La réciprocité, le don et la confiance. Le cas de l auto-stop
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Université de Strasbourg UFR des Sciences Sociales Département de sociologie « La réciprocité, le don et la confiance. Le cas de l'auto-stop » Simon-Olivier Gagnon Mémoire préparé sous la direction de Patrick Watier en vue de l'obtention du grade de bachelier ès sciences 2012 Résumé Le ministère des affaires étrangères français les surnomme les pirates de la route pour prévenir les touristes des risques potentiels. Les Français les nomment communément les stoppeurs ou les routards. Les Québécois les nomment les pouceux. Dans le monde germanique, ils sont appelés les Tramper. Et les anglophones les nomment les hitchhickers ou les backpackers. Certains les craignent, s'en méfient, alors que d'autres leur font confiance. À partir du don de l'auto-stop, nous avons tenté de comprendre ce qu'est la disposition à la coopération et d'expliquer l'attribution de la confiance entre des inconnus qui n'ont pas l'intention de réitérer leur collaboration. Pour ce faire nous avons réalisé des entretiens auprès de 8 auto-stoppeurs, dont certains ayant accès à une voiture. À la suite d'une brève investigation empirique, il nous est apparu que ceux qui récupèrent des auto-stoppeurs le font parce qu'ils ont déjà été dans cette situation et que pour cette même raison ils accordent leur confiance à des inconnus. Plusieurs modalités du don se sont également révélées au cours des entretiens.

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Publié le 05 mars 2013
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Université de Strasbourg
UFR des Sciences Sociales Département de sociologie
« La réciprocité, le don et la confiance. Le cas de l'auto-stop »
Simon-Olivier Gagnon
Mémoire préparé sous la direction de Patrick Watier en vue de l'obtention du grade de bachelier ès sciences
2012
Résumé
Le ministère des affaires étrangères français les surnomme lespirates de la routepour prévenir les touristes des risques potentiels. Les Français les nomment communément lesstoppeursles ou routards. Les Québécois les nomment lespouceux. Dans le monde germanique, ils sont appelés les Tramper. Et les anglophones les nomment leshitchhickersou lesbackpackers. Certains les craignent, s'en méfient, alors que d'autres leur font confiance. À partir dudon de l'auto-stop,nous avons tenté de comprendre ce qu'est la disposition à la coopérationet d'expliquer l'attribution de la confiance entre des inconnus qui n'ont pas l'intention de réitérer leur collaboration. Pour ce faire nous avons réalisé des entretiens auprès de 8 auto-stoppeurs, dont certains ayant accès à une voiture. À la suite d'une brève investigation empirique, il nous est apparu que ceux qui récupèrent des auto-stoppeurs le font parce qu'ils ont déjà été dans cette situation et que pour cette même raison ils accordent leur confiance à des inconnus. Plusieurs modalités du don se sont également révélées au cours des entretiens. À posteriori, il faut considérer l'auto-stop comme une construction sociale qui peut être influencée par le traitement médiatique et des politiques répressives. Qu'est-ce que la réciprocité dans ledon de l'auto-stop ?
