Nouvelles directions dans les recherches sur les langues amérindiennes - article ; n°1 ; vol.141, pg 179-189
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1997 - Volume 141 - Numéro 1 - Pages 179-189
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 52
Langue Français

Extrait

Monsieur Michel Launay
Nouvelles directions dans les recherches sur les langues
amérindiennes
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 141e année, N. 1, 1997. pp. 179-
189.
Citer ce document / Cite this document :
Launay Michel. Nouvelles directions dans les recherches sur les langues amérindiennes. In: Comptes-rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 141e année, N. 1, 1997. pp. 179-189.
doi : 10.3406/crai.1997.15718
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1997_num_141_1_15718COMMUNICATION
NOUVELLES DIRECTIONS DANS LES RECHERCHES
SUR LES LANGUES AMÉRINDIENNES,
PAR M. MICHEL LAUNAY
1. Ce qu'il est aujourd'hui convenu d'appeler la « rencontre de
deux mondes » a été l'occasion d'un accroissement considérable
des connaissances de tous ordres. Comme le remarque justement
J. LAFAYE (1964), « La conquête de l'Amérique a été un prodigieux
courant de renouveau de la connaissance, qu'il s'agisse de la co
smographie et de l'art de la navigation, de l'histoire naturelle et de
ses applications pharmaceutiques ou agricoles, de l'anthropologie
et de son influence sur la philosophie et la politique ».
Ajoutons cet aspect moins reconnu de la conquête : elle eut
aussi ses linguistes. Le domaine d'études était immense, par le
nombre de langues (plusieurs centaines subsistent encore aujour
d'hui, et le nombre devait être supérieur, peut-être du double, à
l'arrivée des premiers Européens), mais aussi par leur grande
diversité génétique et typologique, et l'altérité même présenté par
la plupart d'entre elles par rapport aux langues anciennes ou
contemporaines de l'Ancien Monde. La plupart attendent encore,
hélas, de faire l'objet d'études dignes de ce nom, mais les débuts
étaient pourtant prometteurs en ce qui concerne certaines d'entre
elles. Qu'il suffise de rappeler que ce que S. AUROUX (1992) appelle
la grammatisation, c'est-à-dire l'apparition des études grammatic
ales sur une langue, a commencé dans le Nouveau Monde en 1547,
en l'occurrence sur le nahuatl (Olmos, Arte de la lengua mexicana),
soit après les premières grammaires espagnole (Nebrija, 1492) et
française (Palsgrave, 1530), mais par exemple avant la première
grammaire anglaise (Bullokar, 1586). Il est d'ailleurs une autre
surprise : c'est que certaines de ces grammaires sont d'une très
grande qualité, y compris par rapport aux exigences modernes.
M. B. Pottier en a il y a quelques années présenté certaines devant
cette Académie ; et deux colloques internationaux (Paris, sep
tembre 1993 ; Berlin, octobre 1995) en ont mis en évidence l'am
pleur et la qualité. Si ces travaux avaient été connus en Europe et
y avaient enrichi la réflexion sur le langage, il ne fait aucun doute
qu'elles auraient fait faire de grands pas à la linguistique. 180 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
La plupart de ces études, et les plus remarquables, sont pro
duites par des religieux espagnols ou portugais, et surtout dans le
siècle suivant la Conquête. Les XVIIF et XIXe siècles furent nett
ement moins productifs, l'accession à l'indépendance n'ayant pas
signifié un regain d'intérêt pour les langues indigènes, bien au
contraire. De son côté, l'Angleterre coloniale n'a pratiquement
rien produit sur les langues d'Amérique du Nord, et il faudra
attendre la fin du XIXe siècle pour voir apparaître les premières
études linguistiques, dans le cadre de l'anthropologie, avec en par
ticulier les travaux de Boas et de Sapir.
Entre la fécondité hispano-portugaise et la stérilité anglaise, la
position de la France dans ce domaine apparaît « moyenne », et en
tout cas supérieure à ce que sa présence réelle sur le continent ne
pourrait laisser attendre1. Chassée de l'Amérique du Nord, mainte
nue en Guyane et dans les petites Antilles, la colonisation française
