Catalogue hors-série Le temps luxe - décembre 2013
80 pages
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Poids de l'ouvrage 7 Mo

Extrait

LUXE
AureAtika lasublime Enchantements d’un hiver
2
Luxe
ÉDITO
Ilétaitunefois… comme obsession, et qui espère sans doute ne jamais atteindre son Graal. (p. 4) Il y a les rêves éveillés de ces desi-gners qui rêvent demain comme on chante, et qui nous voient déjà voya-ger dans la stratosphère en ballon. (p. 8) Il y a les visions des étudiants de l’ECAL pour un luxe à venir. (p. 20) Il y a la folle équipée de ces grands enfants gâtés qui disputent la «Targa Florio», cette course mythique en Si-cile où tous les dépassements sont permis, surtout les dépassements de limite de vitesse, à bord de leur Fer-rari. (p. 24) Il y a la légende de ce monastère de Corrèze, autrefois un orphelinat, qui serait resté inconnu si l’une de ses Par Isabelle Cerboneschi pensionnaires, nommée Gabrielle Chanel, n’y avait pas été abandonnée par son père et ne s’était pas inspirée Qu’avez-vous fait de vos rêves de cette architecture cistercienne d’enfant? pour créer les codes de sa maison, qui a 100 ans cette année. (p. 28) C’est un peu brutal comme question, Il y a l’histoire de la couturière oui, je sais. Mais ce numéro tout en-Yiqing Yin, qui crée des robes tier est traversé par cette interroga-comme des carapaces immatérielles tion, alors autant plonger tout de qui l’aident à conjurer son histoire suite dans le vif du sujet. d’enfant déracinée de la manière la Le luxe, oui, bien sûr. Mais pour qui, plus poétique qui soit. (p. 42) pour quoi? Qu’est-ce qui anime ceux Il y a les désirs de ces enfants nés à la qui font? Qu’est-ce qui provoque le croisée de deux siècles, rêvant de ces désir chez ceux qui achètent ce que objets high-tech qui les font entrer les autres auront fait? Qu’est-ce qui dans le futur, tout en les maintenant émeut ceux qui admirent ce qui aura dans l’illusion du passé. (p. 44) été fait, parce que l’acte d’achat n’est Il y a le conte de cette robe qui aurait pas une fin en soi? appartenu – le saura-t-on jamais? – à Mata Hari, passée entre des mains On peut être l’artisan le plus talen-diverses pour arriver enfin entre cel-tueux de tous les temps, si une créa-les d’une princesse qui en a fait sa tion ne parvient pas à toucher l’âme robe de mariée. (p. 46) de l’enfant qui sommeille à l’inté-Il y a les histoires, toutes les histoires rieur des hommes et des femmes de racontées par les parfums qui sen-ce temps, à quoi bon? On peut jouir tent l’encre et évoquent des person-de toute la fortune du monde, si l’on nages ayant existé, ou pas, quelle im-n’a plus de rêve, si plus rien ne relève portance? (p. 50) de l’inaccessible, à quoi cela sert-il? Il y a la trajectoire de Duff Goldman, «Avec les clients fortunés, il n’est pas ce sculpteur devenu pâtissier, question de parler d’argent, il faut qui réalise les rêves plus grands juste les faire rêver», confie Geoffroy que nature des grands enfants de Ader, l’expert horloger de Sotheby’s Los Angeles. (p. 54) (p. 18). Il a dit cela dans un contexte Il y a ce musée des arts forains où l’on particulier: il était question de ces peut s’adonner à l’oubli de soi, pren-montres qui réveillent les passions dre l’enfant que l’on a été par la main enfantines, ces «toys for boys» qui et abandonner les fardeaux de la donnent à celui qui les achète le sen-vraie vie à l’entrée. (p. 58) timent de s’approprier une portion Il y a l’histoire du rhum, boisson de du pouvoir d’un héros, d’un Felix pauvres hères et de marins jusqu’à la Baumgartner, d’un