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LES RELATIONS ENTRE LE PARLEMENT ET LA COUR DES COM PTES DANS LE CHAMP DE LA SECURITE SOCIALE ET DE LA SANTE PUBLIQUE L'expérience française 1 Alain GILLETTE «La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans l e contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens.». C’est l’article 47-2 de la Constitution française. Sa rédaction actuelle (2008) est l’aboutissement d’une longue évolution, qui s’est accélérée ces douze dernières années. C’est ainsi seulement depuis une réforme de 1996 que le contrôle de la sécurité sociale et l’assistance au Parlement en ce domaine sont mentionnés dans la Constitution. La sécurité sociale représente près du quart du produit national brut français. En 2009, elle coûte quelque 500 milliards de dollars, soit, avec 64 millions d’habitants, une moyenne de près de 8 000 dollars par an et par habitant. La Cour lui consacre une part importante de la centaine de rapports et communications désormais adressés chaque année au Parlement, et des multiples 2 auditions par ce dernier de magistrats de la Cour . Il est donc logique que le rôle du Parlement ait été renforcé en conséquence, et qu’à cet effet le Parlement ait renforcé le rôle de la Cour. Ce processus a toutefois été freiné par de multiples obstacles, et il est récent. Après un bref rappel historique (I), j’évoquerai le renforcement du rôle de la Cour dans ce secteur (II), et enfin la confirmation de son indépendance (III). I.RAPPEL HISTORIQUE : L’APRES-GUERRE En France, au lendemain de la seconde guerre mondiale, les villes et les infrastructures étaient en partie endommagées, mais pas toutes. Le tissu social, lui, était doublement fragile. D’une part, il fallait guérir les séquelles de la guerre et de l’occupation. D’autre part, la protection contre les risques sociaux et sanitaires était très imparfaite avant 1945. L’aide médicale et sociale était largement de type charitable, avec des inégalités notamment géographiques. Des caisses de sécurité sociale géraient quatre branches: maladie,  3 retraite, accidents du travail, allocations familiales , mais leur statut était privé. L’Etat n’assurait que l’immatriculation des assurés et le recouvrement de cotisations. L’essentiel 4 relevait du contrat d’assurance et non pas d’une solidarité nationale organisée par la loi . Des systèmes privés de prévoyance complémentaire s’y sont ajoutés, librement organisés, peu ou pas audités par l’Etat, et ne bénéficiant alors qu’ à une minorité de la population. Les inégalités, par exemple devant la maladie, la vieillesse ou la mortalité infantile, étaient très importantes.
L’après-guerre a bouleversé ce paysage. Un système complet de sécurité sociale a été rapidement établi, son financement étant assuré par des prélèvements obligatoires : un tiers par l’impôt, les deux-tiers par les cotisations obligatoires à la charge des employeurs et des assurés. L’aide médicale et sociale, dont je ne parlerai pas davantage ici faute de temps, a de même été généralisée, et principalement confiée aux collectivités territoriales.
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Les organisations patronales et syndicales ont reçu la responsabilité de la gouvernance des établissements publics nationaux et des caisses loc ales de sécurité sociale : ces partenaires 5 sociaux, soucieux de leur autonomie, et la Constitution de l’Etat elle-même ont longtemps tenu à distance le Parlement, dans un contexte extrêmement complexe.
Les pouvoirs du Parlement sur la sécurité sociale o nt ainsi été limités jusqu’à la période récente au vote des principes fondamentaux, et des crédits d’Etat concernés. Pendant les 50  6 ans qui ont suivi 1945 , il n’a adopté que des lois très générales, le pou voir exécutif 7 conservant la responsabilité de les préciser par dé cret . C’est un autre sujet, mais cela explique le caractère tardif du développement de ses relations avec la Cour. Et pourtant, dès 1975, le budget de la sécurité sociale dépassait celui de l’Etat.
