Et la colère monta dans un ciel rouge et noir
37 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Et la colère monta dans un ciel rouge et noir , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
37 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« Et la colère monta dans un ciel rouge et noir » est l'histoire d'un homme tiraillé entre sa bonté naturelle et son désir de vengeance.Professeur de littérature dans une favela de Rio, supporter du mythique club de football Flamengo, Henrique Da Silva est le témoin désabusé de la préparation de la Coupe du monde dans son pays. À quelques jours du coup d’envoi, une dernière bavure militaire va faire basculer sa vie.Celui que l’on surnomme « Le Professeur » ne veut plus être une victime. Il se laisse envahir par la colère, la sienne, celle de tout un pays.Hafid Aggoune, un passionné de football, est l’auteur de plusieurs romans dont « Les Avenirs », récompensé par le prix Fénéon et le prix de l’Armitière.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 juin 2014
Nombre de lectures 332
EAN13 9782363152619
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0032€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Et la colère monta dans un ciel rouge et noir
Hafid Aggoune
ISBN 978-2-36315-261-9

Juin 2014
Storylab Editions
30 rue Lamarck, 75018 Paris
www.storylab.fr
Les ditions StoryLab proposent des fictions et des documents d'actualit lire en moins d'une heure sur smartphones, tablettes et liseuses. Des formats courts et in dits pour un nouveau plaisir de lire.
« Celui qui désespère des événements est un lâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou. »
Albert Camus
Table des mati res

1
2
3
4
5
6
7
Du même auteur
Biographie
Vous avez aimé ce livre ?
Dans la m me collection
1


