Le corbeau et l écureuil
653 pages
Français

Le corbeau et l'écureuil

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Description

L'heure du crime sonna. 7h du matin. Dehors, dans une cacophonie sauvage, des moteurs diesels grondaient. Les bêtes grognaient orgueilleusement. On les remarquait, ça c'était sûr. C'est ce moment que choisit le radio-réveil pour crier son Rock'N'Roll aux oreilles de l'endormie. Laquelle ne l'était plus vraiment, en fait. Mila s'extirpa de son lit avec difficulté. Beaucoup de difficulté. Il lui fallut vingt minutes. _ Fais chier, grommela-t-elle avec la délicatesse d'un camionneur. Aux premières heures de son réveil, il ne fallait pas trop traîner dans les parages de Mila. Surtout lorsqu'elle considérait ne pas avoir assez bien dormi. Elle avait tendance à jurer comme un charretier de façon assez compulsive. Une sorte de syndrome de la Tourette matinal. Et, ce matin, Mila n'avait décidément pas assez dormi. L'esprit dans le brouillard, les paupières lourdes, les cheveux en pétard et la bave fraîche au coin du menton, elle regretta aussitôt d'être rentrée si tard et d'avoir dormi moins de cinq heures. Il lui manquait au minimum deux heures de sommeil par rapport à d'habitude. Le dodo, c'était une chose qui se devait d'être respectée ! Mais bon, lorsqu'une amie accroc aux pubs irlandais – et aux hommes – vous suppliait de l'accompagner faire la tournée des bars pour l'aider à surmonter une énième déception amoureuse, il était difficile de lui raccrocher au nez. Surtout quand elle vous ajoutait que, sinon, elle irait se bourrer la gueule seule.

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Publié le 21 février 2016
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Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