Le niveau de protection est devenu l’un des élevés au monde, et il bénéficie à chaque résident. Mais le système souffre d’une insuffisance croissan te de financement. Son rapport coût/efficacité est resté souvent inégal. Il ne peu t répondre à toutes les aspirations. Des conflits de pouvoir entre le gouvernement, les employeurs, les syndicats, ont perduré. Les revendications des professionnels de santé se sont avivées. Ces difficultés avaient d’abord retardé la prise de pouvoir du Parlement en matière de sécurité sociale, mais elles ont fini par 8 l’imposer . De telles évolutions ne pouvaient qu’amener le Parlement à tenter de restaurer l’équilibre financier du système, et à développer le rôle de la Cour pour l’y aider. II.RENFORCEMENT DU CONTROLE PAR LA COUR DE LA SECURITE SOCIALE Le rôle de la Cour n’a été de même que très progressivement élargi, mais, il l’a finalement été de multiples manières. Elle avait été chargée de contrôler les caisses de sécurité sociale en 9 1949 . A partir de 1952, elle a rendu publics ses constats. Elle concluait déjà cette année-là qu’en matière de sécurité sociale «uun effort de clarification s'impose pour apporter a législateur les éléments d'appréciation qui lui font défaut aujourd'hui et lui permettraient de mesurer, le cas échéant, les répercussions de mesures nouvelles susceptibles d'aggraver une conjoncture devenue alarmante.» Le constat est demeuré largement inchangé pendan t quarante ans. La Cour, elle, a souligné chaque année davantage non seulement les erreurs de gestion mais aussi l’irréalisme des objectifs de dépenses, fréquemment dépassés. Mais jusqu’en 1994 elle n’a pas communiqué directem ent avec le Parlement, sauf par quelques chapitres ou pages dans son rapport public annuel. Celui a fini par en tirer des conséquences.
1.Le rapport annuel sur la loi de financement de la sécurité sociale Première étape, en 1994, le Parlement a chargé la C our de lui adresser un rapport annuel spécifique. Puis en 1996, il a voté une réforme constitutionnelle qui lui a attribué la mission 10 de voter de nouvelles lois, les « lois de financement de la sécurité sociale » . Un rapport annuel de la Cour rend désormais compte de leur exécution, un peu comme pour le budget de 11 l’Etat . Ce rapport annuel examine: -dans une première partie les comptes de la sécurité sociale, leur évolution par rapport aux objectifs ;
Colloque PNUD, Beyrouth, A. Gillette, mars 2009
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12 -en résumant une ample sériedans une seconde partie, la « » , gestion des risques d’audits. Par exemple, en 2008 : la répartition de la charge des soins entre l’assurance obligatoire, les assureurs privés et les ménages ; l’organisation de la distribution des médicaments; l’usage d’Internet pour la gestion de la facturation médicale et de dossiers médicaux individuels ; les restructurations et l’informatique des hôpitaux ; la gestion des régimes de retraite, etc. Les constats de la Cour quant au dérapage des dépenses et à l’insuffisance des recettes ont contribué en 2005 à de nouvelles dispositions législatives. Elles ont notamment renforcé la portée des lois de financement, et donc les attentes envers la Cour. Les objectifs de dépenses sont devenus un peu plus réalistes, mieux argumentés, avec un cadrage pluriannuel. Ils sont désormais fondés sur les hypothèses macroéconomiques associées à la loi de finances de l’Etat. La Cour ne manque pas de rappeler que tout cela demeure inégalement fiable. Notre premier rapport sur la loi de financement de la sécurité sociale dans son format actuel, en 1998, atteignait 1000 pages, réponses du gouvernement et des caisses comprises. Une telle masse n’est pas très opérationnelle pour un parlementaire, et la pagination a été depuis lors été réduite de moitié. Comme le suggère la caricature c i-dessous, on ne comblera pas le trou financier de la sécurité sociale en y jetant les rapports établis à son sujet, aussi volumineux soient-ils… Nous tirons des recommandations de nos constats. En 2008, le rapport annuel a ainsi transmis au Parlement et au gouvernement 58 recommandations. Elles appellent des mesures législatives, ou des décisions réglementaires du pouvoir exécutif, ou encore des décisions techniques par les organismes. Des centaines de rec ommandations concluent bien d’autres communications de la Cour. Nous en avons amélioré la précision et le réalisme au fil des ans. Le diable est ici moins dans les détails que dans l’insuffisance de la mise en œuvre de ces recommandations et de leur suivi. La Cour vérifie désormais régulièrement ce suivi.
