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La Neutralité du Net pour les Nuls : La Mutation Panoptique www ...

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La Neutralité du Net pour les Nuls :
La Mutation Panoptique
www.odebi.org
«So, there's going to have to be some mechanism for these people who use these pipes to pay for the portion they are using. Why should they be allowed to use my pipes?» Edward Whitacre Jr, AT&T chairman and CEO.
«Lie dumb, or die hard.» Odebi.
Ce document est initialement une réponse de laLigue ODEBIauquestionnairerelatif à la Neutralité du « Net » publié par la Secrétaire d'Etat française chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique. Etant donné l'importance des enjeux démocratiques cachés derrière les discours techno-économiques ambiants, il s'adresse aussi à tous les citoyens en général, et aux législateurs en particulier.
Un peu de « Cyber french touch »...
Des milliers de pages ont été écrites sur le sujet de la neutralité du net : il est grand temps d'apporter un éclairage nouveau sur un débat qui tourne au bal des faux-cul au moment où il gagne la France, et de rappeler des priorités fondamentales jusqu'ici royalement ignorées. Partant de là, il deviendra évident que la majorité des problèmes surréalistes soulevés n'ont tout simplement pas lieu d'être. Pour donner une image, ce débat aujourd'hui, c'est un peu comme si on discutait en France des améliorations que les progrès technologiques permettraient d'apporter à la chaise électrique, et sur la nécessité ou non de légiférer sur les relations commerciales entre les fabricants et les utilisateurs des dites chaises...
Précisions sémantiques
Sans vouloir manquer de respect à Tim Wu,'elde5002enr«noisserpxtiuegnéneutralinetworkyt», il convient de (commencer à) préciser ce qui se cache derrière ce concept un peu vague pour les profanes. Par neutralité, on entend : ne pas imposer de discrimination. Dans le domaine d'Internet, on pourrait citer quelques exemples concrets de discriminations :
Lorsque le groupe Lagardère signe avec Youtube un contrat pour de la diffusion de contenus, et annonce que lesdits contenus serontdisponibles seulement dans certains pays, il s'agit de discrimination : les internautes blancs ou bleus peuvent accéder aux contenus, les noirs ou les rouges non. C'est de l'apartheid numérique.
Bien avant qu'on parle du filtrage de ses résultats en Chine, Google filtrait déjàses résultats pour la France et l'Allemagne. Encore une discrimination. Alors certes on invoquera une loi qui vient limiter la liberté d'expression en France alors que les citoyens américains bénéficient du 1er amendement de leur constitution... Confusion dans l'esprit du législateur français : que le droit de dire soit encadré en France, certes. Mais jusqu'à plus ample informé, il n'a jamais été question dans une démocratie de limiter le droit de lire. Pour le mettre plus simplement, le filtrage du web aux frontières, discrimination notoire, n'est ni plus ni moins que de l'autodafé numérique.
Delenda Carthago. Ces deux exemples permettent juste de rappeler au passage à certains acteurs leurs responsabilités en matière de discrimination, avant de devoir les sortir du débat actuel sur la neutralité qui ne les concerne pas directement :
Lorsqu'on parle de neutralité du Net, on ne parle pas de neutralité des fournisseurs de services sur Internet : il s'agit en réalité de la neutralité des fournisseurs d'accès à Internet (FAI). Il aurait été sans doute moins diplomatique, mais tellement plus clair, de parler de « Neutralité des fournisseurs d'accès »...
A ce stade, il est utile de rappeler cette définition d'Andrew Tanenbaum: «Mais que signifie vraiment pour une machine d'être raccordée à l'Internet? Pour faire simple, cela veut dire qu'elle utilise la pile TCP/IP, qu'elle possède une adresse IP et qu'elle est en mesure d'envoyer des paquets IP à tous les hôtes du réseau»
Et c'est le rôle du FAI de raccorder les citoyens à Internet, et d'acheminer les contenus ou demandes de leur choix, tout comme il est du rôle de la poste de relever les boîtes aux lettres et d'acheminer le courrier qui y a été déposé à la destination indiquée. Sauf que dans le monde virtuel on n'utilise pas d'enveloppes dans lesquelles on place une lettre, mais des paquets IP dans lesquels on place ce qu'on veut. Autrement dit les FAI sont la poste de l'ère numérique. Ni plus, ni moins. Essayez d'imaginer le jour où le courrier en papier et la poste disparaîtront, et cette image prendra déjà tout de suite plus de sens, en particulier du point de vue de votre intimité. A noter : L'expression consacrée pour décrire cette activité des FAI, qui acheminent des messages dans des tuyaux (pipes) comme les postiers acheminent des lettres ou des colis par air ou par terre, est : « dumb pipers », le terme élégant 'dumb' signifiant ici en l'occurrence que -dans une démocratie- le postier n'ouvre pas les enveloppes qu'il achemine...
