Jugement pour l affaire de « la caisse noire» de l UIMM
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Jugement pour l'affaire de « la caisse noire» de l'UIMM

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Motivations U.I.M.M. Pn°07268092048 (10.2.14) I – Sur les exceptions de nullité A – Sur les conclusions in limine litis aux fins d'annulation de l'ordonnance de renvoi déposées par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC 1 – Sur le moyen tiré de la violation du principe de la présomption d'innocence Le magistrat instructeur en se référant aux arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation des 8 décembre 1971 et 10 janvier 1984 n'a fait application d'aucune présomption de culpabilité mais a défini, ce qui pour lui, constituait l'acte de détournement ; il a ainsi parfaitement respecté les dispositions de l'article 184 du Code de Procédure Pénale en indiquant la qualification légale des faits imputés à la personne mise en examen, les motifs pour lesquels il existe contre elle des charges suffisantes et les éléments à charge et à décharge concernant la personne mise en examen. L'ensemble de ces points (qualification légale, motifs, concernant les charges suffisantes, éléments à charge et à décharge) fait ensuite l'objet d'un débat contradictoire devant la juridiction correctionnelle. En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité.

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Publié le 10 février 2014
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Langue Français

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Motivations U.I.M.M. Pn°07268092048(10.2.14)  I – Sur les exceptions de nullité   A – Sur les conclusions in limine litis aux fins d'annulation de l'ordonnance de renvoi déposées par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC   1 – Sur le moyen tiré de la violation du principe de la présomption d'innocence  Le magistrat instructeur en se référant aux arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation des 8 décembre 1971 et 10 janvier 1984 n'a fait application d'aucune présomption de culpabilité mais a défini, ce qui pour lui, constituait l'acte de détournement ; il a ainsi parfaitement respecté les dispositions de l'article 184 du Code de Procédure Pénale en indiquant la qualification légale des faits imputés à la personne mise en examen, les motifs pour lesquels il existe contre elle des charges suffisantes et les éléments à charge et à décharge concernant la personne mise en examen.  L'ensemble de ces points (qualification légale, motifs, concernant les charges suffisantes, éléments à charge et à décharge) fait ensuite l'objet d'un débat contradictoire devant la juridiction correctionnelle.  En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité.    2 – Sur le moyen tiré de l'application rétroactive de la loi n°2008-789 du 20 août 2008  Contrairement à ce qui est soutenu par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, le magistrat instructeur n'a pas ordonné le renvoi de ce dernier devant le Tribunal correctionnel en se fondant, que ce soit dans les motifs ou le dispositif de son ordonnance, sur la loi sus-visée de telle sorte qu'il convient de rejeter ce moyen de nullité.    B – Sur les conclusions in limine litis aux fins d'annulation de l'ordonnance de renvoi déposées par l'U.I.M.M.   1 – Sur le moyen tiré du défaut de réponse par le magistrat instructeur aux observations du 3 août 2011  En expliquant en particulier aux pages 46 et 53 de l'ordonnance de renvoi les motifs pour lesquels il estime que le versement de rémunérations ou de compléments de rémunération en espèces est constitutif du délit de travail dissimulé, le magistrat instructeur a implicitement et nécessairement répondu aux observations écrites de Maître REINHART agissant au nom de l'U.I.M.M. en date du 3 août 2011, observations qui sont d'ailleurs visées à la page 3 de l'ordonnance de renvoi.  En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité.    2 – Sur le moyen tiré de la prescription de l'action publique  La circonstance, à la supposer établie, que le magistrat instructeur ait décidé de renvoyer devant la juridiction correctionnelle une personne mise en examen du chef d'une infraction prescrite au sens des dispositions de l'article 8 du Code de Procédure Pénale, n'entache pas de nullité l'ordonnance de renvoi mais impose seulement à la juridiction de jugement de constater l'extinction de l'action publique en application de l'article 6 du Code de Procédure Pénale.  En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité.    C – Sur les conclusions aux fins de nullité de l'ordonnance de renvoi déposées par Alain NOQUÉ, Aymeric DUROY de SUDUIRAUT et Henri FABRE ROUSTAND de NAVACELLE  Contrairement à ce qui est soutenu par ces trois prévenus, la lecture des motifs et du dispositif de l'ordonnance de renvoi leur permet d'être informés d'une manière détaillée et précise des faits qui leur sont reprochés et de leur qualification juridique. Il est en effet précisé en quoi les compléments de rémunération versés en espèces sont constitutifs du délit d'abus de confiance (cf. en particulier page 46 de l'ordonnance de renvoi) et en quoi la perception de ces compléments de rémunération versés en espèces par ces trois personnes mises en examen est constitutive de recel d'abus de confiance (cf. en particulier pages 50 et 51 de l'ordonnance de renvoi).  En conséquence, il convient de rejeter ce moyen de nullité.
