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Julien Metsujin LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE ET L'EUROPE SOMMAIRE INTRODUCTION I. Le général De Gaulle et la construction européenne A) De l'anti européisme à la première pierre de l'édifice. B)Une méfiance à l'égard de la supra nationalisation de la gouvernance. II. La Cinquième République et l'Europe. A)La constitution et l'Europe. B) Les transferts de compétences C) Le droit européen et les traités CONCLUSION INTRODUCTION C'est dans une Europe en crise qu'il semble tout à fait légitime et pertinent d'entreprendre un travail rétrospectif vis-à-vis de la construction européenne. En effet, à l'heure où les certitudes et les fondements de l'Europe paraissent être mis en branle par une conjoncture économique anxiogène et un rapport de force omnipotent entre marché et politique, c'est le cheminement même de la construction européenne qu'il faut décortiquer aux lumières de la crise actuelle qui, dans une certaine mesure, est édifiante à bien des égards. Car, ce qui est stigmatisé par les attaques spéculatives répétées des marchés, via les agences de notations, en filigrane de l'aporie sur la dette, c'est bel et bien l'irréductible lacune fondamentale, impossibilité des protagonistes européens à avancer de concert dans une même direction.

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Publié le 04 janvier 2013
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Julien Metsujin
LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE
ET L'EUROPE
 
INTRODUCTION
SOMMAIRE
I. Le général De Gaulle et la construction européenneA) De l'anti européisme à la première pierre de l'édifice.B)Une méfiance à l'égard de la supra nationalisation de la gouvernance.
II. La Cinquième République et l'Europe.A)La constitution et l'Europe.B) Les transferts de compétencesC) Le droit européen et les traités
CONCLUSION
INTRODUCTION
 C'est dans une Europe en crise qu'il semble tout à fait légitime et pertinent d'entreprendre untravail rétrospectif vis-à-vis de la construction européenne.En effet, à l'heure où les certitudes et les fondements de l'Europe paraissent être mis en branle parune conjoncture économique anxiogène et un rapport de force omnipotent entre marché etpolitique, c'est le cheminement même de la construction européenne qu'il faut décortiquer auxlumières de la crise actuelle qui, dans une certaine mesure, est édifiante à bien des égards. Car, cequi est stigmatisé par les attaques spéculatives répétées des marchés, via les agences de notations,en filigrane de l'aporie sur la dette, c'est bel et bien l'irréductible lacune fondamentale, impossibilitédes protagonistes européens à avancer de concert dans une même direction. En outre, ce qu'ilfaudrait pour « rassurer les marchés » -formule magique désormais consacrée et répétéeinlassablement comme un théorème de l'orthodoxie libérale - c'est une cohésion concrète et solidedes états membres, une convergence sur le plan monétaire, budgétaire, fiscale et àfortiori politique.C'est bel et bien cette feuille de route commune et globalisante que tentent de mettre subrepticementen ordre les sommets franco-allemands successifs ou encore les plans d'ajustements structurelsédictés par la BCE qui, à l'instar du FMI en Afrique dans les années 80, prétexte la dette pourprescrire la médecine néolibérale en Europe. Ce dogme néolibéral peut être résumé par la trinité quisuit: privatisation/dérèglementation/réduction drastique des dépenses de l'Etat. Parenthèse fermée, c'est au moment où un système semble menacé qu'il apparaît cohérent etpertinent de dresser un bilan historique de ce qu'a été sa construction.Aussi, c'est dans un contexte européen inédit jusqu'alors, dans lequel crise de la dette et crisemonétaire jouent le rôle de vecteur privilégié d'un besoin d'intégration croissant, c'est dans cetteatmosphère