Un soir d été en Sardaigne
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Un soir d'été en Sardaigne

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Description

Julien   vivait   en   sursis   depuis   le  jour   où   il  avait   revu  Véronique.   Il   l’espérait   tous   les   week­ends.   En   vain.  Qu’espérait­il au fond ? Déterrer le passé enterré depuis  l’accident de son père. Cette femme le fascinait. Son  père   avait­il   subi   la   même   attraction   au   point   de   se  détourner de sa famille ? Obsédante, s’imposa à sa mémoire la dernière image de  Mathieu,   l’honni,   les   bras   autour   de   son   cou,  s’accrochant au père comme à une bouée. Ce   soir,   le   hasard   fit   caler   sa   voiture   juste   face  à  l’enseigne « Jules et Jim ». Le   hasard   ou   sa   volonté   de   revoir   le   petit   Mathieu  devenu grand. Une boite de nuit qui se trouvait sur sa  route et qu’il n’avait jamais remarquée. Une boite très  spéciale. Des néons clignotants bleus et roses l’attiraient  comme un appel onirique. Il n’avait plus remis un pied  dans « ces boites à débauche » comme il les intitulait  depuis sa rencontre avec Matéo. Son coeur se mit à  battre   dans   un   mouvement   désordonné,   descendant  jusqu’à ses chevilles qui flageolaient. Il se promit de ne  pas s’attarder, juste le temps d’apercevoir Mathieu, son  demi­frère. Il repartirait aussitôt. À l’intérieur, la musique battait son plein. Les ombres qui  se déhanchaient sur la piste étaient mitraillées par les  facettes d’une boule suspendue au plafond, tournoyant  d’un mouvement lascif.

Informations

Publié par
Publié le 19 janvier 2013
Nombre de lectures 167
Langue Français

Extrait

Julien   vivait   en   sursis   depuis   le  jour   où   il  avait   revu 
Véronique.   Il   l’espérait   tous   les   week­ends.   En   vain. 
Qu’espérait­il au fond ? Déterrer le passé enterré depuis 
l’accident de son père. Cette femme le fascinait. Son 
père   avait­il   subi   la   même   attraction   au   point   de   se 
détourner de sa famille ?
Obsédante, s’imposa à sa mémoire la dernière image de 
Mathieu,   l’honni,   les   bras   autour   de   son   cou, 
s’accrochant au père comme à une bouée.
Ce   soir,   le   hasard   fit   caler   sa   voiture   juste   face  à 
l’enseigne « Jules et Jim ».
Le   hasard   ou   sa   volonté   de   revoir   le   petit   Mathieu 
devenu grand. Une boite de nuit qui se trouvait sur sa 
route et qu’il n’avait jamais remarquée. Une boite très 
spéciale. Des néons clignotants bleus et roses l’attiraient 
comme un appel onirique. Il n’avait plus remis un pied 
dans « ces boites à débauche » comme il les intitulait 
depuis sa rencontre avec Matéo. Son coeur se mit à 
battre   dans   un   mouvement   désordonné,   descendant 
jusqu’à ses chevilles qui flageolaient. Il se promit de ne 
pas s’attarder, juste le temps d’apercevoir Mathieu, son 
demi­frère. Il repartirait aussitôt.
À l’intérieur, la musique battait son plein. Les ombres qui 
se déhanchaient sur la piste étaient mitraillées par les 
facettes d’une boule suspendue au plafond, tournoyant 
d’un mouvement lascif. Des filles et des garçons assez 
jeunes, phosphorescents. Des filles avec des filles. Des 
garçons   avec   des   garçons.   Des   garçons   frêles   aux cheveux longs qui ressemblaient à des filles. Des filles 
aux   cheveux   très   courts   et   aux  épaules   larges   de 
catcheuses.
Il ne se sentait pas à sa place dans ce cadre, revivant 
brusquement le regard de cette femme sur le pas de sa 
porte. Implorant et dur à la fois. Il en avait des frissons 
dans le dos. Il l’avait haïe, l’espionnant dans ce parc où 
elle retrouvait son amant. Son père. Et ce petit garçon 
qui semblait plein de vie alors que la jalousie le laissait 
exsangue.
­   Mathieu,   avait   crié   son   père.   Mathieu,   viens 
m’embrasser,   je   dois   partir.   Mathieu,   les   deux   bras 
autour du cou, les jambes enserrant la taille de Serge 
devenue chêne. Des bribes d’instantanés lui revenaient 
en mémoire, régénérées comme du café soluble dans 
un verre d’eau bouillante. Julien refusant d’embrasser 
son père en signe de représailles. Les yeux douloureux 
du rejeté. Sa mère offusquée. La disparition du père, un 
poids lourd dans sa vie.
Que faisait­il là ?
Il s’installa dans un renfoncement du bar, à l’abri des 
regards.  À   nouveau   il   repensa   aux   paroles   de   cette 
femme : « un petit garçon voyeur ». Il ne comprenait pas 
pourquoi   il   n’arrivait   pas   encore  à   la   citer   par   son 
prénom,   Véronique,   lorsqu’une   petite   brunette   passa 
devant lui en se trémoussant. Elle hurla d’une voix qui 
voulait couvrir la musique « salut Mathieu ». Mathieu 
répondit « salut » d’un bref signe de tête trop occupé à mixer   les   sons   derrière   un   paravent   vitré.   Julien 
sursauta.
La réalité se confondit avec ses souvenirs. La langue 
fourchue d’un serpent siffla dans ses oreilles. Son Mateo 
et le Mathieu de ses pires cauchemars en une seule et 
même personne.  Il vint  rejoindre  les  danseurs sur  la 
piste,   provoquant   des   cris   de   bonheur.   Toujours   ce 
même corps filiforme, cette chaleur qui semblait irradier 
à la ronde et venir le happer tout entier. Son Mateo des 
nuits   de   fournaise   puis   de   ses   interminables   nuits 
d’insomnie. Il avait le sentiment d’halluciner.
Comment ne l’avait­il pas reconnu en ce soir d’été en 
Sardaigne, sur cette piste de danse ?
Comment pouvait­il s’être pris d’amour pour quelqu’un 
qu’il avait tant détesté sans qu’aucune alarme ne se soit 
déclenchée   dans  sa  tête  ?  Il  vivait à  l’instinct  et  cet 
instinct  était­il   en   train   de   lui   jouer   un   sale   tour   ? 
Trahison   !   De   quelle   trahison   parlait­il   ?   Julien   n’en 
menait pas large. Il avala d’un trait son whisky et rentra 
chez lui. Il passa le pire moment de solitude de son 
existence lorsqu’il réalisa leur consanguinité.
Ils   ne   s’étaient   pas   revus   depuis   l’annonce   de   sa 
paternité par sa femme. Il avait gardé le secret de sa 
relation, désespérément. Même pas dévoilé à Elsa, sa 
mère. Elle n’aurait pas compris. À présent, le scénario 
avait empiré prenant des proportions démesurées.
Quatre ans déjà !Sa fille Elisa, une jolie petite brunette aux yeux noirs 
charbon,   lui   avait   permis   de   mener   une   existence 
presque paisible. Il improvisait les rôles, tout à tour, mari 
fidèle,   père   irréprochable,   aimant   et   souriant.   Il   avait 
trompé tout son monde et lui avec. L’émotion longtemps&

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