Limoilou au quotidien
56 pages
Français

Limoilou au quotidien

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
56 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Naître et grandir dans le quartier Limoilou de Québec dans les années 50 et 60.

Informations

Publié par
Publié le 23 juin 2015
Nombre de lectures 54
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

LIMOILOU AU QUOTIDIEN
- Récits -
André Lévesque
Naître et grandir à Limoilou dans les années 50 et 60.
« Quand on est d'la basse ville ont est pas d'la haute ville Y'en a qui s'en souvienne d'autres qui s'en souviennent pas » Sylvain Lelièvre
Je suis de la Basse-Ville de Québec, du quartier Limoilou, et je m’en souviens. Ces récits sont des souvenirs, des moments heureux et parfois moins heureux de mon enfance et de ma jeunesse dans ce quartier qui est encore cher à mon cœur. TABLE DES MATIÈRES
- Je suis de Limoilou - Quand la ruelle était un fabuleux terrain de jeux e - Une famille de Français emménage sur la 15 rue - Madame Avon, Monsieur Fuller et les autres vendeurs itinérants - On jouait au ballon coup de pied, une sorte de soccer inventé - Quand le train de mon père passait par la gare de Lairet - Livreur d’épicerie à vélo - Notre petite patinoire dans la cour arrière - Ti-Guy, Ti-Gilles, Ti-Roland et moi - Camelot pour le journal l’Action Catholique - Dieu sauve la reine, la police sauve Mozart e - Le « Newsie » de la 15 rue - Mon premier match au Colisée de Québec pour voir les AS - Les petites vues à Saint-François d’Assise - Saint Georges Côté annonce la terrible nouvelle - La Brique, boîte à chansons du Centre Mgr Marcoux - Jean Béliveau et la Laiterie Laval - De la grande visite des États - Souvenirs d’un Enfant de chœur e - Chez Madame Guay, 4 avenue, Saint Fidèle - Drôle de cohabitation : scouts et culturistes à Saint-Fidèle - Pee-Wee, j’ai porté le numéro 17 de Ed Litzenberger - Sportifs : Mangez de la crème glacée Laval à tous les jours - En veillant sur la galerie - Le Parc Ferland autrefois - Les enfants s’ennuient le dimanche - Je voulais juste que mon père revienne pour Noel - Si j’avais su… - Regarder la télé devant la vitrine du marchand de meubles - On en as-tu fait du bicycle ! - Le lundi, jour du lavage - On achetait des petits Chinois - Retour à Limoilou - Les Yankees et les Dodgers de Limoilou - « J’va juste faire le tour du bloc »
2
- Le frère recruteur - « On s’en va en ville les enfants ! » - On faisait du pouce à tous les matins - La Librairie Canadienne - Les catalogues Eaton et Sears nous faisaient rêver - Les cerises de la Cavée - Les travaux manuels à l’école St Fidèle - Quitter Limoilou pour de bon - Je n’ai de mon père que peu de souvenirs
***
Je ne baisse pas les yeux quand je dis : « Je suis de Limoilou »
Un jour, lors d‘un voyage, j’ai rencontré une dame « en moyens » venant de Québec.
- Vous êtes née dans quel coin de la ville ai-je demandé ? - Je suis de…de Saint Sauveur m’a-t-elle répondu en baissant les yeux.
J’ai eu l’impression qu’elle venait d’admettre une tare. Saint Sauveur est sorti de sa bouche comme quelqu’un qui admet un crime. Elle aurait tant aimé répondre qu’elle avait grandi ailleurs que dans la Basse-Ville.
Moi, je n’ai pas honte d’avouer que je suis de Limoilou, du Vieux Limoilou comme on dit maintenant.
Je suis fier d’avoir grandi dans ce quartier que plusieurs « logues », chiffres et études à l’appui, appellent un quartier défavorisé.
Mon quartier était cols bleus, cols blancs, ouvriers, travailleurs de l’Anglo-Pulp, employés des chemins de fer, épiciers, barbiers, cordonniers, vendeurs.
Mon quartier n’était pas riche, pas très beau sur toutes ses rues, misérable dans certains coins, tavernes et violence dans d’autres, chômage et misère souvent.
Mon quartier était suffocant en été, trop froid en hiver dans nos maisons mal isolées. Nos cours étaient le plus souvent en gravelle avec parfois un minuscule carré de pelouse.