donc, qu'il convient de jeter un regarda posteriori sur ce qu'a été le projet européen deses prémisses à ce qui semble être son aboutissement qu'il soit « le délitement de la zone euro » où« la marche inéluctable vers plus d'intégration supranationale ». Cependant, nous nous focaliserons sur une face spécifique du complexe prisme européen etpas des moindres puisqu'elle constitue l'apanage inéluctable de tous les pays membres: Le parfoisdifficile compromis entre puissance étatique et organisation supranationale; le nécessaire consensusentre politique nationale et directives européennes; en somme, l'intime relation entre les Etats et lacoupe de l'organisation qui les unis et, dans une certaine mesure, les surplombe. Dans le cas de laFrance, le liant à tisser est celui qui fait se répondre simultanément Cinquième République et UnionEuropéenne. Car, ce thème essentiel du rapport de force entre l'union et ses pays membres, de lahiérarchie qui règle tacitement le processus de prise de décision dans les politiques publiques desétats membres, cette question donc, revient comme un leitmotiv dans la liaison qu'entretiennent lespays par rapport au système plus grand qu'ils constituent. En effet, de De Gaulle à Sarkozy, si les manières, les mots, la communication, ont changé,les idées et les enjeux eux, sont restés à peu de choses près les mêmes: En filigrane du projeteuropéen, parfois un premier plan, souvent en demi-teinte, la charnière problématique à toujours étécelle qu'on pourrai succinctement exposer par le couple en tension: supranationalité/souveraineté.Deux concepts, sinon en conflit, du moins en dynamique, et qui conditionnent le débat sur laconstruction européenne en étant le lot de tout président de la Cinquième République:De Gaulle en 1953: «Tout système qui consisterait à transmettre notre souveraineté à desaréopages internationaux serait incompatible avec les droits et les devoirs de la République
française »;Sarkozy en décembre de cette année: «Jamais l'Europe n'a été aussi nécessaire,jamais elle n'a été aussi en danger. Jamais autant de pays n'ont voulu adhérer à l'Europe, jamais lerisque d'explosion de l'Europe n'a été aussi grand». Deux visions antagonistes, mais quitémoignent d'un intérêt inévitable pour l'Europe. Seulement voilà, en 50 ans qui les séparent, laglobalisation financière est passée par là, emportant avec elle le débat et jetant dans le même tempsles clous d'un nouveau cadre idéologique et économique, si bien qu'aujourd'hui, De Gaulle passeraitsans doute pour un « gauchiste » à bien des égards notamment par rapport à son héritage de PierreMendès France «Un Etats fort contre un argent fort». Car aujourd'hui, à l'instar des agences denotationsMoody's,Fitch etStandard's & Poor's, qui distribuent à elles trois les leçons auxgouvernements et font pliés des dirigeants (Silvio Berlusconi en Italie, Papandréou en Grèce),l'argent est plus fort et plus concentré que jamais. En une semaine, c'est deux anciens de GoldmanSachs, symbole planétaire du monstre tentaculaire bancaire, qui sont nommés de manière nondémocratique à des postes clé pour la navigation de l'Europe – Monti, président du conseil italien etDraghi à la tête de la BCE .A contrario, l'Etat paraît faible est semble plié aux exigences du-marché. En outre, aborder la question européenne avec une grille de lecture qui mettraisystématiquement en relief les situations dans lesquelles s'exprime de quelques sortes que se soit larelation entre la France et l'Europe semble apporter une dimension supplémentaire à chacune de cesproblématiques, en les abordant toujours de manière concomitante: C'est dans le cas où la volonténationale et celle de l'Europe s'érigent en force centrifuges que, par construction, on saisitcomplétement la dynamique interne qui structure les rapports entre les Etats membres etl'organisation qui les unis. De