Machines à voter, vote électronique : vers des recours ?
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Les élections nombreuses prévues en 2007 sont l’occasion d’accroître les tentatives d’adopter des modalités de vote nouvelles et présentées comme "vote électronique", à savoir l’utilisation de « machines à voter » (c’est leur dénomination officielle). Mais le bilan est globalement négatif et porte atteinte à la crédibilité du vote.

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Publié le 02 mai 2012
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Machines à voter, vote électronique : vers des
recours pour perte de confiance et rupture
d’égalité ?
vendredi 20 avril 2007 par
Gilles J. Guglielmi
Les élections nombreuses prévues en 2007 sont l’occasion d’accroître les tentatives d’adopter des
modalités de vote nouvelles et présentées comme "vote électronique", à savoir l’utilisation de
« machines à voter » (c’est leur dénomination officielle). Mais le bilan est globalement négatif et
porte atteinte à la crédibilité du vote.
1. Le régime juridique des machines à voter
En l’état actuel du Code électoral français (art. L. 57-1), les machines à voter peuvent être utilisées
dans les bureaux de vote des communes de plus de 3 500 habitants figurant sur une liste arrêtée
dans chaque département par le Préfet. Vu la formulation d’autres articles précisant leur utilisation,
on peut interpréter le Code comme imposant le passage aux machines à voter pour l’ensemble d’un
bureau de vote. Rien n’impose à une commune qui use de cette faculté d’équiper tous ses bureaux
(il en va différemment de l’élection des sénateurs, où la formulation est plus contraignante et
impose implicitement l’équipement par département). Pour l’électeur, toutefois, le problème est le
même, car il est affecté à un bureau de vote et un seul, qu’il ne choisit pas. Il ne peut que subir la
« technologie de vote » décidée par la commune. Le
règlement technique
des machines à voter
relève de la compétence du ministère de l’Intérieur.
2. Le caractère vulnérable de ces machines, facteur de doute sérieux sur la sincérité des
résultats
Bien évidemment, on pense aux USA et à l’élection de Buchanan en Floride. 18 000 bulletins
avaient disparu, le candidat en tête n’avait que 369 voix d’avance, et les machines à voter ne
prévoyaient pas de trace papier. Mais les mêmes types de machines qui ont depuis été abandonnées
en Floride seront utilisées en France. Plus d’un million d’électeurs - soit 3% des inscrits - seront
invités à appuyer sur un bouton pour voter cette année. De nombreux électeurs, suspicieux,
pourraient aussi décider de ne pas aller voter.
Depuis plusieurs années, de nombreux experts (par ex.
le padawan Nonnenmacher
) ont fait savoir
que :
1°) les fabricants de machines à voter refusent de divulguer, aux organismes certificateurs, ou au
ministère de l’Intérieur, le code source des programmes installés sur les machines.
2°) il est quasi impossible de déceler un bug sur une machine à voter, contrairement à un ordinateur
quand il « plante ».
3°) rien ne garantit que le logiciel examiné par les organismes certificateurs lors de la phase
d’agrément soit le même que celui réellement installé sur la machine.
4°) un logiciel peut avoir la faculté de s’auto-modifier, par exemple après vérification.
5°) sous condition de relevé des votes enregistrés avant la panne, l’échange standard d’une machine
qui s’arrêterait de fonctionner est autorisé en cours de scrutin, rendant ainsi impossible le contrôle
effectif de son contenu par les autorités publiques.
3. Le phénomène n’est pas limité à la France
Diverses études françaises ou internationales ont montré que ces machines à voter sont très aisées à
pirater ou ne protègent pas le secret du vote. Outre la
veille électronique
du padawan sur le sujet, on
pourra lire :
1°) Le
rapport
édifiant d’une chercheuse en informatique, Chantal Enguehard, qui fait le tour des
questions, pas seulement techniques, que soulèvent ces machines.
2°) La
démonstration
de l’université de Princeton qu’il est possible de pirater une machine de vote
électronique Diebold et de truquer le résultat, avec un logiciel indétectable et qui peut se répandre
comme un virus informatique (en moins d’une minute et sans clef).
3°) Pour ce qui est des machines Nedap, largement utilisées en France, voir la démonstration de
chercheurs hollandais dans un
reportage
de i-télé (en français !).
4°) La synthèse, très accessible aux non techniciens, de
David Monniaux
.
5°)
L’enquête
de Science et Avenir d’avril 2007.
En conséquence de cette impossibilité de garantir les éléments fondamentaux du vote, l’Irlande
abandonne
en ce moment ces techniques de vote. Les machines Nedap, qui équipent 80 % des villes
ayant adopté le vote électronique en France, ont été mises au rebut, dans ce pays qui y avait
pourtant consacré un budget de 50 M$.
L’Italie
en a fait de même après des suspicions de fraude.
L’expérience
de la Belgique montre qu’elles sont de surcroît plus lentes et plus chères que le vote
papier.
Il faut y ajouter, au plan
ergonomique
, que la façon de concevoir l’interface de la machine peut
aussi biaiser les votes.
4. Un consensus étrange entre institutions pour jeter un voile pudique sur ces problèmes à la
veille d’élections majeures
La centaine de communes, regroupant plus d’un million d’électeurs, ayant décidé de dépasser
l’expérimentation et de recourir aux machines à voter en substitut du vote papier n’avaient pas
donné de large publicité à leurs décisions durant les trois dernières années.
Le Conseil constitutionnel a cru bon de publier en catastrophe un
communiqué laconique
le 29 mars
2007 rappelant tout d’abord que "l’utilisation des machines à voter pour les élections, notamment
présidentielles, est autorisée par le législateur depuis 1969", ce qui est un fait historique ; et ensuite
que "Ce recours aux machines à voter dans les conditions fixées par l’article L. 57-1 du Code
électoral a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel", ce qui est au
mieux une approximation, au pire une tentative de couper court à un soupçon qui pourrait bien
s’étendre sur la transparence et la sincérité des votes qui seront émis en 2007. Il y ajoute une
"fiche
technique"
qui ne répond nullement (
voir notre article
) aux graves failles révélées par les expertises
citées ci-dessus. Ce communiqué n’a
aucune valeur juridique
.
Sans aucun doute les ordinateurs de vote font peser sur les scrutins un soupçon d’obscurité et de
fraude qui constitue une menace pour la légitimité de l’expression de la volonté démocratique. Il
n’y a aucune raison d’accepter la mise en place d’une modalité de vote qui s’avère plus risquée que
celle que nous pratiquons avec un savoir faire séculaire, qui a progressivement réduit les occasions
de fraude et accru la possiblité de les prévenir et de les détecter. En dehors de son caractère
inopportun voire néfaste, il suffit d’ailleurs d’invoquer l’inégalité qui résulte de l’application à une
partie de la population d’une modalité de vote expertisée comme présentant un risque bien supérieur
à l’autre.
5. Il n’est pas trop tard pour réagir
1°) Faire respecter les procédures minimales
Un chercheur en informatique a eu la bonne idée de se porter volontaire comme vice-président d’un
bureau de vote à Issy-les-Moulineaux. Il a
répertorié
toutes les irrégularités internes aux procédures
actuelles. Chaque vice-président ou assesseur peut s’en inspirer pour essayer de faire respecter au
moins les spécifications, même insuffisantes, de mise en oeuvre de ces machines. En passant, ce
rapport montre que la complexité de mise en oeuvre est telle qu’elle constitue déjà en elle-même
une dépossession des électeurs de leur maîtrise sur les actes de vote et de dépouillement.
2°) Déposer des réclamations
Tout citoyen qui a été forcé à utiliser une machine à voter et qui pense que cette modalité de vote est
vulnérable au point de compromettre la sincérité du vote, opaque au point de déposséder l’électeur
de son pouvoir de contrôle, inégalitaire en pesant sur une partie des voix exprimées alors que les
autres bénéficient du vote papier, devrait déposer une réclamation, après avoir voté, auprès du
président de son bureau de vote. Des
formulaires très simples
ont été élaborés par Nicolas Barcet.
Cette réclamation est une condition nécessaire pour développer ensuite un recours devant le juge
électoral. Ce recours, rappelons-le, est gratuit et jugé rapidement. Plus il y aura de réclamations,
plus le juge sera obligé de prendre en compte le discrédit que les machines à voter jettent sur
l’expression de la volonté démocratique.
De même, à partir du moment où il n’est pas contestable que les machines à voter constituent une
modalité de vote plus vulnérable que le vote papier, l’usage des deux modalités induit une inégalité
injustifiée entre des membres du même corps électoral. Tout citoyen votant avec des bulletins papier
peut donc déposer une réclamation tendant à contester que sa voix soit, par la remontée du
décompte de son bureau de vote, mélangée ultérieurement à celles d’autres bureaux de vote utilisant
les machines à voter.
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