II – Sur la prescription de l'action publique  Les faits d'abus de confiance visés par la prévention sont matériellement constitués par des décaissements en espèces effectués sur des comptes bancaires entre le 1er janvier 2000 et le 30 novembre 2007.  En matière d'abus de confiance, le point de départ de la prescription triennale doit être retardé jusqu'au jour où les faits délictueux ont pu être constatés dans les conditions permettant l'exercice de l'action publique.  En l'espèce, même si durant toute la période de prévention, les dirigeants des établissements bancaires teneurs des comptes, certains dirigeants et certains salariés de l'U.I.M.M. ont eu connaissance de ces décaissements d'espèces, il est également établi que ces retraits d'espèces étaient "discrets", "confidentiels", connus d'un cercle restreint "d'initiés", qu'ils n'étaient pas officiellement portés à la connaissance du bureau, du conseil ou de l'assemblée générale de l'U.I.M.M., pas plus qu'à celle du conseil de surveillance de l'E.P.I.M., de l'expert-comptable, du trésorier, de telle sorte que les autorités de poursuite n'ont été indéniablement en mesure de connaître ces faits que lorsque la cellule TRACFIN, elle-même tenue d'une obligation de dénonciation en application de l'article 40 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale, a acquis la connaissance du caractère possiblement délictueux de ces décaissements en espèces.  La cellule TRACFIN a été destinataire de la déclaration de soupçons de la B.N.P. le 3 juin 2004 ; les investigations de la cellule TRACFIN permettant de soupçonner le caractère délictueux des faits se sont achevées lorsqu'a été rédigé le premier projet de saisine du Parquet le 24 novembre 2004 (cf. scellé n°2 TRACFIN).  Il en résulte que le point de départ de la prescription doit être retardé jusqu'à cette date du 24 novembre 2004.  Le premier acte interruptif de prescription, le soit-transmis du parquet du 26 septembre 2007, est intervenu avant l'expiration du délai de 3 ans, de telle sorte que les faits d'abus de confiance poursuivis ne sont pas prescrits.  Les faits de travail dissimulé et de recel d'abus de confiance étant connexes aux faits d'abus de confiance, il convient également de considérer qu'ils ne sont pas prescrits.   III – Sur le fond   A - Présentation de l'Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie (U.I.M.M.)  L'Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie est une union patronale formée entre les chambres syndicales adhérentes conformément aux articles L411-21 à L411-29 du Code du travail ; elle est adhérente du M.E.D.E.F.  Sa création le 9 mars 1901 s'inscrit dans le cadre de la loi du 21 mars 1884, dite loi Waldeck-Rousseau, sur la création des syndicats professionnels.  Elle a notamment pour objet au vu de l'article 2 de ses statuts en vigueur au moment des faits :  « a) d'étudier toutes les questions sociales, juridiques et fiscales, d'intérêt général pour les industries et activités représentées par les Chambres syndicales adhérentes, et de suivre l'application des mesures qui s'y réfèrent;  b) de déterminer au sujet de ces questions, la ligne de conduite que doivent suivre toutes les Chambres syndicales adhérentes dans les conditions posées par les présents statuts;  c) de participer à l'administration et à la gestion des organisations sociales à la création desquelles elle aura contribué, de leur accorder son patronage si elles deviennent autonomes, et d'en suivre en ce cas la gestion en vue d'en maintenir la conformité avec l'objet pour lequel elles ont été constituées et avec l'esprit qui en a inspiré la création;  d) de représenter les Chambres syndicales adhérentes toutes les fois qu'une action collective doit être exercée en ces matières. »  1 - La direction (article 3 et 13 des statuts)  L'U.I.M.M. est représentée par un bureau et un conseil représentant l'ensemble des industries métallurgiques et minières.  Les membres du conseil, élus pour 4 ans par l'assemblée générale où siègent les représentants des chambres syndicales adhérentes et les représentants des fédérations professionnelles, désignent les membres du bureau comprenant 10 à 20 membres. 
Le bureau comprend parmi ces membres le président de l'U.I.M.M. désigné par le conseil, pour 3 ans, renouvelables une fois et exceptionnellement une deuxième fois pour 1 an.  Le trésorier et le secrétaire sont désignés pour 4 ans par le bureau.  Le bureau peut également nommer un vice-président qui peut être délégué général.  La direction générale de l'U.I.M.M. ainsi que la représentation de celle-ci en justice, auprès des administrations publiques et dans tous les actes de la vie civile, est assurée par le président, ou sous son autorité et par délégation par le vice-président délégué général s'il a été nommé un vice-président délégué général ; s'il n'en a pas été nommé un, le bureau nomme un délégué général sur proposition du président. Le vice-président délégué général ou le délégué général est notamment chargé des attributions suivantes : - préparer les questions à soumettre aux délibérations du conseil et du bureau, et faire exécuter les décisions prises ; - diriger le travail des services, signer leur correspondance et établir tous comptes de gestion ; - passer, dans la limite de ses attributions, tous contrats et procéder à toutes opérations rentrant dans l'objet de l'Union ; - faire tous actes conservatoires, et généralement faire le nécessaire pour assurer le fonctionnement régulier de l'Union et la réalisation de son objet ; - exercer toutes attributions et accomplir toutes missions qui peuvent lui être confiées par le président de l'Union.  Pour mener à bien ses missions, le délégué général a la faculté de proposer au bureau la désignation d'un délégué général adjoint dont les attributions ne sont pas définies par les statuts.  Il est également assisté d'un secrétaire général désigné par le bureau, sur proposition du président, auquel il peut déléguer certaines de ses attributions.  Il résulte des déclarations des anciens présidents, Arnaud LEENHARDT (1984-1999) et Daniel DEWAVRIN (18 mars 1999-15 mars 2006), que le rôle du vice-président délégué général est dans la pratique prépondérant.  