Henrique Da Silva poussa le moteur de sa Monza comme jamais il ne l'avait fait. Le soleil lui faisait face et ne touchait plus l'horizon. La Chevrolet qu'il s'était offerte pour fêter le quatrième titre national du C.R. Flamengo, il y a vingt ans, continuait sa course aveugle à toute allure, sans défaillir. Sur le siège passager, les livres et un Beretta étaient maculés de sang. Les amortisseurs étaient mis à rude épreuve. Chaque virage donnait lieu à un dérapage qui aurait plu à son fils Luiz. Agité par l'adrénaline, Henrique était persuadé d'avoir fait les bons choix.
Quelques heures avant, celui que l'on surnommait depuis son adolescence « Le Professeur » avait attrapé le sac de sport de son fils Luiz, celui aux couleurs de Flamengo, ouvert le cadenas du tiroir de son bureau pour en extirper le 9 mm et une liasse de billets — toutes ses économies à vrai dire. Mais avant de jeter le tout au fond du sac, il découvrit le maillot du dernier match de Luiz, pas lavé, avec sa sueur, son odeur, traces qu'il ne pourrait plus effacer, celle d'une vie où son petit pouvait encore courir, heureux, plein de vie et de vitesse, aussi rapide avec et sans le ballon aux pieds. Henrique dut lutter pour contenir ses larmes, ce qui le rendit plus déterminé que jamais et crispa davantage une mâchoire carnassière que ses nerfs ne desserraient plus.
Après avoir quitté le parking de l'école et jeté le sac dans le coffre de sa voiture, Le Professeur repensa aux sermons de son épouse à propos de la faible puissance des phares. La nuit allait tomber sans prévenir et la vieille Chevrolet faisait regretter de ne pas avoir pris au sérieux les remarques d'Isabella toutes ces années. Il conduisait prudemment, ce n'était pas le moment de sortir de la route ou de se perdre. Au bout du fil, l'homme avait été clair : détruire et jeter le téléphone avec lequel il l'avait contacté, être à l'heure et seul.
Il fila dans une nuit sans lune et arriva les yeux fatigués à cause des maudits phares défaillants. La baraque, située au nord, en lisière de forêt, était perdue au milieu des vapeurs d'humidité et semblait déserte. Il laissa volontairement la Chevrolet dans une impasse, loin de l'entrée. Il descendit de la voiture et prit l'arme du coffre. Pour la première fois depuis qu'il avait ramassé le Beretta, il marchait armé et, tout en approchant de la construction où vivait l'homme, il serrait la crosse dans la poche gauche de son blouson, incapable de contrôler le doigt qui en titillait les formes — par le biais d'un jeune de la favela, Maicom, un ancien élève qui lui rendait certains services, il n'avait eu aucun mal à trouver les balles pour le charger ; là où il avait grandi et enseignait désormais, il était plus facile de trouver un lance-roquettes qu'un roman d'Hemingway.
Henrique traversa un jardin jonché de pinhas sèches qui lui rappelèrent son fils. Depuis ses trois ans, Luiz collectionnait tout ce qui sortait de terre ou tombait des arbres, avec une prédilection particulière pour ces pommes de pin typiques qui finissaient par ressembler à des fleurs une fois déshydratées. La flore qui entourait Rio était si riche que le petit n'avait jamais fini d'enrichir son herbier. Par réflexe, Le Professeur en ramassa quelques-unes et les glissa dans la poche libre de son blouson. Même si Luiz avait peu de chance de remarcher un jour et quoi que le sort lui réserve, sa collection continuerait à s'agrandir.
Debout face à la grille du perron, Le Professeur respira un grand coup et sonna. Entre la grille et la porte, on pouvait compter trois pas. Aussitôt, une veilleuse rouge s'alluma dans le coin supérieur droit, juste sous la gouttière. Là, une caméra à peine visible effectua une petite rotation et le fixa. Le Professeur reprit une seconde fois une large bouffée d'air. L'atmosphère était saturée d'odeurs florales venant du parc de Tijuca mêlées à des effluves de plastique brûlé. Il pouvait encore faire demi-tour. Quand Zé Brilho apparut derrière une énorme porte blindée, Henrique fit un pas en arrière avant de se reprendre. L'individu était blanc comme la lune, cependant ce qui frappait au premier regard n'était pas la peau albinos mais ce qui sortait de ses yeux, un bleu presque aveuglant.
Une fois à l'intérieur, l'ameublement était sommaire et rien ne laissait présager que l'endroit était la planque d'un hackeur. Les pièces que traversa Le Professeur, le salon et la cuisine, ne regorgeaient pas de boîtes de pizza remplies de croûtes séchées et le sol n'était pas jonché de canettes éventrées. C'était propre et ça sentait la cire.
Au milieu de la cuisine, Zé Brilho se retourna vers Henrique. Le Professeur ne put s'empêcher d’observer la tête de mort que l'homme arborait sur son torse. Zé parla avec beaucoup d'assurance : « Je sais où tu habites, dans quelle chambre est ton fils, je connais ton numéro de compte bancaire et je peux te ruiner en deux minutes, alors tout ce que tu as vu et verras, tu l'oublies. Je connais ta réputation et je sais pourquoi tu vas faire ce que tu vas faire et pourquoi tu es ici. Donc c'est pas parce que je t'ai à la bonne que j'hésiterai une seconde à te liquider et à mettre fin au calvaire de ton gosse. Compris ? »
Le message était clair. Zé Brilho fit un pas de côté, souleva un coin de linoléum et dégagea une trappe : « Après toi, Professor ... »
Le Professeur devina qu'il se trouvait au seuil d'un dédale hallucinant de galeries se déployant sous la maison. Au fil de leur progression, il remercia son fils d'aimer les pinhas . Instinctivement, il en abandonna quelques-unes, comme un fil d'Ariane.
Les deux hommes mirent cinq minutes à traverser le labyrinthe et, au terme de virages multiples sans la moindre hésitation, Zé Brilho dévoila l'antre dans laquelle il devait passer des jours entiers sans voir le soleil, le ventre originel où il devait se sentir en sécurité et protéger sa peau immaculée, le monde entier à sa merci.
— Je te fais confiance parce que j'approuve ton combat. Notre pays souffre trop. D'abord l'esclavage, le racisme, puis le capitalisme, les inégalités, la corruption omniprésente, les bavures de la police, les nettoyages de l'armée. Toute ma vie, j'ai attendu une occasion pareille. C'est Dieu qui t'envoie à moi. Entre...
À l'évocation divine, Le Professeur remarqua que Zé Brilho toucha machinalement une croix à son cou. Il remarqua aussi les doigts longs et fins de son hôte, ongles coupés à ras, quasiment jusqu'au sang.

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents