L HIVER ET SA BÊTE
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Description

L’HIVER ET SA BÊTE Il fait noir tôt les soirs de janvier au Québec. Curieusement, c’est aussi la période de la journée ou le vent semble s’éveiller de sa torpeur. Pure illusion? Je ne sais pas. Ce soir de janvier 2002 n’en était pas une. Cela je peux vous l’affirmer. Tiens! Tiens! Encore un coup de blizzard qui fait valser mon camion de livraison sur la petite route de campagne qui relie le village de Saint-Lin et Saint-Jérôme. Pas croyable comment le vent souffle la neige, qui couvre les champs des cultivateurs, sur la route. Elle s’amasse en monticule et sans avertissement tout explose dans un nuage de poudre blanche qui vous fait presque perdre le contrôle. Des sueurs froides, le vent est froid et la cabine du camion est froide. La seule chose qui vous protège de cette absence de chaleur est la pensée de rentrer chez soi à la noirceur et s’assoir devant un poêle à bois chauffé à bloc. Une pensée dis-je? Elle n’est hélas que ça, pour le moment. À force de circuler sur ces routes rurales, on n’a que cela en tête. Je veux dire, on a que ce vieux rêve de posséder sa petite maison de campagne et quelques animaux, autant mon épouse que moi d’ailleurs. Parlant du nord, toutefois du moment présent, un autre monticule d’or blanc se dresse sur la route sur toute sa largeur. D’un coup, mes sueurs se réchauffent subitement. D’un fracas étouffé, j’entre de plein fouet dans le banc de neige improvisé. Je n’y vois plus rien.

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Publié le 23 mars 2014
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Langue Français