fait, on gagne à saisir la profondeur réelle des schèmes de laconstruction de l'Europe, non pas en l'appréhendant dans son unicité, comme un phénomène isolé,mais plutôt en la prenant comme elle vient à nous, c'est à dire en étant obligatoirement ancrée dansune réalité historique et politique, qui elle se joue de prime abord à l'échelle d'une nation, d'ungouvernement, de la Cinquième République en l'occurrence. En effet, la construction européennen'est pas exogène des nations en ce sens qu'elles en sont le point de départ. Paradoxalement, c'est lesnations souveraines qui ont le pouvoir de faire bouger le curseur « intégration » sur une échelle quiva de souveraineté à supranationalité. C'est les Etats qui,in fine, détiennent le pouvoir de constituerle corpus normatif européen par l'arsenal des traités et par la mise en place d'institutions. Ensommes c'est l'Etat qui - bien que n'admettant aucun pouvoir politique légitime supérieur au siendans la conception classique – peut choisir où non de déléguer un pan de sa souveraineté, de  transférer une part de son domaine de compétences à une organisation supranationale. Ce qui nousintéresse ici, c'est l'articulation entre deux échelles fatalement vouées à cohabiter, c'estl'interpénétration de deux entités: la Cinquième République et l'Europe.Ipso facto, notrecheminement analytique se construira systématiquement sur la formation d'une batteried'oppositions entre, d'une part l'échelle française – on parlera de De Gaulle, de la constitution, de laconception française de l'Europe - et d'autre part l'étalon de mesure européen – on parlera desinstitutions de l'Europe, la Commission Européenne, l'OCDE, la BCE, du CJCE, et aussi des traités. Dans un premier temps, nous verrons le positionnement de De Gaulle par rapport à l'Europe.Bilan mitigé vis-à-vis de l'Europe, mais passionnant quant à la façon de l'appréhender par DeGaulle. Nous parlerons de supranationalité, concept cher à De Gaulle. Ensuite, nous verrons comment l'Europe se manifeste concrètement dans la CinquièmeRépublique; nous parlerons alors Constitution, transferts de compétences, droit européen etsouveraineté nationale. Finalement, nous nous focaliserons sur les enjeux d'actualités pour tenter de donner unematière plus palpable et proche de nous ainsi qu'une profondeur réelle à nos propos.
- I -
Le Général De Gaulle est la construction européenne
A) De l'anti européisme à la première pierre de l'édifice. La pensée européenne de De Gaulle est extrêmement complexe et éclairéeégalement.En effet, on entend dans ladoxa que le général était férocement opposé à l'Europecependant, on nous apprend du même coup que l'Europe n'aurait pu se faire sans lui.Cette double-pensée qui peut paraître de prime abord paradoxale l'est beaucoup moins auregard des détails de l'affaire. En fait, le Général De Gaulle scinde deux versants de laconstruction européenne, ainsi, il entreprend d'abord de s'opposer fermement à la CED(communauté européenne de défense) en 1954, tenant alors tête aux Spaak, Lus, Adenauer,de Gasperi, et chez nous, Jean Monnet, tout le gratin de la classe politique, de droite commede gauche, en somme, et qui forment un groupe bien soudé. Ils gardent depuis août 1954 lecuisant souvenir du combat mené avec succès par de Gaulle contre le projet de la CED, laCommunauté européenne de Défense. Depuis, il s'est enfermé dans le silence de Colombey.Il n'a donné aucun signe public de ce qu'il pensait du traité de Rome. Il n'a réagi ni à sasignature, ni à sa ratification par le Parlement français. D'abord donc, un général hostile àune Europe construite par la défense. Ensuite, un général qui accepte assez tranquillement lacréation d'un marché commun avec le Traité de Rome de 1957 qui prévoit une ouverture dumarché entre la France, l'Allemagne fédérale, l'Italie, et les trois pays du Benelux. Cetteadhésion au marché commun est