Arnaud LEENHARDT indiquait le 19 juin 2008 au magistrat instructeur (D488) :  « … Depuis le début, tout était organisé autour du vice-président délégué général qui avait tous les pouvoirs. Du reste on ne parle pas des pouvoirs du ou des présidents dans les statuts mais de ceux du délégué général... Le président est là pour réunir le bureau de l'U.I.M.M. qui est composé de ses pairs, les présidents des sociétés comme Peugeot, Renault, Areva maintenant, et diverses chambres syndicales de province, aussi pour animer ce bureau et définir avec lui les grandes orientations de la politique sociale pour notre fédération et recueillir de leur part s'ils sont satisfaits des services de l'U.I.M.M. ; c'est un rôle d'animation orienté sur la stratégie sociale, mais en aucun cas de direction de l'U.I.M.M. qui est délégué au vice-président. »  Entendu comme témoin, cité par l'U.I.M.M., à l'audience du 9 octobre 2013, Arnaud LEENHARDT confirmait ces déclarations en indiquant :  « Les pouvoirs du président n'existaient pas, c'était les pouvoirs du vice-président délégué général. Il y avait un tel accord entre les deux. »  Daniel DEWAVRIN indiquait le 26 juin 2008 au magistrat instructeur (D518) :  « ... le vice président délégué général avait les plus larges responsabilités. Cela tenait à la volonté des anciens qui voulaient consolider le pouvoir sur quelqu'un qui pouvait assumer la durée. En effet, le président était très souvent encore opérationnel par ailleurs... et donc avait très peu de temps disponible à consacrer à l'U.I.M.M... Dans les faits, le délégué général assumait ses responsabilités et faisait tourner la maison. On attendait du président qu'il maintienne un contact avec les grands adhérents puisqu'en général il était choisi lui-même parmi les grands adhérents et il était concerné directement par l'élaboration de la politique sociale de l'Union, qui elle-même était exposée au bureau et évidemment au conseil. » Denis GAUTIER-SAUVAGNAC a été délégué général à partir de mars 1994, puis vice président directeur général de fin 1995 à 2006 ; il a cumulé ensuite les fonctions de président et de délégué général du 16 mars 2006 au 15 novembre 2007.  Sur les raisons du cumul des fonctions de délégué général et de président par lui-même, ce qui était une première dans l'histoire de l'U.I.M.M., Denis GAUTIER-SAUVAGNAC fournissait les explications suivantes au cours de l'enquête :  « Probablement parce que fin 2005, début 2006, les instances de l'UIMM (le Bureau qui a donné son assentiment et le Conseil qui m'a élu), ont considéré que j'avais peut-être et l'autorité et la compétence nécessaires pour assurer ces deux fonctions alors même qu'il ne s'était pas présenté d'autres candidats. A la suite de mon élection et comme je l'avais
indiqué dans mes interventions devant les instances de l'UIMM, j'ai travaillé avec les vice-présidents de l'UIMM sur un projet 2006-2010 destiné à adapter l'organisation, la structure et le fonctionnement de l'UIMM qui n'avaient pas ème beaucoup changé depuis 50 ans, à une nouvelle ère, celle du 21 siècle. »  Bernard ADAM, directeur administratif et financier de février 1985 à décembre 2005, indiquait à ce sujet devant les services de police (D114) :  « Si vous regardez les statuts de l'UIMM qui sont assez compliqués, vous pouvez constater que lorsque le Délégué général set Vice-Président il a en fait les pleins pouvoirs, le Président ayant une fonction plus représentative. [...] Concernant Monsieur GAUTIER-SAUVAGNAC depuis quelques mois il était Président et Délégué Général , c'était la première fois dans l'histoire de l'UIMM que cela ce passait ainsi, il avait donc les pleins pouvoirs. »  Alain NOQUÉ, directeur des relations extérieures depuis fin 1999-début 2000, indiquait pour sa part le 3 avril 2008 au magistrat instructeur (D350) :  « ... Monsieur Denis GAUTIER-SAUVAGNAC est un homme extrêmement courtois, un négociateur particulièrement avisé, mais c'est aussi un inspecteur général des finances qui vous fait comprendre qu'il y a dans la maison une hiérarchie qu'il faut respecter. Donc moi je ne me voyais pas lui poser la moindre question. »  Daniel DEWAVRIN, président de l'U.I.M.M. de mars 1999 à 2006, indiquait le 26 juin 2008 au magistrat instructeur (D518) que Denis GAUTIER-SAUVAGNAC concentrait entre ses mains pratiquement tous les pouvoirs à tel point qu'il s'était offusqué :  « une fois ou l'autre que des gens venant demander quelque chose à l'UIMM, que ce soit un appui ou un service, allaient le voir sans même songer à m'en parler... mais mes rapports avec Denis GAUTIER-SAUVAGNAC étaient naturellement très convenables et à part certains domaines tout à fait de son jardin secret, il me tenait au courant de la plupart des choses, en particulier de ses relations avec le MEDEF. »   2 – Les comptes de l'U.I.M.M.  Selon l'article 10 des statuts, les comptes de l'Union, arrêtés par le bureau, sont présentés par le trésorier à l'assemblée générale.  Les ressources de l'U.I.M.M. sont constituées des cotisations annuelles versées par les chambres syndicales dont le montant est arrêté par l'assemblée générale.  La cotisation est composée d'un droit fixe et d'une contribution assise sur le montant total des appointements, salaires et rétributions payés par l'adhérent au cours de l'année précédente.  En ce qui concerne l'affectation de ces ressources, la législation en vigueur (articles L411-10 à L411-15 du Code du travail) autorise l'U.I.M.M. à :  « - acquérir sans autorisation à titre gratuit ou onéreux des biens meubles ou immeubles, - affecter une partie de ses ressources à la création d'H.L.M. ou à l'acquisition de terrains pour jardins ouvriers, - créer, administrer ou subventionner les œuvres professionnelles telles que : institutions professionnelles de prévoyance, laboratoires, champ d'expérience, œuvres d'éducation, scientifique, agricole ou sociale, cours et publications intéressants la profession, - constituer entre leurs membres des caisses spéciales de secours mutuels et de retraites. »  La loi du 21 mars 1884, dite loi Waldeck-Rousseau, n'impose pas la tenue d'une comptabilité.  Bernard ADAM expliquait le 15 novembre 2007 aux services de police (D114/5) :  « Quand je suis arrivé en 1985, il n'y avait pas de comptabilité , seulement une comptabilité de ménagère c'est à dire une comptabilisation CREDIT/DEBIT, c'est tout. De plus ce domaine était la chasse gardée du Vice-Président Délégué Général Monsieur GUILLEN et de sa chef comptable Melle DUCOURET. J'ai réussi cependant à faire comprendre à Monsieur GUILLEN qu'il était préférable d'établir des comptes et de se rapprocher d'une tenue de comptabilité générale proche du plan comptable général , il m'a chargé de mettre en oeuvre ce chantier.
