-3 EAN : 9782343042503
François de Fabiol
Inconcevables destins
*
Roman
Les impliqués Éditeur
Du même auteur
2013 Poésie : Rêves de poèmes  ( Prix Lutèce 2014 ) 2013 roman : L’ombre du beursault  ( Prix Lutèce 2014 )
Cela avait continué comme ça.
Un fracas assourdissant venait de faire sursauter Jean Pailloux.
Déstabilisé, la tête relevée, aux aguets il guette la suite tout en palpant l’abdomen de son client. Venant du boulevard une clameur horrifiée remplit soudain son cabinet et le précipite à ouvrir la fenêtre, à scruter l’environnement. Juste en bas, à vingt mètres, un attroupement s’est formé sur la chaussée, autour d’un camion. Une collision, semble-t-il. Mais des cris stridents de plus en plus poignants l’alertent. – Rhabillez-vous, il faut que je descende. Après avoir dévalé l’escalier pour porter un éventuel secours, Jean se dirige vers l’attroupement. Le trottoir est recouvert de débris de verre et entre les badauds il entrevoit un amoncellement de ferrailles. Des flaques noirâtres s’étalent sur le sol. Rapidement il découvre qu’un moteur de camion a enlacé un platane, mais surtout il voit sur le bitume une mare de sang qui s’étend de plus en plus. Et sous une poutrelle de métal, un corps d’adulte, féminin qui hoquette. Penché dessus, Jean reconnaît Valérie une mère de famille qu’il a soignée. Thorax écrasé, comateuse elle agonise. À peine touche-t-il sa poitrine que de multiples craquements se font entendre, toutes les côtes du thorax sont fracturées. Paniqué, il cherche les deux filles jumelles. Elles sont immobiles sous les roues, quasiment coupées en deux… Précipitamment Jean va de l’une à l’autre, elles sont mortes ! Incrédule, il renouvelle son examen. C’est bien fini. Inutile, les bras ballants il contemple en ahuri ce destin. De son côté le conducteur a été projeté au travers du pare-brise, son crâne s’est ouvert, fracassé contre l’arbre. Un silence bizarre se cotonne autour du groupe. Des voitures freinent pour jeter un coup d’œil pervers, embouteillage. La contre-allée est baignée d’une lumière rousse. Déversée par la muraille de verre fumé d’un gratte-ciel de La Défense à Courbevoie elle ajoute une connotation démoniaque à ce tableau. Les vêtements en sont ambrés, aspects d’extraterrestres. Jean se redresse, plus rien à faire, aucune aide possible. Le petit groupe est silencieux, une femme pleure, les hommes sont blafards. Une sirène de police secours perce au loin, se fait de plus en plus forte. Prise en charge et place nette vont être faites… Les services d’ordre servent à cela. – Circulez, il n’y a plus rien à voir. Allez, Messieurs Dames partez ! Jean s’est fait connaître, à lui de prévenir le mari, ses coordonnées sont dans les dossiers médicaux. Tâche abominable d’être celui qui annonce au chef de famille le verdict impitoyable des choses de la vie !
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Incompréhensible ce coup de faucille, perfide cette sanction d’avoir existé, d’être là au mauvais endroit au mauvais moment. Rien ne peut rendre acceptable ce châtiment d’ingénus.
Un chauffard a écrasé dans l’abri d’un arrêt d’autobus une mère et ses deux enfants assis sur le banc. Tous tués sur le coup, dira le journal télévisé en dix secondes, puis un autre fait divers prendra la relève du sensationnel nauséabond. Le matériel sera remis en état avec soin, dans huit jours tout sera de nouveau fonctionnel. Peut-être quelques écorchures sur le tronc… Le scandale est que cette tragédie n’affecte pas notre microcosme, n’a aucune prise sur lui. Diaboliquement il reste inchangé.
