Le monde vivant de Green Eugène

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Extrait

Le monde vivant

de EugËne Green FICHE FILM Fiche technique

France - 2003 - 1h15

RÈalisation & scÈnario : EugËne Green

Image : RaphaÎl OÕByrne

Montage : Cheng Xiao Xing Benoit De Clerck

RÈsumÈ Textesde soutien de lÕACID InterprËtes : Christelle Prot Un ogre, pas trËs bien rasÈ, avec deuxCertains films nous plombent, dÕautres (PÈnÈlope) enfants vivants dans son garde-manger,nous allËgent. Les premiers ferment le veut rÈpudier son Èpouse - qui nÕest pasmonde, cadrent la vie pour mieux la Alexis Loret une ogresse - pour se marier avec unesÈquestrer et lui couper les ailes, dÕautres (Le Chevalier au lion) demoiselle quÕil tient captive dans une cha-ouvrent grand le champ, Èlargissent notre Adrien Michaux pelle. regard,lui offrent un nouvel horizon. Et ce Deux chevaliers partent pour le combattre :paysage lointain, par la gr‚ce de la mise en (Nicolas) lÕun a un lion, lÕautre pas, et tous deux por-scËne, lÕÈlÈgance du propos, en un mot un LaurËne Cheilan tent des pantalons en toile de GÍnes ‡ lasens de la beautÈ, nous semble toujours (la demoiselle de la mode de NÓmes. Cette histoire, qui seavoir ÈtÈ proche. Tel un ami qui nous passe de nos jours, est dÕune br˚lantesouffle lÕespoir. Chapelle) actualitÈ É Le Monde Vivantest de ceux-l‡, cÕest donc un film rare. Oui, il repousse les frontiËres. Il impose son style, son Ècriture. Plan aprËs plan, il Un court MÈtrage, dÈsarme les sceptiques, il fait taire le nihi- Le Nom de feu, lisme ambiant. De son silence, de sa dÕEugËne Greenest proje- rigueur, de sa folie, naÓt un chant dÕamour. Il faudrait Ítre imbÈcile pour ne pas lÕÈcou- tÈ avant la sÈance. ter. Que nous dit cette mÈlodie qui prend sa source dans le conte et les codes du Moyen Age ?