James Bond, d’un fin du XIXe siècle, et qui est en train Cousteaude supplanter le whisky sur les gran-Mais fortune ou pas, le rêve est le des tables. (p. 60) seul moteur de ce numéro. Ses pages Il y a le beau destin de ce quarante-sont autant d’invitations à la rêverie, naire savoyard, qui est parti à Paris et une suite d’aspirations et de fantas- en est revenu afin de transformer de mes. On y découvre des histoires in- ses mains une vieille ferme en chalet solites, des destins extraordinaires, de ses rêves, où le mot luxe se su-et pourtant bien réels. surre. Un acte fondateur qui lui a permis de réparer sa propre histoire Il y a, par exemple, l’histoire de ce et se réinventer. (p. 62). grand marchand de joaillerie new-yorkais, le plus respecté du milieu, Il y a des rêves, des histoires. Lee Siegelson, qui a la perfection Il était tellement de fois…
Portfolio 1Portrait of a Lady Guest starAure Atika RéalisationIsabelle Cerboneschi Photographies et stylisme Buonomo & Cometti Make-upRégine Bedot,agence Marie-France Thavonekham CoiffureStéphane Bodin,agence Marie-France Thavonekham AssistantRobert Liptak
SOMMAIRE
18Toys for boys 24Targa Florio 28Aux sources de Chanel 60
Le Temps l Mercredi 4 décembre 2013
Chasseur de trésors 4 Rencontre avec Lee Siegelson, le plus grand marchand de pierres précieuses et de joyaux anciens. Par Isabelle Cerboneschi Au-delà du réel 8 Des objets qui n’existent pas, mais qui font déjà rêver. Par Emmanuel Grandjean Portfolio 10 Portrait of a Lady avec Aure Atika Réalisation: Isabelle Cerboneschi Photographies et stylisme: Buonomo & Cometti Toys for boys 18 Ces montres qui sont l’objet des passions masculines. Par Vincent Daveau et Isabelle Cerboneschi A l’école du luxe 20 Cinq diplômés de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne livrent leur vision sur les métiers du secteur. Par Emmanuel Grandjean Le clan des Siciliens 24 Récit, au volant d’une Ferrari, de l’hommage du Cheval cabré à la plus vieille course automobile du monde. Par Pierre Chambonnet Aubazine, là où tout a commencé 28 Comment l’architecture cistercienne a inspiré les codes de la maison Chanel. Reportage. Par Isabelle Cerboneschi Portfolio 33 Fées d’hiver Réalisation, photographies et stylisme: Buonomo & Cometti Yiqinq Yin, à fleur d’âme 42 La couturière raconte des histoires non pas avec des mots, mais avec des plis et des drapés. Interview exclusive. Par Isabelle Cerboneschi Retour vers le futur 44 Sélection de produits high-tech au look discret, avec une touche «vintage» en plus. Par Mehdi Atmani Conte d’hiver 46 Un siècle pour épouser un prince. Les confidences d’une robe de dentelle blanche qui aurait appartenu à Mata Hari. Par Isabelle Cerboneschi Le parfum au fil des pages 50 Comment mettre romans et écrivains en flacons. Par Valérie D’Hérin Duff Goldman, sculpteur sur glaçage 54 Rencontre avec le roi de la pâtisserie outre-Atlantique. Par Catherine Cochard Le manège enchanteur 58 A la découverte d’un univers onirique en plein Paris. Par Eva Bensard Tous les chemins mènent au rhum 60 Plongée dans l’univers aromatique de l’alcool tropical. Par Manuella Magnin Ecrin rupestre 62 La ferme d’alpage qui se rêvait chalet de luxe. Par Géraldine Schönenberg Cadeaux 65 Chics planètes Par Emmanuel Grandjean. Illustrations: Xénia Laffely