J'ai donné les instructions nécessaires à l'établissement de cette comptabilité à Melle DUCOURET, et tous les 4 mois elle m'établissait une situation intermédiaire sur laquelle je pouvais lui demander des explications. »  À son arrivée à l'U.I.M.M., Denis GAUTIER-SAUVAGNAC avait confié le contrôle des comptes annuels de l'U.I.M.M. au cabinet d'expertise comptable Orfigesco, puis au cabinet Expaci à compter de 2000.  L'enquête (cf. en particulier l'audition de Paul LOZNER, expert-comptable, le 20 novembre 2007 D127) a établi que les comptes contrôlés excluaient les comptes litigieux (comptes sur lesquels étaient créditées les contributions à l'E.P.I.M., comptes dits spéciaux à partir desquels ont été opérés les décaissements en espèces visés par la prévention et comptes de placement rattachés à ces comptes).  Contrairement à l'article 10 des statuts, les comptes de l'U.I.M.M. n'étaient pas arrêtés par le bureau. Ils étaient établis par le service comptable, arrêtés par le directeur administratif et financier, après un éventuel arbitrage de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, puis contrôlés (dans la limite sus-indiquée) par l'expert-comptable, avant d'être portés à la connaissance du trésorier.  Par ailleurs, après l'approbation par l'assemblée générale des comptes annuels, la comptabilité et les pièces comptables étaient détruites.  Les participants à l'assemblée générale se prononçaient sur les comptes annuels sans que ceux-ci ne soient mis préalablement à leur disposition. Ils se prononçaient donc sur la base d'une présentation orale faite par le trésorier.  Entendu le 14 juin 2008 par le magistrat instructeur en tant que témoin assisté (D429), Philippe de LADOUCETTE expliquait avoir été trésorier de l'U.I.M.M. de 2004 à 2006 ; il avait présenté les comptes à l'assemblée générale le 17 mars 2005 et le 16 mars 2006.  Il indiquait :  « Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a demandé un jour d'être le trésorier de l'UIMM parce que le trésorier qui était en charge de cette fonction avant moi était très âgé, et je ne me souviens pas très bien si Denis GAUTIER-SAUVAGNAC m'a dit qu'il était très malade ou décédé. Toujours est-il que je ne l'ai, à ma connaissance, jamais rencontré. En ce qui concernait la mission j'ai posé la question à mon interlocuteur qui m'a dit qu'il s'agissait de présenter à l'assemblée générale annuelle les comptes qui étaient préparés par les services de l'UIMM. En d'autres termes, de lire une note qui avait été préparée par lesdits services. Pour répondre plus précisément à votre question, ceci n'impliquait en aucune manière une présence à l'UIMM autre que celle de participer au bureau mensuel qui se réunissait si je ne m'abuse, le troisième vendredi de chaque mois de 11h à midi. Cela ne dépassait du reste jamais une heure. C'était ma seule participation aux activités de l'UIMM. [...] J'aimerais ajouter que ma présence une heure par mois au bureau de l'UIMM n'avait pas trait à mes fonctions de trésorier mais au fait que j'appartenais au bureau, et ce depuis 1996 où j'y étais en tant que Président Directeur Général de Charbonnages de France, où j'avais pris la suite de mon prédécesseur, le Président Directeur Général des Charbonnages a toujours été membre du bureau de l'UIMM. [...] Au moment où je l'ai été, j'avais le sentiment que la fonction de trésorier servait à quelque chose, en terme d'affichage, puisqu'il fallait que quelqu'un, le trésorier, présente la synthèse des comptes à l'assemblée générale. Mais c'était effectivement la seule raison d'être. Au demeurant je ne sais pas comment les choses se sont passées dans les années qui ont précédé, car si le trésorier précédent était malade, je ne sais pas s'il est venu, et donc je ne sais pas comment les choses se sont présentées parce que personnellement je ne suis jamais allé aux assemblées générales avant celle de 2005. J'étais très peu impliqué dans la vie de l'UIMM. »  Lorsqu'il avait été entendu le 20 février 2008 par les services de police, Philippe de LADOUCETTE (D356) avait expliqué qu'il avait une entrevue de 35 minutes environ avec le directeur administratif et financier, Bernard ADAM au cours de laquelle il lui présentait la situation comptable et le contenu de la présentation qu'il aurait à faire ; il s'agissait d'une synthèse.  Il ne rencontrait pas l'expert-comptable.  Il n'avait jamais apporté de modification au rapport qui lui était soumis.  Jean-Pierre FINE indiquait aux services de police :  « Je ne pourrais vous renseigner que pour l'exercice 2006. Donc au 31/12/2006, le total des charges de l'UIMM se sont
élevées à 25,5 M€ environ pour des porduits d'un montant total identique. Les charges sont essentiellement constituées de charges de personnel, au nombre d'une cinquantaine: 9,3 M€, les charges de fonctionnement: 9 M€ dont notamment 6 M€ de travaux d'édition et les charges exceptionnelles: 5 M€ dont les cotisations reversées au MEDEF. Quant aux produits, ils se composent des cotisations pour 14,7 M€ en provenance des CST et des CSP mais aussi de cotisation en provenance directe d'entreprises (une quinzaine de très grosses entreprises telles que Peugeot PSA), 4,9 M€ d'autres produits d'exploitation dont 3,2M€ qui seraient des transferts d'exploitation en provenance de l'EPIM. »  Il ne savait pas quelle était la compensation comptable de ces transferts en provenance de l'EPIM ; il n'avait pas posé la question à Dominique RENAUD.  S'agissant de l'actif de l'U.I.M.M., il disait :  « Hors EPIM , au 31/12/2006, et selon le bilan, j'évalue l'actif net à 74,9 M€ réparti ainsi pour les grandes masses: - immobilisations corporelles: 5,6 M€ - immobilisations financières: 16,7 M€ - Créances: 6,8 M€ - Valeurs mobilières de placement: 44,8 M€ »    B – Présentation de l'Entraide Professionnelle des Industries des Métaux (E.P.I.M.)  