Etude annuelle 2006
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Introduction Les différentes formes d’actualisation de l’antisémitisme occidental 1L’histoire de l’Europe occidentale s’est souvent confondue avec celle de la judéophobie . La haine manifestée à l’encontre des Juifs a pris de très nombreuses formes et connu plusieurs variantes importantes. Du simple préjugé à la persécution systématique et organisée, du contrôle social à la coercition du pouvoir, de l’injure aux contraintes vestimentaires, du pamphlet littéraire à la Shoah, les réactions d’hostilité marquée à l’encontre des Juifs, comme les très nombreux alibis pour les justifier, ont varié dans le temps et l’espace. Cette étude n’a pas l’ambition de prétendre à la reconstruction d’une histoire exhaustive de l’antisémitisme. Elle vise davantage à faire percevoir, au travers d’exemples significatifs, les différentes formes que l’antisémitisme a revêtues au fil de l’histoire. Plutôt que de tracer l’histoire de l’antisémitisme, elle cherche à confronter l’histoire à l’antisémitisme, en montrant comment ce dernier s’adapte et réactualise sans cesse ses thèses centrales, déclinées selon des modalités historiques spécifiques. A cette fin, l’analyse se centrera sur les principales versions paradigmatiques de l’antisémitisme occidental et les variations majeures 2qu’elles ont connues au fil du temps et des historicités dans lesquelles elles se sont inscrites. En effet, contrairement à ce qu’une appréhension naïve du phénomène pourrait laisser entendre, ...

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Introduction Les différentes formes d’actualisation de l’antisémitisme occidental L’histoire de l’Europe occidentale s’est souvent confondue avec celle de la judéophobie1. La haine manifestée à l’encontre des Juifs a pris de très nombreuses formes et connu plusieurs variantes importantes. Du simple préjugé à la persécution systématique et organisée, du contrôle social à la coercition du pouvoir, de l’injure aux contraintes vestimentaires, du pamphlet littéraire à la Shoah, les réactions d’hostilité marquée à l’encontre des Juifs, comme les très nombreux alibis pour les justifier, ont varié dans le temps et l’espace. Cette étude n’a pas l’ambition de prétendre à la reconstruction d’une histoire exhaustive de l’antisémitisme. Elle vise davantage à faire percevoir, au travers d’exemples significatifs, les différentes formes que l’antisémitisme a revêtues au fil de l’histoire. Plutôt que de tracer l’histoire de l’antisémitisme, elle cherche à confronter l’histoire à l’antisémitisme, en montrant comment ce dernier s’adapte et réactualise sans cesse ses thèses centrales, déclinées selon des modalités historiques spécifiques. A cette fin, l’a nalyse se centrera sur les principales versions paradigmatiques de l’antisémitisme occidental et les variations majeures qu’elles ont connues au fil du temps et des historicités dans lesquelles elles se sont inscrites.2En effet, contrairement à ce qu’une appréhension naïve du phénomène pour rait laisser entendre, l’antisémitisme n’est pas monolithique. Certes, il se diffuse dans l’histoire avec une cohérence et une constance assez stupéfiantes, mais ses modes d’expression opératoires ne sont pas figés. Les paradigmes dominants de chaque grande période de l’histoire occidentale ont marqué de leur empreinte l’élaboration des thèses du moment. Rupture et continuité à la fois, donc, pour un ressentiment très vif à l’égard des Juifs qui, s’amarrant à chaque grand courant émergeant, s’adapte, se transforme et se réactualise sans cesse, puisant dans les ressources intellectuelles, spirituelles ou socio-politiques de son époque, le motif de ses nouvelles justifications. Ces variantes relativement importantes au fil de l’histoire de l’antisémitisme exploitent et déclinent un même corps de thématiques centrales et récurrentes . Celles-ci attestent conjointement de la particularité de la judéophobie, qui se singularise d’autres phénomènes 1 Certains auteurs distinguent, pour des raisons de précision méthodologique, les termes d’antisémitisme et de judéophobie. Dans son sens strict, il est vrai, l’antisémitisme ne renvoie qu’à la forme moderne et occidentale de la détestation des Juifs, le mot n’apparaissant qu’à la fin du XIXesiècle en Allemagne, puis très rapidement, dans les pays voisins. Toutefois, le terme « antisémitis me » a été depuis utilisé rétrospectivement pour dé signer l’ensemble des manifestations historiques comparables. C’est dans ce sens large que nous entendons utiliser le terme. Pour des raisons de simplicité d’exposition, « judéophobie » et « antisémitisme » seront donc considérés dans cette présente étude comme des termes à portée équivalente. Il convient cependant de distinguer « antisémitisme » d’« antijudaïsme ». L’antijudaïsme est une manifestation essentiellement d’inspirati on cultuelle ou religieuse, qui vise à la méfiance, voire à la stigmatisation des Juifs, tandis que l’antisémitisme se comprend davantage comme une posture systématique qui, s’appuyant sur le préjugé, la méfiance et le soupçon creusés par l’antijudaïsme, utilise collectivement la désignation des Juifs comme boucs émissaires pou r maintenir la paix et l’ordre social, en leur attribuant un pouvoir démoniaque, occulte et nuisible. Cette dimension fantasmatique, démonologique permet alors de justif ier publiquement le recours à une politique répress ive systématique, allant de l’ostracisation à la persécution et aux massacres, en passant par la vexation des droits, la conversion forcée ou l’expulsion collective. On considère que le basculement occidental de l’antijudaïsme dans l’antisémitisme se produit au tournant du XIIesiècle, avec la Première croisade et les prêches d’Urbain II. En ce sens, les manifestations et les positions de l’antijudaïsme peuvent être considérées comme une propédeutique en creux de l’antisémitisme. 2Pour les lecteurs qui souhaiteront prendre connaissance de recensions plus systématiques, il existe de nombreux ouvrages historiques remarquables qui les reprennent de façon plus détaillée. Citons deux exemples classiques d’analyse historique qui font autorité, et qui sont parmi les sources que nous avons utilisées :sitntiméemsi,L'A son histoire et ses causes, de Bernard Lazare, ouL’Histoire de l’antisémitismede Léon Poliakov.