«I can remember warders saying, "Mandela, we have received a letter for you, but we cannot give it to you."» Nelson Mandela, Long walk to freedom.
Apéritif philosophique (avant le plat de résistance foucaldien) : Comte-Sponville
Au hasard de son surf, le législateur sera peut-être tombé surune vidéo appelée à une célébrité certaine, dans laquelle un chercheur français de Sup télécom, et néanmoinssupplétif zélé de l'hadopidu haut de sa science , assène une inéluctable direction d'évolution d'Internet, se disant sans doute in petto que, de toutes façons, le parlementaire de base ne comprend rien à la technologie, et ne pourra que se plier à son techno-diktat.
Ce à quoiComte-Sponvillerétorquerait à juste titre, à supposer que le chercheur zélé ci-dessus
mentionné soit représentatif de l'ensemble de la communauté des chercheurs concernés :
«Si nous laissons cet ordre techno-scientifique à sa seule spontanéité interne, il vérifiera ce que le biologiste Jacques Testart […] appelait «l'unique principe de l'univers technique ». c'est ce qu'on appelle parfois la loi de Gabor. Le principe est le suivant, la loi est la suivante : « Tout le possible sera fait, toujours. » […] Or, il se trouve que le possible, aujourd'hui devient particulièrement effrayant.»
Dit plus prosaïquement, cela signifie qu'on peut être un chercheur brillant -voire fumant, et même zélé comme un castor-, et avoir la conscience politique d'une moule.
Comte-Sponville, partant des ordres de Pascal (ordre du corps, de l'esprit ou de la raison, et du cœur ou de la charité) définit une succession d'ordres : l'ordre1, économico-techno-scientifique, l'ordre 2, juridico-politique, et, en introduisant une distinction entre morale et éthique : l'ordre 3, ordre de la morale, et l'ordre 4, éthique. Pascal parle de 'ridicule' à chaque fois qu'il y a confusion des ordres. Puis il définit la tyrannie : « La tyrannie consiste au désir de domination, universel et hors de son ordre. » Comte-Sponville décrit les tyrannies d'un ordre inférieur vers un ordre supérieur comme 'barbaries'. En l'occurrence, lorsque l'ordre économico-techno-scientifique prétend dicter la loi (ou -beaucoup plus vicieux- imposer l'absence de loi) il s'agit de barbarie techno-économique.
C'est très exactement cette barbarie que le présent document dénonce : Si le législateur cède aux technolobbies, dont la grande originalité dans la présente affaire est justement de faire en sorte qu'il n'y ait pas de loi (en gros qu'ils ne se fassent pas réguler comme il se devrait...), alors il doit bien avoir conscience que le seul péristaltisme techno-économique mènera inéluctablement à la pire monstruosité panoptique que l'homme ait jamais inventée. Et à ce petit jeu-là, il ne faudra pas s'attendre à ce que tout se passe sans quelques menus problèmes. Et en période de crise ou pré-électorale.....
Un peu d'ordre donc
Nous posons qu'Internet est un bien commun de l'humanité. Que ce bien commun doit être accessible au plus grand nombre et porter les valeurs de la démocratie : les droits de l'homme et les libertés civiles doivent y être garantis par la communauté internationale.
Ces valeurs priment sur toute considération technologique ou économique, qui dans les débats ne viennent qu'en second lieu, et ne peuvent en aucune manière porter atteinte aux principes démocratiques, lesquels doivent être clairement garantis par la loi et affirmés par le juge.
