Comment croire aujourd hui - Fr. Boedec  1
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COMMENT PEUT-ON CROIRE AUJOURD’HUI ? P. François Boëdec, sj. Ancien Rédacteur en chef de Croire Aujourd’hui chapelain de Saint Ignace - Paris Comment peut-on croire aujourd’hui ? La question est très vaste et il est bien difficile d’y répondre. Sans doute y a-t-il de nombreuses manières de l’aborder. Je voudrais vous partager simplement les réflexions qui sont les miennes, d’abord bien sûr comme croyant, comme religieux jésuite, mais aussi comme rédacteur en chef d’une revue qui essaye d’être un compagnon sur la route de la foi, une aide pour croire. Mes propos seront donc de type pastoral et spirituel, propos de quelqu’un qui est intéressé par les évolutions de nos contemporains et celles de l’Eglise catholique dans son souci de les rejoindre. Je voudrais m’arrêter sur quelques points, que vous connaissez, mais qui me semblent importants, quelques touches impressionnistes pour esquisser un tableau qui se veut - pour le mieux - suggestif, et bien évidemment pas exhaustif. Mes propos se veulent aussi l’écho des questions de nos lecteurs, des croyants « assurés » entre guillemets, ou des « recommençants » - pour reprendre une appellation désormais fréquemment utilisée, et de ceux - plus largement - qui sont « en recherche » comme on dit, que j’ai rencontrés ces dernières années en me déplaçant un peu partout en France. Et qui se posent la question : Est-il encore possible de croire ? Comment ? Comment vivre ma foi, la nourrir, la dire, en témoigner ...

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COMMENT PEUT-ON CROIRE AUJOURD’HUI ?
P. François Boëdec, sj.
Ancien Rédacteur en chef de
Croire Aujourd’hui
chapelain de Saint Ignace - Paris
Comment peut-on croire aujourd’hui ? La question est très vaste et il est bien difficile d’y répondre.
Sans doute y a-t-il de nombreuses manières de l’aborder. Je voudrais vous partager simplement les réflexions
qui sont les miennes, d’abord bien sûr comme croyant, comme religieux jésuite, mais aussi comme rédacteur
en chef d’une revue qui essaye d’être un compagnon sur la route de la foi, une aide pour croire. Mes propos
seront donc de type pastoral et spirituel, propos de quelqu’un qui est intéressé par les évolutions de nos
contemporains et celles de l’Eglise catholique dans son souci de les rejoindre. Je voudrais m’arrêter sur
quelques points, que vous connaissez, mais qui me semblent importants, quelques touches impressionnistes
pour esquisser un tableau qui se veut - pour le mieux - suggestif, et bien évidemment pas exhaustif. Mes
propos se veulent aussi l’écho des questions de nos lecteurs, des croyants « assurés » entre guillemets, ou
des « recommençants » - pour reprendre une appellation désormais fréquemment utilisée, et de ceux - plus
largement - qui sont « en recherche » comme on dit, que j’ai rencontrés ces dernières années en me
déplaçant un peu partout en France. Et qui se posent la question : Est-il encore possible de croire ?
Comment ? Comment vivre ma foi, la nourrir, la dire, en témoigner dans ce monde tel qu’il est ? Dieu peut-il
être un sens pour ma vie ? pour reprendre le titre d’un numéro de
Croire Aujourd’hui
d’il y a quelques mois.
Je voudrais articuler mon propos autour de deux parties. Dans un premier temps, je m’arrêterai sur
quelques éléments et remarques à propos du contexte dans lequel nous sommes. Comment se pose
aujourd’hui la question du Croire ? Et puis dans un deuxième temps, je voudrais m’arrêter un peu plus
longtemps sur quelques pistes toutes simples, quelques points d’attentions, quelques attitudes spirituelles, qui
me semblent importantes aujourd’hui et peuvent nous aider à regarder avec confiance l’avenir.
Première Partie :
Quelques remarques et réflexions sur le contexte dans lequel nous sommes
Par quoi va passer l’acte de croire en ce début de XXI° siècle ?
Quels sont les éléments qui le caractérisent ?
1
ère
remarque :
L’acte de croire se situe dans une recherche et une offre de sens nouvelle
Croire au XXI° siècle, serait-ce différent de croire au XVIème siècle ou au XXème ? «
Est-il plus difficile
de croire aujourd’hui ?
» s’interrogeait récemment une revue chrétienne belge (
Lumen vitae)
dans un de ces
derniers numéros. Selon elle, croire serait difficile pour de multiples raisons. D’abord parce que la vie dans ce
monde ne serait pas facile. Elle ne serait pas facile non pas tant en raison des conditions matérielles de vie -
encore que pour beaucoup ce soit le cas - mais parce que notre société par ses contraintes et aliénations de
toutes natures ne favorisent guère l’émergence de la liberté. Or, croire, aujourd’hui, passe par un acte de
liberté. Et devenir libre ne va pas de soi, cette liberté intérieure à laquelle nous aspirons tous, et qui nous
touche tant quand nous la rencontrons chez quelqu’un. De plus, nos sociétés modernes veulent nous faire
croire beaucoup de choses, font des promesses qu’elles ne peuvent tenir - et je ne parle pas ici des
promesses électorales - (que l’on peut tout acheter à crédit, que l’on peut rester jeune toute sa vie, que l’on a
absolument besoin de choses qui nous sont en fait complètement inutiles, que la vie est simple comme un
coup de fil, comme nous dit la pub, etc, etc…). Mais les déceptions sont d’autant plus fortes que l’attente est
importante. Nos sociétés peuvent ainsi décevoir, et susciter le désenchantement. Le crédule devient
sceptique. On ne l’y reprendra plus à donner naïvement sa confiance.
