Les Thanatophores
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Description

LES THANATOPHORES èmeLa section SD 65 occupe la totalité du 25 étage de l’immense building de verre et d’acier du Ministère de la Famille et de la Qualité de la Vie. Un bataillon d’employés de bureau, de secrétaires et de chefs de service s’y active, les yeux rivés sur leurs écrans d’ordinateurs ou les mains occupées à fouiller dans une accumulation de paperasses diverses. Cette section, considérée comme le Saint des Saints de cette machinerie administrative, n’est bien entendu jamais accessible au grand public. On y regroupe des informations confidentielles, des documents très privés sur une certaine frange de la population, celle des « nouveaux Seniors »… En effet, quand les citoyens de la Comté atteignent l’âge fatidique de 65 ans, ils se retrouvent pris en charge ici au titre d’un très officiel « Processus d’Aide à la Fin de Vie ». Il s’agit de faire en sorte que leur existence ne s’éternise pas au-delà du raisonnable et qu’elle coûte le moins possible à la société. De savants travaux d’économistes réputés ont montré qu’en fin de vie, un individu peut représenter une très lourde charge : versements de retraites supérieures à la totalité des gains obtenus par le travail et surtout frais médicaux dépassant en quelques années ceux de toute une vie.

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Publié le 19 janvier 2013
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Langue Français

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LES THANATOPHORES
ème La section SD 65 occupe la totalité du 25 étage de l’immense building de verre et d’acier du Ministère de la Famille et de la Qualité de la Vie. Un bataillon d’employés de bureau, de secrétaires et de chefs de service s’y active, les yeux rivés sur leurs écrans d’ordinateurs ou les mains occupées à fouiller dans une accumulation de paperasses diverses. Cette section, considérée comme le Saint des Saints de cette machinerie administrative, n’est bien entendu jamais accessible au grand public. On y regroupe des informations confidentielles, des documents très privés sur une certaine frange de la population, celle des « nouveaux Seniors »… En effet, quand les citoyens de la Comté atteignent l’âge fatidique de 65 ans, ils se retrouvent pris en charge ici au titre d’un très officiel « Processus d’Aide à la Fin de Vie ». Il s’agit de faire en sorte que leur existence ne s’éternise pas au-delà du raisonnable et qu’elle coûte le moins possible à la société. De savants travaux d’économistes réputés ont montré qu’en fin de vie, un individu peut représenter une très lourde charge : versements de retraites supérieures à la totalité des gains obtenus par le travail et surtout frais médicaux dépassant en quelques années ceux de toute une vie. Sans oublier le frein à l’innovation, la pesanteur intellectuelle, politique ou sociale que représente le poids insupportable d’une majorité de personnes vieillissantes pour une société qui se retrouve plombée et incapable du moindre élan ou de la plus infime impulsion… Tout a commencé lorsque le philosophe, politicien et banquier Hâte Ali osa écrire dans « L’Homme nomade »: « Dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne
produit et il coûte alors cher à la société : il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement, plutôt qu’elle ne se détériore progressivement… Je crois que dans la logique même du système industriel dans lequel nous nous trouvons, l’allongement de la durée de la vie n’est plus un objectif souhaité par la logique du pouvoir… L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figure… » Et personne ne protesta… Très vite, il apparut que les jeunes générations se retrouvaient avec un fardeau insupportable sur les épaules. Chaque actif devait financer un minimum de deux retraités en plus de la sienne propre. Pire, les caisses seraient vides quand ils deviendraient