Iliz Koz, la chapelle perdue dans les sables,  ou les humeurs du climat
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Iliz Koz, la chapelle perdue dans les sables, ou les humeurs du climat

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Description

Iliz Koz, la chapelle perdue dans les sables, ou les humeurs du climat. Jacques MELET Iliz Koz, la chapelle perdue dans les sables, ou les humeurs du climat Le Père Yon pose la clef sur le rebord de la fenêtre, tout les paroissiens de Tremenac’h l’appellent ainsi car en fait nul ne connaît vraiment son patronyme. Puis il marche sur la sente qui s’élève sur la dune de sable en direction du centre ville. Arrivé au sommet, il se retourne pour contempler avec regret la petite église du hameau d’Iliz Koz (la vielle église), où il a officié pendant les 40 années de sa vie de curé. Il se revoit à l’aube de ce jour de mars 1721, sortant du presbytère pour ouvrir la porte de l’église. Il a encore fallu qu’il se batte pour sortir du presbytère, la porte étant déjà bloquée par l’amoncèlement du sable. Cette nuit le vent a encore soufflé en tempête, et dans le petit matin et le vent glacial ses yeux pleuraient, autant par le froid que par les grains de sable salé que le vent arrache de la plage et emporte au loin, alimentant ainsi la croissance de la dune. Il avait alors pris la pelle qu’il laisse en permanence cachée derrière un des contreforts et avait entrepris de dégager la porte des cinquante centimètres de sable amoncelé devant la porte par le vent depuis qu’il l’avait fermée en partant hier vers dix huit heures.

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Publié le 20 mars 2016
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Langue Français

Extrait

Iliz Koz,
la chapelle perdue dans les sables,
ou les humeurs du climat.







Jacques MELET
Iliz Koz, la chapelle perdue dans les sables,
ou les humeurs du climat

Le Père Yon pose la clef sur le rebord de la fenêtre, tout les paroissiens
de Tremenac’h l’appellent ainsi car en fait nul ne connaît vraiment son
patronyme. Puis il marche sur la sente qui s’élève sur la dune de sable en
direction du centre ville. Arrivé au sommet, il se retourne pour contempler
avec regret la petite église du hameau d’Iliz Koz (la vielle église), où il a
officié pendant les 40 années de sa vie de curé.
Il se revoit à l’aube de ce jour de mars 1721, sortant du presbytère pour
ouvrir la porte de l’église. Il a encore fallu qu’il se batte pour sortir du
presbytère, la porte étant déjà bloquée par l’amoncèlement du sable. Cette
nuit le vent a encore soufflé en tempête, et dans le petit matin et le vent
glacial ses yeux pleuraient, autant par le froid que par les grains de sable
salé que le vent arrache de la plage et emporte au loin, alimentant ainsi la
croissance de la dune.
Il avait alors pris la pelle qu’il laisse en permanence cachée derrière un
des contreforts et avait entrepris de dégager la porte des cinquante
centimètres de sable amoncelé devant la porte par le vent depuis qu’il
l’avait fermée en partant hier vers dix huit heures. Il a eu bien du mal à
rejeter ce sable par-dessus les accotements de plus en plus élevés du petit
passage qu’il s’efforce de maintenir ouvert pour que les paroissiens
puissent encore accéder à l’église.
Puis ayant ouvert la porte de plus en plus grinçante, et étant entré dans
la nef, il avait passé plus d’une heure à nettoyer ce sable si fin qu’il
s’infiltre partout, jusque sur l’autel. Il avait attendu jusqu’à cet après-midi
que des paroissiens viennent lui rendre visite et solliciter ses services,
confession, baptême, mariage, enterrement et confidences et conseils. Mais
tout ce temps il était resté seul, le mauvais temps les ayant sans doute
dissuadé.
Aussi, à seize heures, il s’est agenouillé devant l’autel, avec un signe de
croix et a prié : « Mon Dieu, je te prie d’excuser ma faiblesse, ma faute et
mon désespoir, mais je ne peux plus assurer ton service en ce lieu. Cette
chapelle, et ce village, sont condamnés, peut-être par ta juste colère, mais
aussi sans doute par l’anathème que j’ai moi-même jeté il y a maintenant
une semaine. Je me suis laissé allé à la colère devant l’injure qui m’a, et
surtout qui t’a été faite, alors que mon sacerdoce aurait du m’aider sans

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ou les humeurs du climat

doute à pardonner mais surtout à remettre dans le droit chemin les
profanateurs. Je vais fermer cette église et me mettre à la disposition de
l’abbé et de l’évêque afin qu’ils me confient une autre mission ».
Il marche vers la grande église de Plouguerneau, et pense à ses
paroissiens qu’il laisse un peu orphelins. Ce sont des gens rudes qui, au
pays Pagan, dans le Léon, vivent sur cette pointe de terre, face à l’Ile
Vierge, mais surtout juste derrière la plage de Grève Blanche, longue de
près d’un kilomètre, face au grand large, ouverte au Noroît, ce vent du
Nord Ouest qui vient tout droit d’Irlande et d’encore plus loin dans
l’Atlantique Nord.