Enfin, la foi suppose courage et confiance à une époque qui, parce qu’elle a peur, se méfie des formes
d’intolérance religieuse et de rigidité. Et l’actualité est là pour nous le rappeler très régulièrement.
Aujourd’hui, - les chrétiens de France et d’Europe occidentale le savent bien - nous sommes dans une
situation très différente d’il y a cinquante ans. Nous finissons de passer d’un monde à l’autre, d’un monde
culturellement chrétien à un monde qui a oublié ses racines, et qui est confrontée à une diversité d’identités –
je reviendrai sur ce terme d’identité tout à l’heure car je crois qu’il important - : «
Nous sommes en train de
changer de monde et de société. Un monde s’efface et un autre est en train d’émerger, sans qu’existe aucun
modèle préétabli pour sa construction. Des équilibres anciens sont en train de disparaître, et les équilibres
nouveaux ont du mal à se constituer
» (
Lettre aux Catholiques de France
, 1996). Quelque chose naît qu’on ne
voit pas toujours. Ce qui s’écroule fait plus de bruit que ce qui naît.
Une nouvelle époque commence donc. Et j’aime bien cette idée du théologien orthodoxe, le P.
Alexandre Men, mort martyr en Russie en 1990 (et que l’on retrouve sous une forme ou sous une autre chez
un certain nombre de figures chrétiennes (Jean Paul II, Cal Lustiger, P. Valadier…) que le christianisme n’en
est qu’à ses débuts, «
le christianisme ne fait que commencer
» et que d’une certaine façon nous sommes les
premiers chrétiens. A condition de bien prendre conscience que nous ne sommes plus exactement dans la
situation de la primitive Eglise. Le monde dans lequel nous vivons n’est peut-être plus chrétien – si tenté qu’il
l’ait été – mais il n’en est pas pour autant vierge de toute référence, de toute empreinte liée au christianisme et
au discours religieux. L’imaginaire vis-à-vis de la religion chrétienne, et de l’Eglise, déborde – pour le meilleur
comme pour le pire – d’images qu’il faut accepter, et dans lesquelles la parole croyante aujourd’hui est
contextualisée. Olivier Abel, théologien protestant, l’explique très bien dans un numéro d’il y a un an de la
revue
Etudes
: «
Nous sommes aussi vulnérables, aussi faibles que les chrétiens primitifs, à cela près que
nous sommes dans une société qui n’est pas neuve par rapport à notre message, une société déjà vaccinée.
Il n’est pas facile pour nous de lui relancer notre message, parce qu’elle a déjà les anticorps qui encapsulent
le message et le détruisent dès qu’il est lâché
». (janvier 2004) On peut donc dire que s’il y a hostilité de la
part de certains, il y a surtout indifférence pour le plus grand nombre qui croient « connaître la musique », y
compris dans les jeunes générations : «
On t’entendra là-dessus une autre fois ! Tes histoires, on les connaît.
Elles ne m’intéressent pas
».
Mais si la religion organisée a perdu du terrain, en revanche, le « croire » en dehors du cadre des
institutions est loin d’avoir dit son dernier mot. Dans un monde globalisé, ouvert à de multiples influences,
nous savons bien que les religions traditionnelles ne sont plus les seules à répondre aux grandes questions
de la vie. Aujourd’hui, une galaxie de propositions entend offrir du sens. Finalement, qu’est-ce que cherche
l’individu occidental du XXI° siècle dans l’immense ensemble des religions, des spiritualités, des chemins de
sens qui lui sont accessibles ? Une explication de l’origine du monde ? Possible. Un salut dans l’au-delà de la
mort ? Peut-être. Mais, me semble-t-il, il cherche surtout - j’ai envie de dire tout simplement - des moyens de
vivre mieux sous le soleil. Comme le dit le philosophe Michel Lacroix, «
l’obsession du péché a été remplacée
par celle de la bonne relation à soi et aux autres. Car le besoin prioritaire aujourd’hui, c’est de restaurer
l’harmonie intérieure et relationnelle
». Et pour cela, l’individu fait son propre cocktail. Il n’est plus soumis aux
normes du groupe, il ne reçoit plus d’en haut, par le biais d’institution, ce qu’il faut croire et faire mais il
construit lui-même son «
dispositif de sens
» - comme le dit le sociologue des religions Frédéric Lenoir -, il
choisit d’adhérer librement à telle religion, ou chemin spirituel, prenant et laissant ce qui lui convient au sein de
ces univers symboliques. Vous ajoutez à cela la fascination humaine pour le mystère (cf. le succès du
Da
Vinci Code
), et vous avez la situation actuelle. Ce qui fera dire à Umberto Ecco, l’auteur du
Nom de la Rose
et
du
Pendule de Foucauld
, citant Chesterton : «
Depuis que les hommes ne croient plus en Dieu, ce n’est pas
qu’ils ne croient en rien, c’est qu’ils sont prêts à croire en tout
». Je trouve cela très juste.