inactifs à leur tour. Ainsi, leurs salaires se retrouvaient aisément amputés de 50 à 70%. Tout espoir d’une vie semblable à celle de leurs parents ou même simplement décente s’était évanoui quand en 12022, le social-démocrate Caillevent, candidat au titre de Gouverneur Hexagonal se fit élire triomphalement sur un programme d’aménagement de la fin de vie. (PAFV) Suite à diverses affaires particulièrement douloureuses qui avaient ému l’opinion publique, une loi autorisant l’euthanasie des grands malades qui le demandaient fut votée en 12010. Elle fut discrètement étendue aux handicapés moteurs et mentaux, en respectant leur volonté, bien entendu. De nombreux prisonniers condamnés à perpétuité demandèrent également à en bénéficier, ce qui finit par leur être accordé. Suite à l’application de ces mesures, les services de soins palliatifs, de gériatrie ainsi que des instituts et des prisons virent leurs effectifs baisser considérablement ce qui eut des effets contradictoires : une réduction très marginale de la monstrueuse dette d’une part et un important accroissement du chômage de l’autre. Les seniors représentaient les véritables gros bataillons des improductifs. Si en moyenne ils avaient travaillé 43 ans et six mois, s’ils avaient coûté de l’argent pour leur éducation et leur
formation durant vingt et un ans et six mois et s’ils restaient une charge pour la société pendant plus de onze années, c'est-à-dire s’ils dépassaient les soixante seize ans, ils coûtaient plus que tout ce qu’ils avaient pu rapporter pendant leur vie active. De savants calculs d’économistes distingués l’avaient prouvé. D’où la nécessité de ce PAFV mis en place dès les premières semaines de l’arrivée au pouvoir du gouverneur Caillevent… Le chef de service de la Section SD 65 se nommait Bjorn Chérifi. Il avait hérité ce peu courant prénom de sa mère suédoise et non d’une mode venue d’un quelconque feuilleton venu du froid. C’était un grand rouquin costaud et flegmatique qui s’acquittait de sa tâche avec lenteur et ténacité. Il avait convoqué deux de ses adjoints, Tokugawa Haréré, soignant sino-malien et Carlos Demba, négociateur ibéro sénégalais. Les deux hommes présentaient bien avec leurs costumes sombres de coupe soignée, leurs chemises d’un blanc immaculé, leurs cravates rouges et leur écusson blanc fixé au niveau de la pochette et représentant un caducée entouré de cette inscription brodée de fil d’argent « PAFV- Sérénité définitive ». - Ce projet est loin d’être une sinécure, Messieurs, et ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre. Dans ce service, arrivent chaque mois des milliers de dossiers. Nous les étudions avec le plus grand soin. Il s’agit de mettre en attente les seniors encore actifs, encore utiles et de faire porter notre effort sur les plus de 76 ans, ceux qui sont déjà complètement à la charge de la société et qui risquent de le devenir de plus en plus dans l’avenir. Et qu’est-ce que je constate ? Des résultats on ne peut plus médiocres. Votre rendement n’est même pas de un sur cent ! Les deux métis regardaient le bout de leurs mocassins noirs. Chérifi crut même découvrir une certaine rougeur sur le front de Demba dont la peau était légèrement plus claire que la sienne. Les yeux bridés d’Haréré ne formaient plus qu’une ligne noire qui cachait l’énervement d’avoir à subir un énième
remontage de bretelles de la part du patron. - Si je reprends vos résultats d’hier. Quatre visites, quatre négociations et rien n’a pu être concrétisé. Avant-hier, trois visites, rien à l’arrivée. Lundi, rien. Vendredi, rien non plus. Et je peux remonter loin, très loin avant de trouver une signature d’accord pour « Sérénité Définitive » ! Qu’est-ce que vous fabriquez tous les deux ? Vous avez été longuement formés dans nos centres. Vous connaissez par cœur tout notre argumentaire. Cela ne devrait pas être difficile de les décider à franchir le pas, ces vieux… - C’est là qu’est le problème, intervint Carlos, il