L effet Guyau
266 pages
Français

Description

On souhaiterait aborder dans ce livre la question souvent oubliée des effets que l'oeuvre de Jean-Marie Guyau a continué à produire après sa mort prématurée, en 1888. Certains penseurs se sont présentés eux-mêmes comme des continuateurs de son oeuvre, mais, la plupart du temps, l'influence de Guyau s'est exercée dans de telles conditions que ceux qui l'ont reçue n'ont pas assumé le statut de disciples.

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Date de parution 01 novembre 2014
Nombre de lectures 24
EAN13 9782336360836
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

l’inLuence de Guyau s’est exercée dans de telles conditions que ceux qui
degrés divers, lu et tiré proIt de ses textes, et que leur travail a permis
Sous la responsabilité de Jordi Riba
L’EFFET GUYAU
De Nietzsche aux anarchistes
L’EFFET GUYAU
La Philosophie en commun Collection dirigée par Stéphane Douailler, Jacques Poulain, Patrice Vermeren  Nourrie trop exclusivement par la vie solitaire de la pensée, l'exercice de la réflexion a souvent voué les philosophes à un individualisme forcené, renforcé par le culte de l'écriture. Les querelles engendrées par l'adulation de l'originalité y ont trop aisément supplanté tout débat politique théorique.  Notre siècle a découvert l'enracinement de la pensée dans le langage. S'invalidait et tombait du même coup en désuétude cet étrange usage du jugement où le désir de tout soumettre à la critique du vrai y soustrayait royalement ses propres résultats. Condamnées également à l'éclatement, les diverses traditions philosophiques se voyaient contraintes de franchir les frontières de langue et de culture qui les enserraient encore. La crise des fondements scientifiques, la falsification des divers régimes politiques, la neutralisation des sciences humaines et l'explosion technologique ont fait apparaître de leur côté leurs faillites, induisant à reporter leurs espoirs sur la philosophie, autorisant à attendre du partage critique de la vérité jusqu'à la satisfaction des exigences sociales de justice et de liberté. Le débat critique se reconnaissait être une forme de vie.  Ce bouleversement en profondeur de la culture a ramené les philosophes à la pratique orale de l'argumentation, faisant surgir des institutions comme l'École de Korcula (Yougoslavie), le Collège de Philosophie (Paris) ou l'Institut de Philosophie (Madrid). L'objectif de cette collection est de rendre accessibles les fruits de ce partage en commun du jugement de vérité. Il est d'affronter et de surmonter ce qui, dans la crise de civilisation que nous vivons tous, dérive de la dénégation et du refoulement de ce partage du jugement. Dernières parutions Lucas GUIMARAENS,Michel Foucault et la dignité humaine, 2014. Luis Gonzalo FERREYRA,Philosophie et politique chez Arturo Andrés Roig. Vers une philosophie de libération latino-américaine (1945-1975), 2014. Eugenio CORREA,La conception techno-économique du temps, 2014. Ewerton RIBEIRO,La théorie pragmatique de l’action, 2014. Fabrice AUDIE,Spinoza. Problèmes de l’idée vraie, 2014. Jean PERISSON,Une vie de héraut, Un chef d’orchestre dans le siècle, 2014. Rosemarie FERENCZI,Kafka. Subjectivité, histoire et structures, 2014.
Sous la responsabilité de Jordi RIBA L’EFFET GUYAU De Nietzsche aux anarchistes
Du même auteur La morale anomique de Jean-Marie Guyau Philosophies des mondialisations(avec Patrice Vermeren)© L'HARMATTAN, 2014 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-02112-6 EAN : 9782343021126
PrésentationOn souhaiterait aborder dans ce livre la question souvent oubliée des effets que l’œuvre de Jean-Marie Guyau a continué à produire après sa mort prématurée, en 1888. Certains penseurs se sont présentés eux-mêmes comme des continuateurs de son œuvre, mais, la plupart du temps, l’influence de Guyau s’est exercée dans de telles conditions que ceux qui l’ont reçue n’ont pas assumé le statut de disciples. Si l’on admet que Guyau fut un philosophe de grandes idées, qu’il n’arriva cependant pas à développer personnellement en raison de sa disparition précoce, il est raisonnable de penser que d’autres ont, à des degrés divers, lu et tiré profit de ses textes, et que leur travail a permis de compléter ce qu’il n’avait pu achever. C’est ce que Fouillée signale dans son prologue à Education et hérédité: « Dans toutes les parties de la philosophie Guyau a laissé sa trace : partout il a restauré, avant Williams James, avant Nietzsche, et avant M. Bergson, le sens et le culte de lavie, de la vieintense et expansive, del’effortaccompagnéd’espérance».Même si les affirmations de Fouillée paraissent quelque peu excessives, il n’en est pas moins vrai que Guyau a été désigné après-coup par des auteurs de diverses provenances comme leNietzsche français.Quelle que soit la pertinence de cette comparaison, on ne saurait