En lien avec cela, il nous faut être attentifs à une recherche qui se développe dans notre société
sécularisée, celle de vivre une spiritualité sans Dieu (article de Michel Rondet dans le n° du 15 janvier
prochain). Je pense à des auteurs comme Luc Ferry ou André Comte-Sponville (
L’esprit de l’athéisme.
Introduction à une spiritualité sans Dieu
, Albin Michel, 2006). En 1947 déjà, Albert Camus faisait dire au héros
de son roman
La Peste
: «
Peut-on être un saint sans Dieu, c’est le seul problème concret que je connaisse
aujourd’hui
». Autour de nous, cette question est reprise par des hommes et des femmes qui investissent du
temps, des efforts, dans une recherche spirituelle qui se veut dégagée du poids des dogmatismes et des
pratiques qu’imposeraient à la spiritualité les grandes traditions religieuses. Recherche de sens, d’équilibre
humain, d’harmonie universelle qui s’engage sur des chemins de sagesse qui rejoignent ceux de la vie
spirituelle traditionnelle, sans toutefois s’y référer. S’agit-il justement d’une recherche de sagesse humaine
plus que d’une quête spirituelle ? En tous cas, il y a bien une attente.
A cela s’ajoute l’importance de l’émotion. La recherche croyante aujourd’hui est sensible à l’émotion.
2
ème
remarque :
L’importance du caractère émotionnel dans la recherche croyante
On pourrait ajouter affectif et festif. Ce n’est pas du tout péjoratif dans mon esprit. Les gens veulent
d’un Dieu sensible au coeur et au corps. Cela n’est pas surprenant : notre société joue beaucoup sur
l’émotion. Importe ce qui suscite l’émotion, et la télé exploite à fond ce ressort. Dès lors, on réagit au coup par
coup, sans parfois de cohérence évidente. La religion n’échappe pas à cela non plus. La religion d’aujourd’hui
marche aussi aux « coups de coeur » avec le risque que ce soit des engagements éphémères. Il est plus
difficile de compter sur la continuité. Et les responsables de la pastorale des jeunes ont beaucoup de mérite à
mettre sur pied régulièrement des « temps forts » avec des témoins qui touchent ceux qui se sont déplacés.
De ce point de vue, les J.M.J entrent bien dans ce cadre, et la personnalité extraordinaire du Pape Jean-Paul
II a évidemment énormément contribué à leur succès. Le problème, c’est l’entre-« temps fort ».
Il devient plus difficile de donner de la substance au « temps ordinaire » car il faut sans cesse du
spectacle, de l’étonnement, de la nouveauté. Cette dimension de l’affectivité, de l’émotion est importante, la
prise en compte du corps, le besoin d’une communauté où on se sent bien, avec parfois une critique implicite
de la « cérébralité » de la pastorale traditionnelle. Si je souligne cet émotionnel, c’est que je suis impressionné
par le développement du mouvement évangélique-pentecotiste à travers le monde, mouvement qui représente
le principal facteur de l’expansion du christianisme. Le sociologue des religions Jean-Louis Schlegel (
Esprit –
2001) l’explique ainsi : «
La foi, ici, s’atteste dans l’authenticité, la sincérité, la simplicité ; elle est aux
antipodes du discours rationnel, de la théologie, mais aussi de la ritualité figée, sans surprises, des liturgies
ecclésiales habituelles. L’émotion est presque recherchée pour elle-même : sa présence atteste en quelque
sorte le passage de Dieu, et elle seule finalement est capable de provoquer le choc intérieur qui aboutira à la
conversion et à l’adhésion du pratiquant
». En France, nous ne voyons pas encore beaucoup les signes de
cette expression évangélique. Et le renouveau charismatique catholique a su, en partie, répondre aux attentes
de formes de prière émotionnelle, de contacts chaleureux, de soutien social et de réconfort moral, de guérison
physique et psychologique, mais il est clair que c’est un mouvement qui va gagner du terrain.
Mais je crois important d’ajouter ici une troisième remarque.
3
ème
remarque :
L’acte de croire se situe aujourd’hui dans une quête d’identité
Il n’est pas étonnant que la soif spirituelle croise aujourd’hui souvent un besoin de trouver ou retrouver
une identité. Face au foisonnement de propositions de sens, face aussi aux questions importantes que pose
l’installation de l’islam en France, et alors que plus de 64 % des Français se déclarent encore catholiques,
beaucoup s’interrogent : qui suis-je vraiment ? à quoi je crois ? quelles sont les valeurs qui m’ont façonné et
comptent pour moi ? D’où viennent-elles ? Quelles sont mes appartenances, mes fidélités ? Ce sont des
questions importantes parce que nous savons que l’identité religieuse donne des racines, elle inscrit dans une
histoire, et en même temps elle permet d’accéder à un groupe.
