Un casque mérovingien à Pompey
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Un casque mérovingien à Pompey

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UN CASQUE MEROVINGIEN A POMPEY Alain Simmer, Le Pays Lorrain, t.88, décembre 2007, p.264-266. Voila plus d'un siècle que l'on découvre des sépultures mérovingiennes à Pompey. Le Champ des Tombes est un des sites funéraires les plus intéressants de Lorraine; probablement le plus vaste – au moins mille sépultures, tant du Bas-Empire que du haut Moyen Age - mais aussi un des plus saccagés. Depuis 1850, les découvertes ont succédé aux découvertes (sur trois hectares !) mais elles se sont le plus souvent limitées à la récolte de beaux objets, sans jamais aboutir à l'étude scientifique de cette nécropole établie sur un site majeur, au confluent 1de la Moselle et de la Meurthe . Et l’implantation d’usine sidérurgique en plein milieu du cimetière n’a rien fait pour arranger les choses. …. Ces quelques lignes ne viendront, hélas, pas déroger à la règle : encore une sépulture isolée de plus… A la différence qu'il s'agit, cette fois, d'un ensemble funéraire complet. Le mérite en revient à René Dézavelle. Un nom à présent oublié mais néanmoins un des pionniers de l'archéologie lorraine. Vosgien, né en 1908, il fit ses études à Nancy, où il obtint un poste d’instituteur. Passionné d'archéologie, il prit part, entre autres, dans les années 30, aux fouilles de la Butte Sainte-Geneviève.

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Publié le 25 août 2014
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Langue Français

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 UN CASQUE MEROVINGIEN A POMPEY
Alain Simmer,Le Pays Lorrain, t.88, décembre 2007, p.264-266.
Voila plus d'un siècle que l'on découvre des sépultures mérovingiennes à Pompey.Le Champ des Tombesles plus intéressants de Lorraine; probablementest un des sites funéraires le plus vaste – au moins mille sépultures, tant du Bas-Empire que du haut Moyen Age - mais aussi un des plus saccagés. Depuis 1850, les découvertes ont succédé aux découvertes (sur trois hectares !) mais elles se sont le plus souvent limitées à la récolte de beaux objets, sans jamais aboutir à l'étude scientifique de cette nécropole établie sur un site majeur, au confluent 1 de la Moselle et de la Meurthe . Et l’implantation d’usine sidérurgique en plein milieu du cimetière n’a rien fait pour arranger les choses. ….
Ces quelques lignes ne viendront, hélas, pas déroger à la règle : encore une sépulture isolée de plus… A la différence qu'il s'agit, cette fois, d'un ensemble funéraire complet.
Le mérite en revient à René Dézavelle. Un nom à présent oublié mais néanmoins un des pionniers de l'archéologie lorraine. Vosgien, né en 1908, il fit ses études à Nancy, où il obtint un poste d’instituteur. Passionné d'archéologie, il prit part, entre autres, dans les années 30, aux fouilles de la Butte Sainte-Geneviève. Doté d'un flair hors du commun, il entreprit plus tard des recherches dans la vallée de la Seille : c'est à Eply et à Morville-sur-Seille qu'il découvrit les premiers outils du Paléolithique de Lorraine. Infatigable, il multiplia prospections et fouilles de sauvetage à Joeuf, Briey, Xivry-Circourt… Sa mort prématurée, en 1952, l'empêcha de publier ses nombreuses trouvailles. Mais ses notes réservent bien des 2 surprises…
Un jeudi de novembre 1930, on vint prévenir René Dézavelle de la mise au jour d'une sépulture mérovingienne à Pompey. Et pas n'importe où : en plein milieu de l'usine sidérurgique, face aux laminoirs, non loin de la chapelle Saint-Euchaire, indissociable du
1 Gilles HAMM,Carte Archéologique de la Gaule, La Meurthe-et-Moselle (CAG 54), Paris, 2004, p.314-318 2  Alain SIMMER,Un archéologue lorrain : René Dézavelle, Le Pays-Haut, 1988, n°1-2, p.21-23. Ses notes m'ont été confiées par sa famille avec autorisation de publier ses recherches inédites. Cf. A. SIMMER.Briey gallo-romain, Le Pays-Haut, 1996, n°3-4, p.75-87.