Extrait

L’HIVER ET SA BÊTEIl fait noir tôt les soirs de janvier au Québec. Curieusement, c’est aussi la période de la journée ou le vent semble s’éveiller de sa torpeur. Pure illusion? Je ne sais pas. Ce soir de janvier 2002 n’en était pas une. Cela je peux vous l’affirmer.Tiens! Tiens! Encore un coup de blizzard qui fait valser mon camion de livraison sur la petite route de campagne qui relie le village de SaintLin et SaintJérôme. Pas croyable comment le vent souffle la neige, qui couvre les champs des cultivateurs, sur la route. Elle s’amasse en monticule et sans avertissement tout explose dans un nuage de poudre blanche qui vous fait presque perdre le contrôle. Des sueurs froides, le vent est froid et la cabine du camion est froide. La seule chose qui vous protège de cette absence de chaleur est la pensée de rentrer chez soi à la noirceur et s’assoir devant un poêle à bois chauffé à bloc. Une pensée disje? Elle n’est hélas que ça, pour le moment. À force de circuler sur ces routes rurales, on n’a que cela en tête. Je veux dire, on a que ce vieux rêve de posséder sa petite maison de campagne et quelques animaux, autant mon épouse que moi d’ailleurs.Parlant dunord,toutefois du moment présent, un autre monticule d’or blanc se dresse sur la route sur toute sa largeur. D’un coup, mes sueurs se réchauffent subitement. D’un fracas étouffé, j’entre de plein fouet dans le banc de neige improvisé. Je n’y vois plus rien. Toute cette neige poudreuse emplit l’air à ne plus rien y voir. Le volant du camion s’affole d’un côté comme de l’autre. Je redresse à droite, mais rien n’y fait, il revient agressivement vers la gauche, puis vers la droite à nouveau. Mon véhicule, d’une valse désespérée, se dirige indéniablement sur bascôté de la route. Je sais ce qui s’y trouve et ce n’est pas de bon augure. D’une dernière poussée, je m’enfonce dans l’illusoire barrière blanche qui sépare la route du champ. Ça y est! Le véhicule s’arrête et mon instinct porte mon regard dans le miroir de gauche afin de m’assurer qu’un autre véhicule ne vienne pas s’emboiter sur le mien. Rien, il n’y a rien. Je suis seul sur cette route et nous partageons tous les deux cette solitude morbide de l’hiver. La seule chose qui vienne la troubler est ce silence brisé par le vent qui cherche à se faufiler par les orifices perdus de cette grosse boîte d’aluminium qui git obliquement à michemin entre la route et le champ.Sans remuer, agrippant le volant fermement de mes battements de cœur, je souffle mon soulagement que la situation ne soit pas au pire. La tension s’allège et je m’enfonce dans le siège, je reprends le contrôle de cette cascade insensée que nos hivers nous forcent à vivre au moins une fois par année. Bon! Allez! Je sors prendre acte de ma situation et à première vue, elle n’est pas très positive. Il est clair que je ne sortirai pas de ce pétrin tout seul, impossible. Quelques minutes ont passé après que j’aie contacté le centre de répartition pour obtenir de l’aide. Ah! Bien sûr qu’ils enverront une dépanneuse, mais dans combien de temps? Le téléphone portable vibre dans ma poche. Le gars de la dépanneuse me confirme qu’il en a pour, au minimum, une heure trente avant de pouvoir me venir en aide. Merveilleux! Je suis un peu plus aux anges. Au moins
le moteur du véhicule roule toujours, je ne vais pas mourir gelé. J’en ai vu d’autres.Le chauffage dans le tapis, je détache ma veste, enlève ma tuque de laine et mes gants. Vaut mieux me mettre confortable, une heure trente c’est long. Le vent continue de balayer la neige et je n’y vois absolument rien. Je suis encastré dans cette cabine tant que les secours n’arriveront pas. Je rêvassais à cette maison de campagne qui ne cesse de me hanter.Je quittais mes souvenirs quand des lumières aveuglantes projetaient leur éclat dans mon miroir du côté chauffeur. C’est surement la dépanneuse. Pourtant, Le gars de la dépanneuse m’a pourtant bien affirmé que cela prendrait au minimum une heure trente avant qu’elle n’arrive. Néanmoins, je ne me plaindrai pas si elle est déjà là. Je peux discerner le pourtour illuminé de sa cabine qui projette son rayonnement dans la nuit. Ce garslà aime ça les petites lumières quiflash,mais bon, à chacun ses goûts. Il approche, mais, il y a quelque chose de bizarre. Ben voyons! Non, ce n’est pas vrai! On dirait qu’il change de direction, pourtant la route est droite.C’est drôle comment l’œil humain peut percevoir les choses parfois. En pleine nuit, aveuglé par des phares et des petites lumières de Noël, il peut distinguer une image que notre cerveau analysera pour en venir à la conclusion que le véhicule qui se dirige droit vers moi est en perte de contrôle. Son angle d’approche augmente de plus en plus, il change, mais cela est pire que je ne le pensais. Il y a autre chose. Quelque chose de bien plus gros qui apparait dans le rétroviseur. Tout mon corps se raidit d’un seul coup. Je m’éveille de la torpeur de mes pensées si douces et de toute mon énergie dont mon corps est capable de produire et Dieu sait qu’il peut en produire audelà de ce que j’aurais pu imaginer. Je bondis d’un trait en agrippant le volant. Je me dégage de ma position et je saute vers la porte de droite. Je saisi la poigné et fait glisser la portière dans son socle. Elle a presque éclatée sur le choc. D’un effort de la dernière chance, je plonge dans le dernier retranchement possible. Voilà enfoncer dans quelques pieds de neige qui empli le fossé qui sépare la route du champ et je reste là. Le vent qui souffle étouffe tous les bruits, tous les sons qui pourraient provenir de la bête. Je lève la tête. Je ne vois rien, rien du tout sinon le côté et l’arrière du camion, mais audelà, rien. Du contrebas où je me trouve, mon champ de vision est quasiment nul. Je ne peux voir la route et la bête. Soudainement, une lueur fait battre mon cœur de plus en plus. De ses couleurs rougeâtres et verdâtres, mélangé à une blancheur floue, elle prend en otage la nuit et elle entend bien prendre le dessus. Rien ne semble vouloir l’arrêter. Ohhhh! Non! Je distingue la bête qui apparait subitement à travers un nuage de neige poudreuse qui embrouille l’air. Elle se dirige droit sur mon camion. À la dernière seconde, alors que mon cœur est sur le bord d’exploser, je puis distinguer le bout de sa queue. Elle semble ralentir, je le sens, quand bien même tout se passe si vite et si lent à la fois. Oui! Elle ralenti, mais pourquoi donc? Curieux, je soulève encore plus la tête, trainant le haut de mon corps avec elle au bout de mes bras. Elle change de direction, elle repart d’un autre sens pour disparaitre d’un instant. Seule la poudreuse s’éternise d’une dernière danse avant de revenir choir sur la route. Néanmoins, la bête est encore là, je l’entends. Son grondement s’est transformé en crissement comme si ces griffes frottaient sur le sol tout le long de l’autre côté du camion. Je me suis tourné énergiquement pour la suivre, même si je ne la voyais pas. Je vis apparaitre la poudreuse blanche à nouveau, mais cette fois, devant le camion. À travers
elle, des lueurs rouges vives qui criaient leurs fureurs, mais elles ne couraient pas vers moi. Elles s’enfuyaient de je ne sais quoi. Je la vis s’éloigner de plus en plus lentement en oscillant de gauche à droite et de droite à gauche. La bête est son maître disparurent dans la nuit, tout en lui rendant son silence d’avant. Elle lui redonna ses armes de solitude.Moi je restais là, encore saisit par cette attaque. Les petits flocons de poudreuses venaient mourir sur la peau de mon visage qui bouillait, qui enfumait l’air. Au moins deux minutes ont passé, puis je me suis relevé. J’ai quitté mon retranchement pour en rejoindre un autre. Je me renfonçai sur mon siège bien au chaud. Tellement chaud que j’éteignis le ventilateur qui faisait circuler la chaleur dans la cabine. De la sueur coulait sur mon front, puis sur mes joues afin de me rappeler comment j’avais pu échapper à la bête, une fois de plus.Oui, une fois de plus, car l’hiver chez nous c’est aussi cela.
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