L’actrice Aure Atika porte une bague On attend également la sortie deIris van Herpen haute couture. haute joaillerie en or blanc ornéeRebecca Gomez Colliersur France 2. haute joaillerie «Rayons d’une émeraude forme coussin C’est après avoir vu son interpréta- précieux» en saphirs jaunes, grenats taillée «takhti» de 26,54 carats tion de la reine Isabelle de France, Mandarin et diamants de la collec-sertie de rubis forme cabochon et dans la mini-sérieUn Monde sans fin «Pierres de Caractère Varia-, tion pavée de diamants et bracelet en or produite par Ridley Scott, que nous tions»,Van Cleef & Arpels rose et opale serti d’améthystes avons eu envie de lui demander Lary: robe longue brodée, bracelets (333,45 carats), d’émeraudes, de d’incarner ces femmes dans toute la manchettes et escarpins de la rubellites et pavé de diamants. Le puissance de leur féminité. collection automne-hiver 2013-toutluagir.BElle illumine de sa beauté notre 2014Armani Privé portfolio «Portrait of a Lady». La belle actriceAure Atikanous aI. Ce. fait l’honneur de poser pour notre portfolio en page10. On pourra la découvrir sur les écrans le 18 décembre, dansNesma, un film tunisien d’Homeida Behi. Portfolio 2Fées d’hiver On la verra également dans Réalisation, photographies et Deux temps trois mouvementsde stylismeBuonomo & Cometti Christophe Cousin en janvier 2014, Make-up et coiffure et dansAvis de mistral, de Mina Matsumura Rose Bosch. MannequinsNika Cole Elle tourne actuellement le film IMG Models, ParisLary Arcanjo Papa was not a Rolling Stone Next Models Management, Paris de Sylvie Ohayon, produit AssistantRobbie Liptak par Pathé, et la saison 2 desmoHsem de l’ombre robe en silicone découpée au Nika:, une série télévisée sur les coulisses du pouvoir français, laser, collection «Beyond Wilder-qui sera diffusée sur France 2. ness» automne-hiver 2013-2014
Editeur Le Temps SA Place Cornavin 3 CH – 1201 Genève Président du conseil dadministration Stéphane Garelli Directrice générale Valérie Boagno Rédacteur en chef Pierre Veya Rédactrice en chef déléguée aux hors-séries Isabelle Cerboneschi Rédacteurs Mehdi Atmani Eva Bensard Pierre Chambonnet Catherine Cochard Vincent Daveau Valérie d’Hérin Emmanuel Grandjean Manuella Magnin Géraldine Schönenberg Assistante de production Géraldine Schönenberg Traduction Dominique Rossborough Photographies Véronique Botteron Buonomo & Cometti Pierre Chambonnet Sylvie Roche
Illustratrice Xénia Laffely Responsable production Nicolas Gressot Réalisation, graphisme, photolitho Cyril Domon Christine Immelé Mathieu de Montmollin Correction Samira Payot Conception maquette Bontron & Co SA Internet www.letemps.ch Michel Danthe Courrier Case postale 2570 CH – 1211 Genève 2 Tél. +41-22-888 58 58 Fax+41-22-888 58 59 Publicité Le Temps Media Case postale 2564 CH – 1211 Genève 2 Tél. +41-22-888 59 00 Fax+41-22-888 59 01 Directrice: Marianna di Rocco Impression IRL plus SA
La rédaction décline toute responsabilité envers les manuscrits et les photos non commandés ou non sollicités. Tous les droits sont réservés. Toute réimpression, toute copie de texte ou d’annonce ainsi que toute utilisation sur des supports optiques ou électroniques est soumise à l’approbation préalable de la rédaction. L’exploitation intégrale ou partielle des annonces par des tiers non autorisés, notamment sur des services en ligne, est expressément interdite. ISSN: 1423-3967
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HAUTE JOAILLERIE
LEESIEGELSON, chasseurdetrésors Il est le plus respecté de tous les marchands de pierres précieuses et de haute joaillerie. Lee Siegelson ne se contente pas de collectionner les plus grands noms de la joaillerie. Il est en quête des plus belles pièces, celles qui ont marqué un tournant dans l’histoire des maisons. Rencontre.Par Isabelle CerboneschiPARIS