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tout aussi détestables, comme le racisme ou la xénophobie, par exemple, mais auxquels elle n’est cependant pas réductible. De l’antisémitisme en général Pour identifier la particularité de l’antisémitisme, on peut l’approcher par son objet et sa nature. La spécificité de la judéophobie tient, d’abord à celle des Juifs. Spécificité d’un peuple, dont l’histoire remonte à l’Antiquité, dispersé à travers le monde, et qui se trouve porteur d’une religion fondatrice, dépositaire d’un monothéisme à l’origine du christianisme et de l’islam. Spécificité culturelle donc, d’un groupe humain constituant un peuple distinct, disséminé dans une longue diaspora, et d’une religion elle aussi spécifique, qui, en posant les fondements révolutionnaires du monothéisme3, allait d’abord susciter un certain attrait des peuples mais aussi le mépris et la méfiance des élites, puis, inspirer la naissance des deux autres grands cultes. Ce double mouvement de prise de distance d’abor d, puis de rapprochement, n’a dès lors plus grand-chose de commun avec le racisme. Il s’inscrit plutôt dans la concurrence des croyances et dans la lutte de la légitimation cultuelle pour le contrôle social. Et de ce point de vue, les Juifs ont constamment été atta qués pour des motifs similaires : tantôt pour être les dépositaires d’une religion et d’une éthique irréductibles et inassimilables au polythéisme -donc trop distantes du système cultuel dominant-, tantôt pour être les dépositaires d’une religion et d’une éthique concurrentes du christianisme auquel elles ont donné naissance, et dont il fallait discréditer la filiation source -trop proche- de la nouvelle religion. La généalogie des cultes, après l’élément xénophobe, constitue donc le deuxième composant de l’antisémitisme. Cette dialectique proximité/éloig nement est très caractéristique. On la retrouve dans le réflexe antisémite qui considère le Juif inassimilable aux autres groupes parce qu’il serait une menace : -extérieure : trop éloigné des intérêts de la collectivité dominante, en raison de ses coutumes, de sa foi, de ses origines ou de la supposée solidarité entre communautés disséminées aux quatre coins du monde, etc. ; - trop proche des intérêts de la collectivité dominante en raison d’une foiintérieure : concurrente, stigmatisée par la théologie de la substitution, de son emprise financière sur les grandes fortunes des souverains, de son engagement au sein de la bourgeoisie ou de la cause communisme, etc. Les Juifs sont donc d’abord perçus comme une entité dangereuse et égoïste, puis, déchue voire démoniaque, possédant un pouvoir fantasmatique hostile aux intérêts de la collectivité. S’ajoute également la dimension et l’enjeu nationalitaires, qui jouent un rôle important, plus déterminant il est vrai aux époques païenne et contemporaine, puisque l’Etat juif disparut en 70 pour ne renaître qu’au XXesiècle. L’expansionnisme des grands empires d’abord, l’enjeu de l’emprise territoriale des grandes religions sur les lieux saints ensuite, vont également alimenter l’antisémitisme en contestant historiquement, téléologiquement, par l’argument et la force, par l’opprobre et le fantasme, la reconnaissance de toute forme de légitimité du lien particulier entre les Juifs et leur foyer historique. Si l’on s’attache à observer non plus l’objet mais la nature de l’antisémitisme, ses spécificités le distinguent des autres systèmes idéologiques haineux : du point de vue de sa dimension : seul l’antisémitisme relève d’une histoire aussi longue et d’une diffusion géographique aussi importante ;
3judaïsme primitif s’apparentait à l’hénothéisme, avant de solidifier sa base monothéiste, notamment en  Le réaction aux croyances polythéistes grecques. Nous n’entrerons pas dans ce débat qui nous éloignerait trop de notre sujet et dont la polémique ne se pose pas pou r nous : la conversion plus tardive du judaïsme au monothéisme demeure largement antérieure au christianisme et à l’islam.