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D O C U M E N T S

Voir, cÕest croire.plaisir dÕÈcouter les mots, les phrases Critique Un jeune homme en rencontre un autreentrelacÈes comme des musiques, le accompagnÈ dÕun chien. Il se dit ´le che-raffinement du verbe, dans le film Tout commence par un lit bien fait, au valier au lionª. Du chevalier, il nÕa quedÕEugÈne Green tout a commencÈ fond d'une chambre vide, une fenÍtre lÕÈpÈe. Du lion, le chien nÕa que lÕanima- comme Áa pour moi. Oui, le chien est un ouverte sur la nature. Des voix en off, litÈ. Mais cÕest sous-estimer le pouvoirlion, oui le lion peut pleurer et un arbre celles des parents, constatent la dispari- de la Parole. La Parole nomme, doncÍtre une femme. Oui il y a encore du tion, probablement dÈfinitive, de dÈlivre lÕessence aux choses. Vous voyezplaisir ‡ un imaginaire dÕun autre temps. Nicolas. un chien, la Parole le baptisÈ en lion.Bien s˚r le rÈalisateur nous aide ‡ Nicolas s'est ÈchappÈ vers un monde DËs lors, le labrador est lion, parce queatteindre ce monde l‡ en y glissant merveilleux de forÍts magiques, de cha- vous le voyez ainsi, et ‡ chaque foisquelques signes de notre temps, les per- pelles et de ch‚teaux forts. VÍtu d'un quÕapparaÓtra le chien, vous verrez unsonnages sont habillÈs comme vous et jean et d'une chemise bleue, il croise lion. Il nÕy a eu aucun effet numÈrique,moi, certains mots sonnent brutalement sur son chemin le Chevalier au lion, aucune technique, aucune virtualitÈ, il ycomme dans une rue du 21Ëme siËcle pareillement accoutrÈ. Dans un film a eu la puissance de la Parole dans lepourtant dÕautres rËgles mËnent le jeu, muet, le Chevalier aurait ÈtÈ rÈduit ‡ champ visible. Premier miracle.les rËgles de la chevalerie, les figures cette apparence, un promeneur du Croire, cÕest renaÓtre.de lÕenfance, lÕenfance des mots. CÕest dimanche, affublÈ d'une ÈpÈe ‡ la cein- Une demoiselle dans une chapelle esttroublant, lorsque nous reconnaissons ture, accompagnÈ d'un labrador. Mais destinÈe ‡ devenir la deuxiËme Èpouseun mot de notre monde tout de suite le comme chez Proust (Nom de pays : le dÕun ogre. Deux chevaliers partent pourrire arrive, lÕincongruitÈ de cette intru- pays), comme dans les jeux d'enfants combattre la bÍte cannibale, lÕun estsion nous permet de go˚ter encore plus aussi ("On dirait que tu serais mort"), notre chevalier au lion. Il pÈrira. Il renaÓ-le raffinement dÕune tournure de phrase, l'essence des Ítres est ici dans leur tra. L‡ encore cÕest gr‚ce au pouvoir dedÕune intonation de ce langage ancien nom. Le verbe crÈateur convoque ‡ lui la Parole. Cette fois elle prend le visageen voie de disparition. LÕÈlÈgance du seul l'univers fabuleux de ChrÈtien de dÕune femme. Ce monde vivant qui´monde vivantª nÕest pas uniquement Troyes. "Je suis le chevalier au lion", dit sÕexprime en chaque chose, en chaqueverbale, elle est aussi visuelle. LÕimage le Chevalier ‡ Nicolas, qui lui rÈpond : Ítre, qui fait quÕun arbre parle ouest toujours simple, rudimentaire et gra- "En effet, donc cet animal est un lion." saigne, affirme ici sa prÈsence par lacieuse. Comme sont gracieuses ces DansLe Monde vivant, comme dans petite flamme dÕune chandelle. Du fondmains qui se touchent, ce chevalier qui Le Nom du feu, "mini-film" qui le prÈ- de lÕobscuritÈ approche une femmeentre dans le ch‚teau. Les rÈsolutions cËde, fiction autour d'un loup-garou sur (lÕÈpouse de lÕogre). Deux mains sÕÈtrei-sont magiques parce que si simples, la le thËme de la parole comme fondement gnent, lÕune revient de la mort.simplicitÈ est source de poÈsie et Áa de l'humanitÈ, on retrouve les ÈlÈments DeuxiËme miracle, il se nomme lÕamour.nÕÈchappe pas ‡ EugËne Green. du systËme mis en place par l'auteur RenaÓtre, cÕest Ítre vivant, deux foisSon ´monde vivantª nous transmet la dansToutes les nuits, son premier vivant : un pied dans le monde visible,passion dÕun monde o˘ le geste est tou- film. Les quatre mÍmes acteurs princi- un autre dans le monde invisible. Voir,jours suspendu pour Ítre mieux saisi, un paux (deux dansLe Nom du feu) sont cÕest faire exister le plan, et le hors-monde de la posture, de la peinture. De liÈs entre eux par le mÍme systËme de plan. …couter, cÕest entendre aussi lÕindi-la confrontation avec notre monde relations (permanence des couples et de cible. DansLe Monde Vivant, on voitmonte une terrible nostalgie et cette l'amitiÈ entre les deux garÁons). double et on rit aussi aux Èclats. EugËnequestion : o˘ se niche aujourdÕhui cet Les plans sur les pieds inscrivent les Green montre un humour radical, saisis-imaginaire qui prend en compte tous les corps dans le monde matÈriel, ceux des sant, jouant de lÕanachronisme etÈlÈments, de la pierre ‡ lÕanimal en pas- visages dans le spirituel. Une diction dÕeffets de dÈcalage ravageurs.sant par lÕhomme ? AujourdÕhui quels exagÈrÈment littÈraire, qui n'Èpargne AujourdÕhui, ce film nous vient commemots, quelles images doivent Ítre inven- aucune liaison, engendre un univers fic- un don. Il est un encouragement au bon-tÈs pour nous donner les rËgles du jeu ? tionnel continu o˘ les personnages sont heur de filmer et ‡ la rÈsistance faceMarie Vermillard. des figures mythiques et o˘ le besoin aux puissances des faux.http://www.lacid.org d'explication s'efface au profit de la Pierre Schoeller croyance. Dans l'instant qu'il faut pour le prononcer, le prÈnom PÈnÈlope, par exemple, que porte la femme de l'ogre, Le plaisir de croire, de se faire croire, le qui tricote et dÈtricote des pulls pour

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ses futurs enfants, condense l'ÈternitÈ. Investis de la mÍme mission, Nicolas et le Chevalier doivent libÈrer de l'Ogre la Demoiselle de la chapelle. Pour rompre le lien sacrÈ qui les unit, celui d'une parole donnÈe, il faut tuer le monstre. Force de mort, l'Ogre parle ‡ peine et n'est reprÈsentÈ que par fragments (un pied, une massue, le sang qui gicle pen- dant le combat) ou par son absence, comme dans la scËne de l'enlËvement des deux enfants. Un premier plan les montre tous deux dans un duel acharnÈ, tirant chacun sur une extrÈmitÈ d'une corde. Dans le suivant, seule la corde figure encore. AbandonnÈe dans l'herbe, elle atteste ‡ la fois de la mÈmoire, encore palpitante, de leur prÈsence et de la brutalitÈ de leur enlËvement. L'univers tÈnÈbreux de l'ogre, dans lequel rÈsistent les forces lumineuses, est reprÈsentÈ par des plans construits comme des vanitÈs baroques (fond noir, bougie, table monastique, visage Èclai- rÈ). En faisant de la parole le lieu d'une vÈri- tÈ transcendante, EugËne Green rÈaffir- me une croyance dans le cinÈma parlant dont le maniÈrisme avait fait son deuil. (É) Isabelle Regnier

Le Monde -26 novembre 2003

Dans son essaiLa Parole baroque, EugËne Green dÈtaillait les modes de l'Èloquence thÈ‚trale au XVIIe siËcle. ´C'Ètait, Ècrit-il, pour l'acteur une "tech- nique" ‡ maÓtriser, et pour le public une "difficultÈ" ‡ surmonter, qui "Èloignait" le texte du prÈsent matÈriel pour le faire entrer dans un autre prÈsent, o˘ se dÈvoilait, dans la rÈalitÈ de la langue, le sens vÈritable de la reprÈsentation.ª La frontalitÈ des acteurs et l'Ènergie de leur parole, avec des types d'intonation des mots et de liaisons trËs particuliers, n'ont cessÈ de tarabuster EugËne Green

tout au long d'une carriËre dramatur- gique avec la troupe qu'il avait crÈÈe - le ThÈ‚tre de Sapience - et qu'il a fini par abandonner pour se consacrer au cinÈ- ma. Dans ses films, les acteurs, troupes aux joues fraÓches (Alexis Loret, Adrien Michaux, Christelle Perrot et LaurËne Cheilan), Ènoncent d'une voix blanche des dialogues marquÈs du seing altier de ces recherches. NÈ aux Etats-Unis, Green a dÈfinitive- ment quittÈ son pays d'origine en 1968. AprËs des sÈjours en Allemagne et ‡ Prague, il s'installe ‡ Paris. Il ne rÈalise- ra son premier long mÈtrage,Toutes les nuits, inspirÈ par laPremiËre Education sentimentale de Flaubert, que tardivement, en 2001, se dÈcidant ‡ envoyer le scÈnario au Centre national du cinÈma aprËs avoir dÈcouvert que Jacques Rozier, cinÈaste qu'il admire, venait d'Ítre nommÈ prÈsident de la commission d'avance sur recettes. Les difficultÈs ‡ monter ses projets poursui- vent Green. De mÍme qu'il fut long- temps en butte ‡ l'incomprÈhension du milieu thÈ‚tral, voire de son propre entourage, une amie, comme il le racon- te, le traitant de ´pÈdant rÈactionnaireª parce qu'il a la manie de naturaliser les noms Ètrangers (il dit ´Vin VendȪ pour Wim Wenders, il faut donc dire ´EugËne Granª), c'est au tour de son nouveau projet le Pont des Arts, second long mÈtrage, d'Ítre ajournÈ faute de finan- cement. Il tourne alorsLe Monde vivant, film d'une heure et quinze minutes. Exotisme de la langue, difficul- tÈ ‡ se faire comprendre, le parcours hors cadre, ‡ marche forcÈe, d'EugËne Green, s'il a sa cohÈrence sÈditieuse, n'est pas si rÈcalcitrant que Áa aux temps prÈsents. Puisant la matiËre de son rÈcit aux sources du fabliau et du conte,Le Monde vivantrelate comment le Chevalier au lion veut combattre un ogre qui veut rÈpudier son Èpouse pour se marier avec une demoiselle qu'il tient captive dans une chapelle. (É) Ce n'est qu'un dÈbut, la suite jonglera encore

avec tous les possibles et tous les niveaux de langue. Il y a un enfant au congÈlateur, de la bave de limace, des serments courtois et une rÈsurrection, un pont-levis, des arbres concupiscents, une campagne somptueuse, des torches dans la nuitÉ On ne sait plus faire le dÈpart du vrai et du faux, de la distance facÈtieuse et de l'adhÈsion mystique, du fait et du rÍve. Le film s'amplifie, du jeu de rÙles mÈdiÈval ‡ l'Ètude d'un conflit trËs ancien, la crise ou la tension entre l'exprimÈ et l'inexprimable et la maniËre dont le cinÈma conspire ‡ organiser en une sorte de communautÈ magique les choses du visible et leur revers immatÈ- riel. ´L'art du conteur consiste pour moitiÈ ‡ savoir rapporter une histoire sans y mÍler d'explicationsª, Ècrivait Benjamin ;Le Monde vivantfait feu de tout bois en se gardant bien de dire qui souffle sur les flammes. (É) Didier PÈron LibÈration 26 novembre 2003