2.Les demandes d’enquêtes La même loi organique de 1996 a disposé que les commissions parlementaires compétentes peuvent saisir la Cour, qu’il s’agisse du financeme nt en général ou du contrôle des organismes de sécurité sociale.
Colloque PNUD, Beyrouth, A. Gillette, mars 2009
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Le programme de travail inclut désormais de telles enquêtes. Elles sont appréciées même si leur diffusion est jusqu’à récemment restée parfois confidentielle, sans que tous les 13 parlementaires en reçoivent les rapports . La commission des finances de chaque assemblée peut de même, dans le cadre de l’exécution de la lo i de finances de l’Etat, demander des enquêtes. Exemples récents : sur la viabilité de certains régimes spéciaux de retraite, et sur l’indemnisation des victimes de l’amiante.
La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et celle du Sénat se sont dotées chacune depuis 2004 d’une « mission d’évaluation et de contrôle » chargée de l’évaluation permanente des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS). A l’Assemblée nationale, elle est coprésidée par un parlementaire de la majorité et un de l’opposition et des magistrats de la Cour assistent à ses séances. Des échanges pé riodiques permettant de fixer le programme des travaux qu’elle demandera à la Cour.
3.Les moyens de la Cour La Cour, dans le même temps, a progressivement renf orcé ses propres priorités en ce domaine. En 1997, lors d’une audition devant le Sénat, «M. Pierre Joxe a souligné qu'il avait pris la décision de consacrer le travail d'une chambre entière de la Cour aux problèmes de santé et de sécurité sociale. Il a estimé que la sixième chambre (…) avait vocation à devenir le correspondant du Parlement en matière de finances sociales, à l'instar de ce qui existe en Allemagne et en Grande-Bretagne. Il a insisté sur l'influence que le Parlement pourrait avoir sur le suivi des travaux ainsi que sur " l'orientation " du programme d'activités de la Cour qui demeure fixé par le premier président sur proposition des présidents des sept chambres de la 14 Cour. »Cette chambre, dont je suis le doyen, a comporte aujourd’hui 30 magistrats, 20 rapporteurs et experts non magistrats, et 10 assistants de vérification – pour contrôler le quart du PNB français. Elle n’est heureusement toutefois pas tou t à fait seule pour ces contrôles, qu’il s’agisse des caisses locales de sécurité sociale ou des hôpitaux, comme évoqué ci-après. Par ailleurs une autre chambre est compétente pour les autres secteurs sociaux : action sociale, emploi, etc.
Une particularité est que, dans une proportion significative, des magistrats de cette sixième chambre ont exercé des responsabilités managériales dans le secteur sanitaire et social. A condition d’éviter soigneusement tout risque et toute perception de conflit d’intérêts, leur maîtrise des sujets techniques compense en partie l’insuffisance numérique de leurs effectifs.
De même le dialogue entre la Cour et le Parlement a-t-il été grandement facilité par le fait que deux des récents Premiers présidents, Pierre JOXE e t Philippe SEGUIN sont à la fois magistrats de la Cour depuis le début de leur carrière, anciens députés et anciens ministres, le dernier ayant été de surcroît ministre des affaires sociales et président de l’Assemblée nationale.
4.Le contrôle des comptes des caisses nationales et locales La 6ème chambre contrôle les comptes et la gestion de tous les organismes de sécurité sociale. Elle juge les comptes des caisses nationales dotées d’un comptable public. Mais cela fait quelque 700 organismes, que nos modestes effec tifs que je vous citais à l’instant ne permettraient pas de bien contrôler.
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De 1961 à 2006, la Chambre a été assistée pour cela de comités régionaux d’examen des comptes des organismes de sécurité sociale (COREC), composés de fonctionnaires de l’Etat. Depuis 2006, les caisses nationales contrôlent elles-mêmes les comptes des caisses locales, et la Cour continue de contrôler, par sondage, la gestion de celles dont la mauvaise gestion est signalée par un mécanisme d’alerte fondé sur des in dicateurs élaborés avec les caisses nationales. Le rapport annuel précité informe le Pa rlement, comme le grand public, des résultats, souvent critiques, des contrôles effectués.