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 : du point de vue de sa morphologiecomme précédemment décrit, lui seul distille des variantes à composantes ethno-racialiste, théologique et nationalitaire ;  lui seul cumule autant de persécutions systématiques :point de vue de son intensitédu dans le temps et l’espace, et débouche sur un génocide. L’articulation et la somme de ces trois aspects de l’antisémitisme, envisagé tant par son objet que par sa nature, le rendent unique et donnent une estimation, même approximative, de son ampleur.Des différents modes de son actualisation En dépit de leur constance, les grandes tendances caractérisant l’antisémitisme ont cependant varié avec le temps. Elles se sont historicisées, en ce sens qu’elles ont trouvé dans l’historicité de chaque époque (les ressources à l’origine des modes d’interprétation et de représentation du monde ou de la société à un moment donné de l’histoire) de nouveaux moti fs de détestation.Cette étude vise précisément à exposer, au travers d’exemples représentatifs, quelques-unes des sources de l’antisémitisme occidental regroupées en fonction des grandes époques dans lesquelles elles prirent naissance et prospérèrent. Méthodologiquement, nous avons distingué trois4 grandes époques de la judéophobie occidentale : -l’antijudaïsme païen ; -l’antijudaïsme et l’antisémitisme chrétiens ; -l’antisémitisme moderne. Cette segmentation n’est pas arbitraire. Elle reflète l’avènement des différents paradigmes dominant chacune des époques considérées et l’impact que ceux-ci ont eu sur les variations de l’antisémitisme. Durant l’Antiquité préchrétienne, par exemple, dominée en Europe par le polythéisme, l’antijudaïsme des élites, redoutant le pouvoir d’attraction sur les masses du message providentiel juif, se concentre essentiellement sur les croyances et les rites, frappés de méfiance et de mépris, et sur les Juifs qui les pratiquent. De plus, l’aspiration nationalitaire des Juifs au Proche-Orient justifie également la critique : les Juifs ne sont pas seulement les dépositaires d’une religion niant les cultes polythéistes, mais ils représentent également un peuple refusant la domination des grands empires sur son territoire, qui connut quelques brèves périodes d’indépendance, et en particulier pour l’Occident, la domination grecque, puis romaine. La judéophobie est donc à la fois motivée par des considérations de politique intérieure -la religion juive constituant un danger potentiel pour la cohésion sociale en proposant une foi et des pratiques contraires à celles professées par le polythéisme et à l’ordre établi puisque l’élection est fondée sur l’égalité devant le respect de l’éthique plutôt que sur les inégalités de naissance-, et de politique extérieure dans le cadre des grandes conquêtes territoriales. La révolution synthétisée par le judaïsme opère, certes, un bouleversement total d’ordre théo-métaphysique, instituant à lui seul un nouvel ordre cosmologique se perdant dans l’horizon d’une transcendance radicalement posée comme autre. Et ce seul élément constitue en soi une rupture radicale avec la plupart des religions et des rites environnants. Mais cette révolution réalise également une véritable refondation éthique et po litique : l’alliance contractuelle proposait l’égalité devant l’immortalité, conditionnée par l’observance d’un certain nombre de principes jugés révolutionnaires : les 10 commandements, la circoncision, le jour de repos hebdomadaire, les règles d’hygiène alimentaire instituée par la casherout, etc. 4 Onl’antisémitisme. Et il est vrai qu’il se aurait pu considérer le nazisme comme un moment spécifique de distingue de l’antisémitisme moderne, non seulement en fonction d’un accroissement terrible de sa forc e agressive, mais également par une modification de nature du propos. Nous l’avons cependant inclus dans la même catégorie parce qu’il repose sur le même paradigme, plus général, du rapport de l’Etat moderne aux Juifs.
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Le culte et la loi de ce petit peuple défiaient les dieux et l’organisation sociale instaurée autour du polythéisme, au travers de son enseignement sur la responsa bilité individuelle devant une transcendance immatérielle qu’il était de surcroît interdit de représenter. L’antijudaïsme s’exprime au travers de stéréotypes qui dépeignent les Juifs comme un peuple de fainéants (en raison du Shabbat, cette idée révolutionnaire, propre au seul judaïsme, de jour de repos hebdomadaire), aux mœurs peu recommandables (circoncision, casherout, etc.), vivant en vase clos, en qui l’on ne peut avoir confiance parce qu’il agirait pour ses seuls intérêts et ceux de sa patrie véritable. Il faut cependant préciser que l’Antiquité n’a pas été un foyer d’antisémitisme au sens politique du terme. La période hellénistique consacre la rencontre de la pensée grecque et de la pensée juive plutôt qu’elle ne les oppose, et les Juifs ont accès à la citoyenneté romaine. Il serait plus exact de dire que l’antijudaïsme procède d’un réflexe protectionniste des élites qui craignent de voir leurs privilèges et l’organisation sociale considérablement remis en cause par la diffusion du judaïsme au sein de l’Empire. Les Juifs suscitent de leur part de la moquerie, mais également de la curiosité bienveillante et un certain intérêt du peuple. D’où la nécessité de les contrôler. Si l’anti judaïsme païen comporte indubitablement