Entretien - article ; n°1 ; vol.1, pg 6-20
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Description

Revue française d'économie - Année 1986 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 6-20
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 13
Langue Français

Extrait

Raymond Barre
Entretien
In: Revue française d'économie. Volume 1 N°1, 1986. pp. 6-20.
Citer ce document / Cite this document :
Barre Raymond. Entretien. In: Revue française d'économie. Volume 1 N°1, 1986. pp. 6-20.
doi : 10.3406/rfeco.1986.1103
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1986_num_1_1_1103Raymond
BARRE
Entretien
générales ministre, nous en économie. nous proposons Deux questions de débattre nous de onsieur paraissent vos conceptions le Premier fonda
mentales : la politique économique peut-elle être efficace?
Quelle est la situation du système économique international et
quelles sont les possibilités d'action de la France ?
Raymond Barre : Commençons par l'efficacité de la poli- Barre 7 Raymond
tique économique. Cette question fait en effet l'objet de
nombreuses controverses.
R.F.E. : L'école dite des anticipations rationnelles soutient que
la politique économique ne peut pas avoir d'effets réels. Qu'en
pensez-vous ?
R.B. : Je connais bien le sujet. La méfiance des théoriciens
des anticipations rationnelles relève d'une double conviction
qui leur est propre. D'une part, les agents économiques ont
une parfaite connaissance des mécanismes économiques. Cela
veut dire que l'État n'appréhende pas mieux qu'eux la réalité
économique présente ou future. D'autre part, les interven
tions de politique économique perturbent le fonctionnement
idéal du marché. Elles sont donc inefficaces car les agents
lisent dans le jeu de l'Etat et peuvent contrarier ses projets.
Ces points méritent une discussion approfondie. De
là à nier toute efficacité aux interventions étatiques, il y a un
pas que, pour ma part, je ne peux accomplir. Je crois, au
contraire, qu'il y a place pour des interventions globales
convaincantes.
R.F.E. : Dans quel domaine?
R.B. : J'y viens. J'entends bien que si l'Etat interdit aux
chefs d'entreprises de licencier, ils cessent d'embaucher. De la
même manière, les entreprises ont toujours créé des produits
qui n'avaient de nouveau que le nom, pour échapper au
contrôle des prix.
Mais si l'on prend la politique économique moderne
— politique monétaire, politique budgétaire, politique des
revenus — , elle peut être efficace sous deux conditions : le
gouvernement doit prendre les mesures appropriées compte
tenu des événements et donc, en quelque sorte, anticiper sur
le marché. Il doit maintenir sa politique pendant un temps
suffisamment long pour que les agents comprennent que la 8 Raymond Barre
situation ne se retournera plus. Rien n'est pire que le stop and
go, ou la politique économique circonstancielle. Je prendrai
trois exemples.
La politique du F.E.D. aux Etats-Unis a réussi à cas
ser les anticipations inflationnistes. Paul Volcker, lorsqu'il
était entré en fonctions, m'avait dit « le F.E.D. n'est plus cré
dible. Je ne changerai pas de politique car je veux le rendre à
nouveau crédible ». Et il a tenu, depuis 1980, malgré les pres
sions de l'administration américaine et de certains monétarist
es. Je pense que tout le monde admettra qu'il a réussi !
Autre exemple : depuis septembre 1985 et la réunion
du groupe des cinq, les Etats-Unis ont abandonné leur polit
ique de « benign neglect » et en sont revenus à une gestion du
cours du dollar. Leur volonté de faire baisser le dollar allait
dans le sens du marché, dans le sens de la compréhension
comme dit Fred Bergsten. Pour l'instant, autorités monétaires
et acteurs sur le marché ont réussi à obtenir une baisse sensi
ble du dollar mais par paliers pour éviter une hausse brutale
des taux d'intérêt.
R.F.E. : Est-ce à dire que l'État doit se conformer à la volonté
du marché?
R.B. : Pas du tout ! Mon troisième exemple prouve le cont
raire. En France, le gouvernement socialiste a, par un strict