Champ des Tombes où, selon la légende, le saint aurait fini décapité. Pour lors, l'édifice, passablement abîmé, servait à entreposer des… sacs de ciment.
Lors du creusement d'un égout, deux tombes superposées avaient déjà été dégagées : - la première, à 0,60 m de profondeur - la seconde à 0, 90 m de profondeur, a révélé un fer de lance et unumbode bouclier, sans autre précision. Les squelettes semblaient incomplets. Une troisième sépulture se précisait, dans la même tranchée, mais les travaux ne pouvaient être suspendus. Il fallait donc faire vite, quitte à terminer la fouille à la lueur d'une torche électrique…
La sépulture
En fait la tombe n°3 : fouillée dans de meilleures conditions, elle a pu être décrite avec davantage de précisions. Il s'agissait d'une sépulture en terre libre, sans aucune marque extérieure. Profondeur: 2,50 m ; les autres dimensions n'ont pas été relevées. Elle contenait le squelette, relativement bien conservé, d'un homme jeune (moins de 40 ans), brachycrâne, inhumé endécubitus dorsal, bras le long du corps, jambes parallèles ; taille approximative : 1,75 m. Orientation est-ouest, le crâne, positionné à l'est (regard vers l'ouest), reposait sur une grosse pierre plate. Maxillaire affaissé sur le sternum. Dentition sans traces de carie ni d'usure, dents de sagesse semblant fonctionnelles. Lésion probable (blessure ?) au niveau d'une vertèbre lombaire. Sur le crâne, en partie écrasé, une très importante blessure court du pariétal jusque sous l'orbite droite ; l'os frontal est "étrangement enroulé sur lui-même en cornet" selon les termes de R. Dézavelle. Il doit s'agir de traces d'ossification et de cicatrisation de la blessure, qui ne paraît donc pas avoir été mortelle. On peut l'attribuer à un coup de hache, porté de haut en bas, peut-être par un cavalier.
MOBILIER FUNÉRAIRE
- A droite du crâne :hache de jeten fer, profilée (22 cm)
- Le long du bras droit :angon(un peu plus de 100 cm) à pointe barbelée ; la métallique pointe reposait au niveau de l'épaule et l'extrémité de la douille à côté des doigts de la main. - Près de la douille de l'angon :petit scramasaxen fer (33 cm)à lame étroite.
- A gauche, au niveau de la taille :plaque scutiforme, à trois ou quatre rivets, en bronze (3 cm) ;silexnoir avec briquet métallique (5 cm).
- Sur la hanche droite :umbode bouclier métallique, de forme conique (18 cm) ; des vestiges de bois étaient visibles tout autour. On rappellera qu'il s'agit de la partie centrale du bouclier, servant autant à protéger la main qu'à frapper l'ennemi.
- Sur le sommet du crâne : débris de cuir et traces oxydées de minces lamelles de fer, disposées en croix sur l'occiput, constituant l'armature d'uncasque.
L'affaissement du maxillaire pourrait faire penser à une décomposition du corps en espace vide, donc à une inhumation en cercueil, mais la pierre reposant sous le crâne et faisant office d'oreiller céphalique infirme cette hypothèse.
L'homme, coiffé d'un casque, était accompagné de ses armes, que l'on avait soigneusement disposées à côté de lui, en majorité à gauche du corps. Il ne portait donc pas son scramasax à la ceinture. Quant au bouclier, il avait été déposé sur la partie droite du bassin.
DATATION
Les dessins du fouilleur, bien qu'assez schématiques, sont suffisamment fiables pour en tirer une typologie précise du mobilier funéraire. Caractéristiques et bien documentées, ces armes permettent une datation relativement fine, sur la base des dernières recherches, selon 3 les types de la classification définie par Patrick Périn .
L'angon, sans virole mais à pointe barbelée, avec une douille probablement ouverte, constitue un intermédiaire entre les deux modèles traditionnels (types 76-77). La hache profilée dite francisque (type 2), est classique, de même que le petit scramasax à lame étroite
(type 55). L'umbo de bouclier, de forme conique, (type 78) est également bien connu. Le ferret-rivet de bronze paraît relativement massif (type 194).