En particulier, le droit au respect du secret des correspondances est un droit fondamental : Une grande partie des arguments techno-économiques avancés par le technolobby anti-neutraliste nie purement et simplement ce droit fondamental.
Cela doit cesser, et cela cessera. Et lorsque cela aura cessé, le problème sera grandement simplifié.
… et d'histoire
Certains ont sans doute deviné quelle était la forêt cachée derrière l'arbre décrit par le chercheur supplétif hadopi précédemment mentionné (pour les autres : ce point est expliqué dans la suite), sans doute auront-ils alors aussi suivicette longue enfilade, et n'auront pas manqué d'y remarquer ce passage anodin :
« …au niveau national l'obligation des opérateurs de correspondances portant sur la neutralité par rapport au contenu etle respect du secret de la correspondance privéene remonte pas à la directive e-commerce de 2000 (comme certains cherchent à le faire croire pour ajouter qu'il serait temps de mettre fin à cette exception, temporaire à leurs yeux), ni à la LRT de 1996, encore moins les lois de 1990 et de 1984 sur le service public des télécommunications, ni la réforme de 1962 faisant suite à la codification de 1952 mais... àune des toutes premières décisions de la Révolution, qui a largement inspiré tous les actes qui ont pu en découler, pour les postes, puis le télégraphe, le téléphone, la télématique et désormais Internet.»
Le lecteur attentif remarquera que cette référence à la Révolution française n'est pas le fait d'un dangereux cyber-droit-de-l'hommiste crypto-marxiste, mais émane du responsable des affaires réglementaires duFAI français Free, qui démontre au passage qu'il est à peu près aussi à l'aise dans un livre d'histoire que dans le code des impôts ou les calculs de tva.
Wild Wild West
Laissons un instant de côté le secret des correspondances, acquis de la révolution qu'il serait à peu près suicidaire de remettre en question, et considérons maintenant l'histoire des Etats-unis : après tout le débat vient de là, et la neutralité du net est même une des promesses de campagned'Obama...
L'ouvrage de référence en matière de net neutrality est le XiPeng Xiao (Technical, commercial and regulatory challenges of QoS). Fourmillant d'une grande sagesse, le XiPeng Xiao donne des indices tout à fait intéressants, qui permettent de comprendre l'essence profonde et l'origine même du problème de la net neutrality :
«The basic concept can be dated back to the age of the telegram. In subsidizing a coast-to-coast telegraph line stated that :' messages re company, or corporation, or from any telegraph lines connecting wit termini, shall beimpartially transmittedin the order of their recepti dispatches of the government shall have priority.''»
Un concept clé outre-atlantique, est celui de « common carriers », qui impliquerait quelque chose d'assez proche de la notion française de mission de service public. XiPeng Xiao dit : «Telegram and telephone service providers are considered as 'common carriers' under U.S.law : This means that they use certain public assets (for exemple, right of way, or licensed spectrum) and offer their services to the general public. Common carriers are overseen by the U.S. Federal Communications Commission (FCC) to ensure fair pricing and access.Common carriers are explicitly forbidden to give preferential treatment.»
Mais d'où vient le problème de la net neutrality? Le XiPeng Xiao nous apporte la réponse lumineuse : «On August 5, 2005,the FCC reclassified DSL services as Information services
rather than Telecommunication services,and replaced common carriers requirements with a set of four less-restrictive Net Neutrality principles. […]Since thetelecommunication deregulation in 2003, the FCC has been trying to design policies that protect consumers rights while giving the NSPs the incentive to upgrade their networks. In February 2004, then FCC chairman Michael Powell outlinedfour principlesthat he promised would guide FCC policy: 1 Freedom to Access Content. 2 Freedom to Use application. 3 Freedom to Attach Personal Devices 4 Freedom to Obtain Service Plan Information.»