reléguer au second plan l’énorme élan créatif de Guyau, brutalement tronqué par une mort précoce, ce qui nous prive à jamais de savoir jusqu’où son génie aurait pu le mener. Fouillée écrit encore à ce sujet : « Ses travaux, déjà si nombreux et si féconds, ne lui paraissaient que peu de chose auprès de ce qu’il espérait faire ».S’intéresser à l’œuvre de ceux qui ont écrit après Guyau dans le même cadre argumentatif ne me semble pas une mauvaise idée. Il ne s’agit pas, bien entendu, de remettre en cause la valeur intrinsèque de l’œuvre de Guyau, mais, en raison même de la brièveté de sa vie, de rechercher chez d’autres philosophes qui ont suivi ses traces ce que Guyau aurait vraisemblablement écrit lui-même d’une façon assez semblable.Parmi ceux qui affichent ouvertement leur sensibilité à l’œuvre de Guyau, on citera Kropotkine et sa définition dela morale sans obligation ni
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sanction. D’autres, en revanche, ne la dévoilent pas, tel Bergson, qui avait pourtant été un disciple de Guyau lorsque celui-ci enseignait au Lycée Condorcet à Paris.Cependant, c’est surtout à Nietzsche que l’on pense, l’envergure de son œuvre éclipsant encore davantage la pensée de notre philosophe méconnu. Les thèmes dont il traite dans quelques-unes de ses œuvres sont en effet parfois très proches de Guyau. Cependant le rapport de Nietzsche à Guyau diffère substantiellement de celui de Kropotkine. Nietzsche ne s’est jamais déclaré en dette envers lui, mais ce qui est certain, c’est qu’il a lu et annoté l’Esquisse...et l’Irreligion de l’avenir, œuvres qui l’accompagnaient, parmi celles d’autres auteurs, dans une malle lors de ses déplacements, comme il l’a indiqué en 1885.e Le XIX siècle a été caractérisé dans le champ philosophique par la chute des dernières constructions métaphysiques. Sont également apparues au cours de cette période des transmissions et des réceptions de différentes philosophies qui ont abouti à leur naturalisation dans chaque tradition. En tout état de cause, les philosophies ont toujours été liées à un territoire, à la mise en place d’un lieu qui est aussi un espace de réceptions d’autres traditions philosophiques, au sein duquel la tradition e est fabriquée. Mais ce phénomène s’est amplifié tout au long du XIX siècle sous l’effet du développement de l’impression et des échanges personnels et commerciaux entre les nations. La reconnaissance aujourd’hui de sa portée tient pour beaucoup à l’estime de soi que chacun a pu développer depuis lors.La plupart des études récentes supposent une nouvelle façon d’appréhender la pensée philosophique de cette période et semblent donc s’éloigner des études classiques qui conçoivent celle-ci comme une entité statique, perspective légitime, mais qui n’est pas la seule possible. La connaissance des relations entre les différentes traditions philosophiques permet ainsi de saisir la pensée philosophique comme quelque chose de plus dynamique, d’ouvrir l’étude à la genèse de la parole et de dépasser, grâce à différents angles d’approche, les cloisonnements de histoire culturelle.Jordi RibaUniversité Autonome de BarceloneLaboratoire d’études et de recherches sur les« Logiques contemporaines de la philosophie » -Université Paris-8
Regard sur la réception de Guyau par Nietzsche à la lumière de ses annotations surL’Irréligion * de l’avenir. Ilse Walther-Dulk « La gaya scienza : Les pieds légers – esprit, Feu, grâce – la grande logique – La danse des étoiles – L’impertinence de l’esprit ». F. Nietzsche Déjà dans son complément à l’édition posthume deL’Irréligion de l’avenir, A. Fouillée déplore qu’il n’existe aucune copie des annotations de Nietzsche à cet ouvrage. L’Irréligion de l’avenirun des ouvrages de Guyau que Nietzsche avait est dans sa bibliothèque et dont il avait couvert les marges de notes et de réflexions. Il serait d’un grand intérêt de les publier, mais nous regrettons de n’en avoir pu obtenir la copie, comme nous avions pu obtenir celle 1 des notes de Nietzsche à l’Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction. Depuis on n’a cessé de répéter que ce livre avait été si malmené par le relieur que les notes marginales ne pouvaient plus être déchiffrées. Mazzimo Montinari lui-même a constaté – selon ce que rapporte Annamaria Contini – l’état déplorable du livre. Parmi les personnes qui l’ont eu en mains, aucune n’a jugé utile la publication de ces notes, dont j’ai communiqué un bref extrait dans mon étude de 1964Contribution à la philosophie et à l’esthétique de Jean-Marie Guyau. La publication des annotations dans leur ensemble a été rendue possible par la bienveillance de M.v.Wilamowitz-Moellendorff qui a mis à ma disposition une copie de l’exemplaire du Nietzsche-Archiv. Mais la confrontation avec cet exemplaire est, au premier regard, décourageante. * Traduit de l’allemand par Dominique Iehl.
