La notion du « Bon usage » dans les Remarques de Vaugelas - article ; n°1 ; vol.14, pg 79-94
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1962 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 79-94
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Ott
La notion du « Bon usage » dans les "Remarques" de Vaugelas
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1962, N°14. pp. 79-94.
Citer ce document / Cite this document :
Ott M. La notion du « Bon usage » dans les "Remarques" de Vaugelas. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1962, N°14. pp. 79-94.
doi : 10.3406/caief.1962.2218
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1962_num_14_1_2218LA NOTION DU « BON USAGE »
DANS LES REMARQUES DE VAUGELAS
Communication de M. OTT
{Munster)
au XIIIe Congrès de Г 'Association, le 24 juillet 1961.
L'importance qu'attribuèrent les contemporains au livre
de .Vaugelas et l'influence considérable que les « Remarques »
ont exercée sur l'évolution de la langue classique, sont trop
connues pour qu'il soit nécessaire d'en parler ici. Il est diffi
cile, d'autre part, sinon impossible, de porter un jugement
sur cette œuvre, sans tenir compte de l'écho qu'elle a trouvé
auprès des contemporains, et de son action ultérieure. Car,
si la distinction du langage a toujours été une des qualités
essentielles du héros courtois, et si l'idéal d'un bon usage
tel que Vaugelas le propose, perpétue seulement, après la
décadence de la féodalité, une tradition déjà ancienne de la
société féodale, on voit quand même immédiatement ce qui
différencie l'œuvre de Vaugelas de celle de tous ses prédé
cesseurs : c'est l'influence réelle qu'elle a eue sur le développe
ment de la langue. Je ne songe pas à nier que la recherche
d'un langage distingué ait abouti, dans la littérature médiév
ale, à de très heureux résultats. Et il faut admettre également
que, dans le roman courtois déjà, le prestige social d'une
personne dépend, en grande partie, de sa façon de parler ;
c'est une idée admise dès cette époque que la décence et l'él
égance dans le langage constituent une obligation morale.
Or, c'est cette idée qui est à la base de la doctrine de Vaugelas
et qui, d'ailleurs, s'impose comme une règle à toute la pro- 8o KARL AUGUST OTT
duction littéraire de l'époque de la Contre- Réforme. Il n'en
reste pas moins que l'influence de Vaugelas sur la langue de
son temps est un phénomène original qui se distingue nett
ement de ceux auxquels nous venons de faire allusion. Bien
qu'il soit difficile de porter ici des jugements absolus, il est
probable que l'idéal de la distinction dans le langage a cher
ché à se manifester concrètement dans la vie sociale des se
igneurs du moyen âge, mais il n'a pu provoquer une tran
sformation aussi complète de toute la langue, des façons de
parler de toutes les classes sociales, que celle que nous voyons
se produire au xvne siècle, parce que le respect du bon usage
restait, dans ce temps, une caractéristique exclusive de la
classe féodale. Nous voilà déjà au cœur du problème, en face
d'un paradoxe que l'on pourrait formuler comme suit :
aucun des prédécesseurs de Vaugelas n'aurait eu l'esprit
assez étroit pour déclarer, comme il le fait, que le mauvais
usage est nécessairement « composé de la pluralité des voix »,
tandis que le bon usage est réservé à la seule élite, c'est-à-dire
à la classe privilégiée de l'aristocratie de cour. Vaugelas est
le seul à avoir fondé cette distinction sur un principe quantit
atif, et c'est dans son ouvrage que l'esprit de caste semble
avoir atteint son paroxysme. Mais, d'autre part, aucun gram
mairien n'a exercé une aussi grande influence sur l'évolution
de toute une langue que la description du bon usage donnée
par Vaugelas, dans ses « Remarques ». Comment faut-il
expliquer ce phénomène ?