faut les convaincre, arriver à les persuader du bien-fondé de la démarche… - Rendez-vous compte… Le Ministère nous a fixé des quotas que nous sommes à mille lieues d’atteindre… Nous allons en prendre pour notre grade quand ils vont mettre leur nez dans nos résultats. Je ne vous cache pas qu’il se pourrait que des mesures de rétorsion soient prises et que certains d’entre vous se voient montrer le chemin de la sortie… - La difficulté, dit Haréré Tokugawa, c’est que ces seniors sont d’un total égoïsme. Pas un seul qui veuille bien se sacrifier pour la communauté. Tant qu’elle reposera sur le volontariat, cette loi sera complètement inapplicable… - Malheureusement il en est ainsi, soupira Bjorn Chérifi, et nous devons travailler dans ce cadre. Il est évident que si cette mesure était obligatoire, on pourrait travailler par tranches d’âge successives avec un taux de 100 pour 100 de réussite. Mais faut pas rêver. - Est-ce qu’on ne pourrait pas donner comme argument que la loi d’interdiction de dépassement des 72 ans est déjà en préparation ? risqua Haréré. - Je vous l’interdis formellement, répondit le suédo-maghrébin. Vous avez déjà suffisamment d’arguments à votre disposition…
- Mais ce ne serait pas vraiment un mensonge, juste une légère anticipation, ajouta l’afro-japonais, juste un truc pour emporter la décision. Nous sommes souvent tout près du but. Quelquefois, il suffirait de pas grand-chose… - Non, non et non, dit Chérifi. Je vous donne ces cinq dossiers pour aujourd’hui. Je vous rappelle qu’il y a 3000 dolros de prime d’Etat en cas de réussite. Alors essayez de vous défoncer. Les deux métis quittèrent le bureau du patron pour rejoindre leur glisseur. A bord de leur mini véhicule sur coussin d’air, ils purent se laisser aller à quelques plaisanteries, histoire de faire retomber la pression. - Tu as vu Toku, lança Carlos, comme il était furax, le Shérif, de se retrouver avec toutes ses fiches « Wanted » sur les bras et pas un seul vieillard de pendu aux branches… - Tu l’as dit, Dem, lui répondit l’autre, il nous gave l’arabe rouquin. Il n’a qu’à se les trucider lui-même, tous ces vieux et toutes ces vieilles… - Tu ne peux pas m’appeler Demba ? C’est mon nom et pas Dem. - Fallait pas commencer toi-même avec tes « Toku » et tes « Réré » ! - Eh, c’est normal de chercher à raccourcir… On n’a pas idée d’un nom pareil « Tokugawa Haréré »… Un vrai nom à coucher dehors avec un billet de logement ! *** Ils garèrent le glisseur de fonction devant un petit pavillon construit dans les années soixante dix du siècle précédent. Ils étaient bien au 45 de la rue Emile Zola comme c’était noté dans le dossier. L’endroit était calme. A travers une grille de fer forgé peinte en vert, ils purent apercevoir un petit jardin dont la majeure partie était cultivée en potager. Une ligne de poireaux avait résisté à l’hiver et un carré de salade voyait de jeunes pousses d’un vert tendre pointer en ce début de printemps.
Carlos appuya sur le bouton de la sonnette. Une femme âgée, vêtue d’un tablier bleu apparut sur le seuil de la porte, encadrée de deux gros chiens noirs qui se mirent aussitôt à aboyer. - Madame Castaing ? demanda Carlos Demba depuis la grille. - C’est moi, qu’est-ce que vous voulez ? - Juste avoir un bref entretien avec vous au sujet d’un programme très intéressant… - Je n’ai besoin de rien ! Passez votre chemin… - Il s’agit de « Sérénité Définitive », Madame. Nous pouvons vous permettre d’obtenir des avantages fiscaux et même des indemnités. - Attendez, j’attache les chiens et je viens vous ouvrir… Dem lança un clin d’œil malicieux à son complice qui savait bien qu’il venait d’utiliser son joker, les expressions « avantages fiscaux » et « indemnités », mots qui jusque là leur avaient ouvert toutes les portes. - Entrez, Messieurs, entrez, je vous en prie… Vue de près, elle ne faisait pas les 76 ans qui étaient notés dans le dossier. Elle était bien un peu ridée et un peu forte, mais ses