INSEE : Évaluation des politiques de santé - pour une prise en compte équitable des intérêts des populations
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Deux méthodes sont généralement envisagées pour l’évaluation des politiques de santé.
L’approche coût-bénéfice s’appuie sur la somme des consentements individuels à payer: elle respecte les préférences individuelles mais elle donne une priorité aux préférences des plus riches car leurs consentements à payer sont en général plus élevés. L’approche coût-efficacité sélectionne les politiques assurant le gain le plus élevé en matière de santé globale, à coût total donné. Elle n’avantage pas les individus à revenu élevé, mais elle peut avoir d’autres effets indésirables : par exemple favoriser le traitement d’une affection bénigne qui profitera au plus grand nombre par rapport à une affection grave touchant peu de personnes.

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Publié le 16 mai 2013
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Langue Français
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Extrait

SANTÉ
Évaluation des politiques de santé :
pour une prise en compte équitable
des intérêts des populations
Marc Fleurbaey *, Stéphane Luchini **, Erik Schokkaert ***,
Carine Van de Voorde ****
Deux méthodes sont généralement envisagées pour l’évaluation des politiques de santé.
L’approche coût-bénéfce s’appuie sur la somme des consentements individuels à payer :
elle respecte les préférences individuelles mais elle donne une priorité aux préférences
des plus riches car leurs consentements à payer sont en général plus élevés. L’approche
coût-effcacité sélectionne les politiques assurant le gain le plus élevé en matière de
santé globale, à coût total donné. Elle n’avantage pas les individus à revenu élevé, mais
elle peut avoir d’autres effets indésirables : par exemple favoriser le traitement d’une
affection bénigne qui proftera au plus grand nombre par rapport à une affection grave
touchant peu de personnes.
Une variante de l’analyse coût-bénéfce évite ces différents écueils. Elle consiste à pon -
dérer les consentements à payer par des coeffcients qui varient en sens inverse d’un
indicateur de bien-être individuel combinant revenu et état de santé. L’indicateur choisi
est le revenu équivalent santé : il s’agit du revenu effectif de l’individu diminué du mon-
tant auquel il serait prêt à renoncer pour être en parfaite santé. A revenu donné, il décroit
donc quand la santé se détériore. Contrairement à des indices d’utilité subjective, il a
l’avantage de ne s’appuyer que sur les préférences ordinales des individus.
Cette approche est mise en œuvre à l’aide d’une enquête conduite sur un échantillon
représentatif de la population française. Compte tenu de leurs contraintes fnancières, les
personnes à bas revenu accordent moins d’importance relative à leur état de santé. Mais
les coeffcients obtenus permettent néanmoins de surpondérer les individus les moins
favorisés cumulant faible revenu, mauvaise santé et forte préférence pour l’amélioration
de cette santé. Ces coeffcients sont ensuite mobilisables pour l’évaluation de toute poli -
tique pour laquelle on connaitrait les consentements individuels à payer.
* Princeton University, ** CNRS, Université de la Méditerranée, *** CORE, Université de Louvain-la-Neuve et Katholieke Universiteit
Leuven, **** Katholieke Universiteit Leuven.
Ces travaux ont été réalisés avec le soutien de la Chaire Santé, placée sous l’égide de la Fondation Du Risque (FDR) en partenariat avec
PSL, Université Paris-Dauphine, l’ENSAE et la MGEN. Nous remercions des rapporteurs anonymes ainsi que Brigitte Dormont et Chantal
Cases pour leurs très utiles commentaires et suggestions.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 455-456, 2012 11es pratiques d’évaluation en matière de Une approche qui respecte les préférences est Lpolitique publique de santé oscillent régu- celle du revenu équivalent (décrite en détail dans
lièrement entre deux extrêmes. D’un côté, Fleurbaey (2009), (2011)). Elle a été en particu-
l’analyse coût-bénéfce traditionnelle suscite lier appliquée à l’évaluation des niveaux de vie
la méfance en raison de l’usage qu’elle fait par Fleurbaey et Gaulier (2009). Son applica-
de l’étalon monétaire et en raison d’une ten- tion dans le contexte de la santé est particuliè-
dance naturelle à favoriser ceux qui, du fait de rement intuitive (Fleurbaey, 2005). Le concept
leur richesse, ont d’importants consentements en est non seulement attractif d’un point de vue