Il va falloir être attentif à l’évolution « religieuse » de la société française. Il me semble que cette
société commence - je dis bien commence - à s’interroger sur ses origines, sur ses racines, au moment même
où nous basculons dans une méconnaissance quasi-totale de culture religieuse. Ainsi, par exemple, je suis
frappé de voir certains de nos « intellectuels » qui - il y a dix ou quinze ans encore - étaient bien loin de ces
réflexions faire un chemin de redécouverte de leurs racines chrétiennes (je ne dis pas qu’il retrouve l’Eglise,
mais il y a quand même quelque chose de nouveau). Je pense en vrac à Max Gallo, à Gérard Depardieu qui
lit St Augustin, à Xavier Emmanuelli, à Denis Tillinac qui a écrit il y a deux ans
Le Dieu de nos pères –
Défense du catholicisme
(Bayard, 2004), ou Jean-Marie Rouart avec
Libertin et chrétien
(DDB 2004). Je
pense aussi à Michel Serres ou Jean-Claude Guillebaud qui ne veulent pas se dire explicitement chrétiens
mais qui se disent touchés par ce que le christianisme apporte au monde. Et on pourrait citer d’autres
exemples (Régis Debray débattant avec le théologien Claude Geffré, dans un livre
Avec ou sans Dieu
,
Bayard, 2006, et bien d’autres encore…).
Dans une telle situation, la proposition chrétienne qui fait référence à une tradition, et qui présente
aussi un projet de vie structurant, peut faire son chemin chez certains. Il est intéressant de voir le succès
d’initiatives qui offrent des espaces de telles réflexions où se conjuguent recherche de sens, identité
personnelle et collective, et expérience spirituelle et religieuse. Il y a fort à parier que de plus en plus
d’hommes et de femmes vont se trouver au croisement de ces réalités. Les communautés chrétiennes sont
ainsi provoquées à imaginer comment les accompagner dans leur recherche, comment les faire découvrir ce
que l’Evangile peut leur apporter comme liberté intérieure, foi dans la vie et ouverture aux autres. Face à ces
questions d’identité, il est très important que les chrétiens puissent répondre et surtout aider à ce que ces
cheminements ne débouchent pas sur des enfermements identitaires.
Je vais en rester là pour ce constat, et je voudrais avec vous, essayer d’aller plus loin : que faire, que
vivre, quels chemins proposer dans une telle situation ?
Deuxième Partie :
Quelles attitudes de foi face à cet environnement ?
Je ne voudrais citer que quelques attitudes et postures chrétiennes qui me semblent être adaptées
pour aujourd’hui et qui touche précisément au témoignage. Je les cite en vrac sans hiérarchie.
1. Face à la recherche de bien être, l’aventure d’un décentrement
J’évoquais tout à l’heure dans la recherche de sens de beaucoup de nos contemporains, la recherche d’un
équilibre, d’une harmonie personnelle. Tout l’enjeu pour les chrétiens est de manifester par leur existence, par
l’équilibre de leur vie, que leur bonheur vient d’un décentrement, d’une sortie de soi, d’une conversion au sens
premier du terme. Nous tournons notre regard vers un autre que nous. Croire ce n’est pas savoir, ce n’est pas
affaire de technique, ce n’est pas une affaire de connaissance, encore moins de gnose et de secret pour
initiés comme tend à le véhiculer des ouvrages comme le
Da Vinci Code
, mais une affaire de relation. Il ne
s’agit donc pas de tout savoir sur Dieu pour vivre en chrétien. Comme pour toute relation, et encore plus
puisqu’il s’agit de la relation à Dieu, il y a la part du mystère de l’Autre qui ne peut être enfermé dans un
savoir. L’Autre se laisse découvrir peu à peu en prenant le temps de le rencontrer de vivre avec lui, de lui
ouvrir son coeur et de scruter le sien. Dieu se révèle au fur et à mesure du chemin. La confiance que nous lui
faisons dans le quotidien de notre existence lui permet de déployer en nous sa vie.
Tout cela, nous le savons bien, mais nous sommes parfois bien préoccupés de voir le nombre de chrétiens
baisser, désolés de constater que nos enfants et petits enfants ne pratiquent plus, et nos amis si loin de toutes
« ces histoires »… On voudrait tellement réussir à leur transmettre la foi. Mais voilà, ce n’est pas nous qui
donnons la foi ; c’est Dieu – heureusement – qui la donne. Et cela reste un mystère de découvrir que ce don
facilement reçu par les uns semble moins facile d’accès pour d’autres, ou que certains sont déjà depuis
longtemps à cheminer avec le Christ sans pour autant le savoir, le reconnaître. («
Au soir de notre vie, nous
serons jugés sur l’amour
» St Jean de la Croix)
Si ce n’est pas nous qui pouvons donner aux autres la foi, nous pouvons quand même laisser deviner ce
qui nous fait vivre, et parfois favoriser les conditions de la rencontre. J’aime personnellement cette invitation
que je trouve suggestive même si je ne suis pas complètement d’accord avec la formulation, de Frère Roger
de Taizé : «
Ne parle de Jésus que si on te le demande, mais vis de telle manière qu’on te le demande
».