Mon quartier n’était pas coquet, propret, ordonné, comme ces banlieues cossues qui poussaient tout autour.
Mais mon quartier était entraide, ruelles pour nos jeux d’enfants, parcs animés, voisins qui se parlaient, chaleur humaine, grandes galeries pour assister au spectacle de la
3
rue, trottoirs pour dessiner des jeux de marelle, cordes à linge, petits potagers dans un rare coin de soleil, hangars pour jouer à la cachette ou au cowboy, écoles à deux pas de la maison, escaliers en colimaçon où on s’assoyait pour jaser entre amis.
Mon quartier était les p’tites vues au Lairet, au Rialto ou à la salle paroissiale.
Mon quartier était églises, couvents des sœurs, collèges des frères...
Je sais d'où je viens et je ne veux jamais l'oublier. Quand on me demande d’où je viens, je ne baisse pas les yeux en disant : « Je viens de Limoilou. »
***
Quand la ruelle était un fabuleux terrain de jeux
Les ruelles ont longtemps représenté un territoire de jeu de prédilection pour des générations d’enfants de Limoilou.
Bien avant les ruelles vertes, ces belles ruelles aménagées, il y avait ces ruelles terrains de jeux, de tous les jeux. L’époque où on jouait dehors douze mois par année. Ces ruelles de gravelle, enclavées entre garages et hangars de tôle, surplombées de cordes à linge étaient plutôt délabrées mais c’était notre univers et nous le trouvions beau.
La ruelle c’était le territoire de l’enfance. Les adultes surveillaient les enfants de loin, assis sur la galerie de leur cour arrière. Et à midi, comme dit la chanson, on entendait « Viens diner là, ça va être froid », le cri des mères de famille qui rassemblaient leur marmaille qui était souvent nombreuse.
L’été : baseball, hockey-balle, jeu du drapeau, ti-can la boite, la cachette. L’hiver : hockey, construction de forts et batailles de balles de neige ; les ruelles appartenaient aux enfants en toute saison.
C’était aussi le royaume des vélos qu’on appelait alors bicycles. Dans les ruelles, on pouvait pédaler à toute vitesse, faire des acrobaties, des courses, sans danger. Il était rare que les automobilistes empruntent la ruelle, sauf pour remiser leur « gros char » dans le garage au retour du travail. Nous étions en sécurité.
L'aiguiseur ambulant et le ramasseur de ferrailles, perchés sur des charrettes tirées par un cheval, passaient dans la ruelle quelques fois par été. Il y avait aussi le vendeur de fraises de l’Ile d’Orléans qui criait « Fraises, des fraises, des belles fraises ». Ma mère se dépêchait alors à me donner des paniers vides en me disant « Choisis les plus belles, choisis-les comme il faut ».
La ruelle c’était la vie, l’enfance protégée, le paradis de nos jeux inventés et de nos premiers émois amoureux. C’est dans le vieux hangar de tôle rouillé bordant la ruelle
4
que nous avons donné nos premiers baisers très chastes dans ce Québec pieux des années cinquante. Premières amourettes que nous n’avons jamais oubliées.
On n’avait qu’à crier « Qui veut jouer au base ? » pour qu’une dizaine d’amis du voisinage se pointent à la « plate » improvisée de notre ruelle. On faisait alors une partie de balle donnée qui durait des heures. On inventait des règlements que l’on changeait en pleine partie, on modifiait les équipes au gré du pointage. L’important c’était simplement de jouer, le plus longtemps possible.
Il y avait bien sûr des querelles d’enfants, des pleurs parfois et des genoux amochés. Ca finissait toujours bien, ou presque, lorsque nos parents, ou un voisin, jouaient les médiateurs entre nous. On faisait la paix et on reprenait nos jeux jusqu’à la prochaine chicane.
C’était avant ces belles ruelles d’aujourd’hui. L’époque des ruelles sauvages, livrées aux plaisirs du jeu et investies par les enfants qui y jouaient quatre saisons par année.
***
e Une famille de Français emménage sur la 15 rue
Dans le Limoilou du début des années cinquante, les occasions de voyager à l’extérieur du pays étaient rarissimes. Seuls quelques privilégiés avaient la chance de visiter les « vieux pays ». Tout ce que nous connaissions de notre Mère patrie, la France, c’était les cerises de France, l’eau de Vichy que nos mères nous donnaient quand on avait mal au cœur et quelques clichés tels le béret et la baguette. C’est tout.