encadrement des salaires et des prix, obtenu des résultats
indiscutables. Et on ne peut pas dire que les Français souhai
tent naturellement voir leur pouvoir d'achat baisser.
Au total, je crois que Tobin a bien vu la portée de
l'école des anticipations rationnelles. Elle réactualise la vision
classique du marché toujours équilibré sur lequel toute inte
rvention étatique est soit inutile, soit déstabilisante. Cette
interprétation est exacte si les agents sont décidés à contre
carrer la politique économique. Mais je reste convaincu
que la économique enregistre de bons résultats
si les agents, très rationnellement, sont persuadés que les Raymond Barre 9
décisions vont dans le bon sens et que le cap sera tenu.
R.F.E. : Plus généralement, avez-vous le sentiment que les
grands agrégats (masse monétaire, emploi, P. N.B.) sont de
moins en moins significatifs de l'état réel d'une économie ? Quell
es conséquences en tirez-vous quant à la conduite de la polit
ique économique ?
R.B. : La conduite d'une politique économique exige que
l'on dispose d'une constellation d'indicateurs et d'une batterie
d'instruments. L'époque où l'on pouvait gérer « la » monnaie
ou « le » taux d'intérêt est révolue.
R.F.E. : Encore faut-il qu'instruments et indicateurs soient
cohérents entre eux...
R.B. : Tout à fait. Si l'on prend l'exemple de l'agrégat
monétaire qui a été, ces dernières années, l'objectif ou la cible
des politiques monétaires de la plupart des grands pays indust
rialisés, il est clair que son contrôle soulève des difficultés
considérables. La vitesse de circulation de la monnaie peut
varier et donc le rapport entre revenu et masse monétaire éga
lement. Les innovations financières, la multiplication des pro
duits financiers fait que les frontières entre Ml, M2 ou M3 ne
sont plus, au mieux, que des conventions comptables. A ce
point qu'à la question qu'est-ce que la masse monétaire, on
peut ajouter qu'est-ce que la monnaie ? Là où l'on disposait
d'un agrégat fiable, il faut désormais s'appuyer sur de nom
breux indicateurs différenciés, ce qui complique singulièr
ement la tâche.
Votre remarque sur la nécessaire cohérence de ces
indicateurs est décisive. Notre connaissance des mécanismes
économiques, notre appareil statistique doivent nous permett
re de bien interprêter telle ou telle évolution, par exemple tel
mouvement de taux d'intérêt et de savoir s'il est dû à des cau
ses propres ou s'il faut le relier à d'autres phénomènes. Toute
incohérence serait évidemment sanctionnée par les agents
selon les schémas que nous venons de voir ! 10 Raymond Barre
R.F.E. : Le chômage est-il un agrégat fiable?
R.B. : II ne faut certes pas s'attacher, à l'évolution du seul
nombre des demandeurs d'emploi. C'est un chiffre qui mérite
à l'évidence d'être attentivement surveillé, mais il faut le comp
léter. La création nette d'emplois témoigne du dynamisme
de l'économie. La durée moyenne du chômage est un signe de
l'inadaptation de la structure de notre économie et elle souli
gne que le chômage est un flux et non un stock. J'ajoute que
le drame humain qu'est le chômage se mesure aussi, hélas !, à
l'aune de ces longs mois et parfois années de recherche d'un
nouvel emploi. Il faut enfin retenir la notion de taux de chô
mage structurel et disposer d'informations fiables sur l'âge, le
degré de formation ou la nationalité des chômeurs et des
employés. Le dernier point est évidemment important quant
à l'appréciation du rôle de l'immigration dans notre écono
mie.
R.F.E. : On va donc vers un élargissement de la définition des
agrégats.
R.B. : Oui. Il est probable que le P.N.B. en valeur, qui
synthétise à la fois le produit en volume et donc la croissance
et l'évolution de l'emploi, et le mouvement des prix, est, in
fine, l'agrégat le plus important.
R.F.E. : Les théoriciens du déséquilibre distinguent le chômage
classique, lié à une insuffisante rentabilité du système productif,
et le chômage keynésien lié à une insuffisance des débouchés.
La conc

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