Analyse lexico-sémantique d un juvenolecte
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Analyse lexico-sémantique d'un juvenolecte

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Description

Extrait d'un document qui rend compte de certaines pratiques langagières de jeunes Réunionnais entre une influence de la mondialisation, du créole réunionnais et du français. Il s'agit d'une approche descriptive du mode d'expression qui discrimine la jeunesse dans une société pluri-culturelle après une enquête de terrain entre 2010 et 2011...

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Publié le 17 août 2011
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Langue Français

Extrait

Analyse lexico-sémantique en situation de contact intersystémique
JUIN 2011
Notre curiosité pour le français et pour le créole réunionnais nous a amené lors de
différentes circonstances à nous interroger sur la valeur des multiples formes linguistiques que
l'on pouvait dégager dans chacune d’elles. La richesse que nous reconnaissons en outre à la
langue nous a conduit à nous questionner sur le sens des mots, sur la polysémie et la
pragmatique des productions verbales qu’offraient les jeunes usagers à l’île de La Réunion,
située au Sud-Ouest de l’Océan Indien, à huit cents km au Sud-Est de Madagascar, et à 200
KM à l’Oueste de l’île Maurice. De même, s’il est possible de dégager dans le français
plusieurs strates registrales : le français soutenu, le français courant, le français familier, le
français vulgaire, et le français argotique, il s'agissait d’étudier les phénomènes
interactionnels entre la langue institutionnelle et le créole réunionnais au sein de la population
juvénile. La volonté de comprendre et de tenter d'établir une correspondance entre le créole et
le français fut un corollaire, car notre questionnement sur une ligne de démarcation pas
toujours apparente entre le créole réunionnais et le français demeure un sujet actuel.
Entre une situation diglossique et bilingue dans une société où la population est
encline à des variations phonétiques, à un "polylecte", les choix des codes de communication
oscillant à la fois entre le créole réunionnais et le français nous a interpellé. Puisque, certains
jeunes Réunionnais parlent avec une dominante créole, une dominante française ou alternent
les deux langues dans une dynamique interactionnelle lors des échanges verbaux. Le clivage
présenté entre le créole réunionnais et le français, la représentation sociale qui réprouve le
créole comme langue égale au français constituent un facteur qui motive notre ambition de
mieux saisir ce contraste linguistique.
Le jeune qui se situe dans une culture, ou plutôt devrions-nous dire dans une bipolarité
culturelle, à la fois celle du milieu endogène, autrement dit la culture propre à La Réunion, et
celle de la Métropole, une culture exogène, a parfois du mal à se positionner, surtout en
considérant que le terme même de jeunesse fait appel à une forme d'instabilité identitaire et
qu'il s'agit d'une période transitionnelle qui concourra à asseoir sa personnalité. La volonté de
comprendre pourquoi une culture interstitielle est notablement observée au sein de la
population juvénile réunionnaise est indiscutablement la première raison qui nous a incité à
observer plus attentivement la parole des jeunes en situation scolaire, estudiantine et débutant
dans la vie professionnelle.
Si on s’attarde un instant sur la question de l’argot, plusieurs points méritent réflexion.
En effet, une grande partie de la population française recourt aux registres argotiques, lequel
se distribue également entre usagers de la langue de multiples catégories sociales, ethniques,
culturelles, professionnelles ou de tranches d’âge par exemple. Alors, qui parle argot ?
Pourquoi parle-t-on argot ? Le registre argotique que les utilisateurs de la langue affichent est-
t-il observé dans toutes les zones spatiales : en ruralité et en urbanité ? Observe-t-on cette
forme orale à l’île de La Réunion ?
La question pour nous est ouverte, car des
parlers jeunes
sont attestés à La Réunion.
D’où notre intérêt pour ce champ d’investigation. Puisque l’apparition de ces formes
langagières favorise l’évolution et peut-être l’enrichissement de la langue vernaculaire qu’est
le créole réunionnais. De fait, son renouvellement est alors engendré par une nouvelle
distribution des pratiques langagières insulaires. C’est-à-dire, une définition linguistico-
stratégique permettant au jeune de braver une norme sociale à laquelle il n’adhère pas, mais
qui pourtant, exerce une force centrifuge provoquant dès lors l’altérité du modèle de la langue
