06.1001
MARS 2005
ANALYSE DE LA LITTÉRATURE CRITIQUE
SUR LE DÉVELOPPEMENT, L’USAGE ET
L’IMPLÉMENTATION DE STANDARDS
DANS UN SYSTÈME ÉDUCATIF
Réalisé dans le cadre du projet Harmos de la CDIP
sous la direction de Matthis Behrens
IRDP
Faubourg de l’Hôpital 43 Tél. (41) (0) 32 889 86 18 E-mail: documentation@irdp.ch
Case postale 54 Fax (41) (0) 32 889 69 71 http://www.irdp.ch
CH-2007 Neuchâtel 7
ANALYSE DE LA LITTÉRATURE CRITIQUE
SUR LE DÉVELOPPEMENT, L’USAGE ET
L’IMPLÉMENTATION DE STANDARDS DANS
UN SYSTÈME ÉDUCATIF
Réalisé dans le cadre du projet Harmos de la CDIP
sous la direction de Matthis Behrens
Sommaire
Introduction
Matthis Behrens, IRDP, Neuchâtel 3
Standards in Education - Review of US Literature
Karin Müller et Ruth Silver – SRED, 9
Standards, compétences de base et socle commun
Extraits d’un dossier préparé par Olivier Meunier - INRP
en partenariat avec l'UMR Education et politiques 69
Référentiels de compétences scolaires et outils d’évaluation
de compétences : La situation en Communauté française
de Belgique
Bernard REY, professeur, Vincent Carette, assistant
Service des Sciences de l’Education - Université Libre de Bruxelles 101
Les standards en éducation – Etude de la situation italienne
Kathya Tamagni Bernasconi, DECS/TI, Ufficio studi e ricerche 111
Introduction
Matthis Behrens
IRDP - Institut de recherche et de documentation pédagogique
Neuchâtel
Les standards dans les systèmes éducatifs
4 Les standards dans les systèmes éducatifs
Introduction
Dans le cadre du projet HarmoS, la CDIP a mandaté l’IRDP pour une analyse de la littérature critique
parue sur le développement, l’usage et, plus particulièrement, l’implémentation de standards dans un
système éducatif. Dans ce cadre, le consortium SRTI, sous la direction de l’IRDP à pris en charge
l’analyse de la production scientifique de trois régions linguistiques : anglophone nord-américaine,
italophone et francophone.
Si le terme « standard » est très courant dans le monde éducatif anglo-saxon, force est de constater
qu’il ne rencontre peu ou pas d’écho dans le débat scientifique francophone et italophone. Les
quelques productions significatives regorgent de références anglophones ou cherchent à rattacher la
logique des standards à des problématiques connues ailleurs : celles de l’évaluation et de la mesure
des performances, du pilotage des systèmes éducatifs par les résultats, des référentiels ou du travail
curriculaire. Dans les pays francophones par exemple, en dehors de la formation professionnelle et à
l’exception de l’Ontario, le recours aux standards est quasiment inexistant. En revanche, on trouve
des démarches proches de la logique des standards au Québec et en Belgique francophone. En effet,
le premier a redéfini ses curricula en compétences tandis que le deuxième se sert des socles de
compétences pour conjuguer la disparité des curricula des différents ordres d’enseignement. Dans le
monde italophone existe également un débat politique à la fois régional et national qui promeut l’idée
des standards afin de rationaliser et de maîtriser la gestion et l’évaluation du rendement des systèmes
éducatifs dans une perspective de compétition internationale lancée par les grandes enquêtes du type
PISA.
Le découpage proposé par le mandant part donc de deux présupposés qui ne sont pas tout à fait
exacts. Le premier s’appuie sur l’hypothèse que le concept des standards est universel. Rien n’est
moins sur. Normand (2005) par exemple, dans son article La mesure de l’école : politique des
standards et management par la qualité estime que le terme n’a pas d’équivalent dans la langue
française. Le deuxième suggère que des dispositifs éducatifs s’appuyant sur les standards existent
d’ores et déjà dans la culture non-anglophone et qu’il y a suffisamment de recul pour étudier leurs
effets. Un premier survol montre que ceci n’est pas le cas non plus. Ainsi, il devient difficile de
répondre aux questions posées par le mandant si l’étude se limite exclusivement à des productions
scientifiques par régions linguistiques. Cette façon de procéder ne permet pas de comprendre
pourquoi et comment ces concepts migrent d’un contexte culturel à un autre, ni d’observer les
métissages qui s’opèrent (Maroy 2004).