Le soir, Robert est cet époux, ce père qui s’est effondré contre la poitrine du médecin. – Valérie m’avait dit qu’elles prendraient l’autobus. Sa voiture ne démarrait pas : j’avais laissé les phares allumés hier ! Les murs du cabinet sont toujours blancs, leurs gravures sont impassibles, rien n’a changé et pourtant cet homme ne fait plus partie de cette planète. Ensuite plus rien n’est sorti de lui, le vide ne peut être prononcé. Ses larmes livides n’enlèvent pas la douleur. Que lui dire sur cette atrocité ? Impuissant à soulager cet homme, Jean l’a pris dans ses bras pour qu’il sanglote protégé par l’empathie professionnelle médicale, et c’est entouré de la solidarité humaine de tous qu’il est parti avec son beau-frère. Ce foudroyé de la vie se sent responsable. Rançonné par cette disparition arbitraire, son horizon vient de lui être arraché. Comment faire digérer ce coup du sort, franchir le gouffre de cette destruction épouvantable ? En embrumant par quelques drogues ses fonctions cérébrales, Dionysos l’avait compris… -Vous me téléphonerez tous les jours à midi, est l’injonction de Jean. L’impensable a eu lieu, l’ordinaire si lisse a été dévié. En grippant le déroulement habituel de la machinerie journalière, un oubli, une manœuvre, une négligence ont ouvert la porte à une sanction terrible. La brutalité du réel secoue nos édifices, impressionne toujours nos convictions. Ne sommes-nous que cela, des objets à souffrir ? De simples sujets exposés à n’importe quelle catastrophe ? Probable ! Qui s’inquiète quand un talon écrase sans les voir quelques fourmis tout à leurs occupations innocentes ? Où est ce géant dont la chaussure peut laminer les hommes ? La perte brutale d’un être aimé est une fission dévastatrice de l’âme. Pour Robert cette élimination sans retour a tranché ses amarres, à la dérive il est. Un brouhaha venant de l’escalier tire Jean de ses amères constatations et l’amène sur le palier. Des habitants de l’immeuble soulagent leurs peurs en vociférant leurs angoisses dont le bruit remonte par la cage de l’ascenseur.
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Leurs mondes quotidiens coexistent donc avec un éventuel impensable et dangereux. Précipitées dans l’espace infini des possibles, leurs imaginaires ont viré au lugubre. Peut-il y avoir un repos tranquille après ce qui est arrivé ? Le malheur n’est pas que pour les autres… Marlène, la voisine la plus proche, apporte sa conclusion : – Comment peut-on vivre avec un tel inconnu devant soi ? Les camions devraient être interdits en ville ! Toute la maisonnée lui donne raison et y va de sa larme. Puis, rentrés dans les appartements, regroupant la famille ces alarmés se recroquevillent appesantis. Le destin peut accabler la solitude, alors pour certains l’appétit est coupé ce soir, pour d’autres une fringale compulsive compense cette extraordinaire incertitude. Ces pertes terribles ne sont à souhaiter à personne. Tout le monde est à la merci d’être tronqué un jour ou de subir une désillusion pathétique.
La disparition brutale de Valérie évoque à Jean celle de l’être aimé, de sa Julia quand leur relation avait été rompue. Personnellement il avait cruellement souffert de cette dislocation après avoir connu une fusion dans un arc-en-ciel fait d’amour, de paix, de beauté, de joie… Comment occulter ensuite cette lumière sublime ?
Jean Pailloux est médecin. Pendant un demi-siècle d’activités hospitalières il a prêté l’oreille pour libérer le monde et tenté de mêler les branches de l’arbre de vie à celui de la connaissance. Rendu plus fort il s’est tourné vers l’Autre, pour le connaître. Pas pour le dévorer mais pour l’accompagner dans sa différence. Par des milliers de paroles sa verve l’a délié de lui. Le silence et le sourire lui ont dit qu’il était arrivé. Depuis le début, tout évolue, le monde et nous tous. Les évènements ? Jean les perçoit à sa manière et la fréquentation de ses patients ne lui montre qu’une frange particulière de l’humanité. Alors, prudence.
Évelyne, la secrétaire du cabinet s’en va. Elle aussi est sous le choc de l’accident. Son veuvage est récent. – Une mort si violente est un choc dont on ne se remet pas. Cette secousse ne passe pas avec le temps. On en devient mécréant ! Qui n’a pas besoin de se libérer ? Raconter rend plus vivant, et ce que l’on avoue dévoile une conception personnelle des choses, pas le vrai… Mais cela fait du bien et décompresse la tension émotionnelle, aussi Jean approuve, la laisse à sa conclusion. Pour sa part la suite logique des nombres le rassure, cet infini évoque un ultérieur. En scientifique il s’accroche à la chronologie des phénomènes, il rationalise la logique des causes et de leurs effets. De ceux qui sont majeurs. Pas plus.
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