Usant de la faculté prévue par l'article L 411-15 du Code du travail de constituer des caisses spéciales de secours mutuels et de retraites, les conseils et le bureau commun de l'U.I.M.M., lors de leurs assemblées du 18 février 1972, ont décidé une action d'entraide professionnelle ayant en particulier pour but :  « d'apporter l'appui moral et matériel de l'ensemble de la profession aux entreprises qui subissent un conflit collectif du travail ; cette action prend notamment la forme d'aides pécuniaires susceptibles d'être accordées... en cas de conflit mettant en jeu les intérêts collectifs de la profession, aux entreprises qui subissent une grève ou sont contraintes, par suite d'une grève... de prendre une mesure d'arrêt total ou partiel de leur activité. »  L'E.P.I.M. est donc un fonds de solidarité auquel les entreprises de la métallurgie peuvent adhérer librement, mis en place et géré par l'U.I.M.M., et qui ne jouit pas de la personnalité juridique.  Pour diriger l'action de l'E.P.I.M., il est créé un comité de surveillance dont le règlement intérieur, la composition et les membres sont déterminés par le bureau de l'U.I.M.M. ; ce comité a en particulier pour mission de décider, après concertation avec la chambre syndicale territorialement compétente, l'attribution d'aides aux entreprises ainsi que d'assurer la surveillance de la gestion des fonds nécessaires.  Le secrétariat du comité est assuré par l'U.I.M.M. Le secrétaire a en particulier pour tâche de préparer l'ordre du jour des réunions, de soumettre au comité les dossiers de demandes d'aide, de rédiger les procès-verbaux des réunions du comité de surveillance. Le taux de la cotisation annuelle des entreprises a varié de 2 pour mille en 1972 à 0,4 pour mille à compter de 2001, de la masse salariale brute.  Le nombre d'entreprises cotisantes est allé en diminuant passant de 1793 en 1972 à 175 en 2006.  Le contrôle des opérations de soutien, la contribution syndicale d'entraide ainsi que les aides octroyées font l'objet d'une comptabilité particulière dont la surveillance est assurée par le comité de surveillance.  L'enquête démontrera que l'action du comité de surveillance se limitait à un visa annuel des comptes : montant des cotisations et des aides versées présenté par le secrétaire.  Cela résulte en particulier des déclarations de Bernard LEROY, secrétaire général de l'U.I.M.M. de 1982 à 1995 (D465), de celles de Pierre GUILLEN, le prédécesseur de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC au poste de vice-président délégué général (D131), de celles de certains membres du bureau (Jean-Luc BECHAT, D715).  Denis GAUTIER-SAUVAGNAC le reconnaîtra au cours de ses auditions devant les services de police et devant le magistrat instructeur.  Le paiement de la cotisation peut se faire soit par virement sur le compte de la B.R.E.D. Vincennes n°10107002280065091024560 ou par chèque à l'ordre de l'U.I.M.M. sans indication de compte.  
Le montant total des cotisations versées par les adhérents sur la période de 1972 à 2006 s'élève à 309 672 535 euros.  Le montant total des aides versées aux entreprises durant la même période s'élève à 143 781 533 euros.  Entendu le 19 novembre 2007 (D123) par les services de police; François CEYRAC, président de l'U.I.M.M. de 1969 à 1973, et donc au moment de la création de l'E.P.I.M., indiquait que les aides versées aux entreprises adhérentes à l'E.P.I.M., victimes de conflits sociaux, l'ont souvent été en espèces car il ne devait pas y avoir de traces pour des raisons de discrétion :  « En effet tant les entreprises adhérentes que les entreprises victimes de conflits sociaux et aidées pour la circonstance ne souhaiteraient pas que cette entraide puisse être portée sur la place publique pour des raisons diverses et notamment stratégiques. Mais ces aides pouvaient être versées par chèque, j'imagine. »  Sous réserve d'une disponibilité suffisante de trésorerie, les entreprises adhérentes ont autorisé le comité de surveillance à procéder à des placements financiers.  Selon une balance des comptes au 31 décembre 2006, l'actif de l'E.P.I.M. s'élève à 301 517 740 euros en placements financiers (valeur d'achat des titres qui le composent).  Selon Baudoin de BRIE, conseiller de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC pour la gestion de ces fonds, cette valeur sur le marché était en réalité d'environ 600 millions d'euros (D304).  Cette valeur d'achat, comparée au solde entre le montant des contributions et des aides versées depuis l'origine de l'E.P.I.M., 166 millions d'euros environ, montre que les placements réalisés ont été fructueux.  L'enquête démontrera que la comptabilité de l'E.P.I.M. a toujours été tenue par le service comptable de l'U.I.M.M., sous la responsabilité de la chef comptable ; ce service a été dirigé par Suzanne DUCOURET de janvier 1977 à décembre 2000, puis à partir de cette date par Dominique RENAUD.  La tenue de la comptabilité de l'E.P.I.M. était l'affaire exclusive du service comptable dont a été écartée son autorité de tutelle, le directeur administratif et financier (Bernard ADAM de février 1985 à janvier 2006, puis Jean-Pierre FINE).  Jean-Pierre FINE indiquait le 7 novembre 2007 aux enquêteurs (D91) que la comptabilité de l'E.P.I.M. ne rentrait pas dans ses attributions (enregistrement des cotisations, aides versées aux entreprises, gestion de la trésorerie disponible). Il n'était pas au courant des flux financiers des comptes U.I.M.M./E.P.I.M. et des flux des comptes U.I.M.M. vers lesquels des virements étaient opérés pour permettre des retraits d'espèces. Il n'avait pas vu dans la comptabilité qui lui était présentée ces comptes U.I.M.M.  Dans la pratique, les comptes de l'E.P.I.M. étaient approuvés avec ceux de l'U.I.M.M. au cours de son assemblée générale annuelle.  