des Créoles, substrat des usages langagiers qui intervient quotidiennement dans « le dire » des
réalités d’un sujet parlant.
Dans une communauté qui pose une dyglossie : c’est à dire, le français (langue
dominante) et le créole (langue dominée), La Réunion présente un objet d'étude qui n’a pas
mis en lumière toute la complexité des formes communicationnelles. Il nous a paru alors
propice de retenir une problématique ayant trait aux choix que de jeunes locuteurs
Réunionnais ou Métropolitains opèrent pour s’exprimer dans un environnement linguistique
interférentiel qui n’est pas uniforme, entre francophonie et créolophonie. Autrement dit, les
parlers jeunes que l'on atteste à La Réunion et qui se situent dans une zone parfois doublement
insaisissable
sont
eux
aussi
caractéristiques
d'une
revendication
identitaire.
Notre
questionnement s'articule autour de la conception et de la conscience qu'a le jeune au sujet du
créole réunionnais ainsi que du français dans un rapport qui très longtemps a fait l’objet d’une
description diglossique.
L’apparition de nouveaux outils multimédias et des moyens de communication a mis
en lumière l’émergence de nouvelles formes verbales observées au sein de la population
juvénile. La redistribution générationnelle de la parole prenant en compte une catégorie à part
entière de la société a en outre suscité l’intérêt de la communauté des linguistes pour cet objet
d’étude depuis environ une dizaine d’années à La Réunion. Cette forme de communication a
plusieurs caractéristiques. Les jeunes reprennent à leur compte des termes afin de marquer
leur appartenance à un groupe. Ces items qui parfois relèvent de néologismes proviennent ou
sont réinvestis dans la musique, dans l'art (les tags), dans des espaces de vie qui leur sont
dédiés, c'est-à-dire : au collège, au lycée, à l'université, dans des lieux de rencontres où se
masse la jeunesse en général.
Le jeune se discrimine à plusieurs égards : il se revendique et s'inscrit dans une
démarche identitaire, il se pose face à une société conforme et normée en contestataire,
subversif par rapport à l'accomplissement d'une identité stabilisée à la fois morale et sociale
que nous nommerons adultes. Le jeune, scolarisé, étudiant, débutant dans la vie
professionnelle, récuse le modèle de la société dans laquelle il évolue et s'affirme. Ce rejet du
modèle transite par sa façon de se vêtir, ses fréquentations, ses pratiques sportives et
culturelles, mais également par sa manière de rendre compte du monde sensible et émotionnel
constituant son univers. Il se trouve dans une période de rupture (économique, sociale,
scolaire, familiale...), et ceci l'amènera à s’inscrire dans une contre-norme et à créer une
fracture entre lui et les autres groupes de la communauté : ses aînés, pour se redéfinir dans
l’isotope qu’il occupe. La fracture afférente à la fracture linguistique, la population juvénile
entre elle usera du même code communicationnel, impliquant une caractéristique cryptique
qui lui sera propre, entraînant dès lors une déstructuration de la langue véhiculaire afin de
favoriser l’appropriation de celle-ci par le jeune.
Plaisamment le jeune arbore son langage, cependant il fixe des limites dans l'usage
qu'il en fait et définit les locuteurs avec lesquels il en use. Il marque la rupture (de façon
volontaire, il dit et se dit dans une culture interstitielle qui lui est propre, que l’on pourrait
qualifier de « culture jeune
ou de culture de jeune ».
C’est dans ce contexte sociolinguistique que nous avons engagé des investigations afin
de mieux appréhender un versant de la parole des jeunes à La Réunion en leur permettant de
s’exprimer sur des items, à la fois des néologismes, des locutions ou des mots qui ont une
toute autre résonance dans leurs pratiques verbales. Ainsi, nous nous proposons d’examiner et
de décrire la parole du jeune Réunionnais en nous fondant sur une vingtaine de mots recueillis
dans des énoncés oraux et scripturaux. Notre projet heuristique prend par ailleurs en charge la
description lexico-sémantique et épilinguistique pour l’examen du vocabulaire soumis au
panel.
Nous prendrons appui pour développer notre propos sur le concept de chronolecte,
c’est-à-dire le parler référé à l'âge (réel) d’un individu. Les travaux que nous avons engagé, se
sont particulièrement attachés aux
parlers jeunes
: une population juvénile de La Réunion qui
se situe entre 15 et 24 ans (indice de catégorisation défini par l'INSEE). L’outil chronolectal
dont nous userons tout au long de notre exposé, se référera à des jeunes qui se situent dans
cette tranche d'âge.
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