Ainsi présentée, l’exigence de vie est forte. Mais elle indique en creux que ce n’est pas à la force des poignets
que l’on peut croire et faire croire, mais en s’en remettant à celui qui nous fait croire.
Même si se dire chrétien peut sembler à beaucoup dépassé, nous savons combien la rencontre du Christ
sonne étonnamment moderne pour ceux qui en vivent. Croire n’est pas une manière de se protéger ; depuis
l’annonce de la résurrection, la rumeur de la Bonne nouvelle a conduit bien des hommes et des femmes à
changer de vie, les plaçant sur des chemins où ils n’auraient jamais pensé aller, loin d’un confort facile, allant
même pour certains jusqu’au don radical de leur vie. Et cela continue aujourd’hui. Ce qui est au coeur de la foi,
c’est bien de croire à la mort et la résurrection du Christ, et à ses effets dans ma vie et dans le monde. Devenir
chrétien, c'est reconnaître que l'on est sujet d'un amour qui nous dépasse et dont nous sommes appelés à
vivre. C'est affirmer qu'en choisissant le Christ, nous allons vers la vie quel que soit ce que l'existence nous
réservera.
Cela signifie donc qu’au coeur de la foi chrétienne - et c’est bien cela le plus important - il n’y a pas d’abord
une morale mais une rencontre, celle du Christ comme étant la rencontre la plus importante de notre
existence. Ce n’est pas un détail : il ne s’agit pas de croire en quelque chose mais en quelqu’un. Mais
comment pourrons-nous transmettre quelque chose de cela si nous-mêmes nous ne vivons pas avec le
Christ ? Il y a pour chacun d’entre nous, du baptisé au recommençant, de celui qui découvre la foi au chrétien
de toujours, le même enjeu : s’enraciner dans le Christ.
Mais de même qu’il n’y a pas qu’une seule manière d’aimer, il n’y a sans doute pas une seule manière
de croire et d’être chrétien. Et ce serait un appauvrissement de vouloir avoir des chrétiens tous sur le même
moule. L’expression de la foi de Pierre n’est pas celle de Paul, celle de Thomas n’est pas celle de Marie-
Madeleine, et à toutes les époques, les saints et les grandes figures croyantes ont été touchés par une facette
plus particulière de Dieu.
2.
Le juste rapport au religieux / Trouver Dieu en toutes choses
L’un des enjeux de notre époque - me semble-t-il - est de trouver le juste rapport au religieux.
Je crois
qu’il y a aujourd’hui trois risques (ils ne sont sans doute pas les seuls). Le premier, c’est celui du
cloisonnement. D’un côté, il y aurait le travail, les responsabilités, les engagements, le sérieux des exigences,
les négociations et compromis, les questions délicates, peut-être les ambiguïtés morales avec lesquelles on
s’arrange, et puis de l’autre, il y aurait Dieu, la foi, nos convictions, la pratique religieuse qu’on cantonnerait
peut-être à un moment bien délimité de la semaine. Pas de communication entre les deux comme si le
domaine des convictions religieuses n’avait rien à dire, rien à voir, avec notre vie réelle. Comme si Dieu n’avait
rien à dire à notre vie. Comme si Dieu ne se trouvait que dans le domaine du religieux à proprement parler. Et
cela m’amène à parler du second risque.
Le second risque est une variante du premier. Le monde fait peur, le monde n’est pas bon, et il peut y
avoir le risque d’une fuite dans du spirituel, un peu éthéré, désincarné, où ce qui importe c’est ma relation
intime, personnelle avec Dieu, surtout s’il me fait du bien, s’il m’apaise , si mon affectivité spirituelle est
honorée. Je n’ai pas besoin des autres pour vivre, Dieu me suffit. Les autres ne m’intéressent plus, seul Dieu
compte. Alors, bien sûr, je caricature, car donner la priorité à Dieu, comme souhaiter éprouver l’amour de Dieu
et sa présence réconfortante, sont souhaitable et légitime. A condition que dans les deux cas, cela ne soit pas
une fuite de notre condition humaine. N’oublions pas que l’existence chrétienne c’est l’existence humaine,
toute l’existence humaine. Et que l’expérience de Dieu nous renvoie sans cesse aux autres.
Et le troisième risque, c’est ce que j’appellerai la « tentation du sacré », c’est-à-dire qu’il y a sans cesse la
tentation de remettre Dieu à distance, loin de nous, mystérieux, un peu inaccessible. Or, il ne faut pas oublier
que le Dieu chrétien est précisément celui qui s’est fait proche (et dans le temps de l’Avent qui commence,
cela résonne de manière particulière). Par l’incarnation du Fils, Dieu a inversé les images et les
représentations idolatriques de Dieu, celles d’un Dieu lointain, hors de l’histoire, qui gouvernerait et jugerait le
monde, et nous attraperait par le détour de nos limites et de nos fautes. Un Dieu qui demanderait sans cesse
des sacrifices, et une totale soumission. Nous sommes souvent tentés de remettre Dieu à cette place,
confondant le sacré avec une mise à distance. Une mise à distance qui nous arrange en fait : « Chacun chez
soi ! ». On vient régulièrement faire allégeance à Dieu en espérant qu’il ne s’occupe pas trop de nous, qu’il
« ne regarde pas trop notre dossier », de peur qu’il nous demande quelque chose. La vie chrétienne, c’est
autre chose. Désirer connaître Dieu, le laisser nous rejoindre, vouloir s’en approcher demande infiniment de
respect ; La relation avec Dieu, la suite du Christ, comme toute relation, suppose la juste distance qui permet
d’exister sans confusion, sans soumission. Il ne s’agit pas pour Dieu de soumettre l’homme, il ne doit pas
davantage s’agir pour l’homme de vouloir instrumentaliser Dieu. Dieu espère notre liberté responsable en face
de la sienne, une liberté qui se manifeste dans le choix radical et définitif d’aimer. C’est cela qui est sacré.