a vu — et au moins en partie provoqué — la disparition des der
niers amérindiens insulaires : le temps pour le Père Breton de nous
donner avec son Dictionnaire caraïbe (1664) une somme de connais
sances sur leur langue, leur histoire, leur culture et leur milieu.
C'est dans la seconde moitié du XIXe siècle que se constituent,
en France comme en Europe, des sociétés dites américanistes,
groupes de chercheurs et d'érudits travaillant dans les domaines
de l'histoire, de l'archéologie, de l'ethnologie et de la linguistique.
L'expédition française au Mexique, malgré son échec politique, n'a
sans doute pas peu contribué au regain d'intérêt pour les
anciennes cultures amérindiennes, et les réflexions linguistiques
sont un élément des échanges intellectuels qui font de la France la
partenaire européenne privilégiée des pays latino-américains.
Elles occupent une place importante (et qualitativement fort
honorable) dans les Congrès internationaux des Américanistes,
dont le premier se tint à Nancy en 1875, sous l'impulsion de
Lucien Adam, qui bien que non professionnel (il était magistrat),
fut probablement le plus perspicace des linguistes américanistes
de son époque. Cette tradition, quelque peu délaissée au début de
ce siècle, devait être revivifiée entre les deux guerres par les tr
avaux de Paul Rivet, puis retomber de nouveau avant d'être reprise
dans les années 1970 par Bernard Pottier, qui créa dans le cadre du
C.N.R.S. une Équipe de Recherches en Ethnolinguistique amé
rindienne, aujourd'hui Centre d'Études des Langues indigènes
d'Amérique. Regroupant de jeunes (à l'époque) linguistes dont
beaucoup avaient eu l'occasion de pratiquer l'enquête de terrain,
1. Voir S. AuROUX et F. Quedcalos (1984). RECHERCHES SUR LES LANGUES AMÉRINDIENNES 181
cette équipe développe depuis lors des recherches à l'interface de
la tradition américaniste française et des problématiques de la li
nguistique théorique, descriptive et appliquée.
Or depuis une vingtaine d'années environ, on assiste à des évo
lutions et à des événements qui modifient profondément les
méthodes et la problématique d'une telle recherche.
2. Les spécialistes des langues amérindiennes doivent peut-être
se résigner à une certaine marginalisation institutionnelle, aussi
bien dans les sociétés américanistes, dominées par l'histoire
et l'ethnologie, qu'en linguistique, où la tendance actuellement
dominante consiste à théoriser sur une langue ou un très petit
nombre de langues (comme par hasard, les langues officielles des
pays industriels développés, et parfois le seul anglais). A la croisée
de ces deux grands domaines de recherche, l'accroissement des
connaissances qui s'est produit au cours des dernières décennies
induit pourtant des questionnements dont la portée dépasse la
rgement un domaine de spécialisation restreint. Nous en citerons
quelques-uns.
Tout d'abord, la pratique professionnelle même des chercheurs
en langues amérindiennes contribue à réhabiliter d'un point de
vue théorique et méthodologique deux formes d'accès à la langue
en apparence opposées, mais qui toutes deux sont peu pratiquées
et peu prisées par les grands courants de la linguistique théorique
moderne : l'oralité brute, rencontrée dans l'enquête de terrain, et
le corpus écrit des documents anciens ou récents. Il faut bien voir
que, comme nous l'avons dit, la linguistique moderne raisonne
très majoritairement sur des langues écrites, mais aussi et surtout
sur des formes linguistiques créées par les linguistes eux-mêmes
pour les besoins des causes qu'ils défendent. Le principe en est
juste : des manipulations sophistiquées font apparaître des varia
tions révélatrices d'une structuration complexe, et, sachant ce
qu'il cherche, le linguiste sait à quel type d'expérimentation il doit
se livrer. Mais on peut ce faisant tomber dans le piège de la comp
laisance où la langue semble n'exister que pour les préoccupat
ions du linguiste, ce dernier produisant les étudier des
énoncés d'un degré de probabilité parfois proche de zéro. Les
documents recueillis in vi

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