une dimension théologique, il comprend également un versant xénophobe, mais au même titre que les autres minorités ethniques. Rien de semblable à l’époque chrétienne. Le judaïsme n’est plus une religion distincte du culte dominant. Au contraire, il lui ressemble trop puisqu’il l ui a donné naissance. L’argumentaire devient alors proprement théo-social : puisque les Juifs ont refusé le Christ, puisqu’ils l’auraient livré aux Romains, et donc, à la croix, leur marginalisation s’impose et les malheurs qui les accablent sont les signes de la punition que Dieu leur inflige pour n’avoir pas reconnu Jésus. Leur misère sociale devient la confirmation du châtiment divin. L’antijudaïsme chrétien change de nature et d’intensité pour basculer dans l’antisémitisme, à la fin du XIe les Juifs de tous les maux, leur attribuant ainsi une fonctionsiècle en incriminant sociale de régulation de la violence et de la légitimité politique. C’est le temps des croisades, destinées à éloigner des zones de pouvoir l’influence grandissante des Barons et des messianismes révolutionnaires. C’est dans cette nouvelle instrumentation d’inspiration toute théologique qu’apparaissent les premières accusations de meurtres rituels5d’enfants chrétiens, qui perdureront jusqu’au XXesiècle. Durant l’Antiquité, Manethon accusait les Juifs d’être les responsables d’épidémies de lèpre en Egypte, les voilà accusés d’être à l’origine de la peste en Europe. C’est également l’époque où l’on dénonce les Juifs qui œuvreraient collectivement dans l’ombre à la destruction de la chrétienté. Des conversions forcées à l’Inquisition, de l’accusation de peuple déicide aux croisades, la seconde période chrétienne se distingue donc par l’extraordinaire violence de l’Eglise et du pouvoir temporel à l’encontre des communautés juives occidentales, qui se traduit à la fois par des massacres innombrables, une politique de discrimination systématique et d’expulsions de circonstances, soutenues par des foules fanatisées dont l’antijudaïsme chrétien et de nombreux papes, rois et seigneurs avaient suscité et exalté le réflexe antisémite. S’élaborent également déjà au Moyen Age, les mythes fondateurs du rejet fantasmatique moderne des Juifs au travers d’ un antisémitisme à composante, certes religieuse, mais également économique et sociale, relatif au lien supposé des Juifs avec l’argent. A l’époque moderne, l’antisémitisme change une fois encore de visage. La constitution des Etats-Nations, l’affaiblissement de l’emprise du religieux sur l’Etat ou la sécularisation des mœurs, la naissance de la conscience nationale ou de la conscience de classe, sont autant d’éléments déterminant la nouvelle société moderne qui allaient modi fier là encore l’argumentaire antisémite, s’adaptant aux nouvelles caractéristiques du paradigme dominant. D’une certaine manière, l’antisémitisme se sécularise avec son époque : vient se greffer sur la suspicion qu’avait réussi à jeter sur les Juifs l’antijudaïsme chrétien durant plus d’un 5Comme nous le verrons, cette tradition a été inaugurée par Damocrite, avant l’ère chrétienne.
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millénaire, de nouvelles formes de judéophobie. Puisque la dimension religieuse est reléguée au second plan, c’est sur le rapport de l’appartenance du Juif à la nation, à l’argent, bien sûr, ou à l’exploitation que se centreront les discours antisémites. L’antisémitisme de gauche reprochera au Juif d’avoir une longue tradition des métiers d’argent et dénoncera à travers lui l’exploitation de la classe ouvrière. Symétriquement, si l’on peut dire, l’antisémitisme de droite soulignera les origines allochtones des Juifs et les accusera de comploter contre la nation. La période met donc en scène une dramaturgie fondée sur une version sécularisée de la théorie conspirationniste, formalisée dansLesProtocoles des Sages de Sion, et sur l’antisémitisme à composante raciale qui se radicalisera à outrance dans la politique de persécution mise en place par le nazisme et aboutira à la Shoah, coûtant la vie à environ 6 millions de Juifs. Ce rapide survol montre bien la tension précédemment décrite entre la constance du sentiment judéophobe, et les variations, les déclinaisons, les adaptations successives de l’antisémitisme aux paradigmes dominants. Nous allons à présent examiner plus en détails quelques exemples significatifs caractérisant chacune des ces grandes époques, agrémentées de quelques mises en perspective historiques montrant l’impact du discours antisémite sur les actes discriminatoires et souvent meurtriers auxquels ils ont donné lieu.
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I.L’antijudaïsme païen Si de grands souverains comme Cyrus, Alexandre le Grand ou César se sont accommodés des Juifs, d’autres, en revanche, se sont employés à les persécuter. Il serait faux de prétendre que l’Antiquité développa au sein des grands empires constitués un antisémitisme organisé, comme ce fut ultérieurement le cas. Mais les rites juifs ne laissent pas indifférents. Ils inspirent tantôt une forme de questionnement sur l’étrangeté d’un peuple refusant de servir les dieux et s’employant à n’en servir qu’un qu’ils ne représentent pas, tantôt de la méfiance et de la haine, et ce, pour les mêmes motifs, comme le rappelle Léon Poliakov dans sonHistoire de lantisémitisme, citant à titre d’exemple le chapitre III du Livre d’Esther, qui rapporte la célèbre diatribe d’Aman, ministre