En fait, il s’agit donc de trouver Dieu en toutes choses. Cela passe par les choses les plus simples de
notre existence, celles qui s’offrent à nous, celles qui nous sont donnés de vivre. Toute notre vie peut être
l’occasion de rencontrer Dieu, de découvrir sa présence, de le suivre et de le servir. Que l’on prépare la
cuisine, que l’on écrive le prochain édito de
Croire Aujourd’hui
, que l’on participe à une réunion de bureau, que
l’on fasse un soin à un malade ou que l’on fasse une sortie sur les bords du Golfe… Il n’y a pas - où il ne
devrait pas y avoir - de distinction entre la vie ordinaire et la vie spirituelle. C’est dans cette existence
humaine, que Dieu parle, et qu’il nous faut le trouver. Nous sommes renvoyés ici au plus concret de nos
existences, aux choix que nous avons à poser dans notre vie affective, professionnelle, sociale… Les
questions auxquelles nous nous trouvons un jour confrontés désignent les lieux où nous pouvons essayer
d’agir en chrétien : comment vivre telle situation de conflit ? comment concilier ma foi et ma carrière ? puis-je
lui pardonner ? à quoi donner la priorité dans ma vie ? qu’est-ce que je fais de cet argent ? que faire de
l’injustice qui est devant moi ? Qu’est-ce que je construis dans ma vie de couple ? etc
On découvre des appels, des signes de Dieu, dans notre vie, à travers les autres, puis on y répond dans la
foi.
3. Le caractère contre-culturel du christianisme
Il n’est pas hors de propos de se demander si dans notre société européenne, le christianisme, les
valeurs chrétiennes, les valeurs issues de l’Evangile ne vont pas de plus en plus paraître à contre-courant, à
contre-pied des modèles éthiques, politiques, économiques qui gèrent nos sociétés. Jean-Paul II sur ce point
a eu des paroles très claires. Les convictions chrétiennes sont en beaucoup de domaines contre-culturelles,
contre l’air du temps (par ex. en matière de respect de la vie du début à la fin, en matière de critique d’un
capitalisme qui ne respecte pas les gens ou d’une société de consommation qui aliène l’individu, etc…), et je
pense que c’est quelque chose qui va s’amplifier dans l’avenir. Je ne vous cacherai pas que je suis quand
même un peu inquiet quant à l’évolution de notre société française. Je pense que les chrétiens ont quelque
chose à apporter dans les années difficiles que nous allons connaître.
Nous le savons bien : tout n’est pas l’oeuvre de Dieu sur terre. Tant de choses dégradent les hommes
et défigurent le monde. Nous avons à trouver un juste rapport à ce qui nous entoure. Cela suppose de la
sympathie pour les aspirations de nos contemporains, mais cela exige également des ruptures qu’il faut savoir
marquer avec le courage de l’Esprit. Quelles sont ces attitudes, ces postures que comme chrétien nous
pouvons promouvoir ? J’en repère sept que je cite sans développer.
Le partage plus fort que la possession.
Le désir de fidélité plus fort que le désir de tout essayer et de tout vouloir.
La liberté de conscience plus forte que l’embrigadement idéologique.
L’écoute intérieure plus forte que la cacophonie du monde.
La solidarité plus forte que la solitude.
Le temps de la parole et de la communication plus forte que l’indifférence.
Le pardon et le respect de la vie plus forts que la haine et la mort.
Peut-être ajouteriez-vous d’autres attitudes.
4
. Une vie partagée
Nous ne pouvons vivre notre foi indépendamment des autres. Des autres chrétiens bien sûr, mais
surtout de ces autres – et c’est maintenant la majorité de nos contemporains dans notre pays – qui ne
partagent pas notre foi. Comment faire avec tous ceux qui ne partagent pas notre foi ? Notre manière de vivre
notre foi n’est pas indemne de cette relation, qui - il faut bien le reconnaître - n’est pas toujours très facile à
vivre. Alors que faire ? Que vivre avec eux ?