L'avis de la presse

L'HumanitÈ - EmileBreton (...) Le plus merveilleux ici, c'est le sÈrieux avec lequel sont traitÈs ces contes de fÈes. SÈrieux non dÈnuÈ d'un humour qui n'est jamais, bien au contraire, prise de distance ou ironie, mais face ‡ face du cinÈaste avec ce qui appartient ‡ un autre monde que celui que le cinÈma a pour vocation d'enregis- trer : le " rÈel ".

Aden - PhilippePiazzo (...) …tonnante crÈation cinÈmatogra- phique dont l'ÈlÈment fondateur est le jaillissement de la parole.

Figaroscope - Marie-NoÎlleTranchant EugËne Green donne ‡ ce rÈcit lÈgendai- re la force de l'Èvidence. Tout a un Èclat

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et une fraÓcheur merveilleux, dans ce "monde vivant" animÈ par des Ènergies naturelles et des souffles surnaturels. Tout respire et tout palpite, drÙle, imprÈ- vu, gracieux. Le charme opËre.

TÈlÈCinÈObs - ElodieLepage Le Monde Vivants'attaque ‡ un sujet tout bonnement Ènorme : celui de la reprÈsentation cinÈmatographique. Et rappelle (...) que le cinÈma n'est qu'une question de convention (...) De faÁon assez Ètonnante, la dÈmonstration se rÈvËle ‡ la fois loufoque, poÈtique et efficace.

Les Inrockuptibles- AmÈlieDubois EugËne Green n'impose pas son monde, son film est plutÙt une proposition, celle de se prendre au jeu, proche d'une invi- tation ‡ danser un menuet malicieux qui intervertirait les partenaires et ferait ainsi alterner les couples.

Le Figaro- DominiqueBorde (...) petit film dÈconcertant, pur et puris- te, qui ressemble ‡ un essai d'amateur pour atteindre au plus profond d'une narration vraie, au plus palpitant de l'in- vention (...) ExpÈrience dÈroutante et envo˚tante !

TÈlÈrama - FranÁoisGorin (...) une spontanÈitÈ poÈtique fruit non du hasard mais d'un travail tout ‡ fait concertÈ, unique en son genre (...) EugËne Green entretient avec le cinÈma le mÍme rapport que ses jeunes gens avec l'objet de leur flamme : passionnÈ et courtois.

Chronic'art - Jean-PhilippeTessÈ Le Monde vivant, rÈcit picaresque minimaliste en forme de conte mÈdiÈval, poursuit sur un mode trËs ludique la rÈflexion sur quelques fondamentaux de l'expression cinÈmatographique (l'incar- nation, la parole, la croyance).

Cahiers du cinÈma Jean-Philippe TessÈ TÈmoin d'un cinÈma de pure croyance, le film d'EugËne Green avance selon une ligne de conduite tÍtue : Èthique de la discussion, Èloge de l'accord verbal filmÈ jusque dans ses extrÍmitÈs les plus sacralisÈes - la promesse tenue d'une rÈsurrection, ‡ la condition de croire davantage au verbe qu'‡ la chair - s'y dÈploient sur un mode joyeusement volontariste.

MCinÈma.com - OlivierPÈlisson (...)Le Monde vivantpeut ennuyer ou agacer les spectateurs en attente d'ac- tion et de magie merveilleuse. Soit on marche, soit on saute en cours de route. A vous de voir.

L'Express - EricLibiot Bressonien en diable, rohmÈrien tendan- cePerceval le Gallois,Le Monde vivantest un conte galant, avec des hÈros en jeans, un lion jouÈ par un chien, des comÈdiens au timbre plat, des cadres magnifiques, des pÈripÈties minimales. On est agacÈ de bout en bout, mais aussi admiratif de l'espace de libertÈ que s'est octroyÈ EugËne Green.

PremiËre - SophieGrassin La distanciation dont font preuve les quatre acteurs ainsi que le recours quasi systÈmatique aux plans fixes peuvent laisser (trËs, trËs) froid, mais l'humour du texte - et ses imparfaits du subjonctif casse-gueule - fait parfois mouche.

Filmographie

Toutes les nuits, 2001 Le monde vivant, 2003

Documents disponibles au France

Revue de presse importante Cahiers du CinÈma n∞580, 584 Positif n∞509/510, 514 CinÈastes n∞11 Fiches du CinÈma n∞1725

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