L'ensemble, parfaitement homogène, permet de dater l'inhumation de la Phase MA1 (mérovingien ancien) soit le tout début de l'époque mérovingienne, entre 480 et 530.L'angon sans virole et le ferret de ceinture assez massif pourraient plutôt faire penser à la fin de la e période, soit le premier quart du VI siècle (vers 520-530).
Intérêt de la découverte
En dépit de l'absence de renseignements sur les deux premières tombes, on remarquera e la superposition de ces trois inhumations (la seconde probablement datable du VI siècle en fonction des armes), qui donne un aperçu de la forte densité des sépultures duChamp des Tombes.
L'armement est classique, mais émane néanmoins d'une classe sociale supérieure. Des armes semblables ont du reste déjà été signalées, comme pièces isolées, à Pompey aux côtés d'autres éléments luxueux : verreries fines, fibule d'origine anglo-saxonne, pendentif en 4 cristal de roche à monture d'argent, ce qui confirme la richesse de la nécropole .
Il n'est pas inutile de revenir sur l'angon, incontestablement l’arme la plus rare époque mérovingienne, dont on ne connaît guère plus de 150 exemplaires. Selon l'historien byzantin Agathias, il aurait été l'arme nationale des Francs. Pièce de prestige, coûteuse car de fabrication délicate, c'est une arme de fantassin, redoutable d'efficacité. Agathias décrit parfaitement l'usage des barbelures, conçues pour provoquer des blessures souvent mortelles, la pointe ne pouvant être retirée du corps. Même fiché dans un bouclier, l'angon restait très dangereux : les barbelures empêchaient en effet de dégager la pique du bouclier, qui devenait alors aussi inefficace qu'encombrant, obligeant le guerrier à baisser sa 5 garde et à se découvrir sans protection .
4 Lorraine mérovingienne, Metz, 1988, p 97.CAG 54,p.316-318.
p. 167-168.
On n'avait encore jamais signalé de casque à Pompey. Les casques d'époque mérovingienne sont, par nature, rarissimes. On n'en dénombre guère qu'une vingtaine pour l'ensemble du monde mérovingien, dont quelques-uns seulement pour l'actuel territoire 6 français ! Paradoxalement, les rares exemplaires connus sont des pièces d'apparat, relativement prestigieuses : ainsi le célèbre casque de Vézeronce (Isère) en cuivre doré, réputé 7 avoir appartenu au roi franc Clodomir, tué lors d'une bataille contre les Burgondes en 524 . Celui de Pompey est le second à être signalé en Lorraine : le premier connu, découvert à 8 Kirschnaumen (près de Thionville), était, malgré le flou qui entoure sa nature exacte, vraisemblablement entièrement métallique et plus luxueux. Or, le casque de Pompey est d'un type plus simple, plus classique : une simple calotte de cuir renforcée par une armature de quatre segments métalliques entrecroisés. Impossible de préciser s'il possédait des paragnathides (protège-joues) et un couvre-nuque. Peut-être plus proche des modèles gallo-romains du Bas-Empire, il ne semble pas exister d'équivalent connu pour l'instant dans le monde mérovingien. Mal conservé, il n'a malheureusement pas été dessiné par R. Dézavelle.
Bien que d'un type plus "ordinaire", il n'en reste pas moins quasiment unique en Lorraine et n'était pas l'accessoire d'un homme d'armes sans importance
LE STATUT SOCIAL DU PERSONNAGE
C'est là un autre problème : le mobilier funéraire que l'on attendait pour une sépulture de ce type manque à l'appel. Même si l'un ou l’autre accessoire de costume a échappé à la sagacité du fouilleur – hypothèse envisageable vu les conditions de fouille- le mobilier funéraire accompagnant le défunt est des plus limités. L'absence d'accessoires de ceinture, pratiquement toujours abondants dans ce genre de tombe car indissociables du scramasax, est particulièrement remarquable. Or, la petite plaque-rivet (n°4) ne peut être considérée comme appartenant à un ceinturon : elle garnissait fort probablement la lanière de l'aumônière,
6 Laure-Charlotte FEFFER, Patrick PERIN,Les Francs, t.2, Paris, 1987, p.91; LEBEYDINSKY,op.cit., p. 190-193. 7 Des Burgondes à Bayard, Grenoble, 1981, p. 86.