du roi Assuérus, « (…)Aman chercha à exterminer le peuple de Mardochée, tous les Juifs qui étaient dans le royaume d’Assuérus(verset 6).Aman dit au roi Assuérus : Il y a un peuple dispersé et [vivant] à part au milieu des peuples, dans toutes les provinces de ton royaume ; leurs lois diffèrent de [celles de] tous les peuples et ils n’observent pas les lois du roi. Il ne convient pas pour le roi de les laisser tranquilles(verset 8).Si le roi le trouve bon, qu’on écrive [l’ordre] de les faire périr(verset 9) »6. Ces propos haineux et infamants, préfigurant l’instrumentation de la foi et de l’éthique juives par les élites pour charger les Juifs des pires maux, justifier leur persécution et dresser le peuple contre eux, manœuvre politique dont la pratique deviendra courante au Moyen Age, se retrouvent déjà dans l’Antiquité, tant en Orient, comme ici au Ve avant J.-C., qu’en siècle Occident. Cette différence cultuelle, culturelle et normative, allait donner naissance à une série de fantasmes et de représentations abusivement interprétatives, prêtant au respect par les Juifs des mœurs et usages prescrits par la Torah des causes critiquables et parfois supposées criminogènes.Comme le signale Flavius Josèphe dans sonContre Apion, Livre 1 : XXV223Les calomnies à notre adresse vinrent d'abord des Egyptiens, puis, dans l'intention de leur être agréables, certains auteurs entreprirent d'altérer la vérité ; ils n'avouèrent pas l'arrivée de nos ancêtres en Egypte telle qu'elle eut lieu, ni ne racontèrent sincèrement la façon dont ils en sortirent.Et de poursuivre : XXVI228qui avait promis de traduire l'histoire d'Egypte Ce Manéthôs, d'après les Livres sacrés, après avoir dit que nos aïeux, venus au nombre de plusieurs myriades en Egypte, établirent leur domination sur les habitants, avouant lui-même que, chassés plus tard, ils occupèrent la Judée actuelle, fondèrent Jérusalem et bâtirent le temple; Manéthôs, dis-je, a suivi jusque-là les annales.229 ensuite, il prend la liberté, sous Mais prétexte de raconter les fables et les propos qui courent sur les Juifs, d'introduire des récits invraisemblables et veut nous confondre avec une foule d'Egyptiens lépreux et atteints d'autres maladies, condamnés pour cela, selon lui, à fuir l'Egypte.7 Les affabulations de Manethon, prêtre de Thèbes du IIIesiècle, furent reprises par Posidonius dans son traité d’histoire de la Perse et Appolonius Molon, comme le signale Flavius Josèphe dans le Livre 2 : VII79qui lui ont fourni une telle matière, je parleJ'admire aussi les écrivains de Posidonios et d'Apollonios Molon, qui nous font un crime de n'adorer pas les mêmes dieux que les autres peuples. D'autre part, quand ils mentent également et inventent des calomnies absurdes contre notre temple, ils ne se croient pas impies, alors que rien n'est plus honteux pour des hommes libres que de mentir de quelque façon que ce soit, et surtout au sujet d'un temple célèbre dans l'univers entier et puissant par une si grande sainteté.80Ce sanctuaire, Apion a osé dire que les Juifs y avaient placé une tête d'âne, qu'ils l'adoraient et la jugeaient
6La Bible - Ancien Testament, vol. 2, Esther III, 6-9, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1.541. 7 disponible à l’adresse est texte intégral, duquel sont tirés ces extraits, Le http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/Apion1.htm, tiré de l’excellent sitegrelo.acem.rww/w:/tpht
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digne d'un si grand culte ; il affirme que le fait fut dévoilé lors du pillage du temple par Antiochos Epiphane et qu'on découvrit cette tête d'âne faite d'or, et d'un prix considérable.Environ à la même époque (au IIesiècle), Damocrite, qui était historien, écrivit pareillement que les Juifs adoraient une tête d'âne en or placée dans le Temple et qu’ils y sacrifiaient une fois tous les sept ans un étranger capturé. C'est le plus ancien récit de meurtre rituel attribué aux Juifs. Chéremon d'Alexandrie, l’un des maîtres de Néron et dirigeant de la Bibliothèque d'Alexandrie, colporte les mêmes légendes fantaisistes. Lysimaque d'Alexandrie raffine encore un peu plus le propos en prétendant que le peuple juif, malade de la gale et de la lèpre, s'était réfugié dans les temples pour y mendier. Leur maladie gagna l'Egypte et y amena la stérilité. Apion, grand érudit de la première moitié du premier siècle qui fut l'avocat des Alexandrins contre les Juifs, aurait aussi écrit un pamphlet contre les Juifs d'Alexandrie. Ces divagations fondées sur la méfiance d’un groupe humain observant une foi et des lois distinctes, contaminèrent l’Empire romain et connurent un certain succès pour des raisons analogues à celles qui leur permirent de se développer dans l’Egypte grecque. Comme l’explique Léon Poliakov : «l’irréductibilité juive à cet égard, les Romains, enDevant administrateurs habiles, en vinrent rapidement à un certain nombre de com promis, dispensant les Juifs d’offrir des sacrifices pour les empereurs. Ces privilèges constituaient en fait autant de sources de jalousie et de conflits possibles»8. Cicéron, dans sa célèbre défense de Flaccus, (Pro F1acco), en offre un bon exemple. Il décrit ainsi les Juifs : « ; nous avons le nôtre.XXVIII. [69] … Chaque ville a son culte, Lélius Lorsque les Juifs étaient en paix avec nous, et Jérusalem florissan te, nous trouvions cependant les cérémonies de leurs sacrifices trop peu dignes de la majesté