Cumul des mandats
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Cumul des mandats

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Faut-il interdire le cumul des mandats?
- Version longue -
∗Laurent Bach
Octobre 2009
Résumé
Dans cet article, nous cherchons à savoir dans quelle mesure le cumul des mandats
électoraux diminue l’efficacité des députés français. Nous commençons par discuter les
éléments de théorie économique qui déterminent les éventuels coûts et bénéfices d’une
éventuelle interdiction de cette pratique. Nous concluons cette analyse en distinguant
deux paramètres-clés à estimer empiriquement : la prime donnée par les électeurs aux
hommes politiques qui désirent cumuler et l’impact du cumul sur l’activité au Parle-
ment.
Nous mesurons ces deux paramètres après avoir collecté des données originales pour
la période allant de 1988 à 2009. Nous proposons pour identifier l’effet causal du cumul
de tirer avantage de l’arbitraire différence qui sépare dans certains cas les gagnants et
les perdants lors des élections fonctionnant sur le principe majoritaire.
Nos résultats indiquent que la plus grande part de la prime attribuée aux candidats
disposant déjà d’autres mandats est liée à une plus grande popularité intrinsèque de
ces derniers. Une fois tenu compte de cette plus grande popularité, nous ne distinguons
aucun effet significatif d’un mandat de maire sur la probabilité d’être élu député. Par
ailleurs, nous trouvons que le tiers des députés qui disposent des mandats locaux les
plus importants assiste à un tiers de réunions de commission parlementaire en moins,
ce qui est comparable à la différence d’activité existant entre un député de la majorité
et un député de l’opposition.
Nous concluons de ces deux résultats qu’une plus forte désincitation au cumul des
mandats serait de nature à améliorer le travail des députés réalisé au Parlement sans
significativement nuire au bien-être de leurs électeurs.