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Table des matières
Introduction..........................................................................................................................................7
CHAPITRE 1 - Le phénomène de l'auto-stop et la disposition à la coopération.................................9
CHAPITRE 2 - La confiance dans l'action réciproque : ...................................................................11
Du don fait aux inconnus à l'échange marchand...............................................................................11 2.1. Qu'est-ce que la réciprocité ?..................................................................................................12
2.1.1. La réciprocité chez Simmel.............................................................................................13 2.1.2. La réciprocité chez Mauss ..............................................................................................14 2.2. Les formes de réciprocité .......................................................................................................16
2.2.1. Réciprocité sans bienveillance (eros)..............................................................................17 2.2.2. Réciprocité – amitié (philia)............................................................................................17 2.2.3. Réciprocité inconditionnelle (agapè)..............................................................................19 2.3. L'attribution de la confiance...................................................................................................20
2.3.1. De la confiance assurée à la confiance absolue..............................................................21 2.3.2. Une disposition qui varie selon les individus et les époques..........................................23 2.4. L'auto-stoppeur, le voyageur et l'étranger de Simmel.............................................................25
CHAPITRE 3 - Question de recherche, objectifs et méthodologie....................................................27 3.1. La méthodologie.....................................................................................................................28
3.1.1. L'auto-stoppeur....................................................................................................................28
3.1.2. L'espace, l'autoroute........................................................................................................28 3.1.4. Les caractéristiques générales de l'échantillon................................................................30
CHAPITRE 4 - La pratique des répondants impliqués dans l'auto-stop............................................31 4.1. Les types de répondants..........................................................................................................31
4.1.1. Les jeunes auto-stoppeurs....................................................................................................31
4.1.2. Les anciens auto-stoppeurs.............................................................................................32 4.1.3. Les jeunes auto-stoppeurs ayant accès à une voiture......................................................32 4.1.4. Les anciens auto-stoppeurs ayant accès à une voiture....................................................32 4.2. La pratique de l'auto-stop .......................................................................................................33
4.2.1. Risques ...........................................................................................................................35
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CHAPITRE 5 – Le discours des répondants sur leur expérience de l'auto-stop................................36 5.1. Qu'est-ce qui motive l'automobiliste à agir dans l'intérêt d'autrui ?.......................................36
5.1.1. Les formes de réciprocité : de l'intérêt pour autrui à l'intérêt pour soi............................37 5.2. Retour sur la première hypothèse...........................................................................................40
5.3. Le don.....................................................................................................................................40
5.3.1. La spontanéité du don.....................................................................................................40 5.3.2. Les marques d'hospitalité inconditionnelles...................................................................41 5.3.3. Les obligations implicites au don....................................................................................41 5.4. La confiance............................................................................................................................43
5.4.1. De l'inconnu au familier : d'une confiance absolue à une confiance assurée..................44 5.4.2. Contexte relationnel........................................................................................................45 5.4.3. Le préjugé ou l'apparence...............................................................................................45 5.4.4. Profil social.....................................................................................................................46 5.4.5. Époque............................................................................................................................47 5.4.6. Médias.............................................................................................................................48 5.5. Retour sur la deuxième et la troisième hypothèse .................................................................49
CHAPITRE 6 – Le don de l'auto-stop................................................................................................50 6.1. La figure de l'auto-stoppeur et les conditions sociales modernes ..........................................50
6.2. La réciprocité et le tiers du don..............................................................................................51
6.2.1. Les trois moments de la réciprocité................................................................................52 6.2.2. Quel est le tiers du don ?.................................................................................................53 6.3. Le don : une institution in nucleo...........................................................................................56
6.3.1. Qu'est-ce qu'une typification réciproque ?......................................................................57 6.4. Machinerie s conceptuelles, médias et politiques répressives ...............................................59
CONCLUSION .................................................................................................................................61
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................66
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Remerciement
Je tiens à remercier Patrick Watier, professeur de sociologie à l'Université de Strasbourg, pour avoir contribué à l'orientation de ma réflexion ; qu'il trouve dans ce travail une bien modeste tentative pour (post)moderniser la pensée de Georg Simmel, un dessein auquel il a contribué tout au long de sa carrière académique.
Un grand merci à tous les automobilistes qui ont généreusement participés à mes pérégrinations allomobiles. Sans eux, l'idée desociologiserl'auto-stop n'aurait jamais vue le jour. Dans cette même lancée, merci aux répondants qui ont bien voulu partager leur expérience d'auto-stop avec moi.
Merci au Bureau international de l'Université Laval pour m'avoir octroyé des bourses d'études, cela m'a permis, pour une première fois dans mon parcours scolaire, de lire et d'écrire sans les lourdes contraintes temporelles d'un emploi.
Je tiens aussi à remercier Maxime Clément, camarade au département de sociologie de l'Université Laval, qui m'a offert ses critiques à quelques reprises durant la rédaction de ce projet d'étude.
Enfin, merci à Kathrin qui contribue à mon équilibre intérieur et pour sa bienveillance à mon égard.
Leur dire merci est pour moi un façon de leur rendre la pareille, de réciproquer ce qu'ils ont fait pour moi.