Il était aussi très rare que l’on puisse fréquenter des Européens jusqu’au jour où e les Blondel emménagèrent derrière chez nous sur la 15 rue.
e - « Les nouveaux locataires du 3 étage, c’est des Français de France disaient les commères du coin. Ils parlent drôle, ben drôle. Moé, j’comprends rien pantoute. »
Les Blondel, le père, la mère et leur fils Thierry, venaient d’immigrer au Québec et ils avaient loué un appartement dans le bloc de trois étages de Monsieur Roy.
Un jour où l’on jouait dans la ruelle Ti-Guy, Ti-Gilles et moi, Thierry se présenta à nous :
- « Je m’appelle Thierry, allez on se sert la main les copains ? »
Nous sommes restés estomaqués. Il parlait bien, il avait un accent qui nous était inconnu et surtout, surtout, il voulait nous serrer la main. Quelle drôle de coutume pensions-nous le « serrage de main ».
5
Évidemment, on l’a ignoré totalement comme les enfants incultes et fermés que nous étions. Thierry retourna chez sa mère en pleurant. Pour se moquer, on décida donc d’appeler le nouveau venuLa maindevint en peu de temps le souffre-douleur du. Il voisinage. On criait « Viens icitte la main, donne- moé ta main la main », toutes sortes d’imbécillités. Que les enfants peuvent être méchants et cruels parfois !
Mais Thierry ne se laissa pas abattre par nos moqueries. Comme j’étais celui qui habitait le plus près de chez lui, il entreprit de devenir mon ami. Il m’invita à jouer dans sa cour jusqu’à ce que j’accepte - n’ayant personne d’autre avec qui m’amuser ce jour là-il me fit goûter à des pâtisseries bonnes à se rouler par terre, me fit boire du Lithiné (1). Il me parla de la France, de la peine qu’il avait eu de quitter ses amis, de la difficulté à s’intégrer ici… Je commençai à le trouver plutôt sympathique et très courageux.
- « Il est sympa ce mec! » dis-je un jour pompeusement à ma mère qui fût étonnée de ces nouveaux mots dans mon vocabulaire et de mon accent pointu.
En quelques semaines, Thierry était devenu mon ami, mon pote comme il disait, et je devins son protecteur pour que cessent les abus dont il était victime. J’acceptai même de lui serrer la main devant Ti-Guy et Ti-Gilles. Thierry faisait maintenant partie de notre groupe. Il était « un gars d’la gang ».
(1)Dans les années 50-60, boisson gazeuse préparée à la maison, à base d’eau dans laquelle on dissolvait, pour un litre, un sachet de préparation à base de lithine acheté en pharmacie (les lithinés du docteur GUSTIN).
****
Madame Avon, Monsieur Fuller et les autres vendeurs itinérants
Dans ma jeunesse, il y avait des dizaines de vendeurs itinérants qui parcouraient les rues de Limoilou. La plus connue était Madame Avon, une femme distinguée,
6
toujours bien vêtue, que ma mère accueillait au salon comme on accueille la visite importante.
Au moins deux fois par mois, la dame Avon venait soit livrer une commande, soit dévoiler à maman toutes les nouveautés de son beau catalogue. Et elles jasaient de tout et de rien, comme deux vieilles connaissances. Elles papotaient tout en feuilletant le catalogue. Parfois maman lui offrait le thé et même si elle ne se maquillait que très rarement, elle lui achetait un ou deux petits pots de crème. « Elle est veuve disait-elle. Je dois bien l’encourager un peu. »
C’est dans la cuisine que nous recevions Monsieur Fuller, le vendeur de brosses. Il s’appelait monsieur Doyon et il habitait tout près sur la 14e rue. Il arrivait toujours portant une grosse valise pleine de petits balais, d’articles de nettoyage et évidemment de dizaines de sortes de brosses. Il ouvrait sa valise solennellement et il essayait de convaincre ma mère qu’elle avait vraiment besoin de tel ou tel article pour la maison. De temps en temps, maman achetait une fameuse brosse Fuller, achat dont elle n’avait pas besoin mais comme c’était un voisin…impossible de lui dire non tout le temps. C’était aussi ça le bon voisinage.