assez compréhensible au regard de son projet de redonner àla France une force importante dans la guerre économique en l'ouvrant à la compétitionnationale, en commençant par l'Europe. C'est que, De Gaulle a une idée bien particulière del'Europe. De plus, il ne partage pas la ligne de communication des promoteurs reconnus del'Europe. Ainsi, il n'adhère guère à la dimension inévitable, providentielle, laquelle présentel'Europe comme unique, comme entière eta fortiori comme une marche en avant vers uneseule organisations possible. En somme, la ligne de conduite des pères fondateurs. Il semblesceptique quant à la méthode dite « Monnet-Schumman » qui pour lui est davantage prochedu « despotisme éclairé ». D'ailleurs, De Gaulle, dans ses entretiens privés avec Peyerefittes,déclare: «Monnet est un malade, avant tout soucieux de servir les américains» . Et depoursuivre dans le même entretien de 1962«C'était un apatride, je ne dis pas ça enmauvaise part, je constate simplement un fait». D'autre part, farouchement opposé à la supranationalité, il n'a de cesse depromouvoir une Europe des nations, politique en somme et à l'image de la France. UneEurope qui, au début a pour centre névralgique la France, qui avec ses colonies rayonne surle reste de l'ouest. Peu à peu diluer dans des élargissements à tout va et davantage vers l'est,la France sera finalement noyé dans une fédération toute autre que l'Europe de l'Oural prônépar le général.Selon Peyrefitte, en sauvant le Marché commun, De Gaulle espère recentré l'Europe sur elle
même et non sur le modèle d'une communauté atlantique.Finalement, De Gaulle n'est pas véritablement anti européen, simplement, dans uneremarque assez clairvoyante, il redoute déjà à l'époque un effet bien connu des unions:« Le stratagème des chaînes », terminologie inventée par les Chinois et qui résume déjà leségarements de l'Europe. Ce stratagème peut être exposé comme tel: il s'agit d'unir des paysdans un mécanisme autobloquant. En effet, dans une union, les intérêts nationaux, commel'avez justement remarqué De Gaulle à l'époque, ne peuvent résolument pas être gommésainsi il y a désaccord de fait. Prenons la métaphore d'un immeuble en copropriété: lelocataire du rez-de-chaussée veut refaire le carrelage du hall, ce dont le locataire du 6ème serefuse puisqu'il n'en profitera que très peu. Le locataire du 9éme lui, voudrait faire réviserl'ascenseur, qu'il juge défectueux, ce à quoi se refuse les habitants des 1er et 2éme étage quin'en voit pas l'utilité puisque ne l'utilisant jamais. Le locataire du dernier étage lui, voudraitrefaire l'isolation du toit car il estime que sa facture d'énergie pour se chauffer pâti dumanque d'isolant ce à quoi se refuse tous les autres habitants qui eux ne sont pas concernés.Bref, de l'union nait un mécanisme auto bloquant qui paralyse le processus de décision en nesachant concilier les forces centrifuges des intérêts divergents. Le pouvoir de décision,comme dans une copropriété; revient alors à un arbitre extérieur qui serai exempt de toutepartialité. C'est le syndic dans notre métaphore filé, à l'instar de la Commission Européennedans le cas de l'Europe. C'est finalement un pouvoir exogène qui, selon De Gaulle, dans unesituation interne de paralysie générale mis en place par ce système globalisant et autobloquant, trancherait des questions clés en matière de politique publique. Finalement, De Gaulle, du point de vue de l'Europe, développe une penséeperspicace et méfiante. En effet, pour lui, il ne s'agit pas de tout rejeter de l'Europe où àcontrariode tout en accepter mais davantage de débattre sur la forme de l'Europe et sur sagouvernance: veut-on une Europe fédérale où une Europe des Etats? Veut-on une Europelibérale atlantique où une Europe française sociale?En filigrane de cette posture gaullienne apparaît le concept de supranationalité, bête noire deDe Gaulle.