La réponse n’est pas simple. Il y a sans doute plusieurs éléments. J’en privilégie un, celui du P. Michel
Rondet, théologien, qui écrivait il y a quelques années que, trop souvent, peut-être, nous sommes tentés de
proposer des réponses là où on nous demandes des chemins. Je le cite : «
Ceux qui, d’horizons très divers,
se mettent en marche, au souffle de l’Esprit, n’attendent pas, en fait, que nous leur offrions la sécurité d’un
port bien abrité. En fait, ce qu’ils espèrent, c’est un compagnonnage de recherche et de disponibilité, pas un
étalage complaisant de certitudes. Ceux qu’ils aimeraient rencontrer, eh bien, ce sont les mages dans leur
marche à l’étoile, pas les scribes de Jérusalem qui, eux, savent. Or, trop souvent, les Eglises d’Occident ont
pour ces gens en recherche, le visage des scribes de Jérusalem. Trop préoccupés des vérités à transmettre,
et des réponses à donner, nous sommes en fait sans doute trop peu sensibles à l’attente de ceux qui ne nous
demandent pas encore ce qu’il faut croire, mais ce que c’est que croire. Nous partons souvent d’une tradition
à transmettre, alors qu’il faudrait accompagner une naissance
» (M. Rondet,
Etudes
, 1997).
Il y a sans doute de notre part, davantage à nous mettre en chemin avec ceux auprès desquels nous
sommes envoyés, vivre ensemble sur ce chemin comme le Christ avec ses disciples en route vers Emmaüs,
que de vouloir les enseigner trop vite. Il s’agit de redécouvrir «
qu’avant d’être des vérités à croire, les
mystères chrétiens sont d’abord des expériences à vivre
». Il me semble que nous nous trouvons sur un fil où
nous avons à trouver l’équilibre entre d’une part l’indispensable annonce de l’Evangile, dire ce qui nous fait
vivre, expliquer ce qu’est le christianisme, parler du Christ, et ce d’autant plus que nous entrons dans une
période de méconnaissance absolue. Comment connaître quelqu’un si jamais on entend parler de lui ? Il faut
être très clair là-dessus. Mais d’autre part, en parler, avec une intelligence de situation, en s’intéressant à ce
que vit l’autre, en partageant un peu de ce qui fait son existence, sans chercher à le ramener à soi.
C’est le Dieu dont parle Matthieu dans son Evangile, et qui dit : «
J’ai eu faim et vous m’avez donné à
manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; nu et vous
m’avez vêtu ; malade et vous m’avez visité ; en prison et vous êtes venus à moi
» (Mt 25, 35-36). Et en cela,
même si le mot « engagement » peut faire peur, il reste, à mon sens, central dans l’acte de croire. Une foi qui
ne s’engage pas n’est pas une foi vivante. C’est ici que prend tout son sens le témoignage. Etre prêt à
répondre de l’espérance qui est en nous conduira peut être jusqu’à donner sa vie dans le martyr, mais donner
sa vie se fait d’abord, jour après jour, de manière souvent moins spectaculaire. Ce n’est pas forcément plus
facile. Tout chrétien n’est peut-être pas appelé au martyr, mais tout chrétien est appelé à donner sa vie par
amour, jour après jour, au « compte goutte » je dirais. L’amour de Dieu renvoie aux hommes et l’amour des
hommes renvoie à Dieu : c’est à cette tension qu’est sans cesse reconduit le chrétien.
5. Le chrétien, comme l’homme de la conversation
On insiste beaucoup chez les chrétiens sur l’importance de la parole, en lien avec la Parole de Dieu.
J’aime aussi pour ma part le mot de « conversation », chère à la tradition ignatienne. Il y a des manières de
faire qui ouvrent et invitent l’autre à continuer avec vous son chemin, et d’autres qui ferment et n’aident pas
l’autre à trouver son chemin. D’une certaine manière, le chrétien doit être l’homme de la conversation. Pas la
conversation mondaine où l’on cherche à briller, pas la conversation où on ne veut pas avoir tort, et où l’on se
bat pied à pied pour en imposer à l’autre, pas non plus la conversation banale où on parle de tout et de rien.
Non, la conversation où le chrétien est voué à dire à l’autre homme juste ce qu’il faut pour que cet homme
puisse avancer par lui-même. Cette conversation, si chère au Bienheureux Pierre Favre, a toujours évoqué le
respect, la non-préméditation, l’absence de plan, l’attention aussi, l’idée qu’on peut aider quelqu’un d’une
manière tout à fait imprévue. Et qui fait qu’à partir de ce qui s’échange de la vie la plus simple, des joies et des
peines de l’existence, il est possible de réconforter, d’aider l’autre à vivre, d’indiquer un chemin de sens…
Comme le Christ conversant sur les routes de Galillée. Tout cela me semble-t-il est très adapté à notre temps.
C’est assurément le premier lieu du témoignage.
6. Le temps de Dieu
Je le disais, tout à l’heure, qu’il peut y avoir de l’inquiétude quant à l’avenir de l’Eglise. Cette
inquiétude, cette désolation spirituelle doit être replacée sous le regard de Dieu, le seul qui peut nous aider à
avoir le juste regard. Le juste regard passe par un certain nombre d’attitudes. Je ne fait que les citer car le
temps passe :
Se réjouir de ce qui se vit. Réjouissez-vous par exemple de la vie de votre diocèse. Il y a de très belles
choses qui se vivent. Avec qualité, diversité et richesse. Réjouissez-vous de cela, goûtez-le et rendez
grâces à Dieu.