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Cinq cent dix pages avec de nombreux mots et passages soulignés et avec de nombreuses remarques marginales qui presque toutes sont déformées par les manipulations du relieur ; au point qu’il est parfois difficile d’en deviner le contenu. Seuls quelques mots en marge sont parfaitement lisibles comme « hübsch » (joli) « gut » (bien) « Esel » (âne) et même, une fois, « haarsträubend » (monstrueux). Mais on découvre aussi beaucoup de « Ns. » qui signifient « à noter », « intéressant » et, très rarement, un nom, ainsi Dostoïevski, Borgia. Mais malgré la regrettable mutilation qu’a subi le livre, on peut constater que Nietzsche s’est consacré à sa lecture avec une grande attention. La plupart des pages signalent une lecture appliquée ; mais on ne trouve aucune annotation pour les chapitresLa religion et l’irréligion chez l’enfant,La religion et l’irréligion chez la femme(soit 41 pages qu’il a laissées de côté). Nietzsche n’annote que lorsque le sujet l’intéresse vraiment. Finalement le corpus envisagé, qui contient toutes les annotations utilisables, est fort retreint, mais en même temps fort éclairant. Nietzsche avait lu dès sa parution avec un grand intérêt l’Esquisse d’une 2 morale sans obligation ni sanction ,« ce livre plein de finesse, de mélancolie et 3 de courage » , qu’il définit par une allusion indirecte mais transparente comme « la tentation de concilier (d’identifier) la vie et la morale, de justifier la vie devant la morale. Altruisme comme phénomène primordial. La pensée désintéressée possible même sans obligation ni 4 sanction ». Il était tout naturel pour Nietzsche de s’acheter à Nice la deuxième édition deL’Irréligion de l’avenirplus que pour cette œuvre d’autant s’annonçait un succès plus net que pour l’Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction. Les commentaires, dès la parution, furent parfois très élogieux, ainsi le commentaire de F. Staudinger. En dépit des réserves que l’on peut émettre à propos de tel ou tel point, je dois avouer que je n’ai pas lu depuis longtemps de livre qui m’ait touché aussi profondément. Sa lecture m’a rendu plus libre, plus pur, plus humain. Si l’on peut justifier une lecture plus critique que la mienne, nul, et même l’adversaire le plus convaincu, ne peut nier la qualité d’une recherche approfondie, la largeur de vues, la clarté, la maîtrise dans la démonstration, l’élégance de la forme et avant tout la pureté, la noblesse de la pensée qui distinguent cette œuvre. Je ne peux que souhaiter que ce 5 livre trouve en Allemagne des lecteurs nombreux et attentifs. Le 22 octobre 1887 Nietzsche retrouve à Nice sa résidence d’hiver. Il s’installe dans une pension modeste « La Pension de Genève », où il paye
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« 5,50 francs par jour pour une chambre et deux repas. Je me fais moi-même mon thé du matin… Mais les autres pensionnaires payent plus (8 à 10 francs). Entre nous soit dit, une torture pour mon orgueil ». (à 6 Overbeck le 12 nov. 1887). Il y lit beaucoup, entre autres Montaigne, Galiani, Baudelaire, Renan, Benjamin Constant, et particulièrementLes démons de Dostoïevski, et naturellement aussiL’Irréligion de l’avenir(ce qui malheureusement n’est pas signalé dans laChronique sur la vie de Nietzsche). Cet hiver est pour lui une période de fatigue et de dépression. Il y avait des heures, des jours et des nuits entiers où je ne savais que faire de ma vie, et où j’étais envahi par un sombre désespoir tel que je n’en avais jamais éprouvé auparavant… On ne doit plus attendre de moi de belles choses, aussi peu qu’on puisse exiger d’un animal souffrant et affamé qu’il doive dévorer sa proie avec grâce. Le manque, durant des années, d’un amour humain apaisant et tonifiant, l’absurde solitude qui a pour conséquence que les derniers contacts avec les hommes ne sont qu’une source de blessures : Tout cela est très nocif et ne peut être 7 justifié que par le fait que c’est un destin. Finalement c’est sa tâche de philosophe qui le sauve. Et en outre j’ai une tâche qui ne me permet pas de penser beaucoup à 8 moi-même (une tâche, un destin, appelons ça comme on voudra). Ainsi il peut écrire en 1888 à sa mère « que l’hiver a été très riche en 9 progrès spirituels pour les sujets essentiels pour moi ». Certainement la lecture deL’Irréligion de l’avenira contribué cette fois à cet enrichissement. Il quitte Nice le 2 avril 1888. C’est le dernier séjour qu’il devait y faire. Guyau lui-même, de dix ans plus jeune, est déjà cet hiver-là gravement malade. Il meurt de tuberculose le 31 mars 1888, âgé de 33 ans et tout près de Nietzsche, à Menton. Nous devons rechercher maintenant en quoi les annotations de Nietzsche permettent de mieux préciser le rapport significatif et ambigu entre les deux philosophes, dans cette période décisive vers la fin de leur vie et de leur création. Ces annotations sont tantôt favorables, tantôt critiques, de façon souvent brutale. Mais les signes le plus employés sont le N ou un simple trait, ou le point d’exclamation, qui soulignent l’intérêt du passage sans exprimer de jugement direct.
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