Essai d analyse structurale du Code civil français - Untitled
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BIBLIOTHÈQUE DE PHILOSOPHIE DU DROIT SOUS LA DIRECTION DE CH. EISENMANN – H. BATIFFOL – M. VILLEY Professeurs à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Paris VOLUME XVI ESSAI D’ANALYSE STRUCTURALE DU CODE CIVIL FRANÇAIS LA RÈGLE DU JEU DANS LA PAIX BOURGEOISE PAR ANDRÉ-JEAN ARNAUD Docteur en Droit Attaché de Recherche au C.N.R.S. (Centre de Philosophie Juridique) Préface de MICHEL VILLEY Postface de GEORGES MOUNIN Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique P A R I S LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE DROIT ET DE JURISPRUDENCE R. PICHON ET R. DURAND-AUZIAS e20 et 24, Rue Soufflot (5 ) 1973 PRÉFACE D’autres seraient plus qualifiés que moi pour présenter ce livre. Ce que je puis ici seulement, pour ma part, offrir au lecteur, n’est que le point de vue d’un historien, rendu par son métier sensible a la vérité supérieure d’anciennes traditions oubliées. Et M. Arnaud appartient à une autre école. C’est un « franc-tireur », destructeur des routines intel- lectuelles et des conformismes présents, mais sans pour autant retourner aux idées anciennes. Nul n’est jamais original à cent pour cent. Ce qui me semble caracté- riser la manière d’Arnaud, c’est de féconder la science du droit d’essences butinées ailleurs, sur d’autres champs de l’activité scientifi- que, parfois très éloignés du nôtre, et que la caste des juristes, jusqu’à présent, veut ignorer. Les juristes lisent les juristes. Or, jetez un regard sur l’index bibliographique de ce livre : vous n’y trouverez recommandés qu’un petit nombre choisi de juristes (M Carbonnier a ses préférences) mais bien Lévi-Strauss et Michel Foucault-Mounin, Granger, Pouillon, Sebag – même André Breton – et les cinéastes : Jean Renoir, Jean-Luc Godard et Pasolini – sans parler de Marx et de Mao Arnaud n’a pas l’esprit de chapelle, il aime à ruer hors des brancards, ce qui n’est pas commun : l’interdisciplinarité triomphe dans les discours ministériels mais à contempler notre présente université, jamais nous n’en fûmes plus loin. * * * J’essaye de reconnaître ses sources principales. D’abord, l’inspira- tion marxiste, d’un certain marxisme car on sait qu’il en est plusieurs : celui d’Arnaud me paraît teinté de gauchisme libertaire. Le Code civil va vous être ici présenté tout autrement que nos étudiants n’ont coutume de l’apercevoir à travers les cours de leurs maîtres : comme un produit de la classe bourgeoise. Il traduit la peur des bourgeois, la façon bourgeoise de réagir à l’angoisse humaine (ici quelques thèmes empruntés aux psy- II LA RÈGLE DU JEU DANS LA PAIX BOURGEOISE chologues contemporains). Il a pour fin de perpétuer la domination de cette classe et son mode spécifique de vie. Notre première tâche sera donc d’arracher le masque humaniste JOUS lequel le Code se déguise ; masque doucereux du berger derrière lequel se cache le loup. Gardons-nous donc d’y voir la Bible des droits de l’homme révolutionnaires, de l’égalité, de la liberté ; le Code n’est point égalitaire ; il institue, quoiqu’on en dise, des statuts personnels divers, très inégaux, et tels qu’en pratique il « excommunie » quiconque se re- fuse à accepter les principes de la vie bourgeoise. Ne soyons pas dupes de son consensualisme prétendu ; car de fait, par exemple en jouant de « l’ordre public » ou des « bonnes mœurs », il comprime en d’étroites limites la liberté des contractants. Il ne procède qu’en apparence des conceptions idéalistes du « jus naturalisme moderne » ; il est un dur po- sitivisme, qui tient plus de Hobbes que de Thomasius. Il est, plutôt que libéral, « paternaliste », répressif et « interdictal ». Non, la fonction du Code civil ne fut pas de servir la liberté ni l’épanouissement de « l’homme ». Il fut surtout l’expression de l’économisme, de l’utilitarisme bourgeois (surtout de celui des physio- ecrates). En ce début du XIX siècle c’est installée la Paix Bourgeoises l’analogue de la Pax romana (c’était l’impérialisme de Rome). Pour les auteurs du Code civil, il s’est agi de sanctionner un certain ordre tel que rayaient conçu les bourgeois, à leur avantage et selon leurs perspectives propres : un mode de vie qu’ils ont axé sur l’économie. Le but est l’accroissement des richesses, qui suppose, outre la protection des pro- priétés d’un petit nombre, le fonctionnement des échanges. Aussi nous trouvons-nous conviés à une « relecture du Code », à l’interpréter en fonction de son but réel, dont ses auteurs mêmes n’ont été sans doute qu’à demi-conscients, ou qu’ils dissimulent à travers un dis- cours mythique. Le sens du Code est d’instituer une certaine règle, agréable à la bourgeoisie, du « jeu » des échanges. Il précise les condi- tions requises pour prendre part au jeu : statuts inégaux des personnes (encore une fois, tout bien compté, beaucoup sont exclus de la table : les femmes, les mineurs, l’indigent sans « domicile » fixe, n’ont pas de part directe au jeu ; comme au casino de Deauville, seul un petit nombre d’élus