L'heure du crime sonna.
7h du matin.
Dehors, dans une cacophonie sauvage, des moteurs diesels grondaient.
Les bêtes grognaient orgueilleusement. On les remarquait, ça c'était sûr.
C'est ce moment que choisit le radio-réveil pour crier son Rock'N'Roll
aux oreilles de l'endormie. Laquelle ne l'était plus vraiment, en fait.
Mila s'extirpa de son lit avec difficulté. Beaucoup de difficulté. Il lui
fallut vingt minutes.
_ Fais chier, grommela-t-elle avec la délicatesse d'un camionneur.
Aux premières heures de son réveil, il ne fallait pas trop traîner dans les
parages de Mila. Surtout lorsqu'elle considérait ne pas avoir assez bien
dormi. Elle avait tendance à jurer comme un charretier de façon assez
compulsive. Une sorte de syndrome de la Tourette matinal.
Et, ce matin, Mila n'avait décidément pas assez dormi.
L'esprit dans le brouillard, les paupières lourdes, les cheveux en pétard
et la bave fraîche au coin du menton, elle regretta aussitôt d'être rentrée
si tard et d'avoir dormi moins de cinq heures. Il lui manquait au
minimum deux heures de sommeil par rapport à d'habitude. Le dodo,
c'était une chose qui se devait d'être respectée !
Mais bon, lorsqu'une amie accroc aux pubs irlandais – et aux hommes –
vous suppliait de l'accompagner faire la tournée des bars pour l'aider à
surmonter une énième déception amoureuse, il était difficile de lui
raccrocher au nez.
Surtout quand elle vous ajoutait que, sinon, elle irait se bourrer la gueule
seule. Enfin, pour comprendre ça, il fallait avoir une amie comme Beth
1Olson. Hyperactive, extravagante – déjantée – et qui tient plutôt mal
l'alcool. Facile à retrouver dans un coin sombre avec un bel – ou moins
bel – inconnu alors qu'elle vous avait dit qu'elle allait aux toilettes.
Le problème, c'était que Mila croyait aussi fermement à l'adage «
L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ». Et lorsque deux de nos
mœurs s'opposent eh bien... il faut trouver un compromis.
Mila passa à la salle de bain et augmenta le volume de la radio qui
diffusait It's my life de Bon Jovi.
Elle se prépara en chantant à tue-tête. Secouant sa masse de boucles
châtains aux reflets cuivrés dans tous les sens à la manière d'une rock
star et mimant le solo de guitare une fois les vapeurs de Morphée
envolées et l'énergie retrouvée.
Elle ne savait pas pourquoi, mais elle sentait qu'aujourd'hui allait être
une grande journée.
Mila sortit de chez elle vers 9h. Elle voulait aller voir comment Beth se
sentait – si elle était réveillée, du moins – et lui offrir un café pour
surmonter leurs gueules de bois respectives. Bien que Beth devait être
bien plus arrangée.
Elle démarra sa petite Fiat 500e rouge et s'engagea dans l'allée en terre.
Ici, en périphérie de Greenoak, elle vivait paisiblement à l’abri de tout
bruit dérangeant et de tout tracas. Ses voisins habitaient à trois cents
mètres plus haut, et ils étaient peu nombreux.
Elle était la plus proche du lac et en avait une splendide vue dégagée. Le
paysage offrait des milliers de visages pittoresques qui vivaient,
bougeaient au gré des saisons. Les couleurs changeaient, passaient par
toutes sortes de tons imaginables. Le lac, miroir immense qui reflétait
2l'infinité du ciel, grouillait de vie et frissonnait de l'activité de ses
habitants.
Mila avait hérité de cette maison et d'un petit bout de terrain autour,
quelques années plus tôt lorsque ses parents, Natasha et Alberto Volpino,
étaient décédés dans un accident de la route.
Elle était alors installée à New York pour poursuivre des études de
chimie en pensant que la grande ville lui offrirait plus de perspectives
d'avenir. Mais il lui avait fallu passer sa deuxième année de licence pour
se rendre compte que cette voie ne l'attirait plus autant. Toutes ses notes
étaient barbouillées de dessins et de petites histoires inventées pendant
les longues heures d'amphithéâtre. Pour avoir bonne conscience
lorsqu'elle séchait les cours – mais aussi parce que ça lui plaisait – Mila
préférait passer son temps à s'incruster à d'autres cours : biologie,
cinéma, arts plastiques...
Elle disait qu'elle n'avait rien perdu en abandonnant ses études. Même
s'il n'y aurait pas eu l'accident, elle n'aurait certainement pas eu son
année.
Aussitôt qu'elle avait appris la terrible nouvelle, Mila avait quitté sa vie
new-yorkaise sans aucun regret afin de retourner vivre dans sa maison
d'enfance. C'était une magnifique demeure spacieuse et à la fois modeste
bâtie dans un style un peu rustique mais qui n'en paraissait pas moins
moderne. Construite avec des matériaux écologiques et dans le même
style, elle était muni de quatre panneaux solaires sur le toit et d'un puits
canadien installé à quelques pas derrière la cuisine, à côté d'un potager.
Tout un pan de mur en angle du salon relié à la cuisine était une vitre
laissant pénétrer la lumière du soleil. Il y avait également une baie vitrée
à l'étage, au niveau de la chambre de Mila. Par ici, aucune chance de
3tomber sur un voyeur.
Il fallait, certes, faire quelques réparations au niveau du toit avant que
les charpentes du grenier ne subissent trop longtemps l'assaut du temps
et ne s'effondrent à cause de l'humidité.
Mais, désormais, elle ne pourrait trouver un endroit où elle se sentirait
plus chez elle qu'ici-même. Elle n'aurait voulu quitter cette maison pour
rien au monde.
En remontant le petit chemin cahoteux à travers les bois, Mila chercha
du regard les véhicules qu'elle avait entendu en se réveillant. Et qui
l'avaient réveillée, soit dit en passant. Mais elle n'en retrouva aucune
trace. Elle avait peut-être rêvé. Bizarre.
Arrivée au niveau des autres habitations, le chemin se transformait en
une petite route un peu mieux entretenue qui menait, quelques mètres
plus loin, à la route principale.
Elle fut surprise de ne voir aucune voiture devant les maisons. Il y en
avait toujours une ou deux, en temps normal. De plus en plus bizarre.
Quelque chose d'autre attira son attention. Il n'y avait plus aucun rideau
aux fenêtres des maisons. De plus, quelques bibelots et deux cartons
attendaient devant la porte de la première. OK, ça commençait à devenir
inquiétant, là.
Est-ce qu'ils avaient tous déménagé ? Elle n'avait rien entendu à ce sujet.
Et dans une petite ville comme Greenoak, tout se savait très vite. Trop
vite.
C'était peut être des camions de déménagement qu'elle avait entendu ce
matin, alors. Mais pourquoi s'étaient-ils rapprochés de chez elle ? Pour
faire demi-tour ? Sûrement pas. Bizarre...
Mila chassa ses pensées confuses d'un haussement d'épaule et continua
4sa route en branchant son lecteur MP4 à l'autoradio.
Elle s'engagea sur la route principale en tournant à droit, direction la
ville.
_ I can't get no ! cria-t-elle en médiocre synchronisation avec Mick
Jagger.
Elle se laissa porter par la musique et accéléra.
La sonnerie retentit cinq fois par à-coups. Mila détestait cette sonnerie.
Grinçante, stridente. Impossible de faire plus désagréable.
Le monstre se réveilla, faisant gronder tout l'immeuble.
_ Putain de... ! rugit une voix à l'intérieur.
Mila entendit patiemment que le pire arrive.
Quelque chose se brisa au sol. Des bruits de pas lourds qui se
rapprochent.
_ Quel est l'enfoiré qui va me le p... !
Beth aussi avait le syndrome de la Tourette matinal.
La porte s'ouvrit brusquement sur une tignasse rouge acajou en pagaille
à plus d'un mètre soixante-dix au dessus du sol. Des yeux verts
semblables à ceux d'un chat apparurent dessous et papillonnèrent. Beth
n'avait même pas pris la peine de se mettre en pyjama en rentrant chez
elle.
Malgré le réveil en sursaut et une sacrée gueule de bois, elle était
toujours aussi sublime. Si Beth avait décroché un rôle au cinéma,
ç'aurait pu être celui de Jessica Rabbit.
Pour ne pas désespérer devant cette injustice, Mila se complaisait à
penser que c'était la coloration qui faisait tout. Touche de fantaisie
qu'accentuaient les orchidées tatouées de son omoplate droite jusqu'à
5son biceps. La beauté maintenue par l'originalité. Un truc du genre.
Lorsqu'elle était revenue de New York, Mila avait vu que rien n'avait
changé à Greenoak. Hormis une chose : une nouve

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