À chaque année, on avait la visite du vendeurd’encyclopédies Grolier(1). Le représentant Grolier utilisait toujours cette phrase pour son « pitch » de vente : « Madame, si vous voulez donner à vos enfants le plus bel héritage ben c’est l’éducation et qui dit éducation dit encyclopédie en quinze volumes plus Pays et Nations. Toute est là-dedans ma chère dame. » Qui pouvait contester ça ? Le gars a été si éloquent qu’un jour maman nous a acheté tout le « kit » Grolier avec en prime l’étagère en faux bois de merisier. De beaux bibelots que nous avons utilisé rarement sauf Pays et Nations, sept beaux volumes de géographie et d’histoire avec des images et des cartes en couleur svp. Une merveille pour nous faire rêver d’aventures dans des pays exotiques. C’est de là que vient mon amour pour les voyages je crois.
Le vendeur d’aspirateurs Électrolux avait moins de chance chez nous même s’il était beau parleur. Il faisait partie, comme les vendeurs de batteries de cuisine, de ceux qui n’avaient pas la cote auprès de ma mère.
Il me semble que « dans mon temps » les vendeurs itinérants n’avaient pas à obtenir de permis pour faire du porte à porte. C’est très différent aujourd’hui : Le commerçant itinérant doit détenir un permis de l’Office de la protection du consommateur.
7
(1) Cette encyclopédie a été amplement diffusée au Québec où elle disposait d'un réseau de vente à domicile.
***
On jouait au ballon coup de pied, une sorte de soccer inventé
e Durant mon secondaire à l’école Saint Fidèle située sur la 12 rue, les Frères du Sacré-Cœur nous faisaient jouer, pendant les récréations, au ballon coup de pied.
C’était une forme de soccer (de foot si vous préférez) bien que dans ce temps là peu de gens au Québec connaissaient ce sport qui venait d’ailleurs. Seul mon voisin venu de France savait ce qu’était le foot. Et il n’arrêtait pas de nous dire que c’était le plus beau sport au monde. Nous on savait que c’était le hockey bien entendu.
Le ballon coup de pied était simple : deux buts et deux équipes de quinze écoliers qui essayaient de compter des buts. Deux poteaux en bois séparés d’une distance de douze pas servaient de filet. Rien à voir avec les vrais filets de soccer ! En début de match, un joueur comptait les pas pour s’assurer que les buts avaient la même largeur. Et ça discutait fort : « Hé, t’as pas compté les pas comme il faut, maudit tricheur, disait l’un »  « T’as mal vu le cave répondait l’autre. Mets tes barniques ».
Pour clore la discussion qui risquait de gruger du temps de notre récré, c’était le Frère qui vérifiait que les buts avaient les mêmes dimensions de chaque côté.
On jouait dans la rue, devant l’école. Deux gars allaient porter un panneau de signalisation indiquant « rue barrée » aux deux extrémités de la rue, un sur la 4e avenue e et l’autre sur la 3 . La rue était interdite aux automobilistes. Et quand par malheur un livreur osait entrer dans notre terrain de jeu improvisé, on lui criait « chou » en chœur, seule insulte tolérée par les Frères.
8
Et le match commençait. Pas d’arbitre, pas de règles, on frappait le ballon à qui mieux mieux. On se poussait parfois, ça jouait dur mais pas de carton jaune…ou rouge. Le Frère titulaire de la classe se mêlait au jeu, toujours du côté de l’équipe la moins forte, par souci de justice disait-il. Et là ça faisait mal. Recevoir un ballon frappé par un adulte laissait des marques. Et les Frères étaient « genre » très compétitifs. Ils relevaient leur soutane et oups ils devenaient des Zidane avant l’heure.
Les récréations devaient durer une vingtaine de minutes mais lorsque le match était serré, le Frère nous laissait finir la partie. Nous avons déjà joué pendant plus d’une heure, notre prof, trop absorbé par le match, ayant oublié de vérifier l’heure et de sonner la fin de la récréation.
On retournait en classe fatigués mais heureux, en pensant qu’en après-midi, à la récré, il y aurait un autre match de ballon coup de pied.
***
Quand le train de mon père passait par la gare de Lairet
laIl y avait, dans les années 50, gare de Lairetsituée le long du boulevard desCapucins, coin de la Canardière.