Ne pas s’impatientez. On ne fait pas grandir les plantes en tirant sur les tiges. La difficulté vient pour
nous que nous voyons un monde s’écrouler et que nous ne savons pas ce qui vient. On cherche, on
tâtonne, on invente, mais personne n’a la recette-miracle qui ferait que demain l’Eglise serait de nouveau
entendue dans notre monde. Pourtant, Dieu travaille. Il travaille son Eglise, il travaille le coeur des
hommes, à sa manière – et ce n’est pas toujours la nôtre. Et il faut vraiment se réjouir de tout ce qui naît,
se cherche, s’invente dans l’Eglise de France aujourd’hui (je cite en vrac certaines réalités : la place des
laïcs qui se forment et le rôle de tous ceux qui font vivre l’Eglise, par exemple, ceux qui reçoivent des
lettres de mission, le nombre grandissant des diacres, la place des communautés nouvelles, etc…). C’est
souvent petit, et puis, comme je le disais tout à l’heure, quelque chose qui pousse cela fait toujours
moins de bruit que quelque chose qui dégringole, certaines choses ne sont pas encore arrivés à
maturité, il y a parfois des erreurs de jeunesse qu’il ne faut surtout pas laisser passer, il y a parfois des
réalités ecclésiales qui peuvent paraître contradictoires, mais pourtant Dieu travaille à travers tout cela,
pour autant qu’on le laisse travailler, qu’on ne s’arqueboute pas sur le passé, et qu’on croit que Dieu fait
toutes choses nouvelles. Il faut donc accepter d’avancer un peu dans le désert, de sortir de notre tente et
de scruter le ciel. Nous sommes placés ici au coeur de la foi, celui du mystère pascal : l’Eglise est
ramenée sans cesse à une certaine mort pour revivre de la vie du Christ. Comment pourrons-nous
annoncer le Ressuscité, si nous-mêmes nous ne consentons pas à une certaine mort ? Il nous faut
consentir à lâcher prise, accepter de passer par cette mort à nous-mêmes, à nos conceptions, à nos
images peut-être de l’Eglise pour que Dieu puisse bâtir l’Eglise de son Fils. L’avenir, c’est Dieu avec
nous qui le faisons. Le christianisme aura un avenir si nous décidons de faire confiance à Dieu.
Et en ce sens, je pense que l’espérance est non seulement une vertu théologale, une grâce à
demander, c’est aussi une décision spirituelle. Pas d’impatience donc, ou de désespérance, il faut
avancer au pas de Dieu, en consentant de ne pas savoir encore très clairement ce qu’il faut faire dans
tous les domaines pastoraux, ne pas vouloir avoir tout de suite les réponses, mais continuer à chercher,
inventer.
Ne pas être seuls. Former des communautés simples et accueillantes. Où on peut être comme on est sans
avoir peur d’être jugé, où on sait qu’on trouvera un soutien (ne serait-ce qu’une oreille attentive), et où on a
plaisir à être ensemble. Je pense que la famille ignatienne peut encore progresser sur ce point ! Je crois
aussi que l’humour a une grande place dans la vie chrétienne…
Il est plus que temps de conclure…même s’il y aurait évidemment encore beaucoup à dire.
C’est à travers tout cela que nous pourrons faire passer un peu de ce qui m’apparaît aujourd’hui le plus
indispensable à notre société, et dont je parlais à l’instant, à savoir l’espérance. Le P. Valadier dit quelque
chose qui m’apparaît très juste dans l’ouvrage collectif :
Le christianisme a-t-il un avenir ?
(Ed. St Augustin,
2000) : «
Il me semble qu’une des premières tâches des chrétiens - et donc du christianisme - est d’aider
l’homme à espérer, à croire en lui-même
». Je crois que ce service de l’espérance, c’est quelque chose qui
peut se vivre, très simplement. Et qu’on peut, par là, aider beaucoup.
Je suis frappé de constater une sorte de paradoxe : à la fois le monde semble, à bien des égards, avoir
oublié Dieu - on se passe très bien de lui - et en même temps, ce monde est en attente, il a un besoin
extraordinaire qu’on lui parle, qu’on lui dise une parole qui fasse sens. C’est bien sur ce point qu’insiste le
pape Benoît XVI depuis le début de son pontificat. Partir des attentes, des questions les plus existentielles de
chacun : quel sens a ma vie ? Est-il possible d’aimer vraiment ? Comment trouver ma place dans cette
société, dans ce monde ? Est-ce que ma vie peut porter du fruit ? Le christianisme invite à faire confiance au
Christ qui peut combler en profondeur et en vérité nos attentes les plus profondes. La rencontre du Christ
donne sens à l’existence.
C’est bien l’Espérance que Dieu par son Fils est venu nous donner. C’est pour cela que je crois que le
christianisme dans une certaine mesure ne fait que commencer ; en tous cas, qu’il n’a pas dit son dernier mot.
Et c’est dans cet esprit que nous pouvons nous situer alors que va commencer le temps de l’Avent.
(1) M. Rondet : «Spiritualités hors frontières »,
Etudes
, février 1997.
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