e nom de Siegelson est un relève de l’acquis plus que de l’in- que. Le prix n’est pas un critère signe de reconnaissance née. La maison existe depuis envi- déterminant, ce qui est paradoxal discret dans le monde de ron cent ans à New York et Lee chez un marchand. Lee Siegelson L la haute joaillerie. Il y a Siegelson représente la troisième parle de ses bijoux comme le fe-ceux qui savent, et les génération. «J’ai commencé à tra- rait un conteur et on se laisse em-autres. Mais ceux qui le vailler en 1992, mon père est dé- porter par ses histoires. connaissent s’accordent tous à cédé en 1994 et j’ai repris la tête de Si les joyaux l’entourent, lui-dire que Lee Siegelson est actuel- l’entreprise à ce moment-là. Je n’y même n’en porte pas. Pas même lement le plus grand marchand connaissais rien. Depuis, j’ai forgé une montre: «Je suis banalement de pierres précieuses et de joyaux ma propre voie, trouvé mon che- l’archétype du joaillier qui n’est anciens. min, achetant ce qui me plaît.» pas capable de faire réparer sa Il est né au milieu des bijoux et Des bijoux où règne l’équilibre en montre, ou qui la laisse dans son des pierres, mais cela n’a jamais toute chose, l’alliance parfaite en- tiroir parce que le bracelet est été un vaccin contre le manque de tre le design et la réalisation, l’adé- cassé, bref, je suis sujet aux mêmes goût. Son goût, il l’a façonné. Il quation des pierres et de la techni- problèmes que tout le monde.»
Le Temps l Mercredi 4 décembre 2013
Tout le monde, peut-être pas. IlLee Siegelson:«Ce qui compte, n’est pas donné à tout le mondelorsque vous tenez un bijou, que vous d’apercevoir ne serait-ce qu’unele soulevez et le regardez, c’est l’émo-fois dans sa vie un collier ayanttion. Vous bouleverse-t-il ou pas? appartenu à la duchesse deLe porteriez-vous? Aimeriez-vous le Windsor, d’acquérir la bague enposséder? Là est toute la question…» cristal de roche sertie d’un dia-mant que Suzanne Belperron avait dessinée pour elle-même, d’avoir possédé la Rose Vander-bilt, merveilleuse broche histori-que ayant appartenu à Mathilde Bonaparte. > Suite en page 6
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> Suite de la page 4 Le Temps: Votre travail est une chasse au trésor. Que chassez-vous? Lee Siegelson:Quel que soit son domaine de prédilection, un collectionneur doit se donner les moyens d’acheter ce qu’il consi-dère comme être le meilleur sur le marché. Le caractère unique d’une pièce, sa perfection, voilà ce que je recherche. Sachant que c’est une notion subjective. J’es-saie de trouver les plus beaux bijoux que des maisons comme Cartier, Van Cleef & Arpels, Bou-cheron, Bulgari ont pu créer au fil du temps. Des pièces signées de grands designers, des joyaux qui ont marqué un tournant dans l’histoire de ces sociétés, qui ont rompu avec les traditions. Prenez un bijou de Suzanne Belperron, par exemple. Son style était sa signature. Aujourd’hui, tout le monde adore, mais on oublie qu’à l’époque certains trouvaient son travail révoltant. Seuls quel-ques initiés, des collectionneurs comme la duchesse de Windsor, ou Daisy Fellowes notamment, ont compris son travail. La for-tune et le goût ne vont pas tou-jours de pair. Elles, elles avaient les deux. Comment reconnaît-on une pièce qui a le potentiel de marquer un tournant dans l’histoire de la haute joaillerie? Celles qui ont été créées sans aucun compromis, comme n’im-porte quel chef-d’œuvre. On se trouve face à la forme la plus pure que l’on ait pu imaginer. Tout est intentionnel, aucune erreur n’a
Bracelet art moderne en argent et orCartier, 1930.
été commis l’objet, plus pourquoi le cette sélecti pierres, pou joaillier l’a f niveau-là d souhaite ac pas d’autre n’est pas un toutes mes niveau, qu’e lions ou des Prenez cett (ci-dessous) les années 3 pas sertie, v sance du de pourrait av aujourdhui passe le test du temps. Si je comprends bien votre démar-che, les bijoux que vous exposez ne disent pas «je coûte cher» mais «je suis beau», tout simplement? Exactement. C’est en cela que mon approche est différente. En ce qui concerne les bijoux an-ciens, les acheteurs aimeraient posséder une formule magique afin de savoir ce qui doit être acheté ou pas. Ainsi, ils pour-raient décider, par exemple, de n’acquérir que des pièces signées Cartier dans les années 1920-1930. Or, même si la créativité de la maison à cette époque fut extraordinaire, il est des pièces, si je ne vous dis pas qui les a faites, que vous ne regarderiez même pas. Quels critères retenez-vous alors? Ce qu’il faut retenir, ce sont des bijoux où se conjuguent à la fois un design extraordinaire, un
Collier Art déco en émeraudes gravées, saphirs et diamants, Cartier Paris, 1925,en provenance de la collection Lillian S. Timken. Cartier à New York, par exemple, mais elles n’étaient pas compara-merveilleux savoir-faire – les bles à celles fabriquées chez solutions techniques trouvées Cartier à Paris. pour articuler la pièce, pour la sertir – et un parfait sens desLors de la dernière Biennale des proportions. La proportion estantiquaires, à Paris, l’an passé, essentielle. L’émotion aussi. Avous avez pourtant dédié une cette époque, les joailliers tra-vitrine entière au joaillier américain vaillaient main dans la main avecPaul Flato. les designers. Ils formaient de Cet exemple est parlant. Regar-véritables équipes en quête de dez ce bijou (photo p. 7 en bas), perfection, à la fois dans les pro- je pense que c’est l’une des pièces portions et dans la sensibilité. Ils les plus importantes du design ont un attrait particulier. On se américain du XXe siècle. Elle rend compte qu’elles transgres- incarne Hollywood. Elle a été sent les règles de la bijouterie de conçue pour Linda Porter, la notre temps, les proportions sont femme de Cole Porter. Paul Flato différentes, mais de manière était surnommé «le joaillier des intangible. C’est là que résidait le stars». Dans les années 1935 à génie français de l’époque. L’arti- 1940, toutes les stars achetaient san et son sens des proportions des bijoux avec sa signature. Elles ont donné son âme à la pièce. Ce sortaient en société, arborant sont des valeurs sous-estimées; leurs propres parures, se fai-aujourd’hui, au lieu de vous saient photographier en les parler d’émotion, on vous expli- achetant, elles les aimaient telle-que combien de temps il a fallu à ment qu’elles les portaient sur les
Bague en platine sertie d’un diamant Golconda de 33,03 carats. Siegelson.
Le Temps l Mercredi 4 décembre 2013
plateaux de tournage. De nos jours, les stars sur les tapis rou-ges portent des bijoux qui ne leur appartiennent pas. Elles ne les portent pas parce qu’elles les aiment, mais parce qu’on les a payées pour cela, ou parce qu’on les leur a prêtés. Contrairement aux actrices du temps de Paul Flato qui savaient que leur collec-tion allait être auscultée, scrutée, commentée, et qui adoraient les porter. En parlant d’actrice qui aimait ses bijoux, étiez-vous présent à la vente aux enchères de ceux d’Eliza-beth Taylor en décembre 2011? Oui, j’y étais. Cette vente était un événement. Elizabeth Taylor avait collectionné et amassé tellement de joyaux! Elle vivait une histoire d’amour avec ses bijoux. Les lots sont partis à des prix exorbitants. Je dois avouer que les années 1960-1970 ne sont pas ma pé-riode favorite en joaillerie. Pour moi, ce qui compte avant tout, c’est le design. La provenance vient en second. Bulgari a racheté des pièces, comme l’a fait Cartier. Pour ces maisons, c’était aussi une manière de prouver à leurs clients que le bijou qu’ils achè-tent aujourd’hui passera le test du temps, comme toutes les autres pièces de la maison avant elles. Mais dans 50 ans, les joyaux créés aujourd’hui auront-ils leur place dans les salons, les ventes aux enchères? Toute prédiction est délicate… On peut ne pas être du métier et comprendre que l’on se trouve devant une pièce exceptionnelle, lorsque cela nous arrive. Oui, on le ressent. Regardez ce collier (ci-dessous), il ne s’agit que de trois grosses pierres. Son histoire a commencé quand quelqu’un les a posées sur une table et a décidé de placer celle-là ici, cette autre là, et la dernière comme ça. Même si je passais une journée entière à chercher une autre configuration, je sais que je ne trouverais pas. C’est comme un chef-d’œuvre d’architecture. Je vous montre cette pièce, car il s’agit d’un simple collier avec trois pierres, mais la composition est élégante, la forme des pierres est magnifique, leur couleur est puissante, la proportion est har-monieuse, l’exécution est par-faite. Or de nos jours, certaines personnes sont prêtes à dépenser des millions pour une pièce qui viole ces principes. Pourtant, même quand on achète un bijou pour sa valeur d’investissement, au final, celui-ci devra bien être porté. Si une pierre de valeur peut indiquer le niveau du compte en banque de son propriétaire, elle ne dit rien de son goût, de son style ou de son élégance.