de notre empire, de la splendeur de notre nom, des institutions de nos ancêtres : elles le sont encore plus à présent que cette nation a fait connaître, en nous faisant la guerre, ses sentiments pour la république ; et que les dieux immortels, en permettant qu'elle fût vaincue et tributaire, ont montré leur sollicitude pour elle!»9. Horace condamnera dans sesSatires (I, 4, 142-143) le prosélytisme des Juifs : «Si tu ne me le concèdes pas, la multitude des poètes viendra à mon aide, car nous sommes innombrables, et nous te forcerons, comme font les Juifs, à entrer dans notre bande»10. Dans l’Intermède artistique et littéraire(LXVIII) de sonSatiricon, Pétrone souligne deux défauts d’un esclave juif d’Alexandrie : «il a le bout coupé et il ronfle»11. D’autres témoignages, comme ceux de Martial dans ses célèbresemsrgmaEip, montre la nature et l’ampleur des représentations sociales circulant sur les Juifs dans l’Empire, comme en VII, 30, 5 : «Tu n’as pas de dégoût pour les parties des Juifs circoncis»12. Ou encore en XII, 57, 11-14 : «arrêt, la troupe fanatique des prêtres de Bellone, le naufragéC'est, sans bavard portant, suspendue au cou, sa tirelire, et le juif instruit par sa mère à mendier, et le chassieux débitant d'allumettes soufrées»13. Juvénal, dans sesSatires, reprend également à son compte les rumeurs et les stéréotypes touchant les Juifs, dont l’étrangeté des rites et la mendicité sont les traits les plus visibles : «Là jadis Numa eut ses rendez-vous avec la nocturne amie ; aujourd’hui les bosquets de la source sacrée et le sanctuaire même sont loués, à qui ? A ces juifs qui ont pour tout mobilier leur corbeille et pour toute fortune leur 8Léon Poliakov,Histoire de l’antisémitisme, vol. I - L’âge de la foi, Collection Points Seuil, p. 17, Paris, 1991. 9 texte intégral duquel est tiré l’extrait cité e st disponible à l’adresse Lept/:th-p/to pourri.fltr.ucl.ac.be/files/aclassftp/TEXTES/Cicero/cic_pro_flacco_fr.txt. L’oeuvre est mise en ligne sur la Bibliothèque virtuelle de l’excellent siteItinera Electronica la Faculté de Philosophie et les Lettres de de l’Université Catholique de Louvain. 10Passage extraittp://pot-p _ _ deTPsFEX/TS/TEraHoeb.clif/A/sesalCourri.fltr.ucl.athtxrft.vl1erssatiais/rancce/f. 11Passage extrait dehttp://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/acl p _ _ assft /TEXTES/Petrone/satiricon 02 fr.txt. 12Cité par R. CAVENAILE, in Juifs et Romains - Les deux guerres juives (66-73 ou 74 et 132-135 ap. J.-C.), mis en ligne surftpht/h:/.ilat/eb.emocsitm/old/grabulariu1130.atreaecg/00. 13Passage extrait de//:ptthltr.ri.fpourpot-nire/eticab.cu.lntissage/parcour/aapcruosra_ppermht30_sart/tcud.noi.
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foin (car nous n’avons plus un arbre qui n’ait à payer une taxe au Trésor : il mendie, ce bois dont les muses ont été exilées)» (III, 12-16)14ou «Il n'a pas tourné les talons, qu'une Juive, corbeille et foin quittés, arrive tremblante et demande l'aumône à l'oreille. Elle est interprète des lois de Jérusalem, grande prêtresse de l'arbre messagère fidèle des dieux supérieurs. Encore une main à combler, tout de même plus chichement ; pour quelques sous, les Juifs vendent toutes les fictions qu'on voudra» (VI, 542-547)15. Ou encore «Quelques jeunes gens dont les pères observent le shabbat ont pour dieux les nuages et la calotte des cieux ; ils enveloppent d'une même horreur la chair humaine et celle du porc dont le père s'abstenait. Ils ne tardent pas à se faire circoncire. Elevés dans le mépris des lois romaines, ils n'ont pour étude, pour pratique et pour vénération que la loi de Moïse transmise dans un livre mystérieux ; ils n'auraient garde de montrer le chemin aux fidèles d'un autre culte, d'indiquer une fontaine à d'autres qu'à des circoncis. Mais quelqu'un est coupable, c'est le père, qui a réservé chaque septième jour pour l'inaction, hors de toute vie commune» (XIV, 96-106)16. C’est également le cas chez Quintilien, dans sonInstitution oratoire :, III, 7, 21Il en est d'autres que nous haïssons jusque dans leurs pères et mères. Des fondateurs de villes ont encouru un opprobre éternel pour avoir rassemblé en corps de peuple une horde funeste aux autres peuples : tel est le premier auteur de la superstition judaïque.17Sénèque, quant à lui, ajoute à la haine et la méfiance des autorités romaines à l’égard des Juifs, un contenu proprement politique offrant un précédent à l’antisémitisme moderne (on n’est pas loin desProtocoles des Sages de Sion), tel qu’en atteste le témoignage laissé sur lui par Saint Augustin dansLa Cité de Dieu, VI, 11 : «Entre autres superstitions de la théologie civile, ce philosophe condamne les cérémonies des Juifs et surtout leur shabbat, qui lui parait une pratique inutile, attendu que rester le septième jour sans rien faire, c'est perdre la septième partie de la vie, outre le dommage qui peut en résulter dans les nécessités urgentes. Il n'a osé parler toutefois, ni en bien ni en mal, des chrétiens, déjà grands ennemis des Juifs, soit qu'il eût peur d'avoir à les louer contre la coutume de sa patrie, soit aussi peut-être qu'il ne voulût pas les blâmer contre sa propre inclination. Voici comme il s'exprime touchant les Juifs : "Les coutumes de cette nation détestable (sceleratissimae gentis) se sont propagées avec tant de force qu'elles sont reçues parmi toutes les nations ; les vaincus ont fait la loi aux vainqueurs". Sénèque s'étonnait, parce