à payer. Elle est d’ailleurs peu utilisée dans le théorique, mais il peut être mis en œuvre dans
domaine de la santé. À l’opposé, l’analyse coût- le cadre de l’analyse coût-bénéfce. Les préfé -
effcacité , qui ne met en œuvre que des mesures rences de la population française en termes de
de résultats en matière de santé pour un euro santé et de niveau de vie ont été estimées au
dépensé, a l’inconvénient de ne pas éclairer moyen d’une enquête spécialement réalisée à
les arbitrages entre dépenses de santé et autres cet effet. On dérive ensuite de telles données
dépenses – les mesures de résultats qu’elle une évaluation du revenu équivalent santé par
utilise faisant tout autant que l’analyse coût- classes d’âge et sexe ainsi que des coeffcients
bénéfce l’objet de controverses. L’expérience de pondération qui permettent d’intégrer les
inégalité de niveau de vie et de santé dans l’éva-célèbre et malheureuse des QALYs en Oregon
luation des politiques de santé. Ces coeffcients a montré qu’une approche trop agrégative des
de pondération peuvent être utilisés dans toute résultats de santé pouvait s’avérer grossière-
1 évaluation économique des réformes de santé ment inéquitable (Hadorn, 1991) .
en France, en les combinant à une mesure éco-
nomique des bénéfces tirés des réformes envi -Il existe comme nous le verrons des méthodes
sagées, sous la forme de consentements à payer. d’évaluation équitable qui permettent d’échap-
per en partie à ces diffcultés. Ces méthodes
présentent en conséquence deux avantages
importants : 1) la possibilité d’introduire une Revenu équivalent et coeffcients priorité pour ceux qui sont objectivement les
de pondérationplus défavorisés ; 2) le respect des préférences
individuelles aussi bien en matière de santé
qu’en matière d’arbitrage entre santé et autres es limitations auxquelles se heurtent les
biens. L’idée de donner une plus grande priorité Lapproches classiques en matière d’évalua-
aux plus défavorisés est une idée commune et tion économique des programmes de santé (ana-
qui a été particulièrement mise en avant dans lyse coût-bénéfce classique et analyse coût-
les débats sur la justice sociale suscités par effcacité) peuvent être levées par l’introduction
l’œuvre du philosophe John Rawls. Quant au de coeffcients de pondération. Le concept
respect des préférences individuelles, principe de revenu équivalent, d’autre part, permet de
traditionnel en économie du bien-être (la sou- faire des comparaisons interpersonnelles : cette
veraineté du consommateur), il fait l’objet de méthode attractive peut être mise en œuvre dans
discussions à la suite des études comportemen- 1le cadre de l’analyse coût-bénéfce.
tales montrant que les personnes ne sont pas
toujours capables de faire des choix de manière
rationnelle, et que leurs préférences sont mal- Prendre en compte les intérêts
léables et vagues. Mais le seul critère légitime contradictoires et les préférences
d’arbitrage entre les divers biens qui s’offrent de la population…
au cours d’une vie humaine reste l’apprécia-
tion du sujet humain lui-même. Dans la mesure Partons d’un exemple. Imaginons que l’on
où différentes personnes peuvent former des envisage de rendre obligatoire la souscrip-
projets rationnels de vie, elles accorderont des tion d’une assurance complémentaire. Pour
priorités différentes aux diverses dimensions que cette obligation ne soit pas trop lourde
de leur vie, et ces projets reféteront leurs dif -
férences. Il paraît important de respecter autant
que possible leurs propres souhaits, dans toute 1. La méthode des QALYs est présentée dans la section sui-
vante. Elle consiste à mesurer les effets d’une politique en leur diversité. Et si les préférences immédiates
nombre d’années de vie en bonne santé gagnées. Le traite-– et les choix qui en découlent dans la vie quo- ment d’une affection bénigne représente une fraction fxe d’une
année en bonne santé, de sorte que le traitement d’une affec-tidienne – ne sont pas fables, il faut essayer
tion bénigne mais répandue peut facilement avoir un impact en d’atteindre les préférences réféchies des per -
QALYs plus important que le traitement d’une affection grave
sonnes concernées. moins répandue.
12 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 455-456, 2012fnancièrement pour les plus pauvres, une sub - s’agit de la variation de son revenu qui rendrait
vention sera attribuée en fonction des revenus, la réforme neutre pour elle. Quelqu’un qui en
fnancé

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