Ce sont des paysans, producteurs de légumes et de céréales, des
goémoniers qui ramassent les algues pour les brûler afin d’en extraire la
soude qui sera vendue pour l’industrie chimique, des pêcheurs à pieds ou
borduriers qui ne partent que pour quelques jours au plus. Et bien sûr, sur

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ou les humeurs du climat

cette côte tempétueuse et déchiquetée par des rochers, ils sont tous un peu
contrebandiers ou naufrageurs. En fait ils cherchent surtout à profiter des
fortunes de mer offertes par les naufrages, provoqués, les uns simplement
par mauvais sort mais, d’autres volontairement par des naufrageurs qui
allument des feux sur les dunes pour attirer sur les rochers les bateaux
égarés. Les ports n’étant que des havres pour les bateaux de pêche, il avait
la satisfaction de n’avoir pas à gérer par des sonneries de cloches le
retour des marins au long cour, qui dans les plus grands ports alertent les
épouses infidèles de remettre les affaires familiales dans l’ordre.
Tout en marchant, la tête baissée pour échapper un peu au vent et au
sable, il repense à ce qu’il a appelé l’injure, la profanation. Ce soir-là, il y
a tout juste une semaine, juste avant la fermeture des portes de la chapelle,
Yorick, Daniel et Yvon, étaient venus le trouver et lui avaient dit « Père
Yon, Marie, la femme d’Yvon vient de donner naissance à leur premier
enfant, un petit garçon, que voilà dans ses langes, et tous les deux
désireraient qu’il soit baptisé au plus vite, et ce sera Yorick la parrain,
estce possible là maintenant ? ».
Le Père Yon fut très heureux d’avoir un nouveau paroissien, alors que
depuis déjà bien des années, il n’y avait plus eu de naissance à Iliz Koz, les
habitants partant plus à l’intérieur des terres pour se mettre à l’abri des
fureurs de la mer, vers Saint Laurent.
Il fut également heureusement surpris car il connaissait bien les trois
gaillards qui se tenaient devant lui et qui étaient bien plus connus pour
leur goût de la fête, de l’alcool et des plaisanteries souvent plus lourdes
que fines. Mais, s’était-il dit, pourquoi pas un sursaut religieux pour une
première naissance, surtout qu’un baptême peut également donner lieu à
une fête de famille et de voisins.
Il ouvrit les fonts baptismaux et commença la cérémonie par les prières
habituelles, puis aspergeât généreusement le nouveau né avec l’eau bénite.
C’est alors qu’au lieu de gémissements ou de pleurs d’un nouveau né
s’éleva un miaulement aigu et que le gros chat noir emmitouflé dans la
couverture tenue fermement par Yorick s’arracha des mains de celui-ci.
Le Père Yon était déjà presque aveugle et fut effaré de voir le chat
sauter sur son surplis et dans sa fuite affolée le lacérer de ses griffes. Il

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comprit aussitôt qu’il avait été honteusement abusé par ces trois vauriens
en recherche d’amusement et que le sacrement du baptême venait d’être
gravement profané.
Hors de lui et fou de rage, le curé, emporté par une violente colère,
maudit les mécréants, et proféra la terrible malédiction dont il se sentait
maintenant fautif « Anathème, que Tremenac’h soit anathème. Dieu punira
le sacrilège et le sable sera le linceul de la paroisse et son église. ».
Il y a maintenant longtemps qu’il vit à Iliz Koz, et a vu les tempêtes de
sables se renforcer et les dunes grandir et avancer sans cesse. Les anciens
disent que leurs pères et les pères de ces pères, ont vu le climat se
dégrader d’année en année, les récoltes s’appauvrir, le cycle des famines
se raccourcir et qu’il y avait eu un temps où les dunes étaient encore à
taille humaine et loin du village. Et tous se demandent pour quelle raison
cette punition de Dieu s’abattait sur leur village.
Depuis maintenant huit jours, le vent s’est enflé et a hurlé jour et nuit,
et peu à peu le village maudit a été englouti par la tempête de sable.
En fait cela a duré pendant 10 longues années au moins. En 1729, les
derniers habitants, épuisés et désespérés, ont fui la village maudit qui
jusqu’en 1969 va disparaître des cartes et de la mémoire.
Il n’en resté trace que dans une légende née peu de temps après
l’ensablement complet, un de ces contes qui se racontent les soirs d’hivers
devant le feu de la cheminée, en mangeant des galettes-saucisses et en
buvant du cidre et qui se termine par : « toute personne se trouvant sur
l’emplacement de la chapelle, à la date anniversaire du châtiment, aura le
privilège de voir se lever trois soleils à la seule condition qu’elle ait le
cœur pur ».

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A Plouguerneau, le lieu-dit Iliz Koz (la vieille église) existe bel et bien.
Depuis le centre ville, il faut prend

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