5.Le contrôle des hôpitaux Les hôpitaux publics et privés représentent à eux seuls les deux tiers des 170 milliards de dollars de dépenses annuelles d’assurance maladie. Les chambres régionales des comptes, qui constituent avec la Cour le dispositif global de ju ridictions financières, les contrôlent. Le Parlement a chargé en 2003 la Cour de recueillir les observations de ces chambres régionales sur la gestion hospitalière, puis il a renforcé en 2005 ces dispositions législatives, en 15 demandant notamment un programme triennal de contrôle .
6.La certification Le Parlement est allé plus loin encore dans ses attentes envers la Cour. En 2005, il lui a confié 16 la responsabilité de certifier les comptes de la sé curité sociale comme le ferait un commissaire aux comptes du secteur privé. Elle certifie désormais les comptes des caisses nationales elles-mêmes, d’une part ; et les comptes combinés des branches du régime général, 17 y compris les caisses locales . Ainsi est-on passé d’un dispositif typiquement français, hérité de Napoléon, à la mise en œuvre des normes internationales d’audit externe et de certification des comptes. Cette seule mission occupe à elle seule le tiers des effectifs de notre 6ème chambre, qui a été renforcée à cet effet par des experts et des consultants informatiques. Le résultat de cette initiative conjointe, la certification, des trois pouvoirs, législatif, exécutif et magistrature, est un saut qualitatif sans précédent, avec un rigoureux rappel aux normes internationales. Nous avons non seulement formulé d es réserves sur les comptes, des désaccords, des constats de limitation, mais aussi refusé de donner une opinion sur certains d’entre eux. Les dirigeants se hâtent alors généralement de rectifier leur gestion. Ainsi avons-nous obtenu en peu de temps un renforcement des con trôles et audits internes auquel nos contrôles traditionnels n’avaient de longue date pas abouti.
7.Le contrôle de la protection complémentaire Un secteur de la sécurité sociale est moins contrôlé que les régimes généraux évoqués ici : il s’agit desrégimes de retraite complémentaire obligatoireset desorganismes de protection 18 complémentaire facultative. Mais c’est un autre sujet.
8.Conseil des prélèvements obligatoires Enfin, le Parlement a institué auprès de la Cour des comptes un conseil, qui porte depuis 2005  19 le nom de « Conseil des prélèvements obligatoires » . Son rapport annuel évalue l'évolution et l'impact économiques, sociaux et budgétaires des prélèvements obligatoires, donc y compris en matière de sécurité sociale. Le Parlement peut lui demander des études.
Colloque PNUD, Beyrouth, A. Gillette, mars 2009
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III.INDEPENDANCE DE LA COUR Ce rapprochement du Parlement et de la Cour n’est pas allé sans risques pour l’indépendance 20 de celle-ci . De manière récurrente, des parlementaires demande nt à ce qu’elle leur soit rattachée. Le Conseil constitutionnel a, fort heureusement, rappelé les limites qui s’imposent : il a invalidé en 2001 une disposition législative qui aurait obligé la Cour à soumettre pour avis aux commissions des finances du parlement son programme de travail. La Cour est en effet une juridiction administrative, indépendante tant du pouvoir législatif que du pouvoir exécutif. Le Parlement a fini par amender l’an dernier la Constitution, avec l’article que je citais en préambule et qui solennise à la fois cette indépendance et le dialogue avec le parlement. Il reste aux deux assemblées à introduire dans leu rs règlements intérieurs les dispositions appropriées pour mieux organiser leur contrôle du G ouvernement. Depuis longtemps, les premiers présidents successifs de la Cour ont préco nisé l’instauration de l’équivalent du comité des comptes publics de la Chambre des communes en Grande Bretagne, sans succès à ce jour. CONCLUSION Ce bref résumé ne saurait rendre compte de l’enchevêtrement des luttes pour de multiples formes de pouvoir, ni de la complexité des évolutions de la magistrature des comptes. Les notes à la fin de cette communication fournissent q uelques pistes pour découvrir d’autres dimensions.
On peut en retenir qu’en quinze ans, le Parlement a pris une place centrale dans le pilotage financier de la sécurité sociale, et qu’il a doté l a Cour de compétences inédites dans le contrôle des opérateurs de ce secteur. Elle joue désormais un rôle quadruple d’information du Parlement, comme des citoyens au travers de ses rap ports publics, et de recommandation 21 sur : l’organisation de la sécurité sociale, l’évaluation de ses performances, et ses travers ; té, de la gestion administrative,la régularité, l’économie, l’efficience, l’efficaci financière et opérationnelle des organismes ; la qualité de leurs comptes au regard des normes internationales ; es retraites, de la famille, desles résultats des politiques d’assurance maladie, d accidents du travail, de santé publique. Pour autant, l’équilibre financier de la sécurité sociale n’est toujours pas assuré. Or, si l’Etat-providence a été fortement critiqué, nous vivons aujourd’hui une crise sans précédent du capitalisme libéral. L’insécurité sociale s’aggrave chaque jour. Une meilleure gestion de la sécurité sociale n’en est que plus essentielle pour l’équilibre de nos sociétés. Les responsabilités des parlements et des cours des comptes sont plus grandes que jamais. Comme l’indiquait le Premier président en 2005, «la Cour, consciente de la difficulté politique des réformes sociales, n’a pas pour rôle de dicter aux pouvoirs publics les solutions à retenir. Elle tire la sonnette d’alarme et apprécie les résultats positifs ou négatifs des réformes, aidant par ses recommandations à trouver le chemin de réformes plus efficaces. Mais seule l’action politique peut permettre aux ré formes courageuses mais nécessaires 22 d’être conçues, mises en œuvre et de produire les effets qui en sont attendus. »
Colloque PNUD, Beyrouth, A. Gillette, mars 2009
Post-scriptum : Le risque de duplication et de multiplication des contrôles
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Une autre leçon de l’expérience française est la né cessité de prévenir les risques de multiplication et de duplication des contrôles externes et internes. L’auteur de la caricature ci-dessous est un comptable de caisse : il montre son épuisement après avoir été contrôlé par la cour, par l’inspection générale des affaires social es (IGAS), éventuellement celle des finances, la caisse nationale, le Trésor public (TPG) et la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS). Dans la réalité, ces contrôles se complètent plus qu’ils ne se superposent. Mais l’excès d’audit »(audit fatigue), surtout quand l’audit reste stérile,est un risque qu’une commission parlementaire doit garder présent à l’esprit. Au niveau ministériel, la création d’un comité d’audit peut aider : ni trop ni trop peu de contrôles, mais qu’ils soient toujours indépendants – et suivis d’effets concrets.
Colloque PNUD, Beyrouth, A. Gillette, mars 2009
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1 Alain GILLETTE est doyen de la 6ème chambre de la Cour des comptes, chargée du secteur de la santé et de la sécurité sociale. Magistrat à la Cour depuis 1974, il a passé la moitié de sa carrière dans d’autres fonctions : villes nouvelles (1978-1981), directeur de cabinet de ministres (1981-1985), PDG de l’organisme nation al d’achats publics (1986-1994). Il a présidé une cham bre régionale des comptes (1994-1999) et dirigé l’a udit externe de l’ONU (en poste à New York, 2001-2006). Il est membre de la Commission nationale pour la transparence financière dans la vie politique en Fr ance, et effectue des missions internationales en m atière d’audit et de corruption.2  Cf. notamment Revue française des finances publiques, LA COUR DES COMPTES ET LE PARLEMENT, Paris, n°59, 1997, pages 1-173 ; LES RAPPORTS DE LA COUR DES COMPTES AU PARLEMENT, n° 99, 2007, pages 1-71. 3 Une cinquième branche est aujourd’hui en préparation, pour prendre en charge l’accompagnement sanitaire et social de la dépendance des personnes handicapées ou âgées les plus fragilisées. S’y ajoute par ailleu rs une agence de recouvrement des cotisations et son réseau territorial, dont la Cour contrôle aussi la gestion et certifie les comptes. 4 Des débats et des prises de position complexes continuent quant aux rôles respectifs de l’Etat, des employeurs et des représentants des salariés, avec des pressio ns pour privatiser « l’assurance » sociale financée par les cotisations de ces deux dernières catégories et pou r réduire le rôle de l’Etat à la « solidarité » fin ancée par l’impôt. 5  Par voie de conséquence, le Conseil constitutionnel a veillé à maintenir le Parlement dans les limites du rôle qui lui était assigné. 