La liberté de vivre
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Description

Nouvelle évoquant un pays sombrant dans la xénophophie et le chaos. 1577 mots.
Licence Creative Commons "Paternité, pas de modification" par souci que soit préservé tel que un texte rédigé en collectif.

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Publié le 31 janvier 2016
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Paternité, pas de modification
Langue Français

Extrait

La liberté de vivre
1
15 Mars 2017  Le vent sifflait à mes oreilles dans le silence impressionnant qui régnait sur la place. Les mains enfoncées dans les poches de ma veste, le cœur battant la chamade, j’attendais. Comme tout le monde, rivé sur l’écran géant. Chaque mot, chaque son,chaque bruissement déversé par les haut-parleurs martelait mon crâne, réduisant ma patience encore un peu plus. Et pourtant, comme tout le monde, je ne bougeais pas. J’attendais les résultats autant que je les redoutais.  Alors, la voix des journalistes se tutet sur l’écran s’affichèrent les jauges de pourcentages encore à zéro pour cent. Je fermais soudainement les yeux, serrant les paupières à m’en faire mal, redoutant la suite. Je n'eus pas besoin de les rouvrir pour comprendre les résultats. La réaction de la foule suffisait. Des cris et des exclamations retentirent, les
partisans de cet homme exprimant leur joie et leur consentement. Bientôt les slogans du parti se firent entendre, repris par une foule entière dont l’excitation frôlait l’hystérie. Ceux qui, comme moi, n’approuvaient pas, ne se manifestaient pas. Notre place n’était pas parmi ces gens. Cétait un bien beau jour pour marquer le début d’un enfer: ciel bleu, soleil éclatant, bruissement des feuilles et chant des oiseaux avaient scandé la journée, tel un heureux contrepoint aux exclamations nocturnes de la place.
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3 ans plus tardJe ne m’en remettais toujours pas. La ville était triste et noire, privée de toute couleur et de diversité. De nombreuses personnes sétaient exiléesdepuis l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. L’extrême droite et sa police. L’extrême droite et sa dictature. C’était un bien triste jour, comme tous ceux depuis trois ans. Je me trouvais autourd’une table en présence de mes trois meilleurs amis. Nous venions de prendre une décision. Grave. Si les autorités l’apprenaient nous le paierions de notre vie. Nous avions convenu de nous retrouver ce soir, aux alentours d’une heure, à l’arrière de l’entrepôt désaffecté qui servait désormais de QG aux quelques résistants. La rue était perdue dans une masse grisâtre, le halo des lampadaires peinant à percer l’opacité de la brume. Auparavant, nous étions passés dans la rue pour repérer l’ouverturequi nous servirait à nous introduire dans le bâtiment.Je m’enfonçais dans la ruelle sombre, exempt de toute source lumineuse. La porte était enfoncée dans le mur, dissimulée, discrète. Je pénétrais la salle obscurcie par la nuit profonde. Et ce que je vis me stupéfia. Une trentaine de silhouettes se distinguaient et dans le fond, un homme à la chevelure grisonnante prenait place sur un tas de caisses empilées faisant office d’estrade. Le silencese fit. L’homme discourut sur les décisions politiques désastreuses de ce régime.Toutes sortes d’hommes se relayèrent sur l’estrade rustique. De toutes les couleurs et de toutes les origines. Un discours en particulier m'interpella. Celui qui fut prononcé par le doyen de l’assemblée. Ses mots étaient percutants et me firent comprendre, qu’au plus profond moi-même, je ne pourrais vivre tant que ces hommes exerceraient leur pouvoir tyrannique sur notre société. Je pris l’habitude de fréquenter régulièrement les réunions de ce groupe de résistants. Plus le temps passait, plus je montais dans la hiérarchie de ce petit parti clandestin. Notre vénérable dirigeantmourut tragiquement lors d’une tentative désespéréepour sauver une famille de réfugiés qui se cachait depuis le début du régime. Dans une cave, cette famille avait été découverte en raison des hurlements de douleur liés à l'accouchement de la femme et des cris du nouveau-né qui les avaient trahis. A cette occasion, le vieil homme avait reçu un coup sur la tête, et était tombé. Il avait succombé au choc.
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Nous fûmes tous affligés de cet affreux événement. Quelques semaines plus tard, remis de notre deuil, nous décidâmes de nommer un nouveau chef, par vote à scrutins cachés. A ma plus grande surprise, je fus élu. Cela faisait quatre ans que jem’impliquais dans la planification d’un coup d’état. J’étais l’un des plus anciens partisans.Beaucoup d’entre nous périrent lors de missions au nom de notre organisme. Le FRAD. A mes début, J’eus du mal à assumer mon rôle de chef car deux de mes amis étaient morts dans les quelques mois suivant mon élection. A ce moment, je pris la résolution de protéger ma dernière attache de ce monde, ma dernière amie. Elle fut choqué de la mort de nos camarades car elle en avait vu un mourir en mission, j’en profitais donc pour la tenir éloigner des actions du parti. Car la Revanche allait bientôt arriver. Et je ne voulais en aucun cas la perdre. Malgré ces tragiques aléas de la vie clandestine, nous avions continué à nous battre et cela avait rapporté gros. Nous étions passésd’une trentaine de partisans à 236 exactement.Bientôt nous serions écoutés, nous ne serions plus traqués. Les rôles allaient s'inverser, nous en étions convaincus.
