Les liens du sang
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Description

Une histoire courte. Deux soeurs. Une histoire d'amour. Un village baigné de soleil. Un amant mystérieux

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Publié le 08 août 2011
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Langue Français

Extrait

Les liens du sang
Seule dans le salon plongé dans l'obscurité. Louise écoute la vie qui s'écoule à l'extérieur de sa
maison. Le petit village corse perdu dans la montagne a été déserté par tous ses habitants. Elle est
seule à vivre ici depuis qu'elle a acheté cette demeure avec sa part d'héritage. Mais elle n'en souffre
pas. Au contraire, cette solitude lui convient et la comble. Protégée de la chaleur estivale et de la
lumière par ses volets clos, elle semble plongée dans une interminable rêverie.
E
lle reste debout au
milieu du salon sans bouger. Une larme coule le long de sa joue et elle tient une lettre froissée dans
sa main.
Soudain un bruit de moteur trouble le calme environnant. Louise sourit en entendant le changement
de vitesse, sa sœur a abordé la côte avec trop d'enthousiasme. A dix-huit ans, Claire manifeste un
dynamisme et une bonne humeur que rien ne peut entacher. De sept ans son aînée, Louise n'a plus
qu'un vague souvenir de son état d'esprit quand elle avait cet âge. C'est à cette période que leurs
parents sont décédés dans un accident de voiture. Incapable de supporter la tutelle de leur oncle, elle
avait réclamé sa part d'héritage et acheté cette maison. Ses talents de dessinatrice avaient attiré
l'attention d'un éditeur de livres pour enfants et l'argent n'avait plus été un problème. Sa soeur avait
ressenti son départ comme un abandon et un fossé s'était creusé entre elles. Quand Claire lui avait
écrit pour demander si elle pourrait passer quelques jours de vacances avec elle, Louise avait pensé
qu'une chance lui était offerte de rétablir le lien brisé.
Alors que le bruit du moteur approche de la maison, elle vérifie dans sa tête qu'elle n'a rien oublié.
Le ménage est fait et il ne reste aucune trace du passage des randonneurs la semaine dernière. Elle a
aussi rempli le frigidaire. Tout semble normal pour un oeil extérieur. Elle essaie d'enfouir la lettre
dans sa poche. Elle caresse son cou sous le foulard pour trouver un peu de force et de courage. Il
suffit de tenir jusqu'à ce soir. Après tout ira mieux.
Depuis qu'elle a organisé ces quelques jours de vacances avec Claire, les événements se sont
bousculés et elle a franchi une nouvelle étape. La rupture entre elles pourrait être irrémédiable.
Pourtant, il reste une petite chance, si sa cadette comprend le don qui lui est proposé. Dans ce cas le
lien deviendrait plus fort que jamais, quasi indestructible. En agissant ainsi, elle est consciente
qu'elle prend un énorme risque. Claire peut refuser le cadeau et la rejeter. Louise sait qu'elle ne
supportera pas d'être devenue un monstre aux yeux de sa propre soeur.
A l'extérieur la voiture s'arrête et la conductrice coupe le contact. La portière claque. Des pas
retentissent sur le pavé inégal. La porte d'entrée s'ouvre, un rectangle de lumière se dessine sur le
sol. Malgré elle Louise recule pour fuir cette clarté. Traînant un énorme sac à dos, Claire pénètre
avec entrain dans la pièce et l'embrasse sans remarquer le mouvement de recul qu'elle provoque.
Elle se dirige vers le frigidaire et sans autre cérémonie se sert à boire puis s'assoit à la table du salon
pour raconter les péripéties de son voyage
Louise se concentre avec difficulté sur ses propos. Elle se contente d'entretenir le flot verbal.
Jusqu'ici, elle était sûre de sa décision mais à l’instant où elle a vu entrer cette jeune femme
voluptueuse et pleine de vie, elle a douté. Une fois qu'elle lui aura offert le choix, il ne sera plus
possible de reculer. Elle n'est plus sûre d'avoir le droit d'entraîner Claire dans cette nouvelle
existence. Ses pensées sont interrompues par le mouvement brusque de sa sœur vers la fenêtre. Elle
comprend ce qui va arriver et recule vers l'endroit le moins exposé de la pièce pour fuir l’invasion
inévitable d’un flot de lumière.
Les cris d'extase devant la vue lui sont aussi insupportables que la brusque clarté. Elle aussi s'est
quasi pâmée devant cette vision, mais ce paysage appartient à un monde dont elle ne fait plus partie.
Pourtant elle est à nouveau sûre de sa décision, elle doit endiguer cet excès de passion, l'orienter
dans une autre direction. Elle espère seulement que cette soif de lumière ne sera pas un obstacle.
Elle prend alors conscience de la façon dont, près de la fenêtre, Claire la fixe, incapable de masquer
sa stupeur. Evidemment, il était inévitable qu'elle remarque son teint livide, sa faiblesse, son regard