Ainsi le trésorier de l'U.I.M.M., de 2004 à 2006, Philippe de LADOUCETTE indiquait que :  « La gestion du fonds d'entraide des métaux telle qu'elle m'a été communiquée par son conseil de surveillance n'appelle pas d'observation particulière de ma part. La cotisation du fonds d'entraide pour l'année 2005 ou 2006 est maintenue à 0,4 pour mille des salaires. »  Philippe de LADOUCETTE indiquait le 20 février 2008 aux services de police (D356) que cette rédaction relevait des services de l'U.I.M.M. Cela lui convenait ; il n'avait eu à répondre à aucune question.    C – Le signalement initial et les premières constatations policières  Le 18 septembre 2007, le directeur adjoint de T.R.A.C.F.I.N. (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins), dans un courrier ayant pour objet"informations portant sur des faits susceptibles de constituer des infractions pénales" de la République près le Tribunal de Grande Instance de PARIS un Procureur, révélait au ensemble de retraits d'espèces pour un montant total de 5 647 917 euros opérés du 1er janvier 2000 au 30 avril 2007 sur le compte 00819 000 101 49604 ouvert à la B.N.P. Paribas au nom de l'U.I.M.M. (D251).  Le directeur adjoint concluait :  « Les retraits d'espèces effectués sur le compte de l'U.I.M.M. semblent pour le moins anormaux concernant le
fonctionnement d'un compte bancaire d'une organisation syndicale. En effet, il apparaît pour le moins surprenant que de tels mouvements de fonds ne soient pas effectués au moyen de règlements classiques, par chèques ou virements, concernant une fédération professionnelle d'une telle importance. Il convient dès lors de douter de la justification économique de telles opérations qui pourraient caractériser, sous réserve d'investigations complémentaires, un délit d'abus de confiance. »  Par courrier du 4 octobre 2007, le directeur de T.R.A.C.F.I.N. (D262) signalait au Parquet d'autres retraits d'espèces pour un montant total de 4 357 985 euros opérés du 14 septembre 2001 au 11 juillet 2007 sur un autre compte ouvert à la B.N.P. Paribas, agence des Champs Elysées, au nom de l'U.I.M.M. sous le numéro 00 804 000 10329687.  Le 11 octobre 2007, la banque Martin Maurel signalait directement au Parquet de PARIS des faits semblables opérés à partir des comptes ouverts dans ses livres au nom de l'U.I.M.M. sans fournir de précision sur le nombre de comptes, les sommes décaissées et la période (D264).  L'enquête était confiée par le Parquet de PARIS à la Brigade Financière par soit-transmis des 26 septembre 2007 (D251), 8 octobre 2007 (D262) et 15 octobre 2007 (D263).  Une information était ouverte le 4 décembre 2007 (D273) ; la Brigade Financière était chargée de l'enquête dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par le magistrat instructeur.  Les enquêteurs retraçaient le circuit des retraits d'espèces de la manière suivante :  Les contributions des entreprises adhérentes à l'E.P.I.M. étaient versées sur un unique compte bancaire ouvert à la B.R.E.D. au nom de l'U.I.M.M.  Ce compte a été débité par virements ou par chèques au profit de 4 autres comptes bancaires ouverts au nom de l'U.I.M.M., dits comptes spéciaux : les deux comptes B.N.P. relevés par T.R.A.C.F.I.N. et deux comptes ouverts à la banque Martin Maurel.  Par des chèques à l'ordre de "nous-mêmes" co-signés par Dominique RENAUD et par Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, et présentés au guichet, des retraits d'espèces ont été effectués sur ces quatre comptes pour un montant total de 17 043 437 euros pour la période de prévention (D1111/5).  Les policiers ont observé d'autres décaissements en espèces selon un mode opératoire identique à partir de trois autres comptes bancaires ouverts à la B.N.P. Paribas pour un montant total de 1 901 254 euros (D1111/7) ; deux de ces comptes étaient alimentés par des fonds provenant du compte B.R.E.D. sus-indiqué.  Au total, des décaissements d'espèces pour un montant de 18 944 691 euros ont donc été constatés.  Les perquisitions effectuées le 3 octobre 2007 au siège de l'U.I.M.M. (D19) et le 12 octobre 2007 dans un coffre bancaire de l'association A.D.A.S.E. (Association de Documentation et d'Assistance aux Entreprises, D44) ont permis de saisir les sommes de 398 900 euros et 2 000 000 d'euros en espèces ; c'est la somme de 116 546 691 euros qui est retenue dans le dispositif de l'ordonnance de renvoi à l'encontre de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC.  La somme de 2 398 900 euros a en effet été restituée à l'U.I.M.M. par ordonnance du 17 juillet 2008 (D555). S'agissant de la somme de 2 000 000 d'euros retrouvée dans un coffre bancaire de l'association A.D.A.S.E., association satellite de l'U.I.M.M., il résulte des déclarations de Bernard ADAM, directeur administratif et financier de l'U.I.M.M. de 1985 à décembre 2005, et directeur de l'A.D.A.S.E. depuis septembre 2005, que ce coffre, loué en novembre 2005, était en fait réservé à l'usage de l'U.I.M.M. (D114).  Il est intéressant de noter s'agissant des sommes retrouvées en espèces dans les trois coffres forts situés dans une petite pièce attenante au bureau de la comptabilité que les sommes d'argent se trouvaient pour certaines d'entre elles dans des enveloppes supportant l'inscription "caisse noire" ou "petite caisse noire" (D19).    D – L'enquête et le signalement T.R.A.C.F.I.N.  Le 13 décembre 2007 les enquêteurs saisissaient dans les locaux de la cellule T.R.A.C.F.I.N. les documents relatifs aux signalements T.R.A.C.F.I.N. (D290).  Les enquêteurs procédaient à divers auditions pour comprendre le délai entre la date de la déclaration de soupçon de la B.N.P. Paribas le 26 mai 2004 et la date de révélation au Parquet par T.R.A.C.F.I.N. le 18 septembre 2007.