Nous venons de dire qu'il serait difficile d'évaluer l'i
mportance des « Remarques », sans considérer leur influence
réelle. Cependant, étant donné la disproportion entre la
conception que Vaugelas se faisait du bon usage, et l'action
exercée par son livre, il n'est que trop facile de commettre
l'erreur contraire, je veux dire de porter des jugements
absolument faux sur le livre, parce que l'on fait retomber sur
lui des jugements qui concernent uniquement l'histoire
ultérieure de la langue. Cette erreur a été commise par cer
tains historiens de la langue, qui, après avoir enregistré les
changements linguistiques survenus à l'époque classique,
ont voulu juger d'après ces résultats lointains, des intentions NOTION DU BON USAGE DANS LES REMARQUES DE VAUGELAS 8l
de Vaugelas et du fond de son livre. D'après Ferdinand Bru
not, il n'y a, dans les « Remarques », « nulle vue d'ensemble » ;
Vaugelas se serait « fondé sur l'accident » ; et, évidemment,
Brunot ne peut que condamner avec sévérité sa prétention
à vouloir « fixer » la langue. Son verdict est catégorique ;
il écrit : « Vaugelas et les siens n'ont nullement compris que
certaines transformations étaient en train de s'accomplir.
Egarés par là, ils ont cherché à fixer l'état instable qu'ils
constataient, s'évertuant à classer et à distinguer des cas,
quelquefois même à rendre raison des différents usages.
Et ainsi s'est introduite, et pour longtemps, une extrême
confusion, là où l'instinct populaire, tout grossier, aban
donné à lui-même, eût apporté l'unité et la clarté (i). »
Cependant, nulle part dans son livre, Vaugelas n'affirme
l'intention de vouloir « fixer » ou « transformer » la langue
ou de vouloir changer en quoi que ce soit l'usage établi. Une
telle prétention eût été entièrement contraire à l'idée qu'il
se faisait de l'usage. Et on ne peut pas non plus lui reprocher
de n'avoir pas vu que certaines transformations étaient en
train de s'accomplir, puisque sa notion de l'usage tient just
ement compte du fait que la langue est soumise à un change
ment perpétuel. C'est pour cela qu'il compare si souvent
l'usage à la Fortune. Et il ne cite jamais les auteurs qui font
autorité à ses yeux, sans avoir préalablement examiné si leurs
exemples ne sont pas dépassés par l'usage actuel ; il dira
notamment : « L'on parloit, et l'on escrivoit ainsi du temps du
Cardinal du Perron, de M. de Coeffeteau et de M. de Mal
herbe ; mais tout à coup cette locution a vieilli et l'on dit
maintenant... (2).»
Quand Vaugelas fait l'éloge d'Amyot, il n'oublie pas d'ajou
ter : « bien que nous ayons retranché la moitié de ses phrases
et de ses mots (3). » Lorsqu'il signale l'emploi d'un mot,
quelquefois il lui échappe des formules qui trahissent à quel
et (1)ss. F. Brunot, Histoire de la langue française, t. III, Paris, 1909, p. 54
(2) Vaugelas, Remarques sur la langue Ed. A. Chassang, Paris-
Versailles 1880, t. I, p. 353.
(3) Remarques..., I, p. 37.
■ 6 KARL AUGUST OTT 82
point il était conscient des brusques transformations de
l'usage, par exemple quand il écrit : « Voilà un mot que j'ay
veu naistre comme vn monstre, contre qui tout le monde
s'escrioit, mais en fin on s'y est appriuoisé (4). » Conformé
ment à son expérience du changement continuel de l'usage,
Vaugelas estime que la description qu'il donne lui-même
de l'usage actuel, pourrait « servir pour un espace de vingt-
cinq à trente ans » (5). De tout cela, nous pouvons conclure
déjà qu'il n'avait nullement la prétention que ses « Remarques »
pussent freiner le changement incessant de la langue, ni que
sa description du bon usage à un moment précis de son évo
lution pût mettre un terme à cette évolution même.
Comme si ce pauvre Vaugelas n'avait pas enduré assez
de misères pendant sa vie, on lui a infligé encore une autre
injustice après sa mort. Le soupçonnant d'avoir voulu non
seulement « fixer » la langue, mais encore la « régler », on l'a
accusé de l'avoir très mal réglée. Et évidemment, ce travail
mal fait a été imputé à son ignorance et à l'i

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