B)Une méfiance à l'égard de la supra nationalisation de la gouvernance.   Si le Général de Gaulle accepte, après son arrivée au pouvoir, les CommunautésEuropéennes, c'est dans la mesure où elles lui paraissent satisfaire certains intérêts français(constitution d'un ensemble pouvant faire contrepoids aux États-Unis et dont la France auraitle leadership, politique agricole commune, association de territoires d'outre-mer devenusrapidement des États indépendants). Néanmoins, il ne cessa de dénoncer et de combattreleur caractère supranational au nom de la défense de la souveraineté de la France.La Constitution de 1958 porte d'ailleurs la trace de cette méfiance. On en trouve des signesdans l'article 11 qui prévoit la possibilité pour le Président de la République de soumettre auréférendum la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait desincidences sur le fonctionnement des institutions - et dans l'article 54 qui permet avant laratification d'un traité ou l'approbation d'un accord international d'en faire examiner lacompatibilité avec la Constitution par le Conseil constitutionnel saisi par le Président de laRépublique ou par le Président de l'Assemblée Nationale ou du Sénat, ou le PremierMinistre, ou, depuis 1992 seulement, par soixante parlementaires.Ainsi, De Gaulle disait dans une conférence de presse le 15 mai 1962: «On nous ditfondons ensemble les six Etats dans une entité supranationale, ainsi ce sera très simple ettrès pratique. Ce sont des idées qui peuvent peut-être charmer quelques esprits, mais je nevois pas du tout comment on pourrai les réaliser pratiquement quand bien même on auraisix signatures au bas d'un papier. Il est vrai que dans cette Europe intégrée comme on dit, il
n'y aurait peut être pas de politique du tout. Cela simplifierai beaucoup les choses, en effetdès lors qu'il n'y aurait pas de France,pas d'Europe, qu'il n'y aurait pas une politique fauted'en imposer une à chacun des six Etats, on s'abstiendrai d'en faire .» Et De Gaulle depoursuivre; «Mais alors peut-être ce monde se mettrai t-il à la suite de quelqu'un du dehorsqui lui, en aurait une. Il y aurai peut être un fédérateur mais il ne serai pas européen. Ce neserai pas l'Europe intégrée, ce serai tout autre chose, de beaucoup plus large et debeaucoup plus étendu». De Gaulle, sans les nommer, parle évidemment des Américains. Autrement, De Gaulle, dans une conférence télévisuelle en 1965 s'adressant auxtéléspectateurs: «« Alors, vous en avez qui crient : « Mais l'Europe, l'Europe supranationale ! il n'ya qu'à mettre tout cela ensemble, il n'y a qu'à fondre tout cela ensemble, les Français avec lesAllemands, les Italiens avec les Anglais », etc. Oui, vous savez, c'est commode et quelquefois c'estassez séduisant, on va sur des chimères, on va sur des mythes. Mais il y a les réalités et les réalitésne se traitent pas comme cela. Les réalités se traitent à partir d'elles-mêmes ».Autre réflexion de De Gaulle encore sauvée du sérail de sa vie privée, dans des entretiens livrés àPeyrefitte et qui témoigne de sa ténacité et peut-être de sa lucidité vis-à-vis de la supranationalité etdu transfert de compétences qui s'en suit: «Vous savez ce que ça veut dire la supranationalité? Ladomination des Américains. Les Allemands, les Italiens, les Belges, les Pays-Bas, sont dominés parles Américains, les Anglais aussi mais d'une autre manière parce qu'ils sont de la même famille,alors il n'y a que la France qui ne soit pas dominée. Pour la dominer aussi, on s'acharne à vouloirla faire rentrer dans un machin supranational aux ordres de Washington. De Gaulle ne veut pas deça, alors on n'est pas content et on le dit à longueur de journée ! On met la France en quarantainemais plus on veut le faire et plus la France devient un centre d'attraction !» .Ces citations montre à quel point De Gaulle saisit très tôt les tenants et aboutissants de lasupranationalité, et à quel point, pour lui, supranationalité est synonyme de perte d'indépendance.Il dit encore à Peyerfitte: «Le vrai sujet de la présidentielle, c'est l'indépendance de la France !».
- II-
La Cinquième République et l'Europe
A)La constitution et l'Europe. La constitution de 1958 restes assez pauvre vis-à-vis de l'Europe, excepté l'article 55 quistipule, je cite; «Les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autoritésupérieure à celle des lois, sous réserve d'application par l'autre partie». Ces quelques motstraduisent en fait l'idée que, dans une possible union intégrée via l'outils des traités et des accords, lecorpus législatif du droit communautaire européen et supérieur à la somme des ordres juridiquesnationaux. Autrement dit, cet article admet la primauté et la suprématie du droit européen parrapport au droit français. Dès lors, on assiste à la juxtaposition de deux tranches de droit où celuieuropéen va se définir comme spécifique pour les partisans de l'union supranationale. On assisteprogressivement à la cohabitation de deux ordres juridiques; le premier national, le secondeuropéen, par le biais de la Commission Européenne et la Cour Européenne de Justice. Cependant, l'arrêt Costa de 1964 signe l'avénement d'une nouvelle dimension du droiteuropéen eta fortioridessine les contours d'un avenir où le transfert de compétence à l'Europeconnaît de beaux jours. En effet, cette loi Costa de la Cour de Justice de l'Union Européenne, laCJCE, peut apparaître comme un coup d'Etat de celle-ci envers la constitution dans la mesure oùelle stipule que ladite CJCE constitue désormais un ordre juridique propre. Dès lors, le droit écritdans le corpus institutionnel européen s'impose désormais au Etats membres sans que ceux-ci nepuissent le valider dans leur constitution où par leur droit constitutionnel.De facto, les désormaisconnues « injonctions européennes » s'appliquent aux Etats au même titre que leur droit national àla différence près que ce dispositif juridique européen est exogène aux Etats en ce sens qu'il estélaboré aux dehors des institutions nationales dans la mesure où il leurs échappent complétement.Cet aveu marque le début de rapports de forces systématiques entre ces deux échelles de droit.Cependant, le conseil constitutionnel n'est pas en mesure de contrôler la constitutionnalité destraités européens par rapport à la Constitution française.
B) Les transferts de compétences.La France participe au Conseil de l'Europe depuis sa création en 1949. Elle a ratifié la Conventioneuropéenne des Droits de l'Homme en 1974 en acceptant en même temps la juridiction de la Coureuropéenne des droits de l'homme et en 1981 le droit de requête individuelle.La France est surtout engagée dans la construction communautaire depuis l'entrée en vigueur en1952 du Traité de Paris de 1951 créant la CECA, suivi par les traités de Rome de 1957, entrés envigueur en 1958 et instituant la CEE et la CEEA (Euratom).Ces traités communautaires ont transféré des compétences aux institutions européennes appelées àdécider dans de nombreux domaines économiques relevant auparavant des pouvoirs publicsfrançais.Ces transferts de compétence ont été ultérieurement étendus par le franchissement de nouvellesétapes dans la construction européenne. Acte unique européen de 1987, Traité sur l'Unioneuropéenne de 1992 entré en vigueur en 1993, traité d'Amsterdam de 1997).
Aux compétences économiques sont venues s'ajouter des compétences non économiques à partir duTraité sur l'Union européenne tant dans le cadre communautaire qu'au sein des deux autres« piliers » établis par le traité sur l'Union européenne :- la politique étrangère et de sécurité commune ; - la coopération dans les domaines de la justice etdes affaires intérieures. L'évolution de la construction européenne a suscité un développementprogressif du recours à la majorité pour l'adoption des décisions du Conseil des Ministres européensdans les affaires communautaires avec un recul corrélatif du vote à l'unanimité des représentants desÉtats membres, plus respectueux des souverainetés. L'affirmation par la Cour de Justice desCommunautés Européennes de la primauté du droit communautaire sur le droit national, y comprisle droit constitutionnel, témoigne d'une tendance, que l'on peut, avec la prudence et les distances quis'imposent, qualifier de fédérale, même si le mot demeure absent des documents et du vocabulaireofficiels.Il est surprenant que la Constitution, texte fondamental de la République française, ait entièrementignoré cette réalité jusqu'en 1992. Aucune disposition de la Ve République ne mentionnait avantcette date l'existence d'une construction européenne à laquelle participait la France. Voyons un exemple précis de ces transferts de compétences.Aujourd'hui, 80% des lois et des règlements sont de simples transpositions de directiveseuropéennes et beaucoup des fonctions autrefois clés qui faisaient l'exercice