Ils entendaient :  Philippe VIREY, enquêteur ayant eu en charge le dossier U.I.M.M. (audition du 13 décembre 2007) :  Il avait, au vu de la déclaration de soupçons émanant de la B.N.P. et des relevés de comptes communiqués pour la période janvier 2000-30 avril 2004, exercé le droit de communication prévu par le Code monétaire et financier, pour obtenir les copies des chèques concernant divers retraits effectués au guichet de la B.N.P. ; la B.N.P. n'avait pas été en mesure de les communiquer tous.  Il avait "fait un ficoba" et pu constater que l'U.I.M.M. détenait de nombreux comptes dans plusieurs banques dont certaines à faible clientèle. Compte tenu de la proximité existante entre ce type de banque et sa clientèle, il avait jugé qu'un droit de communication adressé à ces établissements pouvait éventuellement compromettre la confidentialité de l'enquête.  Il avait donc été décidé avec sa hiérarchie, Jean-Marc MAURY, ancien secrétaire général adjoint, Christian LE BLANC, directeur des enquêtes, et Jean-Claude CALLEDE, chef de la division sud, son supérieur hiérarchique direct, de n'enquêter que sur la B.N.P. Cette décision avait dû être prise en septembre-octobre 2004.  Il avait fait une nouvelle demande à la B.N.P. afin de savoir s'il existait d'autres comptes à partir desquels des décaissements d'espèces pouvaient être effectués. Il lui avait répondu par la négative.  Il avait entamé une nouvelle phase de recherches en effectuant le 27 octobre 2004 un droit de communication sur les comptes personnels de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC (B.R.E.D. et Crédit Agricole de la Manche).  Il avait reçu les relevés et n'avait constaté aucun versement d'espèces pouvant correspondre aux retraits effectués sur les comptes de l'U.I.M.M.  Tout au début de l'enquête, il avait également rencontré Messieurs DINGREVILLE et GREEN du service conformité de la B.N.P. Ils avaient insisté sur la personnalité de Denis GAUTIER-SAUVAGNAC.  Il avait rédigé une première note fin 2004 reprenant les opérations suspectes sur le compte qui était déclaré ; il avait listé les flux et les montants depuis 2000 ainsi que les explications du directeur financier de l'U.I.M.M. et qui figuraient dans la déclaration de soupçon.  Il avait communiqué cette note à son chef de division qui avait dû la transmettre au secrétaire général adjoint, Jean-Marc MAURY.  Il ignorait ce qu'il était advenu de cette note. Il n'avait pas conservé de copie papier de cette note car la procédure en cas de transmission au Parquet fait que l'enquêteur a un retour de sa note accompagnée d'une fiche de transmission intitulée "chemise de transmission pour signature". Il peut arriver que des modifications ou précisions soient apportées sur cette note.  Une fois cette note complétée et/ou modifiée, elle refait le même parcours jusqu'à transmission. Il n'avait pas eu retour de cette note, ni d'information la concernant.  Sa hiérarchie lui avait demandé de conserver le dossier "en cours d'enquête", ce qui voulait dire qu'il devait continuer à être travaillé ; il avait continué à collecter des copies de chèques de retraits et des compléments d'informations auprès de la B.N.P.  Il avait également essayé de savoir comment le compte était alimenté en demandant à la B.N.P. des renseignements complémentaires concernant l'alimentation du compte en demandant des copies de virements. Il n'avait rien trouvé d'anormal. Il avait donc actualisé les flux.  Courant avril 2007, Jean-Claude CALLEDE et Christian LE BLANC lui avaient demandé de réactualiser sa note initiale, ce qu'il avait fait en adressant un nouveau droit de communication à la B.N.P. afin d'obtenir les relevés du compte en cause à compter du 9 mars 2006 et les copies des chèques de retrait. Il avait obtenu la réponse le 30 mai 2007 et complété sa note. Il l'avait transmise le jour même à son chef de division.  Les policiers constataient que la signature de Philippe VIREY sur cette note apparaissait à la date du 30 mai 2007, celle du chef de division Jean-Claude CALLEDE à la date du 14 juin 2007, celle du directeur des enquêtes Christian LE BLANC à la date du 15 juin 2007, celle de Monsieur ROBERT, le magistrat détaché à T.R.A.C.F.I.N. à la date du 13 septembre 2007 et celle de Monsieur DEFINS, secrétaire général adjoint, à la date du 14 septembre 2007.
WERNER (D293, audition du 20 décembre 2007) :François  Il avait été nommé secrétaire général de T.R.A.C.F.I.N. le 14 juillet 2006 avant d'être nommé directeur le 8 décembre 2006 ; ce changement de dénomination était dû à un changement de rattachement de tutelle de la cellule T.R.A.C.F.I.N. ; rien n'avait été modifié à ses fonctions et à ses attributions ; son prédécesseur était François MONGIN.  Il expliquait que la déclaration de soupçon faite par la B.N.P Paribas le 26 mai 2004 résultait du point 1 2ème alinéa 1 de l'article L562-2 du Code monétaire et financier en vigueur depuis le loi du 15 mai 2001 qui peut conduire un organisme financier à faire une déclaration de soupçon quand l'identité du bénéficiaire reste douteuse ; selon lui les modifications législatives de février et mars 2004 n'étaient pas les motifs de cette déclaration de soupçon ; il ignorait pourquoi le déclarant ne s'était pas manifesté avant 2004.  Le traitement réservé à ce dossier tel que décrit par Philippe VIREY était tout à fait dans la norme.  Il précisait que malgré les obligations légales de discrétion faites aux organismes financiers, il arrivait souvent que T.R.A.C.F.I.N., pour préserver la discrétion de l'enquête, limite ses investigations comme dans le cas d'espèce.  Il expliquait que d'après ce que lui avait expliqué le représentant de la B.N.P., Monsieur QUINTARD, s'il avait été indiqué à Philippe VIREY qu'il n'existait pas d'autre compte U.I.M.M. à la B.N.P. sur lequel avaient été effectués d'importants retraits d'espèces alors qu'en octobre 2007 la B.N.P. adressait un complément d'information sur un second compte, c'était parce que le second compte provenait de la banque Paribas avant la fusion avec la B.N.P. ; le rapprochement entre les deux comptes n'avait été fait que plus tard.  S'agissant de la décision de révélation au Parquet, il disait que l'esprit et la lettre du Code monétaire et financier, notamment de son article L562-4, ne prévoient pas que le service T.R.A.C.F.I.N. reçoive des instructions de sa tutelle, le ministre de l'économie.  