Car en effet, presque tous ces pays se préoccupent du niveau de qualité et de performance de leurs
systèmes scolaires, connaissent et développent des dispositifs d’évaluation fondés sur les résultats,
définissent des critères de réussite, utilisent des référentiels de compétences et évaluent les
outcomes. Le souci d’un pilotage rationnel et efficace des systèmes de formation est donc partagé
même s’il ne se reflète pas dans la terminologie utilisée. En d’autres termes, on peut supposer que les
milieux éducatifs francophones, lorsqu’ils sont confrontés à la problématique du pilotage utilisent un
autre vocabulaire pour désigner des dispositifs qui se ressemblent probablement. Il convient donc de
s’interroger sur la nature de ces équivalences et de comparer les dispositifs de pilotage francophones
à ceux qui, de près ou de loin, sont associé à la notion anglophone de standard.
Le projet HarmoS se caractérise précisément par la superposition de plusieurs objectifs. Il vise
d’abord l’harmonisation des objectifs de l’école obligatoire, pour certaines branches et à certains
moments du parcours scolaire. En s’intéressant aux résultats des systèmes, le projet HarmoS cherche
à obtenir un effet indirect sur les curricula cantonaux. De plus, les instruments et dispositifs
développés devraient, à terme, produire un effet d’harmonisation des structures scolaires et ainsi
permettre un meilleur pilotage des systèmes scolaires des différents cantons. L’évolution du dossier
HarmoS a également mis en évidence un clivage culturel important dans la discussion sur la
pertinence d’un pilotage par les standards. Du côté de la Suisse alémanique, on constate un
engouement important qui dépasse les milieux éducatifs alors que l’école de la Suisse romande
5 Les standards dans les systèmes éducatifs
affiche une plus grande sensibilité aux effets négatifs que pourraient produire les évaluations à large
échelle à des fins de pilotage. La crainte est réelle que les efforts importants consentis d’ores et déjà
en matière de coordination des plans d’études ne soient mis en cause par une approche
technocratique des modèles de performance, peu respectueux des efforts didactiques réalisés
pendant ces dernières décennies.
L’élaboration de standards de formation représente donc des enjeux importants. Ce processus se
place à la fois dans une perspective d’efficience et dans une logique d’harmonisation. Il innove en
rendant les écoles et les enseignants responsables des acquisitions des élèves, alors que l’on sait
que l’effet de leurs actions est également conditionné par des facteurs contextuels. Enfin, il introduit
une dynamique de réforme par une logique d’assurance-qualité et suggère la maîtrise administrative
de la mécanique scolaire, au risque de restreindre l’autonomie professionnelle des enseignants.
Selon Lam (2004) les processus de réforme s’appuyant sur des standards peuvent être modélisés par
l’agencement cyclique de quatre étapes : (1) La définition de standards de performance pour les
élèves, (2) la responsabilisation des écoles et des enseignants quant à l’atteinte de ces standards, (3)
l’évaluation à large échelle pour accélérer les changements dans les écoles, soutenue par des
politiques d’encouragement, et enfin, (4) l’utilisation des résultats de cette évaluation pour juger de la
pertinence des réformes engagées et les accompagner.
Ces phases sont évidemment à nuancer en fonction des particularités de chaque système. Dans leur
mise en pratique on observe de multiples adaptations du modèle aux contextes politiques et
historiques existants. Ainsi, les systèmes scolaires d’Angleterre et de Belgique francophone ont tous
deux connu d’importants processus d’harmonisation avec de très nettes différences dans le recours à
l’évaluation comme ressource pour le pilotage (Dupriez, 2005). Plusieurs approches de standards
sont donc possibles (Klieme, 2004). L’utilisation des standards dans une approche cyclique
d’assurance qualité des systèmes scolaires élargit donc nécessairement le champ d’investigation ; les
standards s’inscrivent dans une logique de réforme et conduisent aux évaluations à des fins de
pilotage. Comme le montre la figure ci-dessous (Lam, 2004), les standards sont issus de deux
courants : l’évaluation par objectifs initialement centrée sur les performances de l’élève, et une
approche de pilotage éducatif basée sur les résultats du système. Elles ont été rendues possibles
grâce au développement méthodologique de la psychométrie et de l’édumétrie, et à celui de
l’évaluation des programmes. Ces références suggèrent que la mise en place de standards de
performance, à côté des objectifs déclarés d’efficience ou d’harmonisation, favorise certains modèles
théoriques d’apprentissage au détriment d’autres.
Pilotage éducatif basé sur
Domaine de la mesure les résultats
Réformes éducatifs basées
sur des standards
Méthodologie d’évaluation Domaine d’évaluation de
par objectifs programmes
Lam (2004) Facteurs contribuant au développement de réformes basées sur des standards
Les modèles d’apprentissages ainsi privilégiés constituent pour bien des acteurs une régression. Il est
donc probable que les options épistémologiques sous-jacentes aux réformes basées sur l’introduction
6