LA RESCAPEE (1° / Term) MarieLouise SOCK Sénégal En hommage à l’auteure de ce récit qui met en scène la seule femme enceinte rescapée du naufrage du bateau le Joola en septembre 2001 au large de la côte sénégalaise, au cours duquel 1800 personnes ont péri. ….. Hommage à la mémoire des naufragés du bateau « Le Joola » le 26 septembre 2001 – Près de 1800 morts Récit fictif mettant en scène la seule femme rescapée de ce naufrage. Une Sérère enceinte au moment de l’accident et qui a pu mener sa grossesse à terme. Ce texte tente de faire revivre le calvaire de ceux qui ont échappé à la mort mais qui seront toujours hantés par la voix de leurs défunts compagnons de voyage. Voilà deux ans que les dés sont jetés. Le drame s’est joué en quelques heures sous mes yeux horrifiés et impuissants. Deux longues années arpentées avec dégoût. Cauris valsant au coeur d’un van en osier tressé. Sur une natte en raphia ramenée des rives en sursis du fleuve Sénégal, j’ai consulté les cauris, soucieuse, tendue. Dons divinatoires … Vous y croyez ? Dites … Je vois des « choses » depuis ce jour où la mort m’a prise dans ses bras. Contre toute attente, elle m’a chanté la douce berceuse de l’oubli puis délicatement posée dans le ventre d’une pirogue. Ce n’était pas encore l’heure pour mon âme de faire le grand voyage vers le pays des ancêtres. La frontière est si ténue entre la vie et la mort. Sanglots … Un CD glisse dans l’ordinateur distillant le chant d’une flûte Peulh. Fautil parler, dire l’indicible quant s’endort la mémoire, barricade judicieusement érigée contre la folie qui s’installe, pernicieuse ? Autant oublier … Enfoncer rageusement dans les replis de la mémoire le refrain obsédant du souvenir qui affleure sans cesse, jouant inlassablement sa partition. Aije le choix, tout compte fait ? Peuton se taire quand le Verbe incandescent vous consume ? Sur le van, les cauris restent muets … Marcher … Evacuer le stress. Je hante très souvent le parcours sportif de la corniche ouest de Dakar, mon lieu de prédilection face à l’immense cimetière glauque. Marcher, me fondre dans la foule incognito. Ma folie se voit elle déjà ? Je m’épie, anxieuse. Courir … J’ai longtemps couru, histoire d’épuiser ce corps que je squatte depuis deux ans déjà. Epuisée, je me suis affalée sur le sable, les bras croisés derrière la tête, contemplant le ciel. La voix de l’animateur sportif me parvenait, rassurante. Une douce torpeur m’envahissait. A cet instant, une odeur (d’encens ?! …) me parvient, subtile, puis de plus en plus forte, perturbant ma quiétude. Présence … Mon coeur s’amusait à faire du trampoline. Sourire. Mon double me souriait, accroupi sur le sable blanc. Cette femme me souriait, cherchant à apaiser mon coeur qui s’affolait. Paix Sitoe Joola, paix….La paix soit avec toi….