* * *
Lairet pour moi, c’était une petite gare brun-rouge en bois, située près du boulevard des Capucins. Du boulevard, on y accédait par un escalier. En fait, ce n’était pas une gare mais bien un centre télégraphique du Canadian National Railways (CNR).
C’est là que le train de passagers ralentissait pour que le «Conducteur» – on dit aujourd’hui Chef de train – puisse recevoir ses «ordres de marche» indiquant les arrêts ou les rencontres avec d’autres trains venant en sens inverse. Évidemment, à cette époque, tout se passait en anglais…
Bien oui, avant les cellulaires, on utilisait le télégraphe. Les ordres étaient transmis en code morse et décryptés par un télégraphiste.
9
Mon père était conducteur du train Québec-Chicoutimi. C’était un autorail fabriqué par la compagnie Budd. Le train était composé de deux wagons, un pour la marchandise et l’autre pour les passagers. Il n’y avait pas de locomotive car il s’agissait d’une automotrice.
Le train quittait la gare du Palais et dix minutes plus tard, il arrivait à Lairet. Souvent, je prenais ma bicyclette et je m’y rendais pour voir passer mon père. Le train ralentissait et un préposé sur le quai de la gare tendait une longue perche vers mon père qui ouvrait la fenêtre d’une des portes du train puis agrippait un cerceau au bout de la perche. Dans ce dernier était enroulé un papier contenant les fameux «ordres».
Mon père détachait le papier et il lançait le cerceau sur le quai de la gare. Technique bizarre mais efficace. L’autorail accélérait et en route vers Charlesbourg, Loretteville, Saint-Raymond, Rivière-à-Pierre et toutes ces gares sur le long tracé de la ligne vers Chicoutimi.
Le lendemain, le train revenait à Québec et cette fois, c’est mon père qui lançait un document sur le quai de la gare de Lairet.
Leparc Ferlandétait un autre endroit qui me permettait de voir les trains. Je connaissais les heures de départ et d’arrivée de tous les trains et je les voyais passer en m’amusant sur une des balançoires placées au pied de la voie ferrée.
Fils de cheminot un jour, fils de cheminot toujours. La petite gare de Lairet n’existe plus.
Mon père est décédé le 28 août 1958. J’avais douze ans.
***
10
Livreur d’épicerie à vélo
Début des années soixante, j’ai été livreur d’épicerie à vélo pour l’épicerie e e e Larochelle située sur la 14 rue, entre la 3 et la 4 avenue.
L’épicerie Larochelle, petite entreprise familiale, assurait la livraison à domicile des « commandes » de ses clients. On téléphonait et on faisait livrer. Il y avait un livreur régulier (que l’on appelait commissionnaire) et un autre à temps partiel. J’étais l’employé à temps partiel, travaillant les vendredis soir et les samedis, hiver comme été.
L’hiver, sur la glace et la neige, avec un vélo très lourd, ce n’était pas un boulot facile. Parfois, on empilait dans le grand panier situé à l’avant du bicycle une grosse caisse de bière et une boîte de carton contenant les effets commandés par le client. On mettait une main sur le panier rempli et l’autre sur le guidon en essayant de garder l’équilibre. Les chutes étaient fréquentes et douloureuses.
La plupart des livraisons étaient aux alentours de l’épicerie. Dès l’ouverture du magasin, à 8 heures, les clientes téléphonaient pour une pinte de lait et un pain pour le déjeuner. Parfois, un paquet de cigarettes… Et ça pressait!
Je me rappelle que certaines dames nous recevaient en tenue légère le matin ce qui ajoutait un certain plaisir au pourboire que nous recevions la plupart du temps.
e Quelques clients habitaient loin de l’épicerie, sur la 22 rue par exemple. C’était alors la grande aventure. On empruntait les ruelles, on s’arrêtait quelques minutes à la maison pour boire un coke et on revenait ayant l’air essoufflé. « Ca t’a bien pris du temps » disait alors la proprio, Madame Larochelle, qui n’était pas naïve. On prétextait alors que la chaine de notre vélo avait déraillé…
L’été, la chaleur accablante rendait notre travail pénible. À partir de midi, on ralentissait le rythme pour le reprendre plus tard. Madame Larochelle était une bonne patronne et elle nous permettait de boire deux liqueurs gratuites pour nous rafraichir.
11
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents