France-Tunisie : Ennahdha siffle la fin de la partie
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Le nouveau pouvoir souhaite s'écarter de la présence française en Tunisie, en particulier en mettant fin au bilinguisme qui a été instauré de fait depuis l'Indépendance.

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Publié le 01 novembre 2011
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Langue Français

Extrait

France-Tunisie : ENNAHDHA siffle la fin de la partie
Par Youssef El TOUNSI
La victoire du parti ENNAHDHA qui se réclame partisan d’une application modérée de la
Charia est incontestable. Et s’il n’a pas la majorité absolue à l’Assemblée Constituante qui
vient d’être élue, c’est à raison d’un mode de scrutin, établi pour permettre à la partie la plus
large de la population d’être représentée, et ce sera le cas.
La démocratie a joué à plein. La prévision faite par de nombreux observateurs selon laquelle
les pays arabo-musulmans sont, lorsqu’ils sont librement interrogés, pour un gouvernement
fondé sur la loi islamique se révèle juste. Gérard LONGUET a eu tort de dire que 40% ce
n’est pas la majorité. Sur un seul tour de scrutin, avec plus de 110 partis, 40% c’est un raz de
marée.
Conformément à la volonté du peuple tunisien, le secrétaire général d’ENNAHDHA
Monsieur HAMADI JEBALI a fait savoir qu’il sera le futur Premier ministre. Il a été précisé
que des portefeuilles seront attribués aux autres partis. Par intelligence politique et dans le
même esprit, on dit qu’ENNAHDHA soutiendrait à la Présidence de la République l’actuel
Premier Ministre, BEJI CAÏD ESSEBSI, un grand démocrate, ancien ministre d’Habib
BOURGUIBA, âgé de 85 ans, dont le rôle, selon la nouvelle constitution sera comparable à
celui des présidents de la 4
e
République en France.
Intelligence politique qui va au-delà du casting. Il s’agit bien évidemment de faire assumer
par l’ensemble des sensibilités politiques, la politique pour laquelle ENNAHDHA a été élu.
ENNAHDHA veut aussi rassurer, il dit être respectueux du droit des femmes et ne pas vouloir
remettre en cause leur liberté dans la société tunisienne. Il n’y a aucune raison de mettre en
cause sa bonne foi.
Mais c’est une chose de ne pas porter atteinte à des libertés acquises depuis un demi siècle, et
une autre que d’en garantir l’exercice. Le nouveau pouvoir sera-t-il en mesure de garantir les
femmes tunisiennes, contre sa frange extrémiste qui pourrait au quotidien les harceler, par
exemple parce qu’elles ne porteraient pas le voile ? Il lui suffirait de laisser faire pour que très
vite, une liberté qui ne serait pas contestée en droit soit dans les faits abolie.
De même, la polygamie peut demeurer interdite, mais le nouveau gouvernement osera-t-il
engager des poursuites à l’encontre de ceux qui sont ses plus chauds partisans et qui
porteraient atteinte à cette règle?
De même encore, les Conseils d’Université oseront-ils maintenir des règlements qui
interdisent le niqab à l’université contre la volonté d’une partie non négligeable du
mouvement islamiste ? Et dans l’affirmative, sera-t-on en mesure de faire respecter ces
règlements ?
Il ne s’agit pas de faire de procès d’intention aux nouveaux responsables de la Tunisie, mais
un risque existe. S’il surmonte cette difficulté, le parti ENNAHDHA
donnera
incontestablement un nouveau visage à ce mouvement, qui incite pour l’heure à la perplexité
quand ce n’est pas à la méfiance
Car ce qui inquiète, c’est cette attaque contre la langue française, comme première langue
étudiée et parlée après l’arabe, lancée par le leader charismatique d’ENNAHDHA, Rached
GHANNOUCHI, comme paraissant être un point fondamental de sa politique.
Non que quiconque ait à revendiquer un quelconque droit dans ce domaine et il doit être dit
que les tunisiens sont libres de privilégier les langues qui aujourd’hui leur apparaissent les
plus adaptées à leur enrichissement culturel, à leur ouverture sur le monde et à leur
développement économique.
Mais était-il opportun de placer ce débat dans une campagne de cette nature ? Son annonce
devant une foule lui donne un contenu politique qui va au-delà d’une simple orientation
linguistique pour la jeunesse tunisienne. Dans un moment de campagne électorale où
s’expriment souvent les passions plus que la raison, le risque de glissement vers un
comportement xénophobe ne peut-être exclu.
Il est toujours très facile et très efficace de ressortir les vielles lunes de l’anticolonialisme et il
suffit de se référer aux nombreux commentaires de tunisiens sur les différents blogs et
journaux électroniques pour voir combien s’exprime désormais le rejet de la France et que
peu de chose suffit pour ranimer des braises qui ne seront jamais éteintes.
Dans les années 60, Ahmed BEN SALAH avait cru avoir découvert une économie
collectiviste qui devait donner à chaque tunisien prospérité et bien être. On sait ce qu’il
advint.
Lorsque des politiques partisanes se veulent imposer leur loi à l’économie, sans en avoir pesé
avec soin les conséquences, le risque est grand d’aboutir à des catastrophes.
Mais à y réfléchir, cela est-il véritablement étonnant ? Prendre ses distances avec la France,
n’est ce pas pour la Tunisie la meilleure façon de régler son problème avec les mœurs
occidentaux et avec tout ce qu’ils véhiculent au plan des libertés formelles ?
Les tunisiens de France ont voté ENNAHDHA majoritairement, plus que ne l’ont fait les
tunisiens restés au pays, et les observateurs ont affirmés que c’était en réaction aux
discriminations dont ils faisaient l’objet dans ce pays. Peut-être qu’eux-mêmes sont
favorables à cette politique, même si pour la plupart ils sont également français. On s’était
interrogé lorsque des milliers de franco-tunisiens avaient sifflé l’hymne national de la France
à l’occasion d’un match de foot-bal. Est-ce la réponse à cette question ? La vérité peut parfois
être cruelle, on le doit à la démocratie.
A bien y réfléchir, ENNAHDHA fait, de son point de vue, une analyse juste lorsqu’il dit que
« le français pollue les tunisiens ». Ce n’est pas une phrase anodine, c’est la clé de l’ensemble
du problème.
La langue française apporte une autre conception de la société, des valeurs fondamentalement
différentes de celles qui existent dans les pays arabo-musulmans. Les dictateurs
BOURGUIBA et BEN ALI avait épousé la cause française. Leur peuple ne les a jamais
suivis. Sur le fond, les arabes demeurent dans leur grande majorité attachés à l’Islam en tant
que mode de vie. Les tunisiens ne dérogent pas à la règle. ENNAHDHA a compris que la
façon la plus efficace de combattre les mœurs occidentaux, qui « corrompent » la société
tunisienne, est d’éloigner les tunisiens de la langue française.
Cette Révolution tunisienne est la victoire posthume du nationaliste arabe Salah BEN
YOUSSEF, qui fut en concurrence dans les années 50 avec un Habib BOURGUIBA
profondément français et atypique. On ne modifie pas le cours de l’histoire contre la volonté
des peuples.
Il n’est pas écrit que le France et la Tunisie doivent avoir éternellement un destin commun. Là
encore le peuple tunisien qui a recouvré sa liberté est seul à pouvoir se prononcer. Il fera la
politique qui lui apparaitra la mieux adaptée à ses intérêts. Quant à la France, l’Europe devrait
suffire à son bonheur.
gpancrazi.over-blog.com
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