Les causes de la montée du chômage en France - article ; n°1 ; vol.1, pg 50-83

Edmond Malinvaud

Description

Revue française d'économie - Année 1986 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 50-83
L'augmentation du chômage est avant tout due au contexte international et à la faiblesse corrélative de la demande effective. L'opinion publique et les gouvernements ont refusé de prendre en compte cette nouvelle donnée et les déséquilibres sur le marché du travail ont été renforcés par l'inertie du système des prix et des salaires.
The rise of unemployment is primarly caused by the international context and by the correlative weakness of effective demand. Public opinion and governments have refused to recognize these new conditions, and labor market disequilibrium have been aggraved by the inertia of the price-wages system.
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_FRANCAISE_D-ECONOMIE
• Publié le: 01 janvier 1986
• Nombre de lectures: 141
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Edmond Malinvaud
Les causes de la montée du chômage en France
In: Revue française d'économie. Volume 1 N°1, 1986. pp. 50-83.
Résumé
L'augmentation du chômage est avant tout due au contexte international et à la faiblesse corrélative de la demande effective.
L'opinion publique et les gouvernements ont refusé de prendre en compte cette nouvelle donnée et les déséquilibres sur le
marché du travail ont été renforcés par l'inertie du système des prix et des salaires.
Abstract
The rise of unemployment is primarly caused by the international context and by the correlative weakness of effective demand.
Public opinion and governments have refused to recognize these new conditions, and labor market disequilibrium have been
aggraved by the inertia of the price-wages system.
Citer ce document / Cite this document :
Malinvaud Edmond. Les causes de la montée du chômage en France. In: Revue française d'économie. Volume 1 N°1, 1986.
pp. 50-83.
doi : 10.3406/rfeco.1986.1105
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1986_num_1_1_1105Edmond
MALINmUD
Les causes de la
montée du chômage
en France
Hors que le taux de chô
mage en France est resté inférieur à 2 % durant toute la
période de l'après-guerre jusqu'en 1967, il s'est accru, comme
poussé par un mouvement irrésistible, jusqu'à 2,7 % en 1972,
4,1 % en 1975, 5,2 % en 1978, 7,3 % en 1981 et 9,7 % en
1984 (en moyenne annuelle, définition du B.I.T.). La popula
tion active (employée ou non) avait peu progressé jusqu'en Edmond Malin vaud 51
1962 ; durant vingt ans, sa croissance s'est lentement accélérée
mais est restée modérée (0,8 % par an entre 1975 et 1982).
L'emploi, lui, s'est accru régulièrement de 1962 au premier
choc pétrolier, mais est resté à peu près constant depuis (voir
figure n° 1).
Population active
24- Emploi
Taux de chômage
1960 1965 1970 1975 1980 1985
Années
Figure n° 1
Evolution de la force de travail, de l'emploi (en moyenne annuelle,
en millions, échelle de gauche) et du taux de chômage (en pourcent
age, échelle de droite). 52 Edmond Malinvaud
L'analyse de ces caractéristiques et de leur explica
tion sera faite selon un plan traditionnel. Une première partie
étudie l'évolution de la population active et les changements
dans le volume, la structure et la nature de l'offre de travail.
La deuxième partie, traitant de la demande de travail, s'inter
roge sur les modifications intervenues dans l'environnement
économique et institutionnel des entreprises. La troisième
partie aborde la question de l'accroissement éventuel du chô
mage frictionnel et de l'inadéquation de l'offre et de la
demande de travail. La dernière partie essaie de repérer les
origines du mal et d'en attribuer les responsabilités. Cet arti
cle reste principalement descriptif, empirique et qualitatif plu
tôt qu'économétrique. Une telle approche s'impose dès lors
qu'au stade exploratoire de l'analyse d'un phénomène comp
lexe, la principale préoccupation est de n'oublier aucun des
facteurs ayant pu jouer un rôle. Accepter dès le départ une
spécification particulière aurait probablement eu pour consé
quence de négliger des caractéristiques importantes du pro
blème.
Au surplus, ma spécification préférée est suffisa
mment ésotérique pour que sa présentation nécessite une lon
gue explication qui détournerait l'esprit de l'étude du phéno