En revanche, même s'il mentionne la version 2005 de ces quatre principes (chairman FCC : Kevin Martin), XiPeng Xiao ne donne pas lacitation originale exacte de Powell, qui est : «As we continue to promote competition among high-speed platforms, we must preserve the freedom of use broadband consumers have come to expect. Thus, I challenge the broadband network industry to preserve the following “Internet Freedoms:” Freedom to Access Content. First, consumers should have access to their choice of legal content. Freedom to Use Applications. Second, consumers should be able to run applications of their choice.[...] Freedom to Attach Personal Devices. Third, consumers should be permitted to attach any devices they choose to the connection in their homes.[...] Freedom to Obtain Service Plan Information.[...] Fourth, consumers should receive meaningful information regarding their service plans.»
Ce point de détail (legal content) a une certaine importance. En particulier au regard des débats qui ont déjà largement eu lieu en France lors de la transposition de la directive 2000/31CE dans la loi pour la 'confiance' dans l'économie numérique (LCEN). Pour rappel, après une tentative de Dionis d'imposer une obligation de surveillance, et sous la pression des internautes,le parlement a finalement bien voulu prendre connaissance(ou tenir compte) de l'article 15 de cettedirective: « [...]Les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux articles 12[FAI],13 et 14[hébergeurs],une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.» Il ne saurait donc être question dans l'Union Européenne de demander à un FAI de surveiller si un paquet est légal ou non. Par ailleurs, surveiller le contenu (payload) d'un paquet revient à un viol du secret des correspondances. Qui plus est, c'est au juge qu'il revient de dire la licéité ou non d'un contenu, et certainement pas à un FAI. La seule possibilité restante est donc la demande -par un juge- de filtrer des serveurs situés à l'étranger, puisque cette possibilité a finalement été maintenue dans la LCEN grâce à unbrillant retournement de vestede Devedjian lors de la séance du 6 mai 2004 à l'assemblée nationale. Fin de la parenthèse sur le « legal content » ou la « quasi-neutralité ».
Le problème apparent de la neutralité des FAI : Une attaque MiM contre les usagers
est l'enjeu du débat et pourquoi dans le fond Obama a-t-il pris position pour la neutralité du net? Obamadonne lui-même une réponse qui résume assez bien ce qui se passe si l'absence de régulation laisse les FAI suivre leurs instincts naturels : «Right now the speed with which and quality of your downloads or links are the same if you’re going to the CNN or Time Warner website as if you were going to barackobama.com. But what you've been seeing is some lobbying that says that the servers and portals through which you're getting information over the Internet should be able to be gatekeepers and to charge different rates to different websites and webcasts. So now what you'd have is, potentially, you could you could get much better quality from the Fox News site and you'd be getting rotten service from some mom and pop site.And that, I think,
destroys one of the best things about the Internet -- which is that there is this incredible equality there.»
Vinton Cerfdécrit aussi assez bien l'attaque « Man in the middle » des FAI : «In the Internet world, both ends essentially pay for access to the Internet system, and so the providers of access get compensated by the users at each end[…]My big concern is thatsuddenly access providers want to step in the middle and create a toll road to limit customers' ability to get access to services of their choice even though they have paid for access to the network in the first place. »
La menace est donc celle d'un internet à deux ou N vitesses, celle d'un internet ou le FAI aurait le droit de vie ou de mort sur l'accès à tel ou tel service ou protocole, par exemple bloquerait ou ralentirait le trafic p2p ou youtube, ou interdirait l'accès à Skype. Évidemment, présenté de cette façon, ce comportement n'est pas idéal du point de vue de l'image commerciale.Toujours prompts à prendre leurs clients pour des canards sauvages, les marketoïdes (assistés de quelques castors zélés) ont donc trouvé une idée de génie pour vendre (éventuellement au sens propre!) cette discrimination : la qualité de service (QoS)... En gros, un procédé qui permet d'affecter des priorités d'acheminement différentes à différents trafics.
QoS? Mon Q
A chaque fois qu'il s'agit de porter atteinte aux libertés civiles, les lobbies ou les législateurs utilisent des faux-nez : la ficelle est tellement usée qu'elle en devient un vrai nez de clown. L'avant-dernier cas est celui du filtrage des contenus pédophiles. La dure réalité est que le filtrage de ces contenus ne change en rien la condition des enfants victimes de cette industrie, mais le filtrage donne bonne conscience au législateur, et permet de justifier le déploiement d'infrastructures de filtrage sur les réseaux. Lesquelles infrastructures pourront ensuite permettre par exemple, Ô magie, de protéger les industries culturelles dans les pays démocratiques (voire de faire taire les opposant politiques dans les autres). Instrumentalisation cynique donc du thème de la protection de l'enfance, certaines institutions allant même jusqu'àfinancer du lobbyingdans ce sens...