Dans le cas présent, quand il avait pris ses fonctions à l'été 2006, il avait pris connaissance de l'ensemble des dossiers et fait une première information en octobre 2006 sur les dossiers sensibles, dont celui de l'U.I.M.M. au directeur de cabinet du ministre des finances, Monsieur GRAPINET :  « Je lui ai indiqué que le dossier est en cours et que je souhaite m'entourer de toutes les garanties juridiques avant une éventuelle transmission au parquet. Le 26 mars 2007, je reviens vers M. GRAPINET pour lui faire part de mon intention future de transmettre le dossier au parquet de Paris. Puis le 11 septembre 2007, j'indique au nouveau directeur de cabinet, M. RICHARD, que le dossier sera transmis sous une semaine. Au cours de ces trois entretiens, mon interlocuteur ne m'a donné aucune instruction. Il a simplement pris note de mes déclarations. Et d'ailleurs je n'ai sollicité aucune instruction. »  Il précisait quelles avaient été ses réflexions à sa prise de fonction :  « Au vu de la loi WALDECK-ROUSSEAU de 1884, quelle est la liberté d'un syndicat sur l'usage des fonds qu'il peut percevoir à ce titre dans la mesure où il n'a pas une obligation de tenue de la comptabilité ? - Quelle est la définition d'un bénéficiaire d'une opération au sens de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier ? Est-ce le bénéficiaire simple, en l'occurrence Mme Dominique RENAUD, ou le bénéficiaire économique, inconnu a priori à ce jour ?  La sensibilité évidente de ce dossier exigeait des précautions juridiques maximales.  L'absence de réponse formelle à ces deux questions m'ont conduit à prendre la décision d'une révélation au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris. »  Il ajoutait :  « Lorsqu'une affaire est mise à l'enquête à Tracfin, elle fait l'objet d'une appréciation de son degré d'urgence. Les affaires présentant un risque de sécurité ou de disparition des fonds ou du titulaire des fonds font l'objet d'une enquête minimale et rapide. Les autres se prêtent à un traitement plus approfondi et le cas échéant plus long. Ainsi 36 % des enquêtes de Tracfin durent plus d'une année. Au cas particulier, j'ai constaté que Tracfin ne progressait pas sur la trace des bénéficiaires des fonds et ai préféré remettre en l'état ce dossier au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris. »  François MONGIN (D381, audition du 2 avril 2008) :  
Il avait été nommé directeur général des douanes le 12 septembre 2002 et secrétaire général de T.R.A.C.F.I.N. le 26 septembre 2002.  Il indiquait ne pas avoir été informé, à l'époque (septembre-octobre 2004) de la décision prise de limiter les investigations concernant l'U.I.M.M. à la seule B.N.P. Paribas. Il laissait son adjoint et les collaborateurs de son adjoint gérer le porte-feuille d'enquêtes.  Le seul document écrit qui lui avait été présenté était le projet de transmission judiciaire de fin 2004 ; entre temps son adjoint l'avait informé, sans plus de détails, de la désignation d'un enquêteur, d'investigations en cours et de retraits d'espèces.  Il ignorait pourquoi la B.N.P. avait répondu à Philippe VIREY qu'il n'y avait pas d'autre compte concerné par les retraits d'espèces pour ensuite en octobre 2007 indiquer qu'un second compte était concerné.  Il ignorait si les responsables de la B.N.P. Paribas avaient été interrogés sur le caractère tardif de leur déclaration de soupçon en 2004 alors que les retraits d'espèces avaient débuté au moins à compter de 2000.  Il n'avait pas lui-même pris contact avec les responsables de la cellule anti-blanchiment de la B.N.P. car ce n'était pas dans les usages ; c'était du ressort des services d'enquête.  S'agissant de la suite réservée à la première note rédigée fin 2004 par Philippe VIREY, il expliquait :  « Le secrétaire général adjoint, M. MAURY m'a signalé que des mouvements d'espèces atypiques concernant l'UIMM étaient remontés au service et m'a annoncé qu'il souhaitait regarder le dossier de plus près. rencontrer l'enquêteur et m'a fait part de son souhait de venir m'en entretenir. Nous nous sommes donc vus sur ce sujet dans mon bureau en février 2005. Nous étions embarrassés car c'était la première fois que nous étions confrontés à une situation de ce type. En effet, TRACFIN était jusqu'alors confronté à des suspicions d'infractions relevant du code monétaire et financier ou des saisines judiciaires assises sur l'article 40 du code de procédure pénale, laissant supposer des infractions généralement plus caractérisées. Dans le cas présent, le retrait non dissimulé d'espèces dans des volumes importants était un sujet d'interrogation, a fortiori s'agissant de la part d'une importante union patronale. Fort de cette interrogation, j'ai sollicité le cabinet du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, fin février 2005. Je suis donc allé voir le directeur de cabinet de l'époque, Gilles GRAPINET, lui ai soumis le projet de transmission judiciaire et lui ai demandé un avis. Ce à quoi il m'a répondu qu'il souhaitait regarder le dossier, c'est à dire le projet de saisine judiciaire que je lui ai laissé et il m'a été répondu quelques mois plus tard, de mémoire en mai 2005, que la transmission en l'état ne lui paraissait pas souhaitable. Ces échanges entre M. MAURY et moi-même, M. GRAPINET et moi-même étaient oraux. »  Gilles GRAPINET ne lui avait pas donné d'explications motivant cet avis ; lui-même ne lui en avait pas demandé ; il pensait que Gilles GRAPINET était tout aussi embarrassé que lui pour apprécier la nature de ces retraits.  Philippe VIREY avait donc continué ses investigations.  Il admettait qu'entre fin 2004 et son départ de Tracfin à la mi-2006, l'enquête n'avait pas foncièrement avancé.  Si la décision de révélation au Parquet n'avait pas été prise, c'était sans doute du fait d'une mauvaise appréciation de la nature du dossier très inhabituelle pour Tracfin, dont la politique usuelle consistait à enrichir le plus possible les éléments ressortant des déclarations de soupçon qui lui étaient transmises.  Les enquêteurs entendaient le 30 mai 2008, Gilles GRAPINET.  Il avait été directeur de cabinet du ministre de l'économie et des finances de novembre 2004 à mai 2007 (Hervé GAYMARD jusque fin février 2005, puis Thierry BRETON jusqu'en mai 2007).  Il expliquait ainsi comment il fallait comprendre l'article L 562-4 du Code monétaire et financier aux termes duquel Tracfin est placé sous l'autorité du ministre chargé de l'économie :  « Le ministre et le ministère sont responsables de l'organisation matérielle et juridique de Tracfin, de pourvoir aux nominations qui lui permettent de fonctionner et de préparer la rédaction puis la défense des textes réglementaires ou législatifs qui le concerne. De façon plus générale, le ministre est responsable de veiller au bon fonctionnement de ce service. C'est notamment dans le cadre de cette mission qu'il avait été décidé de réfléchir puis de mettre en œuvre une réforme importante du positionnement des moyens et du fonctionnement de Tracfin en 2005 et 2006, à partir de l'analyse que faisait le directeur général des douanes, M. François MONGIN, des limites du dispositif de l'époque. En revanche, le fonctionnement au quotidien du service et notamment les décisions qu'il est amené à prendre sur ses dossiers relèvent de
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