qu'il ignorait les voies secrètes de la Providence. Recueillons encore son sentiment sur les institutions religieuses des Hébreux : "Il en est parmi eux, dit-il, qui connaissent la raison de leurs rites sacrés mais la plus grande partie du peuple agit sans savoir ce qu'elle fait"»18. Augustin ne trouve au demeurant pas grand-chose à redire à ce dernier jugement porté par Sénèque puisqu’il l’utilisera pour développer sa propre thèse sur la nécessité de maintenir le peuple juif dans la détestation dont il est l’objet, témoignage vivant de la punition qui le frappe pour avoir refusé le message du Christ. Aussi écrit-il à la suite de ce qui précède : «Mais il est inutile que j'insiste davantage sur ce point, ayant déjà expliqué dans mes livres contre les Manichéens, et me proposant d'expliquer encore en son lieu dans le présent ouvrage, comment ces rites sacrés ont été donnés aux Juifs par l'autorité divine, et comment, au jour marqué, la même autorité les a retirés à ce peuple de Dieu qui avait reçu en dépôt la révélation du mystère de la vie éternelle»19. L’exemple des écrits de Tacite, tiré du début du IIesiècle après le Christ dans sesHistoires, livre V, chapitres 4 et 5, sont symptomatiques de la judéophobie ambiante : « IV.1Moïse, 14Traduction d’Henri CLOUARD, 1934, texte disponible surtth//:p.ogutmJ/vunelaS/ta30h.bratelli.free.fr. 15Ibid,.ogu//:pilletarbtth60h.S/tamte.fr.freenal/Juv. 16Ibid.,fri..feera.bllte/:ptogu/thhtm/laS1t.4/ruJevan. 17Texte intégral :trfli.rrou-pot/p/:ptthEXTEtp/Tassf/aclliseebf/a..cu.lcttx3.v0intiS/Quus/fliania/sarcntil_nits. 18Extrait tiré du texte mis en ligne suryebaai-s-bntoienhc.tias//stnuguahtt:p//ww.wbaei/udedec/titsnitme6.hlivr, site qui contient l’ensemble des œuvres numérisées d’Augustin. 19Iedib.m
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pour s’assurer à l’avenir l’autorité sur sa nation, institua des rites jamais connus encore et contraires à ceux des autres mortels.2est profane tout ce qui, chez nous, est sacré, et,Là-bas inversement, est permis, chez eux, tout ce qui est pour nous abominable.3L’image de l’animal dont l’exemple leur avait permis de mettre fin à leur marche errante et à leur soif fut dressée dans un sanctuaire et considérée comme sacrée et ils sacrifièrent un bélier, comme pour insulter à Hammon ; on immole aussi un bœuf, parce que les Egyptiens rendent un culte à Apis.4 s’abstiennent  Ilsde porc en souvenir de leurs malheurs, parce qu’eux-mêmes avaient été atteints, autrefois, d’une sorte de gale, à laquelle cet animal est sujet.5Leur longue famine d’autrefois est commémorée encore aujourd’hui par de nombreux jeûnes et comme preuve qu’ils prirent de force le blé dans les champs, le pain juif continue d’être sans levain.6 Ils disent qu’ils ont décidé que le septième jour serait consacré au repos parce que c’est ce jour qui avait apporté la fin de leurs misères ; puis, séduits par le charme de la paresse, ils consacrèrent aussi la septième année à l’oisiveté.20(…)V.2 pires criminels, reniant les Les pratiques religieuses de leurs pères, venaient apporter là des tribus et des offrandes en monnaie, ce qui accroissait la prospérité des Juifs, et aussi parce que, chez eux, existe une loyauté obstinée, une pitié toujours prête, mais, à l’égard de tous les autres, une haine comme envers un ennemi.21(…)4Ils ont institué la circoncision pour que cette particularité les fasse reconnaître.5 personnes qui adoptent leur  Lescoutume doivent faire de même et on leur enseigne avant toute chose à mépriser les dieux, à renoncer à leur patrie, à tenir pour rien leurs père et mère, leurs enfants, leurs frères.22(…)10Mais parce que leurs prêtres chantaient au son de la flûte et des tambourins, qu’ils s’entouraient de guirlandes de lierre et qu’une vigne d’or a été découverte dans leur temple, quelques-uns ont pensé qu’ils adoraient Liber Pater23, le vainqueur de l’Orient, mais cela sans que les rites concordent en rien.11Car Liber a instit2u4é des rites d’allégresse et de joie, les coutumes des Juifs sont absurdes et sans éclat» . Sous l’Empire, le judaïsme inspire donc de la fascination auprès de certains citoyens, mais surtout de la méfiance, de la crainte et du mépris pour les élites qui voient dans l’aspiration théologique du judaïsme, comme dans celle du christianisme durant sa période de clandestinité, une menace de déstabilisation sociale et spirituelle. Les révoltes des Juifs au Proche-Orient contre l’occupation romaine de Jérusalem, entre 66 et 73, qui conduira à la destruction du second Temple par les troupes de Titus en 70, ne font qu’acc roître le ressentiment à leur encontre dans les autres provinces romaines. Les vagues de persécution se poursuivent, comme à Alexandrie (115) ou en Mésopotamie (116-117) où des dizaines de milliers de personnes trouveront la mort. En 129, Hadrien interdit la circoncision et le droit pour les Juifs de séjourner à Jérusalem. En 202, Septime Sévère interdit les conversions au judaïsme et au christianisme. Mais lorsqu’en 313, l’édit de Milan consacre la liberté religieuse, il prépare la reconnaissance de la légitimité du christianisme qui fut définitivement acquise lorsque Constantin se débarrasse en 325 de Lucinus et convoque le Concile œcuménique à Nicée, lequel confirmera en l’instituant l’antijudaïsme chrétien préparé par les légendes païennes et les récits ou commentaires de la plupart des Pères de l’Eglise, une tendance qui ne fera que s’accentuer.