C'était inévitable, le débat actuel ne fait pas exception : le dernier nez de clown est ainsi la téléchirurgie, qui est à la non-neutralité ce que la pédophilie est au filtrage, ou le terrorisme auxlogs de connexion. L'idée est simple : il y a différents types de contenus qui passent sur Internet, par exemple bientôt (…?) , la téléchirurgie. Admettons... Évidemment dans l'ensemble du trafic, la téléchirurgie devrait être prioritaire sur les autres contenus. Rendez-vous compte, c'est une question de vie ou de mort! Donc il faut de la QoS. L'argument est imparable (ou presque).
Extrait choisichez Hadopi/Sup Télécom : «La recherche sur l'Internet du futur va à contre-courant de cette idée que l'on doive transporter de manière agnostique et indifférenciée n'importe quel bit, que ce soit de la téléchirurgie, des jeux, de la messagerie ou de la vidéo en temps réel (...). Le réseau internet est actuellement "best effort", c'est des réseaux IP. La neutralité, c'est finalement une espèce de "best effort" généralisé. Il va de soi que c'est l'arrêt, presque même la mort de l'internet puisque on ne va pas pouvoir l'enrichir en applications diversifiées (...). Je ne suis pas pour la neutralité des réseaux, je suis pour des communications efficaces équitables».
Présenté comme ça, c'est vraiment touchant... Cela étant, l'exemple de la téléchirurgie est plutôt stupide : quel internaute prendrait le risque de se faire téléopérer? QoS ou pas QoS, la réalité est qu'il suffit aujourd'hui à n'importe quel attaché culturel d'ultragauche de soulever une plaque d'égout pour pouvoir donner un coup de sécateur dans quelques câbles... Et il se trouve que ce genre d'exercice de pentest potache a lieu régulièrement. Le problème n'est pas nouveau, il y a des années un célèbre câblo français (cybercâble) en faisait déjà les frais pour des raisons qu'il connaissait bien. Rien n'a jamais été fait depuis pour boucher cette faille de sécurité qui s'étend quand même environ à tout le territoire... Partant de là, l'argument Bernaysien de la téléchirurgie est assez moyennement crédible, sauf peut-être pour les patients candidats à la roulette russe.
Revenons plus sérieusement à la QoS: « affecter des priorités d'acheminement différentes à différents trafics »... Question intéressante, que ce soit du point de vue de l'utilisateur, ou du point de vue du gestionnaire de la charge du réseau.Mais: Quoi? Comment? Et surtout, Pourquoi? Trois questions qui vont permettre de mettre en évidence le vrai problème.
Les utilisateurs perçoivent bien que les différentes applications qu'ils utilisent ont des besoins différents : Pour downloader un fichier, il est préférable de ne pas perdre des paquets IP. Pour certains jeux en ligne, il vaut mieux ne pas avoir de délai. Pour du stream vidéo, il faut un bon débit, mais les délais ou variations de délai peuvent être masquées par une bufferisation. Pour de la téléphonie, peu importe si quelques paquets se perdent en route, mais si le délai approche de la seconde les deux utilisateurs vont rapidement se mettre à parler en même temps, le service sera inutilisable. Des tests en lignes permettent d'ailleurs de se faire une idée de ces paramètres :débit, ping, jitter, et packet loss.
Pour faire de la QoS dans le monde idéal de la poste numérique, ou des dumbs pipers, un monde respectueux des acquis de la Révolution (dont le respect du secret des correspondances) il suffirait donc à l'utilisateur (ou à son application) d'indiquer lui-même sur son enveloppe (dans l'en-tête de ses paquets IP) les paramètres importants pour son 'Type' ou sa 'Classe' de Service (CoS)... Et rien d'autre. Le facteur n'a en effet pas besoin de savoir ce qui est à l'intérieur de votre enveloppe : quelle langue y est utilisée ou ce qui y est écrit. Charge ensuite au facteur/gestionnaire du réseau d'acheminer les paquets en fonction de ces indications, de façon légèrement plus intelligente donc que sans cette gestion du type de service (c'est à dire qu'en 'best effort').