Sautoir Art déco aigues-marines, saphirs et diamants, Cartier Londres 1929.
Le Temps l Mercredi 4 décembre 2013
Votre compagnie existe depuis une centaine d’années. Autrefois, les maisons comme Cartier ou Bulgari, par exemple, ne rachetaient pas leurs propres créations pour enri-chir leur collection privée. C’est un phénomène nouveau, et une nou-velle forme de concurrence. Le marché est-il devenu plus difficile? Parfois nous recherchons les mêmes choses, parfois non. Ce qui est passionnant avec Cartier, c’est qu’ils ont réussi à bâtir la meilleure collection possible. Cette maison, plus qu’aucune autre, est parvenue à retracer son histoire à travers des pièces ex-ceptionnelles, mais bien précises. Ils comblent les manques petit à petit, au fil du temps. Il leur arrive de refuser une pièce magnifique parce que cela ne correspond pas à leur priorité. Laissant aux mar-chands comme moi une superbe opportunité d’achat. Vous est-il arrivé de regretter d’avoir vendu un bijou? Oui, une pièce en particulier… Il m’est aussi arrivé de regretter un bijou parce que j’aimais l’admirer ou parce que j’étais fier de posséder cette pièce rare et d’avoir la chance de l’exposer. Mais avant tout, je suis un marchand de pierres et de joaillerie, je ne suis pas un musée. Vendre, c’est mon métier. Vous parlez d’un bijou en particu-lier. Puis-je vous demander lequel? La Rose Vanderbilt. Une broche en diamants que Theodore Fester avait créée en 1855 pour la prin-cesse Mathilde Bonaparte. La collection de cette dernière est réapparue sur le marché en 1902. Cette broche en forme de rose, presque de la taille d’une main, est sertie de diamants taille rose provenant d’une ancienne mine du Brésil. Au XIXe siècle, des fleurs, tous les joailliers en fai-saient. Mais, à mes yeux, celle-ci est la plus belle jamais créée. C’est une pièce qui devrait être au Louvre. J’aurais dû la racheter. Ce n’est qu’après m’en être séparé que j’ai réalisé ce qu’elle représentait… Existe-t-il un joaillier contemporain dont les créations aient ce pouvoir de «passer le test du temps», comme vous dites? Oui, Joël Rosenthal (lire ci-contre). Peu importe que vous aimiez chacune de ses créations. Il y a dans ses bijoux une telle sensibilité! Je sais que nous conti-nuerons à les regarder dans 50 ans. La première fois que j’ai rencontré Joël Rosenthal, j’avais 24 ans: je lui ai serré la main, il m’a dit qui il était et m’a invité à venir le rencontrer, je ne savais même pas à qui j’avais affaire. J’ai sonné à sa porte et quand il m’a reçu, il a déposé quelque chose
Collier en forme de ceinture pavé d’aigues-marines et de rubis, dessiné par le duc Fulco di Verdura pour Paul Flato, New York, 1935.
