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Le travail à temps partiel aux Pays-Bas, un choix de société Thèse soutenue le 27 juin 2001 par Marie Wierink à la Sorbonne pour le doctorat en sociologie, Université de Paris I, UFR 12 Administration économique et sociale-Etudes sociales Directrice de recherche : Marie-Agnès Barrère-Maurisson, Chargée de recherche au CNRS, laboratoire MATISSE, Groupe Division familiale du travail, Université de Paris I Résumé L’objectif de cette thèse est de proposer un cadre explicatif sociologique de la place du travail à temps partiel dans l’emploi et dans les arrangements famille-emploi en vigueur aux Pays-Bas, où selon l’OCDE, 55.4 % des femmes et 30.4 % de la main-d’œuvre totale travaillent moins de 30 h par semaine en 1999. Il s’agit de mettre en lumière les multiples facettes de la construction sociale de cette forme de travail, de sorte à rendre intelligibles son émergence, son développement et sa pérennité, et l’influence que cette construction sociale a exercé sur la configuration du marché du travail néerlandais des trente dernières années. Nous montrons que le travail à temps partiel y est une charnière essentielle des arrangements famille-emploi. Les éléments d’explication ont été recherchés sur longue période, dans la mesure où la démarche retenue cherche à mettre en évidence les transformations sociales accompagnant les changements de comportement, essentiellement féminins. Si la prédominance de cette forme d’emploi chez les femmes constitue le ...

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Langue Français

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Le travail à temps partiel aux Pays-Bas, un choix de société
Thèse soutenue le 27 juin 2001 par
Marie Wierink
à la Sorbonne
pour le doctorat en sociologie,
Université de Paris I, UFR 12 Administration économique et sociale-Etudes sociales
Directrice de recherche : Marie-Agnès Barrère-Maurisson,
Chargée de recherche au CNRS,
laboratoire MATISSE, Groupe Division familiale du travail, Université de Paris I
Résumé
L’objectif de cette thèse est de proposer un cadre explicatif sociologique de la place du
travail à temps partiel dans l’emploi et dans les arrangements famille-emploi en vigueur aux
Pays-Bas, où selon l’OCDE, 55.4 % des femmes et 30.4 % de la main-d’oeuvre totale
travaillent moins de 30 h par semaine en 1999. Il s’agit de mettre en lumière les multiples
facettes de la construction sociale de cette forme de travail, de sorte à rendre intelligibles son
émergence, son développement et sa pérennité, et l’influence que cette construction sociale a
exercé sur la configuration du marché du travail néerlandais des trente dernières années. Nous
montrons que le travail à temps partiel y est une charnière essentielle des arrangements
famille-emploi. Les éléments d’explication ont été recherchés sur longue période, dans la
mesure où la démarche retenue cherche à mettre en évidence les transformations sociales
accompagnant les changements de comportement, essentiellement féminins. Si la
prédominance de cette forme d’emploi chez les femmes constitue le fil conducteur, place sera
faite également au phénomène du travail à temps partiel masculin, tant dans ses formes
actuelles, que dans le défi qu’il représente en termes de transformation radicale du système
d’emploi.
Au niveau méthodologique, nous avons privilégié une démarche documentaire et
bibliographique très large, permettant la construction d’un ensemble interprétatif rendant
compte de la cohérence sociétale des institutions, des représentations collectives, du
fonctionnement des relations professionnelles et de la division familiale du travail, telle que
l’a conceptualisée Marie-Agnès Barrère-Maurisson. Les documents utilisés relèvent du champ
de l’histoire politique et économique, de la sociologie du travail et de la famille, et des
relations professionnelles. Ils sont essentiellement d’origine néerlandaise, parfois publiés en
anglais, et les derniers que nous avons utilisés datent de la fin de l’année 2000.
Cette thèse est organisée en deux livres. Le premier analyse l’émergence et le
développement du travail à temps partiel comme une construction sociale ; le second étudie sa
place dans le système d’emploi et dans les arrangements famille-emploi concernant la
répartition du travail professionnel, du travail domestique et des responsabilités parentales.