La différence serait elle perceptible? La réponse de XiPeng Xiao est non, dans les pays développés : «In the developped regions where the selling of QoS is intended, CoS may not be able to create much user-perceivable differentiation under normal networks conditions- Best Effort itself is already good enough. This is somewhat intuitive because if there is no congestion in a network, the DiffServ CoS won't be that useful. While CoS may be useful in developing regions where capacity is in shortage, selling of QoS in those regions may not be a profitable undertaking
Dans ce scénario idéal il ne resterait que deux problèmes. Le premier problème serait que le FAI saucissonne son offre en tranches fines : une option gamer, une option vidéo, etc... Au total, l'utilisateur (ou la famille utilisatrice...) pourra être certain qu'il paiera en réalité plus. C'est ce qui se passe par exemple avec la jungle des offres de téléphonie mobile, illisibles, et qui au final maintiennent des prix élevés qui font de ce business un des plus juteux de France et de Navarre...
Quoi qu'il en soit, il se trouve que cette éventualité du saucissonnage des offres internet avait déjà été évoquée en France il y a un bon moment, lors de la migration euroDocsis du câble, et discutée entre les usagers et le câblo : la réponse des associations d'usagers a été claire : Niet. Un FAI averti en vaut deux : Mieux vaut ne pas rallumer ce différend.....
Le deuxième problème tient au fait relativement ballot que le facteur/gestionnaire de réseau peut, et c'est même sa vocation, lire les adresses du destinataire et de l'expéditeur sur l'enveloppe IP. L'appât du gain, ou la volonté de nuire, 'pourraient' l'inciter à vouloir faire payer plus cher l'acheminement de ou vers un usager particulier, ou à ralentir (voire bloquer) cet acheminement (en l'envoyant discrètement sur une route pourrie par exemple). On retombe sur le problème trivial de la neutralité, celui des gatekeepers, décrit par Obama, ouLawrence Lessig: «There’s nothing wrong with network owners saying 'we’ll guarantee fast video service on your broadband account.' There is something wrong with network owners saying 'we’ll guarantee fast video service from NBC on your broadband account.' »
Une telle discrimination de la part du facteur/gestionnaire du réseau est bien évidemment manifestement inadmissible, et le législateur peut régler le problème très simplement. Il suffit au besoin d'ajouter un article idoine dans le code de la poste numérique : «Article x. Le fait, pour un malfrat dont l'activité lucrative et néanmoins de service public est de vendre un accès à des services de communication au public en ligne, d'utiliser une adresse IP afin de ralentir volontairement et subrepticement un acheminement, ou pire de le bloquer sournoisement, en particulier afin d'extorquer ses abonnés ou un fournisseur de services ou de contenus, ou le cas échéant de privilégier ses propres services ou contenus pourtant bien moins intéressants, constitue un délit de racket numérique particulièrement infâme, qui est puni d'une peine de X années d'embastillement et de X00 000 Euros d'amende.» X à déterminer en fonction de la taille moyenne du portefeuille des impétrants de façon à garantir l'effet dissuasif nécessaire. Vue comme ça, la question de la neutralité est vite réglée, inutile d'en débattre des heures. C'est en réalité effectivement un non-problème. En tous cas en France.
Epiphénomène libidineux
Alors évidemment, un FAI grincheux, voire lorgnant sur le compte en banque de Brin et Page, viendra se plaindre que youtube mange toute la bande passante, et qu'il leur revient de payer le backbone correspondant (l'autoroute numérique entre Paris et Marseille par exemple). Fantasme certes excitant, mais doublement inacceptable : Premièrement parce que ce sont les utilisateurs qui vont chercher les vidéos sur youtube, et il se trouve qu'ils paient déjà leur abonnement. Deuxièmement parce que ce procédé aurait un effet pervers : les vidéos proposées par ceux qui ont de gros moyens financiers pourraient bénéficier de leurs gros tuyaux, les autres devraient se contenter de l'épine dorsale commune réduite à sa portion congrue par ledit grincheux, pingre de surcroît. Dans ces conditions, il deviendrait assez rapidement délicat pour les abonnés d'accéder à une vidéo d'Indymedia Chiapas par exemple... Certains avanceront quedes inégalités existent déjà: Ce n'est pas une raison pour en rajouter.