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« L'auto-stop représente bien un dangercollectif, puisqu'il produit du lien social, et mieux même : puisqu'il permet de faire tomber subitement les cloisonnements socio-professionnels, en offrant l'opportunité à ceux qui n'auraient jamais dû se rencontrer, de se rencontrer quand même : chefs d'entreprise et fonctionnaires, beaufs et bourgeois bohèmes, tout ce petit monde logé à la même enseigne, qui est celle de notre condition de mortels, et qui se charge de rééquilibrer la balance des inégalités sociales. »  Décaudin & Revard (2011:295)Tôt ou tard. Politique de l'auto-stop
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Introduction
La tradition sociologique a, depuis la modernité, considéré qu'il y a une abstraction croissante des relations humaines. Cette abstraction se résumerait brièvement à un processus d'isolement et de séparation des individus du corps social. Ce phénomène, selon Papilloud (2003), surpasserait en radicalité la rationalisation du monde dont parle Max Weber (Weber, 1976) et l'anomie décrite par Émile Durkheim (Durkheim, 1991). Tel que Simmel l'a décrit dansphilosophie de l'argent La , l'abstraction croissante des rapports sociaux est causée par la médiation de l'argent et également, selon des penseurs actuels, dû au développement des moyens de communication et des nouvelles formes de mobilités (Adorno, 1983; Urry, 2000). L'informatisation des multiples activités de notre vie quotidienne et les formes contemporaines de mobilités créent, selon Urry, des sociétés toujours plus fluides, dans lesquelles le face à face entre les humains tendrait à disparaître progressivement (Urry, 2000). D'ailleurs, ce propos qui constitue une des thèses centrales de John Urry rejoint ce que Adorno et Horkeimer affirment concernant le progrès : « Le progrès sépare littéralement les hommes. […] La voiture privée réduit les possibilités de rencontres au cours d'un voyage à des contacts avec des auto-stoppeurs parfois inquiétants. Les hommes voyagent sur leurs pneus, complètement isolés les uns des autres.» (Adorno, 1983, 236)
À mon avis, l'expérience de l'auto-stop semble être une figure de résistance de cette abstraction croissante des rapports humains. Elle peut donc être problématisée, car elle correspond à une reconfiguration du lien social. Alors pourquoi une approche sociologique de l'auto-stop ? N'est-ce pas une pratique triviale, folklorique, appartenant à la génération hippie qui est sans intérêt scientifique pour la sociologie ?
La coopération d'une multitude d'inconnus, d'individus qui sont anonymes les uns aux autres, est l'objet sur lequel nous avons porté notre regard dans cette enquête. Notre principale objectif était d'expliquer ce qui motive les automobilistes à récupérer des auto-stoppeurs. La présente recherche vise à mieux comprendre ce qu'est ledon de l'auto-stop, ses caractéristiques, ses obligations, et l'attribution de la confiance entre des inconnus qui n'ont pas proprement l'intention de réitérer la coopération. Nous avons privilégié une méthode dite desregards croisépour bien saisir le point de
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vue respectif des protagonistes impliqués dans le cas auto-stop.
Cette étude se divise en deux grandes parties. Premièrement, une problématique plausible et un cadre théorique y sont présentés. Le premier chapitre s'attarde à définir les grandes notions qui ont guidés notre réflexion : la réciprocité, le don et la confiance. Dans ce chapitre, je présente en détail une typologie développée par Bruni (2008) pour comprendre les différentes formes de réciprocité. Suite à cela, je présente que l'auto-stoppeur comme le voyageur, semble avoir des affinités avec la figure de l'Étrangerde Simmel. Cette dernière idée n'est pas reprise dans l'analyse et il y aurait lieu, sans doute, d'y accorder davantage d'attention dans un chapitre ultérieur.
Dans la seconde partie, nous y présentons un bref aperçu des résultats de notre investigation empirique. Il faut spécifier que beaucoup de témoignages ont été mises à l'écart dans le but de privilégier des réponses concises à nos hypothèses de recherche. D'abord, au chapitre 4, nous présentons un portrait des répondants de notre enquête ainsi que leur discours sur la pratique en tant que telle. Ensuite, le chapitre 5 est consacré principalement à l'analyse du discours des répondants. Dans cette section, les thématiques du don et de la confiance y sont traités à nouveau, en regard des données empiriques. Enfin, dans le chapitre 6, nous présentons brièvement l'idée que la figure de l'auto-stoppeur s'oppose à celle de l'individu façonné par les conditions sociales de la modernité. Ce chapitre est également le moment opportun pour nous de suggérer des amendements notables pour restructurer un modèle théorique qui puisse traiter conjointement les thèmes de la réciprocité, du don et de la confiance.