d'électionsdémocratiques à l'échelle française ont peu à peu était accaparé par la Commission Européenne quielle évolue hors des schèmes de la démocratie au suffrage universel.Si bien que, en consultant le rapport de Klaus Regling, directeur des affaires économiques à laCommission Européenne, qu'il rend avec les fonctionnaires de son service en 2003, on sait ce quedoit être la politique de la France à cette époque quelques soit son gouvernement!Ce rapport nommé «Recommandations spécifiques à la France »contient entre autre:Premièrement, abaisser le déficit public sous la barre des 3% du PIB en 2004 au plus tard.Deuxièmement, réduire le coût de la main-d'oeuvre notamment pour les bas salaires(flexibiliser l'emploi)Troisièmement, réformer le marché du Travail en simplifiant la protection de l'emploi et enimposant des schémas d'emploi et de carrière dit plus flexibles.Quatrièmement, réformer en profondeur le système de retraite avec une très forte incitation àadopter des systèmes de retraite par capitalisation.Cinquièmement, élever l'âge de la retraite, l'objectif étant de passer progressivement à 65puis 67 ans peut-être 70.Sixièmement, enrayer la spirale des dépenses dans le secteur de la santé, notamment endéremboursant des médicaments.Septièmement, mettre en concurrence les marchés de l'énergie notamment du gaz et del'électricité, notamment en privatisant.Toutes ces décisions fondamentales dans les politiques publiques d'un pays sont désormais prisentpar les technocrates de la Commission Européenne, alors présidée par José Manuel Baroso. Auregard du pedigree des différents commissaires européens, il est difficile d'écarter complétementtoute forme de lobbys américains des couloirs de la Commission.
Autre exemple concret du nouvel équilibre des pouvoirs entre la Commission et les Etats membresest en 2005. Le premier ministre de l'époque, De Villepin, déclarais: «Je veux rétablir un certainspatriotisme économique. J'ai décider de prendre un décret anti-OPA pour protéger les secteurs lesplus sensibles des rachats étrangers». Aussitôt Neellie Kroes, commissaire néerlandaise chargée dela concurrence, alors en déplacement à Londres, déclare à l'AFP le 14 décembre 2005: « Confrontésà l'insécurité et à une perte de confiance collective, certains politiques sont prompts à rechercherdes politiques régressives de repli sur soi. Ils veulent protéger des champions et des marquesnationaux et même européens, des assauts du marché mondial pour relancer les canards boiteux.Nous ne pouvons pas nous permettre d'être complaisants face à la résurgence actuelle de larhétorique protectionniste. Le risque et à la fois réel et urgent». Le lendemain, le décret anti-OPA
proposé par De Villepin était jeté à la poubelle. Ces exemplesin situ montre à quels points lecompromis entre nationalité et supranationalité en matière de souveraineté a largement penché enfaveur des institutions de l'Europe. D'abord en définissant le droit européen comme supérieur audroit français, ensuite en contournant fondamentalement les outils de contrôle de l'échelle nationale,premièrement en s'extirpant du champ d'action du Conseil Constitutionnel, tout en formant descommissions non élues dérogeant ainsi à toute préoccupation démocratique. Ensuite par le fait quele rapport de force entre directives européennes et lois semblent tacitement admit comme n'allantque dans un sens; celui de l'Europe, si bien qu'au file du temps les politiques nationales ne sont quedes ersatz des directives européennes, dans lesquelles les pouvoirs publics tentent tant bien que malde palier les lacunes du à la méconnaissances des technocrate et de la vision unilatérale etglobalisante qu'il véhiculent. Les gouvernements successifs de la Cinquième République serai alorslà pour personnaliser et modeler le plus possible ces grandes lignes pour les faire coïncider le pluspossible avec la réalité du pays et la nécessité de l'intérêt nationale. Ainsi, un gouvernement quis'écarterait du calque parcimonieusement prescrit par l'Union Européenne pour dessiner sa politiqueintérieure se verrai immédiatement rappelé à l'ordre, stigmatisé et finalement remis en place par sespartenaires européens et par toutes les égides de l'Europe. Ce fut par exemple le cas en 2011 quandla France applique un moratoire quant à l'autorisation de la culture de plantes OGM. Aussitôtl'Europe commente et oblige la France à verser des amendes.Dans tout ce cadre, dans toute cette cage institutionnelle, juridique et politique européenne, on voitque la marge de manoeuvre nationale est très réduite et que finalement les transferts decompétences aux profit de l'Europe sont colossaux, fleurtant même parfois avec l'outre-passementdes mandats et des pouvoirs qui leur sont conférés.
