Corrigé bac 2014 (Pondichéry) - Série L - Philo - Le désir nous éloigne-t-il d autrui ?
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Corrigé bac 2014 – Philosophie – Série L Le désir nous éloigne-t-il d'autrui ? Problématisation possible : Ce sujet porte clairement sur deux notions distinctes du programme : le désir et autrui. Il invite à penser le désir dans le rapport à l'autre. Ce sujet peut surprendre, dans le sens où il semble que nous désirons seuls et que si nous avons en commun des besoins, les désirs semblent, eux, être personnels et différents. D'un autre côté, si le besoin oblige au rapprochement, comme par exemple dans les échanges économiques, l'un ayant ce dont l'autre a besoin et réciproquement, le désir - bien que présent en tout homme - semble pouvoir rapprocher comme éloigner d'autrui parce qu'on peut partager un désir commun, prendre l'autre comme objet de notre désir, comme voir en lui un rival, un obstacle à la satisfaction de nos désirs. De plus, on peut s'interroger sur la nature de l'éloignement. S'éloigner, c'est prendre de la distance, creuser un écart déjà existant, ce qui présuppose dans les deux cas, une proximité initiale, qu'on peut d'ailleurs aussi interroger (peut-on réellement prétendre se rapprocher d'autrui, sans nier son altérité, sans ne connaître de lui que soi ?). Le sujet invite-t- il simplement à s'interroger sur la distance que peut instaurer la satisfaction de certains de nos désirs dans l'existence, ou invite-t-il à penser la nature même du désir et la place d'autrui dans la naissance même de nos désirs ?

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Publié le 15 avril 2014
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Langue Français

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Corrigé bac 2014 – Philosophie – Série L Le désir nous éloigne-t-il d'autrui ?
Problématisation possible:
Ce sujet porte clairement sur deux notions distinctes du programme : le désir et autrui. Il invite à penser le désir dans le rapport à l'autre. Ce sujet peut surprendre, dans le sens où il semble que nous désirons seuls et que si nous avons en commun des besoins, les désirs semblent, eux, être personnels et différents. D'un autre côté, si le besoin oblige au rapprochement, comme par exemple dans les échanges économiques, l'un ayant ce dont l'autre a besoin et réciproquement, le désir - bien que présent en tout homme - semble pouvoir rapprocher comme éloigner d'autrui parce qu'on peut partager un désir commun, prendre l'autre comme objet de notre désir, comme voir en lui un rival, un obstacle à la satisfaction de nos désirs. De plus, on peut s'interroger sur la nature de l'éloignement. S'éloigner, c'est prendre de la distance, creuser un écart déjà existant, ce qui présuppose dans les deux cas, une proximité initiale, qu'on peut d'ailleurs aussi interroger (peut-on réellement prétendre se rapprocher d'autrui, sans nier son altérité, sans ne connaître de lui que soi ?). Le sujet invite-t-il simplement à s'interroger sur la distance que peut instaurer la satisfaction de certains de nos désirs dans l'existence, ou invite-t-il à penser la nature même du désir et la place d'autrui dans la naissance même de nos désirs ? Et c'est peut-être à partir de là qu'on pouvait problématiser : si nos désirs peuvent nous éloigner de fait des autres, le désir ne suppose-t-il pas autrui ?Si nos désirs peuvent nous opposer, ne sont-ils pas ce qui souligne notre profonde proximité ? Et si le désir n'est finalement peut-être que désir de l'autre, par rapport à l'autre, ne dissout-il pas l'autre en même temps qu'il le prend comme objet ou peut-il vraiment l'atteindre ?
Un plan possible (parmi d'autres !) :
I. Ledésir semble nous éloigner d'autrui, car :
- l'autre ne semble pas pris en considération dans mon désir. Qu'on le définisse comme manque avec Platon ou comme «effort pour persévérer» dans notre être avec Spinoza, le désir est un rapport que j'ai avec moi-même. Je le subis, j'y cède, j'y résiste, j'en décide. Mes désirs sont mon affaire, et l'autre n'a pas sa place ici. - si désirer est le lot commun de tous les hommes, mes désirs me semblent donc miens, ils ont ce par quoi je me définis et me distinguent d'autrui. C'est par nos désirs, par delà des besoins communs et en deçà d'une volonté commune possible à construire, que nous affirmons comme différent, comme étant nous. - si l'autre rencontre mon désir, c'est bien souvent comme ce qui m'empêche de le satisfaire, comme obstacle (faire ce qui plaît, c'est faire ce qui déplaît; la vie en société exige des sacrifices, de renoncer à certains désirs) et quand le désir tourne à lapassion, cette « maladie incurable de l'âme » selon Kant, l'autre n'est même plus pour moi en un sens , seul l'objet de ma passion est, le monde, le temps, mes intérêts se rétrécissent autour de lui, je suis sourd à tout ce que peux me dire autrui, à ses propres désirs.