cheveux teints et son allure dynamique la rajeunissaient considérablement. Ils s’installèrent dans une cuisine toute équipée de style assez ancien. Ils remarquèrent même une grosse cuisinière à charbon en s’installant sur un banc de bois brut devant une grande table de monastère. - Laissez-nous nous présenter, chère Madame. Je suis Monsieur Carlos Demba, fonctionnaire au Ministère de la Famille et de la Qualité de la Vie et mon collègue ici présent s’appelle Monsieur… -… Tokugawa Haréré, continua le sino-malien en inclinant la tête et en joignant les mains. -… chargé de la partie technique et disons… médicale de notre affaire. - Je n’ai guère de temps à vous accorder, Messieurs. Venez-
en au plus vite à l’essentiel. Les avantages fiscaux et les indemnités. - J’y arrive tout de suite, dit le négociateur conciliant, mais il faut d’abord que je vous donne deux mots d’explication sur notre proposition « Sérénité Définitive » qui fait partie du Programme d’Aménagement de la Fin de Vie, le PAFV, comme nous l’appelons dans notre jargon… - Mais je ne suis pas en fin de vie. Je suis en pleine forme et en parfaite santé. C’est à peine si j’ai quelques douleurs dans les mains quand le temps tourne à l’humide… - Il ne s’agit pas de cela, Madame, mais de planifier, de prévoir l’avenir. Vous n’êtes pas éternelle. De graves maladies, des handicaps de toutes sortes peuvent rendre votre existence insupportable… - Je viens de vous dire que ce n’est pas mon cas. - Vous pouvez tout simplement commencer à être lassée de l’existence. Je vois dans le dossier que vous vivez seule, que vous n’avez pas été mariée et que vous n’êtes mère que d’un seul enfant. Est-ce exact ? - Parfaitement. - Votre enfant est un garçon. - Etait un garçon, corrigea Madame Castaing. A vingt cinq ans, comme il ne trouvait pas de travail, il s’est engagé dans l’armée et quatre ans plus tard, il est mort, fauché dans une embuscade lors d’une opération de pacification au Varlouchistan occidental. - C’est très dur pour une mère de porter le deuil de son enfant, s’apitoya Dem alors que Toku hochait la tête d’un air approbateur. - Je ne vous le fais pas dire, répliqua la femme. Enfin, c’était il y a longtemps… - Et ce n’a pas dû être facile pour son père non plus… - Kévin n’a jamais eu de père. Dès que son géniteur a su que j’étais enceinte, il a disparu sans laisser d’adresse. J’ai élevé
mon fils toute seule et son père biologique ne s’est jamais inquiété de son existence. Pire, Kévin a essayé par tous les moyens de le retrouver quand il a eu vingt ans passés et il n’y est pas parvenu. Il est peut-être mort… - Vous avez donc eu largement votre lot de souffrances et de tristesse, reprit le négociateur, il serait parfaitement normal que vous souhaitiez en finir dignement, sereinement, au moment où vous le décidez, sans attendre indéfiniment dans un état semi dépressif… - Non, mais de quoi me parlez-vous, Monsieur ? Je n’ai accepté de vous écouter que parce que vous m’avez proposé un avantage fiscal et des indemnités. Je ne dispose que d’une ridicule retraite d’enseignante qui ne fait que baisser depuis l’application de vos lois dégressives. J’en suis réduite à me nourrir des légumes de mon potager, à vendre les livres de ma bibliothèque et tout ce que je peux trouver comme objets peu indispensables. Ma vieille voiture a plus de trente ans et elle n’est même plus autorisée à rouler en centre ville car elle pollue trop. Et je ne peux même pas m’acheter un manteau neuf… - L’avantage fiscal signifie que vous serez dispensée de tout impôt, local, foncier, sur le revenu, sur l’eau, l’air etc… si vous signez un contrat vous engageant à mettre en place « Sérénité Définitive » dans les vingt quatre mois. L’indemnité consiste en la prise en charge par l’Administration de tous vos frais d’obsèques… - Je vois le genre, caisse en cagette de sapin et fosse commune ! - Nous pouvons vous proposer plusieurs produits, plusieurs formules… Le Penthotal sous diverses formes. Nous pouvons vous laisser le matériel dans le cas où voudriez mettre fin à vos jours par vous-même à moins que vous ne préfériez profiter de notre savoir faire. Nous pouvons nous charger de tout. Au moment souhaité, le Docteur Toku ici présent, pourra procéder