C) Le droit européen et les traités.
Nous avons vu que le droit européen était supérieur au droit français. Cependant, l'Europe n'a pas lepouvoir de rédiger des tables de lois, en effet, elle légifère de manière générale par la mise en placeet la ratification de traités. L'Europe a aussi à sa disposition des institutions qui sont des organes del'UE:Parlement européen, Conseil de l'Union européenne, Commission européenne, Cour de justice,Cour des comptes européenne, Statut des fonctionnaires, Organes consultatifs, Organes financiers,Médiateur européen, Contrôleur européen de la protection des données, Organesinterinstitutionnels, Organes décentralisés.
Cependant, le droit international européen passe aussi et surtout via les traités. Nous les avonsénumérés brièvement, cependant nous allons revenir sur le traité constitutionnel de 2007, le traité deLisbonne. Celui-ci est un « mini-traité » ou « traité modificatif » ou encore « traité simplifié ». Ilest voté par le CE pour contrecarrer la non ratification du traité constitutionnel européen. En effet, 2ans plus tôt, le peuple français avait voté non à 55% à ce traité. Malgré la campagne latente deintelligentsia politique et médiatique française pour promouvoir le « oui », les citoyens disent non àl'Europe libérale. Ce referendum s'inscrit dans l'application concrète de l'article 11 de la constitutionde 1958 qui prévoit la possibilité pour le Président de la République de soumettre au référendum laratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur lefonctionnement des institutions. Sorte de veto national, les dirigeants européens font pourtant fi dela volonté française et vote en catimini deux ans plus tard un traité similaire dans les grandes lignes.Trahison pour certains, l'adoption de ce traité envers et contre le souhait démocratique détruit lesderniers bastions de contrôle mécanique pensés par De Gaulle et Debré. En effet, ils prévoient unreferendum en dernier recours, mais ils ne prévoient rien pour le non respect du résultat majoritaire.Finalement, le traité de Lisbonne a été adopté en catimini par la représentation nationale réunie encongrès à Versailles pour ratifier un texte dont l'essentiel avait été rejeté par le peuple français lorsdu referendum de 2005. La classe politique et médiatique n'a pas débattu de l'Europe au moment de
la ratification du traité de Lisbonne. Tommaso Padoa-Schioppa, promoteur de l'Europe et ministrede l'économie et des finances italien qui a travaillé à la BCE écrit alors dans la revueCommentaires:«La construction européenne est une révolution, même si les révolutionnaires ne sont pas desconspirateurs blêmes et maigres, mais des employés, des fonctionnaires, des banquiers et desprofesseurs. L'Europe ne procède pas d'un mouvement démocratique, elle s'est faite en suivant uneméthode que l'on pourrai définir par le terme de « despotisme éclairé ».Le débat est désormais empêcher à propos de l'Europe. Pour preuve, aucun politique ne parle del'Europe au moment des élections présidentielles de 2007: «l'UMP compte reste dans le vague surl'Europe» (dixitLibération). Finalement, on voit que l'Europe semble procédé davantage d'unmainstream que d'unprocessus démocratique conventionnel. D'abord en surplombant les nations avec un droitlégitimement supérieur, ensuite avec des traités ratifiés contre le gré des citoyens français, et ensuiteen empêchant toute forme de véritable débat.
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