seront reçus dans le cabinet où se jouent les parties sérieuses). Il prévoit les mises, les enjeux (les biens, avec lesquels on joue, au nombre desquels sont les services). Il détermine, en réglementant les contrats, la liste des coups interdits, et de ceux qui sont autorisés. Complément de cette règle du jeu : un certain nombre de garanties, qu’Arnaud nomme des gages, sont instituées pour empêcher que la machine ne se grippe, ou que la partie ne s’arrête faute de combattant. Il faut assurer qu’aux joueurs défaillants se substituent de nouveaux partenaires, que leurs mises demeurent suffisantes (droit successoral-familial) ; que les dettes LA RÈGLE DU JEU DANS LA PAIX BOURGEOISE III de jeu soient réglées et les mauvais coups ou l’atteinte à l’ordre établi effectivement réprimés (sûretés personnelles-droit de la responsabilité, etc.). Le droit civil qui est le noyau de tout l’ordre social bourgeois, ce livre en bouleverse l’image ; le plan même en est retourné ; les juristes ac- coutumés à voir les exégètes du Code en respecter à peu près l’ordre seront surpris de cette complète redistribution des matières. C’est qu’il faut lire entre les lignes pour déchiffrer le sens d’un texte ; le message doit être décrypté. Et, selon la formule lumineuse de M. Lévi-Strauss (dans une lettre écrite à l’auteur) « l’analyse structurale du droit pour- rait y découvrir un code qui démentirait souvent le Code ». Et nous touchons à la partie la plus neuve de cet ouvrage, qui sans doute captivera le plus, séduira le plus : la mise en œuvre des méthodes dites de l’analyse structurale. Méthodes nées sur d’autres terrains de la recherche scientifique (notamment dans la linguistique) et que jusqu’à présent les juristes n’ont guère tenté de transporter dans leur discipline. (Voyez cependant, dans les Archives de Philosophie du droit, l’essai d’Henri Page, et divers articles d’Arnaud.) 1ci, le lecteur trouvera notre droit traduit en schèmes, qui ont l’avantage de la précision et de la com- plétude, et de faciliter les comparaisons avec d’autres systèmes possibles. Il verra le droit prendre la forme d’une série de « graphes », dont beau- coup me semblent de lecture un peu indigeste. Heureusement je suis dis- pensé de m’aventurer dans ces labyrinthes ; ils relèveront de la Postface de M. Mounin ; s’il m’avait fallu à mon tour décrypter ces graphes et les retraduire dans ma langue de juriste vulgaire, j’aurais commis des contresens. * * * Mais puisque Arnaud veut bien m’offrir l’espace nécessaire, j’en pro- fite pour dire mon avis, au moins provisoire. Il est que dans cette œuvre je crains que des vérités partielles ne se prennent pour vérités totales : je me suis quelquefois laissé dire que c’était le tort du structuralisme. 1° Et sûrement, d’abord, du marxisme. A mon sens, la vision marxiste de la fonction du droit moderne n’est qu’abstraite et que fragmentaire, comme tout ce qui sort de la science ; et – dans la mesure où elle se prend pour une description totale – elle devient fausse, grossièrement caricaturale. Arnaud, comme marxiste, attribue au droit une fonction unique : servir les intérêts d’une classe. Mais peut-on définir une fin, ou une « fonction » du Code civil ? Il est très vrai que Portalis ou Napoléon furent pour une part, « objectivement », au service des classes possédantes. Je ne prends pas IV LA RÈGLE DU JEU DANS LA PAIX BOURGEOISE Portalis et ses acolytes pour de petits saints ; ni tout à fait pour des « prêtres de la justice », comme le Digeste définit les jurisconsultes. Mais la peinture des intentions (inconscientes) des auteurs du Code, me semble dans ce livre, trop poussée au noir. Trop systématique : il n’y a pas une rupture aussi radicale entre le droit « de l’époque bourgeoise », celui des sociétés anciennes, ou le nôtre propre. (Étant historien, je ne puis croire autant que les marxistes à l’histoire.) Portalis a sûrement gardé de son éducation de juriste, en quelque recoin de son cerveau, quelque sens du juste. Cette fin du juste que, dans la ligne d’Aristote et de Saint Thomas, pour notre part nous attribuons à l’activité des juristes, cette visée d’un partage juste, qui suppose la confrontation de tous les buts particuliers et de toutes les idéologies, Arnaud l’estime nébuleuse. Je crois pourtant qu’elle a nourri le meilleur et le plus durable de l’œuvre des juristes ro- mains et de leurs successeurs en Europe – et qu’elle ne fut pas même absente du texte de 1804. Le droit n’est pas le royaume de la simplicité, mais un mélange de bien et de mal, de vertu et de péché, d’intentions disparates et incohérentes. Aucun juriste ne se contente de n’être que partial, et le Code civil ne fait pas que servir les intérêts d’une classe. Il a posé effectivement, par endroits, des solutions justes. Faut-il l’avouer ? le trouve très juste que les mineurs soient en tutelle, et qu’il existe une autorité paternelle (là notre désaccord s’accroît !) que soit reconnue l’existence de « statuts » inégalitaires. Juste, quels que soient la clause au pouvoir e
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