20 Tacite, Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1990, p. 354. 21Op. cit., p. 355. 22Ibidem 23chus.Bca 24 Tacite, op. cit.
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II.L’antijudaïsme et l’antisémitisme chrétiens Lorsque le christianisme devient la religion dominante, le problème de la gestion du culte des Juifs change de nature pour le pouvoir. Car l’Eglise, pour asseoir sa nouvelle légitimité historique et théologique, se trouve en face d’un problème paradoxal : quelle attitude adopter à l’égard des Juifs qui sont les témoins de l’Alliance mais qui refusèrent le message du Christ ? Elle sera confrontée à cette difficulté fondatrice, originelle, jusqu’au Pontificat de Jean XXIII, cultivant à travers l’histoire une ambiguïté complexe à l’égard du judaïsme qui perdurera jusqu’à la fin du XXe que seule la détermination de Jean-Paul II, siècle, désapprouvé par les tendances vaticanes les plus conservatrices, lèvera en se rendant, en 1986, à la Grande synagogue de Rome. L’antijudaïsme chrétien remonte donc à la naissance même de la doctrine de l’Eglise en prenant diverses formes d’expression théologique et politique, et la critique s’institutionnalisera en processus d’ostracisation et de persécution systématique à mesure que l’influence de la nouvelle religion gagnera en puissance et en pouvoir. L’accusation de peuple déicide est le pilier central de l’argumentation. Comme l’atteste ce ppaesrssaugaedède l’Evangile selon saint Mathieub,b 27:e2t0d-e25fa:ir2e0Les grands21prêtres et les anciens rent les foules de demander Bara as périr Jésus. Reprenant la parole, le gouverneur leur demanda : « Lequel des 2 voulez-vous que je vous rel âche» ? Ils répondirent : « Barabbas ».22 Pilate ferai-je donc de Jésus, qu'on Que « : leur demande appelle Messie » ? Ils répondirent tous : « Qu'il soit crucifié »!23Il reprit : « Quel mal a-t-il donc fait » ? Mais eux criaient de plus en plus fort : « Qu'il soit crucifié »!24Voyant que cela ne servait à rien, mais que la situation tournait à la révolte, Pilate prit de l'eau et se lava les mains en présence de la foule en disant: «Je suis innocent de ce sang. C'est votre affaire »!25Tout le peuple répondit : « Nous prenons son sang sur nous et sur nos enfants »! Les Juifs deviennenta posteriorile peuple de la falsification, comme l’indique cet extrait de l’Evangile selon saint Jean, 8:42-44 :42Jésus leur dit: « Dieu était votre père, vous Si m'auriez aimé, car c'est de Dieu que je suis sorti et que je viens ; je ne suis pas venu de mon propre chef, c'est Lui qui m'a envoyé.43Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage? Parce que vous n'êtes pas capables d'écouter ma parole.44Votre père, c'est le diable, et vous avez la volonté de réaliser les désirs de votre père. Dès le commencement il s'est attaché à faire mourir l'homme; il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas en lui de vérité. Lorsqu'il profère le mensonge, il puise dans son propre bien parce qu'il est menteur et père du mensonge.25Les textes patristiques et les écrits des grands témoins chrétiens confirment la tendance qu’avait déjà induite l’antijudaïsme païen autour de la thématique du peuple indigne, aux coutumes suspectes et dégradantes, comme la circoncision ou le repos du Shabbat. Mais l’argumentaire change, ce ne sont plus le monothéisme et l’Alliance qui sont l’objet de la u ccroitnifqirme.éeCepllaer-clieubrasdcéunliedduanmselsasamgéecodempJrééshues.nsCioonmomriegiennellaettedsutemlesEspaîgtreeddiveinBapranralbeés:JuIifVs6, Vous devez comprendre. Je vous en prie, une fois encore, moi qui suis l'un d'entre vous, et qui vous chéris tous et chacun plus que ma vie, veillez sur vous-mêmes et ne ressemblez pas à certaines personnes, n'accumulez pas les fautes en disant que l'Alliance est aux Juifs comme à nous.7Elle est à nous assurément. Mais eux l'ont perdue définitivement, lors même que Moïse venait de la recevoir. Juifs se sont totalement mépris sur les sens de la L oi Les en l’interprétant littéralement et en mésestimant sa portée spirituelle (X:1-10), et le texte de poursuivre :12pouvaient-ils concevoir et comprendre ces choses ? MaisComment les Juifs 25Extraits tirés de la TOB - Traduction Œcuménique de la Bible, Société Biblique Française - Editions du Cerf, Paris, 1988.
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