à l’injection finale que l’on aura fait précéder de l’ingestion d’un puissant antiémétique. Tout cela se passera sans la moindre douleur… Vous aurez l’impression de vous endormir, c’est tout… - Cela ne m’intéresse absolument pas. Je suis dans le troisième âge, celui où l’on organise enfin sa vie comme on le désire, pas dans le quatrième ni dans le cinquième ! Je ne suis pas un légume grabataire, moi. - Mais Madame, notre Service ne vous mettra jamais le couteau sous la gorge… Vous aurez largement le temps de réfléchir avant de prendre une décision. Pensez donc, un délai de deux ans, ce n’est pas rien. Et une dispense de tout impôt ? Et des funérailles gratuites ? Ca ne se laisse pas passer comme cela… - Je ne dis pas, mais il faudrait que j’en aie assez de la vie… Vous seriez venus au moment de la mort de mon fils, je n’aurais peut-être pas dit non, mais aujourd’hui, avec toutes mes activités, tous les gens qui ont besoin de moi… - Vos activités, Madame, mais de quoi me parlez-vous ? Je ne vois rien de marqué de tel dans votre dossier. - Je suis responsable de secteur de l’association « Les Auberges du Cœur ». Nous avons distribué cet hiver plus de mille repas aux miséreux de notre ville. Nous sommes si peu de bénévoles que je me demande ce que cela deviendrait si je me retirais. Et puis, j’ai aussi mes cours d’alphabétisation à assurer. Comme votre dossier doit vous le dire, je suis une ancienne institutrice et je donne des cours trois soirs par semaine à des migrants analphabètes, le lundi, le mercredi et le vendredi. En tout, je m’occupe de plus de cinquante élèves. Qu’est-ce qu’ils deviendraient sans moi ?… J’ai également monté un groupe de jardiniers associatifs pour empêcher les chômeurs et les SDF de mourir de faim. Un agriculteur nous a prêté un grand terrain et… - Je vous arrête tout de suite, Madame Castaing, mais si tout
ce que vous venez de nous déclarer est exact, vous ne cadrez absolument pas avec notre « Programme d’aménagement de la fin de vie » et je ne peux malheureusement pas vous proposer de contrat et encore moins vous faire profiter des avantages financiers dont je vous ai parlé… Ils la saluèrent rapidement et regagnèrent leur glisseur, assez fâchés. - Cet abruti de « Shérif », il nous a fait perdre notre temps avec ce dossier incomplet ! Il va m’entendre… Passons au suivant… *** Simone de Carvalho, habitait au 78, rue Karl Marx à Saint Aubin, ville de la proche banlieue de la capitale Mégalopolis. Son immeuble, construit au début du siècle précédent, n’avait bénéficié d’aucune rénovation. Sa façade lépreuse, jamais ravalée, était noire d’une crasse longuement accumulée. Au rez de chaussée, le rideau de fer rouillé, bosselé et couvert d’affiches et de graffitis d’un antique Café Bois Charbon n’avait pas été levé depuis plus d’un demi-siècle. De nombreuses fenêtres étaient murées à l’aide de parpaings, d’autres remplacés par des morceaux de bois ou de carton. Des groupes de gamins curieux et braillards jouaient ou se chicanaient à même le trottoir et jusque dans les escaliers. Les deux négociateurs parquèrent leur glisseur en prenant grand soin de verrouiller le cockpit. Ils savaient que ce genre d’engin de grand luxe ne manquerait pas d’attiser la convoitise des habitants de ce quartier si misérable… - Il y a longtemps qu’une bâtisse aussi pourrie aurait dû être rasée, dit Dem en s’engageant dans un escalier aux marches branlantes, aux murs noirs, couverts de tags ou d’inscriptions ordurières. - Comment peut-on habiter dans un gourbi pareil, fit Toku. Tu sens cette odeur ? - Oui, fit l’autre. Ca pue la pisse, ni plus ni moins !
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