Rapport Anteios 2010Vive la France quand même !PUF, Paris 2010
(Version originale et validée)
Que reste-t-il de la puissance militaire française ?
La défense de la France depuis la fin de la Guerre froide
Constituées aux temps de la Guerre froide en un dispositif de garde face à lEst, nos armées se sont converties en forces de projection. La logique de linterdépendance de nos capacités militaires avec celles de nos alliés, principalement européens, à lintérieur ou hors de lOTAN, a supplanté lombrageux principe dindépendance nationale affirmé par le général de Gaulle au début de la Vème République. Quoique toujours évanescentes, les perspectives dune défense européenne commune ont infléchi la conception dune défense proprement nationale. La prise en considération dautres périls que les menaces strictement militaires a modifié la définition de notre défense, désormais plus sensible aux arguments sécuritaires quaux analyses stratégiques. Cest ce que montrent les attendus et les réponses appliqués à la lutte contre le terrorisme ou les justifications apportées aux opérations extérieures. La suspension du service national et le passage à larmée de métier marquent une franche rupture par rapport aux politiques militaires poursuivies au XXème siècle sous trois Républiques En une vingtaine dannées, la défense française, ses moyens de dissuasion nucléaires comme ses forces conventionnelles, ont été redimensionnés. Paradoxalement, la politique de défense de notre pays a rarement été aussi active et jamais, depuis la fin de lépoque coloniale, nos armées nont été autant engagées à lextérieur.
I La défense redimensionnée
La chute du mur de Berlin en 1989 inaugure une nouvelle ère dans laquelle la puissance française se trouve relativisée. Notre pays constate la moindre importance stratégique que lui confère son statut nucléaire après la Guerre froide. La course aux armements dans le monde consacre la supériorité militaire des Etats-Unis et les ambitions dautres grandes nations (Chine, Inde, Pakistan, Iran) dont le potentiel darmement est fortement croissant. La France à loccasion de circonstances critiques est aussi amenée à reconsidérer les prédicats sur lesquels sa défense est fondée. En 1991, la guerre du Golfe révèle linadaptation opérationnelle de nos armées. Elle démontre surtout quaucun Etat européen, la France pas plus que le Royaume-Uni, nest désormais en mesure de mener seul un conflit lointain et intense. Les explosions atomiques expérimentales de lInde et du Pakistan en 1998 redonnent certes une justification à notre force de frappe face à la menace, un jour possible, de nouveaux acteurs nucléaires, mais la prolifération sème surtout le trouble au cœur de notre dissuasion. Enfin, les attentats du 11 septembre 2001, dans la mesure où ils entraînent la France dans la lutte armée contre le terrorisme, marquent un tournant dans linterventionnisme militaire de notre pays abonné depuis la fin de la Guerre froide aux opérations extérieures : lingérence humanitaire cède la place à limpératif sécuritaire. Plus généralement, les modalités de la lutte contre le terrorisme, viennent souligner combien, dans notre monde décloisonné, les frontières entre sécurité intérieure et extérieure ont tendance à seffacer. La gestion des conflits et des crises implique le plus souvent une mixité des réponses civiles et militaires qui remet forcément en question la fonction traditionnelle de défense. La défense française est alors confrontée à une obligation de refondation doctrinale et de transformation de son outil militaire.