8  Alain SIMMER,La sépulture mérovingienne de Kirschnaumen (Moselle): note complémentaire, RAE t.40, 1989, p. 266-268.
contenant briquet et silex. On notera également, pour cette aumônière, l'absence de fermoir très souvent luxueux et caractéristique des inhumations de haute époque.
On peut ainsi, à titre de comparaison, évoquer la tombe 20 de la nécropole de 9 Chaouilley, pas très éloignée et du même horizon chronologique .
Si elle a également révélé, angon,umbode bouclier, hache et scramasax (l'armement comprenait en plus un fer de lance et des pointes de flèche), le scramasax comportait une garniture en or. Le défunt était muni en outre d'une épée à pommeau d'argent avec un pendant en orfèvrerie cloisonnée et de deux couteaux, dont l'un avec virole en or. A la ceinture, il portait deux boucles en argent. Divers petits objets (aiguille à chas, anneau en bronze, monnaie romaine, peigne en os, silex) étaient également contenus dans deux aumônières puisque deux grands fermoirs décorés ont été découverts. Et l'écart se creuse encore au niveau du mobilier funéraire proprement dit : une coupe en verre, un vase et un plat en céramique et un rare seau de banquet en bois avec armature en fer.
Il n'y a là rien de comparable, mais pas de casque ! Ajoutons que, également très profonde, l'inhumation de Chaouilley avait été faite dans une chambre funéraire de bois, luxe réservé aux hauts personnages.
La sépulture de Pompey pose donc un problème, celui du statut social de l’inhumé : En dépit du caractère exceptionnel du casque et de la richesse de l'armement, le reste ne suit pas. A la richesse de l'armement s'oppose la pauvreté du costume. Un pillage de la tombe à l'époque antique est à écarter en raison de l'état des ossements, tous en place. En d’autres termes, la richesse du costume du défunt n'est pas telle qu'on l'attendrait. Il faut donc considérer que l’homme a été inhumé sans ses accessoires de costume traditionnels et l'absence d'épée, arme éminemment symbolique, est à cet égard significative.
Ce n'était peut-être pas un aristocrate ou un chef de guerre comme on en connaît aux premiers temps de l’époque mérovingienne (groupe de Flonheim, du nom d'une de ces 10 sépultures prestigieuses ) mais un simple homme d’armes. Il est néanmoins difficile de ne
9 CAG 54, p.143-146. Synthèse de Jacques Guillaume.
pas le considérer comme un personnage de haut rang, son armement n'étant pas celui du premier venu, sans parler du casque ….
Seule explication plausible : l'homme n’a été inhumé qu’avec ses armes, soigneusement déposées sur et à coté du corps, sans les apparats vestimentaires habituels et sans mobilier funéraire. Une inhumation en linceul, sans vêtement, semble peu probable du fait de la présence d'une aumônière. Un guerrier de haut rang au combat ? La blessure cicatrisée et le casque en place semblent démontrer le contraire. Un problème qui restera sans doute sans réponse.
On terminera par une anecdote, mais qui cadre parfaitement avec le destin duChamp des Tombesde Pompey :
Outre les dessins, le fouilleur prit des photos, ce qui n'était pas évident pour l'époque, et conserva soigneusement le mobilier funéraire : en l'absence de tout règlement archéologique, il en avait parfaitement le droit. Il le présentait souvent, ainsi que le crâne, dont la blessure faisait toujours beaucoup d'effet. Le tout a malheureusement disparu en 1945 : à son retour de captivité en Allemagne, René Dézavelle eut l'amère surprise de retrouver ses collections archéologiques pillées. On n'avait pas eu le temps de tout emporter et certaines pièces – mais pas le matériel de Pompey- étaient encore enveloppées dans des journaux … américains.
 Alain Simmer
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