Dans le premier livre, nous procédons en deux étapes afin de reconstituer le processus de
construction sociale du travail à temps partiel. Dans la première, nous étudions l’évolution qui
mène les femmes de l’univers limité de la sphère domestique à l’ouverture sur le travail à
l’extérieur du foyer, sous l’influence du féminisme, qui gagnera le monde syndical. Fortement
1
imprégnées d’une culture qui valorise l’excellence domestique et dont elles contestent
pourtant le caractère patriarcal, les féministes revendiquent la requalification des tâches
domestiques et familiales en travail non payé, et leur partage égal entre les hommes et les
femmes. Elles refusent tout autant la dévotion exclusive des femmes à leur rôle maternel que
l’occultation des tâches et responsabilités familiales. D’emblée, dès l’émergence de la critique
féministe, la question du travail est posée, mais pas en des termes d’égalité des femmes dans
l’emploi avec les hommes. Au contraire, il s’agit bien plutôt de travailler à l’égalité de
situation des hommes et des femmes face aux deux sphères du travail productif et reproductif.
La réduction de la durée collective du travail pour tous, et le travail à temps partiel deviennent
alors des instruments incontournables. Soutenues par l’institutionnalisation de leurs
revendications dans la politique de l’émancipation mise en place et poursuivie par les
gouvernements néerlandais depuis 1974, les féministes investissent le mouvement syndical.
Dès lors, les organisations syndicales passent progressivement d’une attitude de refus à une
attitude pragmatique, puis offensive sur le terrain du travail à temps partiel. En ce sens, tout
comme le mouvement féministe, le syndicalisme a participé aux Pays-Bas à la légitimation
culturelle et sociale de la réduction du temps de travail et du temps partiel, en abolissant les
oppositions entre les deux.
Dans une seconde étape, nous montrons le paradoxe institutionnel qui entoure le travail à
temps partiel. D’une part, le développement du travail à temps partiel est fortement contraint
par le poids des institutions et des politiques publiques qui soutiennent ces institutions :
faiblesse de l’offre de garde d’enfants, fiscalité protectrice des ménages à un apporteur, et
protection sociale encore largement dérivée. D’autre part, le travail à temps partiel, après une
phase de développement spontané en dépit de la crise de l’emploi des années quatre-vingt, est
devenu l’instrument privilégié de la politique de l’émancipation, jusqu’à promouvoir, à partir
de 1995, le modèle de ménage à deux apporteurs à temps partiel long.
Sur cette période, le droit du travail apporte une consolidation progressive aux droits des
travailleurs et surtout des travailleuses à temps partiel. Partant d’une situation légale et
conventionnelle de profonde inégalité quand le modèle dominant est encore celui de la famille
à un apporteur, les grandes lignes d’un « statut », légal et conventionnel du travailleur à temps
partiel apparaissent dans les années quatre-vingt-dix, dans le prolongement de sa construction
sociale, et de sa mobilisation à grande échelle dans le système d’emploi. Cette évolution est
parallèle au développement du travail à temps partiel, qui est identifié à cette époque comme
une transformation structurelle de l’emploi, pour une double raison. Il représente en effet la
forme d’emploi privilégiée par les femmes, entrées massivement sur le marché du travail à
cette époque, et accompagne la montée des préoccupations de flexibilité de l’organisation du
travail. Interdisant d’abord, en 1996, toute discrimination basée sur la durée du travail, le
législateur, le 8 février 2000, affaiblit encore le standard de l’emploi à temps plein en
introduisant dans le code civil un droit individuel du salarié à l’adaptation de son temps de
travail. L’importance du travail à temps partiel apparaît ainsi liée aux modalités de sa
construction sociale qui traduit les particularités historico-culturelles et l’évolution des
rapports entre les hommes et les femmes dans la famille, et des rapports entre les sphères de la
famille et de la production aux Pays-Bas.
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Cette construction sociale est devenue partie intégrante de la division familiale du travail
contemporaine aux Pays-Bas. Notre deuxième livre rend compte de l’évolution de cette
division familiale du travail sous l’effet du travail à temps partiel dans les deux champs
articulés de l’emploi et de la famille. Tout d’abord, à partir de plusieurs sources statistiques
périodiques, nous montrons :
-
comment aux Pays-Bas, l’appartenance de sexe commande la répartition de l’emploi entre
travail à temps complet et travail à temps partiel ;
-
comment le travail à temps partiel échappe aux Pays-Bas à la marginalisation dans le
système d’emploi, du fait de sa diffusion dans l’emploi féminin dans l’ensemble des
secteurs et sur l’ensemble des qualifications
-
et enfin, comment la féminisation de certains secteurs favorise la banalisation du travail à
temps partiel y compris pour les travailleurs masculins.