D'où la menace chantante d'augmenter le prix des abonnements... Oui, mais non. Encore une fois, Internet est un bien commun qui doit être accessible au plus grand nombre, et -quitte à faire rire les aliens du Fouquet's- il se trouve qu'augmenter les abonnements, c'est mécaniquement augmenter
une fracture numérique. Si ce n'est ni l'abonné ni youtube qui paient la mise à niveau des backbones, qui peut payer?
L'état. Donc l'impôt, qui en temps normal est ce qui se fait de moins pire en terme de justice sociale.
Après tout il se trouve que ces backbones constituent une infrastructure (vitale?) de communication nationale, qu'il y a là comme une notion de service public (voire de sécurité nationale?), et que la puissance publique a parfaitement vocation, et le droit, d'investir dans cette mise à niveau, qui sera rentabilisée sur une échelle de temps largement acceptable pour l'état, et qui sera tout bénéfice pour l'économie globale du pays. Pour être juste, en échange de ce cadeau aux FAI, il pourra par ailleurs être créé une Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations sur l'Internet National, chargée de prévenir, contrôler, et sanctionner toute filouterie discriminatoire dans leurs activités de routage ou d'acheminement.
Un peu de lutte des classes
Paradoxalement, il se pourrait que le technolobby fasse pression contre une participation de la puissance publique dans l'infrastructure de communication nationale.Pourquoi? Souvenez-vous de ce que dit XiPeng Xiao : la QoS n'est pas vendable parce que son gain n'est pas perceptible par l'usager sur un réseau non congestionné, où le best effort suffit. Pour pouvoir justifier la QoS, il faut donc un minimum de congestion. A ce jeu, les vendeurs de materiel d'interconnexion à capacité QoS (on va bientôt voir ''quelle'' QoS...), pourraient donc logiquement très bien se retrouver en réalité en première ligne. On notera au passage, pour relativiser les intérêts des uns et des autres, que le materiel rusé d'interconnexion coûte plus cher que les tuyaux stupides... La revendication sociale de certains FAI étant bien là : passer du statut de « dumb piper » pauvre à celui de « smart piper » riche. A quel prix et sur le dos de qui?
SG13 : la Triade ONUsienne des Castors Zélés
Mais tout ce qui précède ne nous donne pas encore les vraies réponses aux questions comment, et pourquoi. L'enfumage du débat sur les gatekeepers, n'est somme toute qu'une aimable plaisanterie au regard de ce qui nous pend réellement au nez, que l'on peut découvrir en s'intéressant aux activités de l'ITU, une agence ONUsienne chargée entre autre de standardisation des réseaux du futur, ou NGN (Next generation network).
Donc, puisque le gouvernement français parle detransparence et de gouvernancedans ce débat, allons droit au but :
SG13 donc, rien à voir avec Stargate, est legroupe d'étude de l'ITUchargé de la standardisation du futur réseau NGN, dans lequel grosso-modo l'utilisateur pourra accéder à n'importe quel type de contenu depuis n'importe quel type de terminal, et où tout passera par un coeur de routage IP, contrôlé par les FAI donc.