Ecole d’Economie de Paris (PSE), 48 Boulevard Jourdan, 75014 Paris, France; CREST-INSEE,
15 Boulevard Gabriel Péri, 92245 Malakoff CEDEX, France. E-mail : laurent.bach@ens.fr. Je
remercie Paul-Antoine Chevalier, Denis Cogneau, Francis Kramarz, Thomas Piketty, Jean-Laurent
Rosenthal, et les participants au Lunch séminaire de l’Ecole d’Economie de Paris et au séminaire
du laboratoire de Microéconométrie pour leurs précieux commentaires.
11 Introduction
Au mois de septembre 2009, sur les 577 députés siégeant à l’Assemblée Nationale, seuls 76
(soit environ 13 %) ne disposaient d’aucun des mandats politiques locaux qu’il est possible
de recevoir en France : ceux de conseiller municipal, de conseiller général ou de conseiller
régional. A la même date, seuls 90 sénateurs, sur un total de 34,3 (soit environ 26 %) étaient
dans la même situation.
Ces mandats locaux sont pourtant très significatifs : ils sont le plus souvent assortis
d’une indemnité substantielle, mais surtout ils permettent l’accès à une fonction exécutive de
premierplan.Eneffet,contrairementaurestedespaysdéveloppés,danslesquelslecumuld’un
mandat national avec un mandat local est soit interdit de manière formelle ou informelle, soit
limité à des mandats concernant de petites populations, la législation française n’interdit le
cumul d’un mandat de parlementaire avec aucune des fonctions exécutives locales existantes.
L’opportunité d’une telle interdiction a pourtant été soulevée à plusieurs reprises depuis 25
ans : en 1985 et en 2000, de sérieuses propositions d’interdiction ont été soumises et débattues
au Parlement, mais elles n’ont pas eu d’impact réel sur les pratiques les plus significatives,
comme être être député-maire d’une grande ville ou être député et président d’un conseil
général.
Cette pratique française compte de sérieux opposants mais aussi de très nombreux dé-
fenseurs. Pour les premiers, le cumul des mandats prive les élus du temps nécessaire à la
bonne tenue de chacune de leurs fonctions et engendre une réduction de la compétition po-
litique. Pour les seconds, le cumul des mandats est le gage d’une efficacité plus grande de
chaque fonction : l’expérience de la proximité rendrait le député plus efficace, tandis que la
connaissance des enjeux nationaux rendrait plus solide l’action de l’élu local. La plupart de
ces arguments disposent d’une certaine cohérence, ce qui rend une évaluation précise d’autant
plus nécessaire. Deux paramètres doivent selon nous être estimés pour trancher le débat :
– Quel est l’intérêt électoral pour un député de cumuler des mandats?
– Dans quelle mesure cette pratique réduit-elle l’activité des députés dans l’Hémicycle?
Pour répondre à ces deux questions, nous utilisons des méthodes d’évaluation microécono-
métriques à l’aide de données collectées sur la période allant de 1988 à 2009.
Problèmes de définition
Il nous faut avant toute chose préciser la définition du cumul des mandats que nous allons
1utiliser dans ce chapitre.
1. Nous utiliserons par ailleurs les termes de “cumulant” et de “cumulard” de manière indistincte pour
définir les hommes politiques disposant de plusieurs mandats. La seconde acception domine tellement la
2Cumul dans le temps et cumul simultané La littérature de science politique distingue
plusieurs formes de cumul. On parle de cumul des mandats dans le temps, lorsqu’un homme
politique obtient à plusieurs reprises le même mandat électoral. C’est bien sûr une pratique
tout à fait commune hors de France, même si elle fait souvent l’objet d’une règlementation
pour certains mandats, et donne lieu de ce fait à une littérature académique internationale
assez vaste : d’un point de vue positif, il s’agit de quantifier et d’expliquer l’existence d’une
2primeélectoraleauxsortants, tandisqued’unpointdevuenormatif,ils’agitplutôtd’évaluer
3l’effet des limitations du temps pendant lequel un élu peut siéger.
On parle d’autre part de cumul des mandats simultané, catégorie que l’on peut ensuite
diviser entre cumul horizontal et cumul vertical. C’est le cumul des mandats simultané qui
nous intéresse ici.
Cumul horizontal et vertical Le cumul horizontal consiste à disposer de mandats dans
plusieurs collectivités sans qu’il y ait de lien hiérarchique entre ces collectivités : un bon
exemple est le cas d’un maire d’une commune qui est en même temps le conseiller général
représentant le canton auquel appartient cette commune.
Le cumul vertical revient à disposer de mandats pour des collectivités entre lesquelles
existe un lien hiérarchique. En France, il s’agit le plus souvent d’être à la fois un membre du
parlement et un élu d’une collectivité locale; ou de façon plus voyante encore, d’être à la fois
membre du gouvernement et élu local.
Cumul des mandats et cumul des fonctions Un mandat à strictement parler corres-
pond à un rôle de représentation des citoyens dans une assemblée ou un conseil. Il n’existe
donc en France que les mandats suivants : conseiller municipal (qui représente la commune),
conseiller général (qui représente le département), conseiller régional (qui représente la ré-
gion), député européen et député et sénateur (ces deux derniers mandatstent la
nation dans son ensemble).Ces mandats prennent de l’ampleur lorsqu’ils sont utilisés pour
accéder à d’autres fonctions :
– Un conseiller municipal peut prétendre à être maire ou adjoint au maire.
– Un général peut à être président ou vice-président du conseil géné-
ral.
– Un conseiller régional peut prétendre à être président ou vice-président du conseil ré-
gional.
première dans le débat sur cette question que nous avons décidé de l’utiliser malgré son caractère péjoratif.
2. C’est la littérature sur le “incumbency advantage”. Voir notamment Gelman et King (1990) et Levitt
et Wolfram (1997).
3. C’est la littérature sur les “term limits”. Voir par exemple Smart et Sturm (2004) pour une analyse
théorique, et Besley et Case (1995) pour un test empirique.
3En conséquence, un même mandat peut engendrer une rémunération, un pouvoir et un pres-
tige très différents, selon qu’il est associé ou non à l’une des fonctions citées ci-dessus. En
pratique, les citoyens ne sont pas toujours bien informés de la manière dont les fonctions
seront distribuées après l’élection des représentants : alors que les scrutins de liste (pour<

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