6  Cf. la revue REGARDS,Les parlementaires et la sécurité sociale, Ecole nationale supérieure de sécurité sociale, Saint Etienne, janvier 2005, n° 27, pages 1-58 ; juillet 2005, n° 28,Les contrôles portant sur la sécurité sociale, pages 1-96. Les deux caricatures reproduites ici en proviennent. Cf. aussi B. PALIER, Gouverner la sécurité sociale. Les réformes du système français de protection sociale,Paris,PUF,2002.Michel BORGETTO et Michel CHAUVIERE, QUI GOUVERNE LE SOCIAL ? Paris , Dalloz, 2005, chapitre de Rolande RUELLAN,Qui gouverne la sécurité sociale? (Mme RUELLAN est devenue en 2007 présidente de la 6ème Chambre évoquée dans le texte). 7 Le Parlement a fréquemment habilité le pouvoir exécutif à en décider, par voie d’ordonnances, principalement en 1945, 1967 et 1996, se contentant de les ratifier ensuite. Le Conseil constitutionnel a reconnu en 1961 aux cotisations la qualification de fonds publics. 8 En 2009, le Parlement s’apprête à adopter une nouvelle réforme du pilotage territorial de l’assurance maladie et de l’hospitalisation, avec la création d’agences régionales de santé, dont 2000 agents proviendront des caisses d’assurance maladie pour se joindre aux fonctionnai res de l’Etat. D’une manière générale, la Cour s’es t périodiquement interrogée sur l’empilement de réformes législatives de la sécurité sociale, se succédant sans assurer son équilibre financier. 9  Cf. notamment REVUE FRANCAISE DE FINANCES PUBLIQUES, 1995, n°59,La Cour des comptes et le Parlement. 10  Le Conseil constitutionnel a reconnu en 1961 aux cotisations la qualification de fonds publics, un des signes de cette évolution. La construction de l’Union européenne a été déterminante, dans la mesure où l’intervention du Parlement résulte aussi de l’obligation d’inclure les dépenses sociales et les déficits en résultan t au sein des programmes pluriannuels de stabilité communiqués à la Commission européenne. Les règles européennes en ce domaine constituent d’ailleurs une nouvelle limite apportée au pouvoir parlementaire. 11  Article L132-3 du code des juridictions financières (CJF) : «Chaque année, la Cour des comptes établit un rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Ce rapport comprend l'avis de la cour sur la cohérence des tableaux d'équilibre relatifs au dernier exercice clos présentés dans la partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comprena nt les dispositions relatives au dernier exercice c los. Ce rapport présente, en outre, une analyse de l'ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle et fait une synthèse des rapports et a vis émis par les organismes de contrôle placés sous sa surveillance. Ce rapport est remis au Parlement et au Gouvernement sitôt son arrêt par la Cour des com ptes. Les réponses faites aux observations de la Cour des comptes sont jointes au rapport.» La loi de financement est plus précise que la loi de finances de l’Etat, mais elle est moins contraignante, et dépend d’ailleurs de cette dernière pour le financement par l’impôt. 12 Risk Management.
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13  Article L132-3-1 du CJF, modifié en 2005 : «ssionsLa Cour des comptes peut être saisie, par les commi parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale, de toute question relative à l'application des lois de financement de la sécurité sociale et procède, dans ce cadre et à la demande de ces commissions, aux enquêtes sur les organismes soumis à son contrôle. Les conclusions de ces enquêtes so nt communiquées à la commission dont la demande d'enquête émane. La commission statue sur leur publication. » 14 Sénat, rapport n°73, tome IV, Financement de la sécurité sociale, audition du 14 octobre 1997. 15 Article L132-3-2 du CJF : «Dans le cadre de sa mission de contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes, sans préjudice des dispositions des articles L. 211-1 et L. 211-8, est habilitée à recueillir, en liaison avec les chambre s régionales des comptes, des informations auprès d es établissements mentionnés à l'article L. 6141-2 du code de la santé publique. Elle établit, en liaison avec les chambres régionales des comptes, un programme trisannuel des travaux à mener notamment sur l'évaluation comparative des coûts et des modes de gestion des établissements financés par l'assurance maladie. Elle en rend compte dans le rapport mentionné à l'article LO 132-3. » Mais d’une manière générale, les frontières de compétence et de financement au sein de la protection sociale ne sont pas stabilisées : c’est par exemple le cas pour la prise en charge des soins aux personnes âgé es, de plus en plus