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CHAPITRE 1 - Le phénomène de l'auto-stop et la disposition à la coopération
Loin d'être désuet, ce mode de déplacement a été et continue d'être pratiqué par une proportion marginale de la société. Le besoin de mobilité, que ce soit par nécessité ou pour le simple loisir de voyager, a motivé les êtres humains de toutes époques, depuis l'ère paléolithique.
Dû à l'absence d'étude historique à ce sujet, il est difficile de remonter à la source de l'auto-stop. Il est probable que cette pratique soit apparue en même temps que celle de l'automobile. On peut sans doute émettre l'hypothèse que ce phénomène est contemporain et qu'il a connu son essor à la fin des Trentes glorieuses, c'est-à-dire au moment de l'émergence de la société de consommation et de la démocratisation de l'automobile. Il ne faudrait pas non plus négliger, à ce propos, l'influence qu'a pu avoir le mouvement hippie et plus généralement le mode de vie de laBeat generationdans l'Ouest américain au début des années 1960. En France, le mot auto-stop fait son apparition en 1938 d'après lePetit Robert. Aujourd'hui, ce terme et cette pratique se sont répandus dans de nombreux pays, comme le relate André Brugiroux dans son livre intituléLa route:
"« Faire du pouce » disent les Québécois, « hitch-hiking » disent les Anglo-saxons, « trampen » les Allemands et les Israéliens, « a puttanim » les Islandais, «de aventon» les Mexicains, « cola » les Vénézuéliens, « a dedo » les Chiliens, «bobeia» ou « carona » les Portugais et les Brésiliens, « auto-stop » partout ailleurs, que l’on prononcera selon les latitudes: oto-stop, mouto-stop, auoto-stop, auoto-sitop, etc. [...] Il est désormais possible de faire du stop un peu partout sur terre." (Brugiroux, 1986 : 25 )
L'auto-stop apparaît très brièvement dans la littérature scientifique contrairement à son cousin le covoiturage. Pour ne nommer que les principaux écrits, ce phénomène a fait l'objet d'une investigation philosophique (Décauvin et Revard, 2011), d'un mémoire avec une approche géographique (Viard, 1999), d'un article qui considère l'auto-stop comme un moyen de négociation de l'espace social pour les jeunes dans la Russie postsoviétique (Zuev, 2008) et de quelques articles d'un sociologue français qui a prouvé que le fait de sourire ou, pour les femmes, de porter des vêtements rouges et d'avoir une forte poitrine améliorent les chances de se faire recueillir en auto-stop (Guéguen, 2007, 2010; Guéguen & Fischer-Lokou, 2004). En fait, la description de cette pratique est davantage présente dans les récits de voyage, notamment dans le récitOn the roadde Jack Kirouac. Afin de spécifier le diagnostique que je propose de ce phénomène, voici un court extrait de ce récit :
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« J'étais justement sur le point d'y renoncer, me proposant d'aller m'asseoir devant un café, quand une assez chouette auto stoppa, avec un jeune type au volant. Je courus comme un fou.
- Où vous allez ? - Denver. - Bon, je peux vous faire une centaine de milles dans la direction. - Épatant, épatant, vous me sauvez la vie. - J'ai fait pas mal de stop moi-même, c'est pourquoi je ramasse toujours les gars. - J'en ferais autant si j'avais une bagnole. Et ainsi nous nous mimes à discuter et il me raconta sa vie, qui n'était pas très intéressante, et je me mis à faire un somme et m'éveillai juste à la sortie de la ville de Gothenburg, où il me laissa. » (Kerouac, 1960 : 43)
De ce passage, il est possible d'appréhender comment le phénomène de l'auto-stop pourrait être abordé par la sociologie. D'abord, il y a une « ouverture à l'autre » de la part de l'automobiliste qui accueille un auto-stoppeur dans sa voiture. N'est-ce pas, comme l'entend Paul Seabright, une « disposition à la coopération », laquelle sous-entendrait une certaine réciprocité ?