mène concret. Cette spécification est assez proche de celle
présentée par J. Drèze et H. Sneessens [1986]. Mais elle doit
aller plus à fond dans l'analyse de certains déterminants de
moyen terme, particulièrement l'évolution de la capacité de
production, de l'intensité de capital et de la productivité du
travail. En fait, la specification appropriée pour l'explication
de la croissance à moyen terme du chômage n'est pas tout
à fait précise dans mon esprit et nécessite encore un travail
économétrique sur certaines parties spécifiques du modèle
complet.
Ce choix méthodologique ne veut pas dire que les
conclusions seront suspendues à des travaux ultérieurs. En
bon bayesien, je n'aurai pas de honte à donner mes probabili- Edmond Malinvaud 53
tés subjectives et, pour les soutenir, je m'appuierai sur le tra
vail économétrique fait par d'autres.
L'offre de travail
Deux facteurs principaux expliquent l'accélération de
l'accroissement de la population active : l'évolution de la
population en âge de travailler et l'accroissement du taux
d'activité féminin (voir tableau 1). Par contre, le solde net de
l'immigration, qui avait été particulièrement important dans
les années 60, est devenu négligeable depuis environ 1975.
L'impact de la baisse d'activité des jeunes qui restent plus
longtemps dans le système éducatif, et des personnes âgées qui
prennent leur retraite plus tôt, est resté significatif pendant
tout l'après-guerre.
Tableau n° 1
Facteurs d'évolution de la force de travail 1
1968- 1975- 1982- 1954- 1962 Facteurs 1982 19843 1968 1968 1975
Facteur démographique pur2 20 132 170 201 208
- Immigration 66 136 58 10
Changement de taux d'activité
- - moins de 25 ans -20 -64 -61 -40 90
- 3 - 5 - 2 - 11 - hommes adultes -14
— femmes - 3 -25 113 156 95
- de 55 ans et plus -32 -84 -79 -71 -179
Total 28 140 203 242 23
1. Impact de chaque facteur mesuré en changement annuel moyen entre les recensements (en milliers).
2. Changement dans la force de travail à immigration nette nulle et taux d'activité par sexe et par
âge constants.
3. Estimations. 54 Edmond Malinvaud
Par rapport à sa tendance de long terme, la popul
ation en âge de travailler s'est accrue à une vitesse particuli
èrement élevée pendant les années 70 et 80, à la fois en raison
de l'arrivée des personnes nées durant le baby-boom, qui dura
en France jusqu'au milieu des années 60, et en raison du très
faible nombre de personnes âgées quittant la population
active (ceux atteignant l'âge de 65 ans en 1980 appartiennent
en effet au petit groupe né en 1915 durant la Première Guerre
mondiale). L'offre de travail féminin mérite une attention
particulière. Son accroissement ne devient rapide qu'après
1967, à un moment où le marché du travail commence just
ement à se détériorer et où le taux de fécondité décline. Ce
n'est là qu'une coïncidence. Les femmes ont cherché de plus
en plus à travailler quel que soit le nombre de leurs enfants (le
taux d'activité des femmes mariées âgées de 25 à 44 ans avec
2 enfants s'est accru de 30 % en 1968 à 60 % en 1982). A
l'heure actuelle, le comportement des femmes françaises à
l'égard du travail est le même que celui des femmes américai
nes, à ceci près qu'elles ont une durée du travail moyenne
plus importante. En Europe de l'Ouest, seule la Scandinavie a
une activité féminine plus importante.
La principale explication de cette rupture dans les
comportements est bien sûr culturelle et liée à la diffusion de
l'éducation. Les événements de mai 1968 ont révélé et promu
de nouvelles valeurs et de nouvelles attitudes qui ont diminué
l'attachement des femmes à leur foyer. Mais les économistes
doivent s'interroger sur le rôle éventuel de facteurs économiq
ues. La modification de la composition de la demande de
travail par secteur et catégorie d'emploi a rendu possible cette
arrivée massive de travail féminin (voir 3e partie). Dès lors,
l'espoir pour une femme de trouver un emploi ne s'est pas
détérioré beaucoup plus que celui d'un homme. Si le taux de
chômage féminin s'est accru de 4,5 à 13,7 % entre 1968 et
1984, celui des hommes est passé de 1,7 à 8,7 %. Malinvaud ^s Edmo-лЛ
De 19o8 à 1984, les modifications de l'enviro
nnement économique ont affecté les termes de comparaison
entre le travail à la maison et le travail rémunéré. La réduc
tion de la durée du travail a rendu la vie moins difficile pour
les femm