********* -Bonjour, Eugène Marcus. Vous êtes ici aujourd’hui pour nous présenter votre nouvelle réforme, annonçait au loin la voix du présentateur télé. Le ciel gris et nuageux était menaçant, c'était parfait. Il nous fallait un effet de surprise, et c'est durant cette interview que nous comptions rétablir la démocratie que nous avions perdue quelques années plus tôt. Après cette attente qui nous sembla interminable où la tension était à son comble, je lançais enfin le signal. La révolte pouvait commencer. Nous courûmes, vite. Les gardes furent rapidement maitrisés par nos plus gros gabarits, les pancartes fusaient, ne servant plus que d’armes. Notre liberté était en jeu ce soir, et nous agissions comme des bêtes enragées. Comme nous l’attendions depuis si longtemps.Très vite, notre intervention se transforma en mêlée musclée entre partisans de chaque camp.
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Trop occupé à repousser les partisans de Marcus afin de parvenir à ce dernier, je ne m’aperçuspas de l’arrivée en masse de la MAF (Milice d’Assaut Française).Il me restait encore une chance avant que nous ne soyons tous maitrisés. Ilfallait que j’atteigne le représentant de cette dictature.
Ce bain de sang, ces hurlements, les cadavres de mes camarades jonchant le sol…Je devais y mettre fin. Je montai sur l’estrade et à la vue du dirigeant étendu à terre, essayant de se relever, je ramassaiune arme à mes pieds ; je n’arrivais plus à penser,mes membres semblaient dotés de leur propre volonté et subitementje braquai l’arme sur Eugène Marcus .Alors, soudain, sans étatsd’âme, j’appuyai sur la gâchette, vidant le chargeur sur le corps mou de l’homme.**** Sous la force du tir, je reculais de quelques pas, le visage figé, sans comprendre vraiment ce qu'il venait de se passer. Les cris de la foule ne tarissaient pas, et pourtant, je ne semblais pas les entendre. Et alors, tel un éclair traversant le ciel, l'ampleur de mon acte m’éclata au visage... Je venais d'abattre le tyran de la nation Française. L’arme s’échappa de mes mains tremblantes. Je restai là, immobile, choqué, les yeux rivés vers le corps de notre ennemi baignant dans une mare de sang, tel un mirage.
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Après quelques instants d’hébétude, je me retournais lentement face à la caméra et la foule amassée sur la place. Cette vue me ramena trois ans en arrière, sur cette même place ; je n’étais alors qu’un citoyen parmi tant d’autres, et pourtant, je savais que bientôt, je ne serais plus traité comme tel. Aujourd’hui, représentant ceux qui étaientvoir leur tombés pour liberté rétablie, défendant des valeurs enfouies et oubliées par le régime actuel, je donnais enfin un sens à toutes ces vies sacrifiées, ces mois, ces années de souffrances emmurées. Je pris mon courage à deux mains et, sous les cris de mes camarades, me lançai : -Vous, citoyens français, vous qui avez connu la liberté ! Comment pouvez-vous tolérer de vivre sous le joug de ces tyrans racistes, sans un brin d’humanité en eux ! Cette nation qui vous a pris vos amis, votre famille, vos voisins! Cette nation qui vous a rendu esclaves du racisme et enchaînés à des valeurs en lesquelles vous n’avez pas réellement foi ! Cette nation qui, il y a quelques années prônait encore la liberté, l’égalité, la fraternité ! Vous n’en voulez pas, vous avez juste peur, vous avez eu peur d’être Charlie, vous avez eu peur d’être la génération bataclan, vous avez eu la haine contre les non-français, les accusant à tort, parce que vous vouliez vous protéger, mais quand vous avez vu ce que ce gouvernement a fait, vous avez…J’entendis soudainement la détonation d’une arme à feu derrière moi, et une vive douleur me vrilla le bas du dos, me coupant dans mon élan. Je sentis un liquide chaud reconnaissable entre mille ruisseler sous mes vêtements. Des tremblements incontrôlables s'emparèrent de mon corps, et, chancelant, luttant contre l'engourdissement soudain de mes membres, je me tournai avec difficulté vers le fond de la scène d'où provenait le coup de feu. Et vis le visage déformé par un rictus de joie sadique du 1er ministre. Ma vue se brouilla, jem’écroulai à mon tour sur le sol etune flaque de sang s’étalaprogressivement autour de mon corps encore chaud. Alors, dans la panique des coups de feu, la foule, devenue incontrôlable, piétina le corps du 1er ministre, qui, réduit à un corps désarticulé et insignifiant, fut laissé seul, perdu dans ce regain soudain de liberté et de révolte, en offrande aux charognards, telle une image de libération. Racisme dévoré. Liberté entravée, libérée. Egalité factice assainie. Fraternité renouée.
FIN
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