ecraser le cafard parisien
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ecraser le cafard parisien

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Langue Français

Extrait

L’Imbécile de Paris
n°3, novembre 2003
Ecraser le cafard parisien
Mardi 10 septembre dernier, j’ai pris à la gare de Lyon un TGV qui me ramenait de Paris vers
Mâcon-Loché. Installé dans le wagon, je regardais passer les paysages. Il faut au moins trois
quarts d’heure à un train rapide pour extraire ses passagers de la laide île de France. Car Paris
se prolonge par une banlieue, puis par une zone de rurbanisation, puis, plus glauque encore,
par les plaines agricoles de la Beauce, sur lesquelles se détachent, dans le lointain, des
silhouettes de silos et d’usines. Je tenais alors une gueule de bois méritée ; tant et si bien que
je me demandais, comme souvent dans ce cas, si c’était le train qui avançait ou le ruban du
paysage qui s’amusait à défiler sous mes yeux, pour se jouer de mon immobilité. J’étais ce
matin-là dans un état que je ne connais que trop, pour l’expérimenter à intervalles réguliers.
J’avais l’impression de ne plus savoir qui j’étais, ni ce que je voulais, d’être brassé. Anéanti.
Que m’était-il arrivé ? Rien, ou presque. Je venais de passer trois jours à Paris.
Qu’avais-je fait dans la capitale ? Rien, ou presque. J’avais pris le métro, le RER, participé à
la Fête de l’Huma, parlé à des inconnus, revu quelques amis, mon éditrice, bu le soir en
compagnie des rédacteurs en chef du présent journal. Je m’étais aussi pas mal promené, à
pied. J’étais allé une fois au cinéma. Soixante-douze heures à vivre au rythme de la
métropole, et voilà que je me sentais aussi démoli intérieurement, aussi apeuré que si je
revenais d’un stage intensif chez Moon. On dit que dans cette secte, pour briser l’amour-
propre du néophyte, on lui ordonne de s’exhiber nu devant les autres. Tous les participants à
ce genre de réunions, assemblés en cercle, se livrent à une critique impitoyable de son
apparence physique. Ils raillent sa bedaine, la voussure de son dos, l’aspect de ses parties
génitales. Paris, dans la mesure où on y est exposé de façon permanente, où la concurrence
sociale y est féroce, procure un équivalent atténué de cette expérience. Humilié, l’individu y
est soumis à un lavage de cerveau dont le résultat le plus probant est de le convaincre qu’
il ne
pourrait pas vivre ailleurs qu’à Paris
, ou encore que
Paris est une des plus belles villes du
monde
.
La valise ou le cercueil doré
J’ai quitté Paris en 1999, après y avoir passé vingt-quatre années, qui correspondent à mon
enfance et à la durée de mes études. A l’époque, je travaillais (depuis trois mois) dans une
agence de publicité. Ma petite amie était en stage chez un éditeur. C’étaient donc des métiers
du tertiaire, plutôt valorisés d’après les critères de jugement en cours dans la société
spectaculaire. Un soir, nous nous sommes regardés, ma petite amie et moi, et nous nous
sommes dits : Bon, nous venons d’entrer dans la vie active. Nous sommes sur un rail. Dans un
tunnel. A la sortie du tunnel nous serons deux sinistres et opulents imposteurs. Que faire ?
Une seule solution s’offrait à nous : fuir. Nous sommes partis vivre dans un petit village de
Bourgogne. C’était au mois de novembre. Totalement inexpérimentés, n’ayant jamais habité à
la campagne ni l’un ni l’autre, nous n’avions pas le permis de conduire, et aucun moyen de
locomotion sur place, sauf une mobylette. Nous avions sous-estimé la nécessité du chauffage.
Nous n’avions qu’un convecteur et un poêle à pétrole pour chauffer une maison de pierres
humide, fermée depuis plusieurs années. Les hivers bourguignons peuvent être rigoureux. Le
mercure est descendu à moins dix deux semaines durant. Nous dormions par sept degrés dans
la chambre. Vivions par douze ou treize. Une fois, des amis sont venus nous voir. Il y avait un
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