Nous analysons ensuite l’évolution économique et les différentes modalités de la
mobilisation du travail à temps partiel au cours de trois périodes, de l’après-guerre à
aujourd’hui. De 1948 à 1973, bien des choses changent aux Pays-Bas, qu’il s’agisse de la
restauration des relations sociales et politiques, à la fois proches de celles d’avant-guerre et
renouvelées, du passage de la reconstruction d’un appareil économique dévasté à la modernité
des années soixante-dix, et d’un affranchissement culturel par rapport aux clivages
traditionnels et idéologiques de la société néerlandaise. 1973 marque une césure dans
l’histoire économique néerlandaise, avec le ralentissement de la croissance et le début d’une
profonde crise économique s’aggravant jusqu’au début des années quatre-vingt. Dans le
régime de travail qui caractérise la période 1948-1973, l’emploi à temps complet du
« kostwinner
» (
ou breadwinner
) est la norme. Mais les acteurs économiques, sous la
contrainte des besoins en main-d’oeuvre sont progressivement amenés à contourner cette règle
par un recours modeste au
travail à temps partiel, dans des modalités adaptées aux contraintes
familiales pesant sur la nouvelle main-d’oeuvre féminine. Ce faisant, ils s’accommodent des
représentations sociales et du système de valeurs familiales et professionnelles en vigueur.
Les années de crise et l’apparition du chômage de masse (1973-1985) sont le cadre d’une
recomposition sectorielle du système productif au profit du tertiaire et d’une modification de
la composition de la main d’oeuvre entre hommes et femmes. L’augmentation de la part des
femmes dans l’emploi s’accompagne d’une progression continue de la part du travail à temps
partiel dans le volume de travail effectué tout au long de cette période. Cette progression
continue lui donne un caractère d’irréversibilité. Même au plus fort du chômage (1982-1983),
le nombre de personnes à temps partiel progresse et la part des heures de travail faites dans le
cadre de ce type d’emploi augmente. La progression du travail à temps partiel féminin facilite
par ailleurs la mise en place d’une politique de modération salariale, à partir de l’accord de
Wassenaar de 1982.
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La période suivante de 1983 à 1993 est fortement contrastée, et on peut parler d’une
explosion du travail à temps partiel et des effectifs féminins salariés. Dans le contexte d’une
remontée de l’emploi total de 21.5 %, on observe une croissance modeste de l’emploi à temps
plein de 6.4 %, qui contraste avec une très forte augmentation du travail à temps partiel de
37.5 %. Si l’emploi masculin reprend sa progression (+ 11.8 % sur la période), l’emploi
féminin augmente plus fortement encore : + 40.1 %.
A ces chiffres correspondent des
stratégies de flexibilisation interne de l’organisation du travail qui se diffusent largement dans
les entreprises, reposant sur l’intégration du travail à temps partiel dans l’organisation du
travail. Il y a combinaison entre une flexibilité interne, activement construite et négociée avec
les partenaires sociaux, et un recours occasionnel à la flexibilité externe, qui permet
d’absorber les irrégularités de production et d’éviter de sortir des règles collectives qui
permettent à la flexibilité interne de fonctionner sans heurt.
Sur le plan des répercussions du développement du travail à temps partiel sur les
arrangements famille-emploi mis au point par les ménages, on assiste au recul de la famille
traditionnelle dont l’homme est le pourvoyeur de revenus, et la femme la responsable
exclusive du foyer. Les modèles de ménages se diversifient sur la décennie quatre-vingt-dix, à
partir du modèle de base d’un apporteur à temps plein et d’un second à temps partiel. Derrière
le modèle dit à un apporteur et demi, se cache une forte hétérogénéité entre les ménages où le
second apporteur travaille un temps très limité (moins de 12 h), ceux où le second apporteur
est considéré comme fortement investi dans le travail (de 12 h à 32h) et enfin les ménages
considérés à deux apporteurs à temps plein, dès que les partenaires travaillent plus de 32 h.
Dans la force de l’âge, les arrangements travail/emploi sont basés sur le travail à temps
partiel des femmes, quel que soit le niveau de leur formation, ou de leur qualification, quel
que soit leur secteur d’emploi. Ces arrangements sont
clairement liés à la présence d’enfants
au foyer. A l’échelle des ménages, des entreprises, des professions, le travail est alloué selon
une norme non écrite, qui conduit les hommes à travailler selon des durées du travail longues,
et la majorité des femmes selon des durées de travail courtes ou moyennes. Mais en lien avec
le degré de féminisation des secteurs d’activité ou des professions, la banalisation du travail à
temps partiel et son intégration dans l’organisation du travail conduisent à une plus grande
diffusion vers les emplois masculins, dans les secteurs les plus féminisés du tertiaire non
marchand essentiellement.