Donc le désir ne semble pas particulièrement, de fait, rapprocher des autres et ne ferait même que creuser l'écart qui nous sépare des autres (qui ignorent d'ailleurs ce que je désire bien souvent, ne sachant qui je suis) et les tenir à distance. Mais ne peut-on pas penser qu'en réalité l'autre fait partie intégrante de nos désirs? Ne serais-je pas au plus près de l'autre quand je désire, même parfois plus près de lui que de moi ?
II. L'autreest en réalité au cœur de mes désirs :
- ilpeut bien sûr être l'objet même de mon désir dans le désir amoureux ou amical (mythe de l'androgyne raconté par Aristophane dansLe Banquetde Platon, l'être coupé en deux par Zeus cherche désespérément la moitié égarée qui pourrait lui redonner un sentiment de totalité et de plénitude originel), - ilpeut être aussi celui qui fait que je vais désirer telle ou telle chose. C'est l'hypothèse de René Girard.désir est triangulaire, mimétique; on ne va pas spontanément vers un Tout objet qui va devenir le moteur de notre désir, on y va via un sujet dont on imite le désir, ce qui rend l'objet à la fois difficile d'accès (rivalité ou admiration) et plus hautement désirable encore. Ce mimétisme peut être source d'émulation, pouvant amener les hommes à élever leur désir, quandle rival-modèle n'est pas considéré comme égal ;à l'inverse quand le rival est vu comme égal, dans les sociétés démocratiques caractérisées par la passion de l'égalité selon Tocqueville, cela donne lieu à la haine, à la jalousie et entraîne un conformisme de bas étage. Les barrières posées par autrui qu'elles soient morales ou légales, renforce de plus le désir comme transgression de l'interdit. - On peut enfinpenser que derrière chaque désir se cache un désir d'être reconnu, de voir son désir reconnu par l'autre. C'est ce qu'on voit de manière anecdotique dans le caprice : l'objet apparent n'est qu'un prétexte pour voir l'autre céder à notre désir, mais aussi plus fondamentalement dans la dialectique du maître et de l'esclave de Hegel, où en tant qu'être pour soi, conscient, détaché de soi et ne pouvant s'y réduire, l'homme a besoin d'être reconnu par une autre conscience comme tel. - Mais si le désir fondamental de l'homme est d'être reconnu - pour être conforté dans son existence en tant que sujet, être un sujet parmi des sujets - cela fait aussi qu'à trop vouloir être reconnu, intégré, à ne pas vouloir être exclu, on se perd dans des désirs qui ne correspondent pas à notre nature, dans les désirs d'un autre. C'est ainsi que Rousseau voit l'homme en société, comme un être centré sur lui-même, poussé par l'amour propre, ne regardant que ses désirs mais dévoré parla « fureur de se distinguer » et ne vivant que par et pour le regard des autres. D'ailleurs si les besoins nous réunissent ponctuellement, seuls les passions et les désirs nous lient durablement (histoire du point d'eau dansLe discours sur l'origine des langues), voire nous enchaînent les uns aux autres, faisant des maîtres des esclaves. Donc au cœur de nos désirs se cache en réalitétout proche autruicomme modèle, cause, objet de nos désirs. Mais si l'autre est au cœur de nos désirs, peut-on l'atteindre par notre désir ? Peut-on réduire l'écart qui nous sépare qui fait que si autrui est un autre moi, il reste irréductiblement un autre que moi ?
III. Le désir n'abolit pas la distance et c'est au-delà du désir qu'on peut peut-être s'approcher de l'autre
-Il est très difficile de savoir ce que désire l'autre, tout comme il lui est difficile de dire ce qu'il désire, le désir relevant du personnel, de l'intime (limites du langage comme découpage vital et utilitaire du réel, Bergson). Le désir ne fait peut-être pas exception à l'insularité des consciences. - Il est très difficile de désirer l'autre comme autre. Pascal disait qu'on n'aime jamais que des qualités, et donc personne pour ce qu'elle est. Et ces qualités ne sont parfois que notre propre œuvre, fruit de nos cristallisations, projections et représentations. - Désirer l'autre, c'est en faire un objet de notre désir, quelque chose qu'on veut posséder, faire
sien, donc nier en tant qu'autre et que sujet, mais selon Sartre dansL’être et le néantsous « un type spécial d'appropriation» :on ne veut cependant pas posséder l'autre «comme une chose »,on veut le posséder «comme une liberté» mais «qui ne soit plus libre». C'est ce qui rend l'amour paradoxal : que ce soit par nécessité, par liberté ou par servitude volontaire, celui que se montre aimant ne peut plus être aimé.
Mais c'est peut-être parce que l'autre résiste à mon désir, que je le rencontre enfin; c'est peut-être lorsque mes désirs sont comblés, que je peux enfin le rencontrer sans qu'il y ait le désir entre lui et moi.
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