En tant que forme relationnelle, l'auto-stop peut être étudié comme une action réciproque et donner lieu à une étude empirique qui permet de répondre à un questionnement de nature sociologique. À mon avis, il est par ailleurs fécond et légitime, dans le cadre d'une sociologie formelle comme pourrait l'entendre Georg Simmel, d'interroger les conditions de possibilité d'un tel phénomène, c'est-à-dire la coopération d'individus qui sont inconnus l'un vis-à-vis l'autre. Il y a un siècle de cela, Simmel avait déploré à la sociologie de s'être attardé exclusivement à l'analyse des grands organes de la société, en laissant de côté les interactions microsociales. Selon cet auteur, « il y a une quantité infinie de formes relationnelles et d'actions réciproques humaines plus petites […] ce sont elles qui produisent la société telle que nous la connaissons.» (Simmel, 1999 : 55 ). En ce sens, je tenterai de poursuivre le sillon tracé par Simmel le siècle dernier, celui des études microsociologiques constituées à partir d'actions réciproques.
À mon tour, je tenterai de répondre à la question « comment la société est-elle possible ? » en m'attardant à un processus relationnel singulier, soit la rencontre de deux unités sociales dans le phénomène de l'auto-stop. De là, proposons-nous les questions suivantes : qu'est-ce qui motive l'automobiliste à agir dans l'intérêt d'un inconnu? Comment expliquer qu'il accorde de la confiance à un inconnu ? Et inversement, quelle disposition particulière est nécessaire à l'auto-stoppeur pour qu'il s'engage dans cette forme de relation avec autrui ?
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CHAPITRE 2 - La confiance dans l'action réciproque : Du don fait aux inconnus à l'échange marchand
Ce chapitre présente le cadre théorique structurant cette étude. Dans un premier temps, j'expose la notion de la réciprocité qui figure dans l'oeuvre de Simmel et de Mauss ainsi que deux principaux types d'actions réciproques. En présentant la typologie des formes de réciprocité chez Bruni, j'identifie certaines modalités de la réciprocité, dont la confiance, les intentions, les dispositions, qui permettent d'expliquer partiellement le don aux inconnus qui prend forme dans le cas de l'auto-stop. Ceci fait, j'explicitegrosso modocomment la notion de la confiance a été abordée dans la littérature et je mentionne de quelle manière celle-ci varie en fonction du profil des individus et des époques.
En premier lieu, je vais esquisser une réponse pour mieux y revenir avec les données empiriques : qu'est-ce qui motive l'automobiliste à agir dans l'intérêt d'un inconnu ? D'abord, est-ce une forme d'aide, un comportement altruiste, bienveillant, généreux ? Au contraire, est-ce un acte intéressé de la part de l'automobiliste ? Désir-t-il avoir de la compagnie uniquement pour ne pas s'endormir sur la route, ou seulement pour discuter ? Ou bien a-t-il agi vertueusement par amitié ? Est-ce que le simple fait de rendre service à l'auto-stoppeur le satisfait ?
Comme je l'ai mentionné ci-dessus, il est plausible que l'automobiliste ait une « disposition à la coopération » s’il recueille un auto-stoppeur qui le sollicite. L'auteur Paul Seabright (2011), dans son ouvrageLa société des inconnus, met en évidence que depuis la préhistoire il y a eu une grande diminution des actes de violence dans nos sociétés et que cela s'explique principalement par le fait nous ayons réussie à coopérer. Selon lui, cette tendance à la coopération a évolué en deux voies distinctes. D'une part, au fur et à mesure que l'intelligence s'est développée, comme l'explique Seabright, les individus furent en mesure de calculer leur intérêt à long terme et ainsi de poursuivre les relations qu'ils avaient nouées en espérant en profiter dans un quelconque futur. Et d'autre part, cette disposition coopérative « fut la sélection d'un caractère dit de “réciprocité forte”, c'est-à-dire une disposition instinctive à agir envers les autres comme ils agissent envers vous (cette réciprocité est dite “forte” pour la distinguer d'un type de réciprocité due au seul calcul de son intérêt bien compris).» (Seabright, 2011 : 112). Dans le cadre de cette étude, je me suis intéressé seulement à la
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