entre mes mains. Là, immédiate-ment, j’ai été frappé par l’esthéti-que hors du commun de cet objet. C’est de loin l’homme qui a le plus influencé les créateurs contemporains. De tous les bijoux qui sont passés entre vos mains, y en a-t-il un qui ait provoqué une émotion particulière? En 1960, la collection d’une héri-tière américaine, Lillian S. Tim-ken, a été mise en vente par Parke-Bernet (la galerie a été rachetée en 1964 par Sotheby’s, ndlr). Cette femme possédait ce que j’ai toujours considéré comme la plus belle collection de bijoux Art déco qui soit. En consultant le catalogue original de cette vente, page après page, que ce soient des bijoux de Cartier, de Chaumet, de Van Cleef & Arpels, de Boucheron, ou des pierres elles-mêmes, j’étais confronté à tout ce que je recher-chais, tout ce dont je rêvais en termes d’esthétisme. Un collier, en particulier, avait attiré mon attention. J’en avais même utilisé la photo comme fond d’écran. Il faisait partie de ma vie quoti-dienne. Puis, un jour, quelqu’un m’a contacté pour me dire qu’il avait un collier Cartier à me mon-trer. Il est venu avec une simple diapositive. Dès que j’ai mis l’image devant la lumière, j’ai vu qu’il s’agissait du collier de mon fond d’écran. Je l’ai acheté sans même demander à voir le bijou original. J’avais évidemment une grande confiance en la personne qui me le présentait. Pour moi, ce collier représente le meilleur de cette période. Toutes les maisons ont été influencées par les pays où elles étaient implantées, Cartier a merveilleusement su s’imprégner de la culture indienne et l’incor-porer dans une esthétique fran-çaise. Quelles qualités un bijou doit-il posséder pour vous émouvoir? Un bijou peut avoir la bonne provenance, avoir été fabriqué par un artiste connu, la technique peut être intéressante, le maté-riau peut avoir été utilisé de manière originale, mais, au final, il peut tout simplement ne pas être beau! C’est pour cela qu’il n’existe pas de formule magique. Ce qui compte, lorsque vous tenez la pièce, que vous la soule-vez et la regardez, c’est l’émotion. Ce bijou vous bouleverse-t-il ou pas? Le porteriez-vous? Aimeriez-vous le posséder? Là est toute la questionRetranscription et traduction: Dominique Rossborough
Le MET
Luxe
accueille les joyaux de JAR
L’homme est né dans le pierre jusqu’à la femme qui por-Bronx, mais a su en sortir. Il a tera le bijou. étudié l’histoire de l’art et la phi- Une fois à l’intérieur, c’est ici, losophie à Harvard, puis en dans une petite pièce sombre, 1966 est arrivé à Paris. C’est là que l’on découvre l’art de JAR. qu’il a rencontré son alter ego, Le maître de maison ne sup-Pierre Jeannet, avec qui il a porte guère les commentaires, écumé les antiquaires, les mu- surtout s’ils sont élogieux. Alors sées, les galeries d’art et ouvert on regarde en silence. Joël Ro-sa première boutique de brode- senthal est un peintre dont les rie rue de l’Université. Mais multiples touches de couleurs peindre des fleurs sur des cane- seraient des pierres précieuses vas ne lui suffisait pas: il voulait ou fines. Ses roses semblent les dessiner avec des pierres avoir éclos, là, juste sous nos précieuses. La boutique n’aura yeux, ses papillons vont sans vécu que onze mois. doute s’envoler si l’on n’y prend En 1976, Joël Rosenthal re- garde. La nature sous ses doigts tourne à New York où il travaille est à la fois magnifiée et respec-pour Bulgari. Mais il revient à tée pour ce qu’elle a de plus ma-Paris en 1978 avec une seule gique. Aucune matière ne lui fait idée en tête: ouvrir sa propre peur. Il a réintroduit l’argent maison sous ses initiales: JAR. Il noirci dans la haute joaillerie, il s’installe place Vendôme. La use du platine ou de l’aluminium particularité de sa boutique, indifféremment. c’est qu’on doit la connaître C’est la première fois que le pour la reconnaître. Pas de bi- Met accueille un designer de Joël Arthur Rosenthal est le en vitrine. Pas d’enseigne. haute joaillerie vivant. Au total:joailliers de notre époque. Deux joux joaillier le plus influent et le plusconsonnes et une voyelle que Rien. Il faut sonner et si l’on a la pièces sont présentées. Un 400 discret qui soit. Le Metropoli-tous les collectionneurs et les d’être reconnu, on peut chance à la hauteur du talent événement tan Museum of Art lui dédie ce magicien des couleurs. Quant à pouvoir acheter depassionnés de haute joaillerie entrer.I. Ce. une exposition. Un événement.prononcent comme s’il s’agis- une pièce, c’est encore une sait d’un code secret leur per- autre aventure. Joël RosenthalJewels by Jar,roetMnatilop JAR, trois lettres seulement mettant de reconnaître les ini- est l’homme le plus libre du Museum of Art, New York, pour celui qui est considéré tiés. JAR pour Joël Arthur monde. Il s’est offert le luxe de jusqu’au 9 mars 2014. comme le plus grand des Rosenthal. choisir depuis la premièrewww.oumrget.msemu
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Luxe
> En ballon au-dessus du monde
Contempler la planète bleue depuis la stratosphère. Et fuir dans l’espace intersidéral notre quotidien parfois sidérant. C’est lespace tripque propose une start-up de l’Arizona. World View promet d’embarquer dans trois ans ses premiers passagers à bord d’un caisson panoramique accroché à un gigantesque ballon rempli d’hélium. L’as-censeur des étoiles s’arrêtera à 30 kilomètres au-dessus de la Terre, soit deux fois plus haut que le plus élevé des vols commerciaux. Le voyage aller prendra une heure et demie, le retour sur le plancher des vaches, entre vingt et quarante minutes. Une évasion brève mais totale à un prix quasi d’ami: 75 000 dollars. www.worldviewexperience.com
FUTUR Au-delàduréel
Le Temps l Mercredi 4 décembre 2013
Ils n’existent pas encore, mais font déjà rêver. Voici trois véhicules inspirés par la science et la fiction pour s’évader vers le futur, sur terre, dans l’air où à la surface des mers. Le luxe de demain.Par Emmanuel Grandjean
> En super-yacht à la surface de l’océan
Le mariage improbable entre du microplancton et un squale géant? Un Nautilus revisité, à la fois fuselé comme un bolide des mers et blindé comme la barrière de corail? Les su-per-yachts imaginés par Zaha Hadid empruntent à tout cela: à l’océan, à la vitesse et à l’imaginaire de Jules Verne. Créée pour l’armateur alle-mand Blohm + Voss, cette collection de cinq bateaux baptisée «Unique Circle» porte la griffe de l’architecte anglo-irakienne. Un style typique qui assume son goût pour les lignes or-ganiques, les looks d’ovni futuriste et cette esthétique d’archiluxe parfois critiquable. Destinée aux très gros-ses fortunes, cette flotte complète-ment personnalisable prendra la mer d’ici à deux ans. L’architecture navale élevée au rang des beaux-arts. www.blohmvossyachts.com
> En voiture-lumière sur les routes du futur Ross Lovegrove imagine le futur. C’est son boulot de designer vision-naire. Sa première collaboration avec le fabricant automobile Renault débouche donc sur un véhicule probable, mais pas impossible. Le constructeur français, qui vise le marché des véhicules électriques a laissé au Britannique le soin de customiser sa Twin’z. Lovergrove en a fait une voiture-lumière, dont l’intérieur et l’extérieur brillent comme ces poissons des hauts fonds. Unconcept carludique et artistique dont la couleur bleu intense rappelle celle du peintre Yves Klein et ses enjoliveurs végétaux qu’une auto zéro pétrole roule pour la nature. www.rosslovegrove.com/renault
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