terne presque éteint, qu'elle s'approche ainsi, lentement, hésitant à la toucher comme si elle avait
peur de l’abîmer.
- Que se passe-t-il? tu as été malade? comment peux-tu être aussi pâle? dans cette île? sous ce
soleil?
Incapable de répondre Louise arrive à peine à murmurer des oui ou non qui ne font qu'accroître
l'inquiétude de sa soeur. Les questions se font de plus en plus insistantes, elle se tait. Excédée, elle
repousse la main de l’inquisitrice. Devant ce geste brutal et pourtant sans force, Claire reste un
instant interloquée. Prise de fureur, elle décide alors de trouver autrement la réponse à ses questions
Elle parcourt la pièce dans tous les sens fouille les tiroirs. Louise la regarde faire sans rien dire ni
bouger. La réponse est dans le secret de son cœur et il n'en reste aucune trace. Elle mesure l'étendue
de son erreur quand Claire découvre le carnet d'esquisses qu'elle n'avait pas pu se résoudre à
détruire. Les dessins qui y figurent n'ont rien de commun avec des illustrations pour des enfants. Ils
sont l'expression même de ses pensées les plus intimes et les plus récentes. Elle observe l'évolution
du sentiment d'horreur sur le visage de la jeune femme. Ainsi ce qu'elle craignait va se produire, elle
est devenue un monstre aux yeux du seul être humain auquel elle attache de l’importance. Pourtant
tout espoir n'est pas perdu, le soleil se rapproche du sommet de la montagne derrière laquelle, il va
bientôt disparaître. Déjà l'ombre commence à envahir le salon.
C'est à cet instant qu'elle voit la lettre. Elle croyait l'avoir glissée dans la poche de son jean mais elle
est tombée sous la table, il faut qu'elle la ramasse. Bien qu'elle se sente encore faible elle se
rapproche de la feuille, Claire surprend son mouvement et la ramasse. Louise tente de la lui
arracher, mais Claire ne se domine plus, la vue des dessins l'a mise en rage et elle repousse sa soeur
avec toute la violence dont elle est capable. Jetée au sol la jeune femme rampe jusqu'au coin le plus
obscur de la pièce en gémissant. Elle se recroqueville sur elle-même entourant ses jambes de ses
bras. Tout est consommé. L'heure du choix est proche. Ayant fini sa lecture, totalement hystérique,
Claire hurle :
- Celui qui t'écrit prétend être un vampire ! c'est une blague!!! Il parle d'un autre vampire qui aurait
été tué par des villageois alors qu'il s'attaquait à l'un d'entre eux! Ce monstre aurait été ton amant, il
t'aurait engendrée!!! C'est impossible! Il est fou! Tu es folle !
Sans prononcer une parole Louise écarte le foulard noué autour de son cou. Se détachant sur la peau
laiteuse de la gorge, deux trous rouges apparaissent distinctement. La marque du vampire.
Horrifiée, Claire reste un instant figée face à la créature qui fut un membre de sa famille, puis
calmement, sans un mot, elle se dirige vers la porte.
A cet instant le soleil disparaît derrière la montagne. Avant que la jeune femme ait pu comprendre
qu’il
était
trop tard, Louise l’enlace, l'immobilise puis enfonce ses dents dans la chair ainsi offerte.
Claire se débat mais la vampire a retrouvé toutes ses forces et elle sent diminuer la résistance de sa
proie entre ses bras. Quand celle-ci est presque inconsciente, Louise la porte jusqu'au divan. Elle la
regarde tendrement se débattre entre la vie et la mort. L'heure du choix est venue. La vampire
s'empare des ciseaux posés sur la table du salon et ouvre une profonde entaille dans son avant-bras
qu'elle approche du visage de Claire. Cette dernière sans force mais consciente comprend le choix
qui lui est alors offert. Louise voit se dessiner sur son visage une palette d'émotion qui va de
l'horreur au désespoir. Elle sent qu'elle va refuser.
- Ne me repousse pas encore. Nous serons libres.
Elle voit la jeune femme remuer les lèvres, les mots sont à peine audibles, mais elle comprend la
réponse :
- Libres d'être chassées et exterminées, libres de vivre dans l'obscurité et la peur
L'hésitation perceptible dans les propos donne à Louise le courage d'insister :
- Ce n'est pas nous qui aurons peur. Ce n'est pas nous qui serons les proies. Nous serons ensemble et
personne ne pourra nous détruire.
A travers un brouillard, Claire regarde le monstre et découvre qu'il a toujours le visage de sa soeur.
Elle comprend que son geste n'est pas un geste de haine mais un geste d'amour désespéré et qu'il
serait inhumain de le rejeter. La jeune femme s'empare du bras tendu devant sa bouche et boit le
sang qui s'en écoule. Rassurée
,
Louise lui caresse tendrement le visage.
- Repose-toi, je vais sortir pour te ramener de quoi manger et la nuit prochaine nous irons chasser
ensemble.
Le même sourire se dessine sur le visage des deux sœurs.
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