Dans l’univers privé, le travail à temps partiel féminin correspond à une répartition
déséquilibrée du travail domestique, qui laisse ouvertes deux interprétations. Dans l’une, les
responsabilités familiales qui restent affectées principalement aux femmes et le manque de
solutions de garde des enfants ne leur laissent qu’un temps limité pour leur investissement
professionnel. Dans l’autre, ces mêmes responsabilités peu partagées sont interprétées par les
femmes en travail non payé et les conduisent à rationner volontairement leur temps de travail,
du fait de la forte valorisation sociale du travail non payé, de l’attachement à limiter la
socialisation de l’éducation des petits enfants et du refus de supporter la double charge d’un
travail à temps complet et de fortes charges domestiques. L’analyse des opinions et attitudes
conduit à privilégier la seconde interprétation. Mais cette interprétation n’est pas totalement
4
exclusive de la première, dans la mesure où l’insuffisance de la politique publique en matière
de développement des structures de garde constitue un obstacle majeur au travail des mères de
jeunes enfants.
Pour compléter le tableau constitué par les analyses statistiques rapportées ici, des
travaux qualitatifs éclairent la place du travail à temps partiel dans les décisions individuelles
de femmes et d’hommes, de générations et de
niveaux de formation différents, à l’égard du
travail. Dans le cadre spécifique des évolutions du féminisme néerlandais et de la politique de
l’émancipation, le caractère socialement reconnu des fonctions familiales et domestiques
exerce une influence suffisamment importante pour que l’emploi à temps partiel soit vu
comme une norme implicite pour les femmes après maternité. Les travaux qualitatifs
présentés illustrent la diffusion dans toutes catégories socio-professionnelles de ce modèle. Il
représente en quelque sorte une modalité de base de la vie professionnelle qui permet de la
combiner avec une vie de famille, même s’il ne suffit pas à en garantir la qualité. Du côté des
hommes, différents travaux sociologiques ont été menés sur la population « avant-gardiste »
des « nouveaux » pères, qui ont réduit leur investissement professionnel afin de s’impliquer
davantage dans la vie familiale. Ces pères se heurtent, au contraire des femmes, au stéréotype
culturel de l’investissement à 100 % des hommes dans la vie professionnelle. Ils sont conduits
à développer des stratégies plus diffuses, qui s’appuient plus souvent sur des réglements
collectifs d’organisation du temps de travail, mais qui visent aussi à limiter l’emprise du
travail dans leur vie, au bénéfice d’un temps libéré pour la famille.
Dans toutes les études présentées, l’influence des contraintes matérielles et
institutionnelles liées au sous-développement des structures de garde d’enfants se conjugue
avec un idéal de vie familiale et de « parentalisation » de l’éducation des enfants. Cette
conjugaison conduit à des exigences en matière de temps de travail, aussi bien quant à la
limitation de son volume que quant à la souplesse de son organisation et de sa régularité.
L’avenir montrera si la loi récente sur l’adaptation du temps de travail facilitera les
arrangements temporels ressentis comme nécessaires par les hommes et les femmes
préoccupés par la qualité de leur vie familiale.
Malgré l’accent mis sur l’importance du partage des tâches familiales et ménagères dès
les premières expressions féministes, et malgré l’orientation politique prise à partir de 1995 en
faveur du scénario de la combinaison, force est de constater que les changements dans le
domaine du partage des tâches domestiques et professionnelles sont encore modestes. Le
contrat social entre les sexes semble pour le moment n’être revu en pratique que du côté des
femmes, qui sont entrées sur le marché du travail et s’y maintiennent en majorité, après
maternité, en réduisant leur temps de travail. Pourtant, en dépit de la modestie de l’avancée du
partage des tâches, la continuité d’un discours mettant l’accent sur le partage égal des
responsabilités professionnelles et privées entre les hommes et les femmes depuis les années
soixante-dix a installé de manière solide la préoccupation de combinaison des responsabilités
professionnelles et privées pour tous. Et c’est bien cette préoccupation explicite et affichée
qui contraste avec les conceptions françaises de l’égalité professionnelle.
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