Le lecteur curieux ne pourra manquer de remarquer la composition de SG13, dans lequel on trouve majoritairement :
Xin Chang Associate rapporteur Huawei Technologies Huawei Longgang BaseShenzhen 518129 China
Tong Wu Associate rapporteur China Telecom China
Yuan Zhang Associate rapporteur China Telecom No.118,Xizhimenneidajie, Xicheng District, Beijing
Sheng Jiang Associate rapporteur Huawei Technologies Co., Ltd. Kuike Building Di Information Industry Base, Hai-Dian District Beijing 100085 China
Yachen Wang Wuhan, 430074 Rapporteur China China Mobile China Jin Peng Rapporteur Ning Zong China Mobile Rapporteur China Huawei China Lintao Jiang Rapporteur Mingdong Li CATR Rapporteur No.52, Huayuan Beilu, ZTE Corporation Academy of Telecommunication China Research, Beijing, 100083 Jiashun Tu China Associate rapporteur ZTE Corporation Jiguang Cao No. 68 Zijinhua Rd., Yuhuatai Associate rapporteur District, MII Nanjing, 210012 Institute of Communication China Standards Rsearch China Academy of Telecom. Meng Ji Research Rapporteur 11 Yue Tan Nan Jie Wuhan Fiberhome Networks Co. Beijing 100045 88, Youkeyuan Lu, Hongshan China District
Disons-le tout net : primo il ne faut voir dans cette liste aucune sorte de xénophobie, secundo il faudrait en revanche une mauvaise foi assez peu commune pour nier le fait que la culture réseau en Chine est quelque peu différente de ce qui peut exister ailleurs dans le monde.
Dans SG13, Meng Ji est rapporteur de la question Q 17/13 : « Packet forwarding anddeep packet inspection for multiple services in packet-based networks and NGN environment»
Ce qui nous mène directement au cœur du problème, décrit noir sur blanc avec une clarté et une franchise qui ne laissent pas de surprendre dans undocument de recommandation faisant suite au meeting SG13 de janvier 2009:
This Appendix describes the framework of DPI within packet-based networks and NGN environment.
The IPv4/v6/NGN access and metro networks are primarily built with the packet switching and routing technologies, which are opaque for the details of the upper layers of the protocol stack and devoid of service control capabilities.While these technologies can determine source and destination IP addresses and TCP ports of each packet, they could hardly determine the behaviour of the application, the user, the content, or other aspects of the upper layer protocols and applications. As a result,a NGN and Ipv4/v6 service provider hires an opaque or black broadband pipe at a cheaper price, it is likely that subscribers will change to rent upper value-added services with content awareness from other Internet content providers. This is an insufferable problem for network service providers that the more investments in their broadband infrastructure, the less return from the service income. The better method to address this issue is to change an opaque and black broadband pipe into a transparent broadband pipe, which provides service providers visibility using the networks, traffics and applications, visibility implementing service management and control. This offers network operators complete visibility of network applications, flexible traffic control through the real-time comparison and string matching between the particular overhead or contents octets of the packet flows and a set of the octets predefined rules.
La philosophie NGN est ainsi résumée : les FAI ne gagnent pas assez d'argent en acheminant vos enveloppes IP sans les ouvrir. Pour pouvoir gagner plus d'argent, accéder au statut de « smart piper riche », il leur faut pouvoir savoir exactement ce que font les usagers, pour ensuite pouvoir les faire payer en fonction des usages: c'est cette QoS là qu'ils veulent vendre. Il ne s'agit pas réellement de QoS, mais en réalité de classification des comportements et usages des abonnés à des fins de facturation. Pour cela, ils prévoient une refonte complète de l'architecture de routage, en lui donnant la capacité d'espionner ce qui est à l'intérieur des paquets IP envoyés par les abonnés. La technique permettant ce viol généralisé à l'échelle planétaire du secret des correspondances est le Deep Packet Inspection (DPI).
Deep Packet Inspection : Profonde combien l'inspection?
Le DPI n'a aucune limite, et même pire. Cela veut dire que cette technique permet de remonter les couches réseau jusqu'à la couche 7 (les enveloppes qui sont à l'intérieur des enveloppes...) et à son contenu (ce que vous dites dans votre mail), ce que certains appellentixDPI.
Cela donne aux FAI la possibilité de savoir quel protocole vous utilisez (en quelle langue vous écrivez votre mail) et, le cas échéant, de le ralentir, de le bloquer, ou de le faire payer. Idem pour les applications que vous utilisez.
Alors évidemment, l'utilisateur a toujours la possibilité de crypter ses échanges... Même ce cas est prévu : sans même avoir besoin de décrypter vos messages, le DPI, par le biais deméthodes heuristiques, permet de reconnaître des patterns comportementaux.
Dans la mesure où l'emballage marketing de ce nouveau business est basé sur de la différenciation de services, le business du DPI est intimement lié à l'issue du débat sur la Neutralité. Ce n'est pas
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