fréquents et onéreux, entre d’u ne part l’aide sociale (prestations légales et obligatoires financées par l’impôt) et l’action sociale (prestations ou interventions complémentaires ou supplétives laissées à la discrétion de personnes publiques et/ou privées avec des modes pluriels de financement) ; d’autre part l a sécurité sociale (prestations servies par des organismes spécialisés dans une logique principalement assurancielle). Or l’aide et l’action sociales relèvent avant tout des collectivités territoriales, donc du contrôle des chambres régionales des contrôles, alors que la sécurité sociale relève de la tutelle de l’Etat et du contrôle de la Cour. De même l’organisation des juridictions financières est remise en question. Il est envisagé d’intégrer les chambres régionales des comptes dans la Cour elle-même, au lieu de les maintenir à sa périphérie et sous sa gestion administrative comme depuis leur création en 1982. 16 Article LO 132-2-1 du CJF (loi n°2005-881 du 2 août 2005, art. 12) : «Chaque année, la Cour des comptes établit un rapport présentant le compte rendu des vérifications qu'elle a opérées en vue de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des organismes nationaux du régime général et des comptes combinés de chaque branche et de l'activité de recouvrement du régime général, relatifs au dernier exercice clos, établis conformément aux dispositions du livre Ier du code de la sécurité sociale. Ce rapport est remis au Parlement et au Gouvernement sitôt son arrêt par la Cour des com ptes, et au plus tard le 30 juin de l'année suivant celle afférente aux comptes concernés. » 17  Il y a d’autres régimes (agricole, travailleurs in dépendants, régimes spéciaux) que le régime général . La certification de leurs comptes est assurée par des commissaires aux comptes du secteur privé à partir de 2009; la Cour a accès à leurs travaux et en rendra compte au Parlement. 18 Il s’agit des mutuelles, des institutions de prévoyance et des sociétés d’assurance. L’affiliation est facultative au regard de la loi. Elle est individuelle ou collective : dans ce dernier cas, elle peut être obligatoire en vertu des conventions collectives. Des directives européennes sur l’assurance ont pour objectif d’imposer à tous les opérateurs de tous les pays, qu’ils soient à but lucratif ou non lucratif, des règles prudentielles identiques afin de respecter les exigences du droit de la concurrence 19 Article L351-1 du CJF : «Il est institué un Conseil des prélèvements obligatoires, placé auprès de la Cour des comptes et chargé d'apprécier l'évolution et l'impa ct économique, social et budgétaire de l'ensemble d es prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler de s recommandations sur toute question relative aux prélèvements obligatoires». Article L351-2 : «Le Conseil des prélèvements obligatoires remet chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport rendant compte de l'exécution de ses travaux. Le compte rendu des débats et les contributions personnelles de ses membres peuvent être joints au rapport. » Article L351-3 : « Le Conseil des prélèvements obligatoires peut être chargé, à la demande du Premier ministre ou d es commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat ch argées des finances ou des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires sociales, de réaliser des études relatives à toute question relevant de sa compétence. Les résultats de ces études sont transmis au Premier ministre et aux commissions». 20  La Cour se conforme aux normes professionnelles et des directives de bonne pratique pour les auditeurs du secteur public, y compris en matière d’indépendance , approuvées par l'Organisation Internationale des Institutions Supérieures de Contrôle des Finances Publiques (INTOSAI).
Colloque PNUD, Beyrouth, A. Gillette, mars 2009
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21 Dans le même temps, le rôle de l’Etat est largement passé d’une tutellea priorila gestion administrative sur au profit d’une démarche de définition d’objectifs et d’indicateurs de résultats fixés par des convent ions pluriannuelles d’objectifs et de gestion signées entre l’Etat et les caisses nationales, et incitant à développer audit interne, contrôle de la performance et la maîtrise des dépenses. Demeure toutefois un corps de contrôle général économique et financier de l’Etat (CGEFI) visanta prioricertaines décisions d’organismes nationaux.22 Philippe SEGUIN, Allocution pour le 60ème anniversaire de la sécurité sociale, 30 août 2005.
Colloque PNUD, Beyrouth, A. Gillette, mars 2009
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